II. ENCOURAGER L'ACCESSION SOCIALE À LA PROPRIÉTÉ

La loi solidarité et renouvellement urbains, votée en 2000, prévoit que les communes de plus de 3 500 habitants, près de 1 400 communes au total, doivent avoir sur leur territoire au moins 20 % de logements sociaux.

Le texte propose de comptabiliser dans les 20 %, pendant cinq ans à partir de leur financement, les logements neufs destinés à être achetés par des personnes ayant de faibles revenus

En favorisant l'accès populaire à la propriété, le projet de loi porte un message politique clair : la propriété ne doit pas rester le privilège des classes moyennes et des hauts revenus. Il affirme que l'accroissement du taux de personnes propriétaires, plus encore parmi les ménages disposant de faibles revenus, constitue un progrès social.

Car c'est bien sur cette question que se joue le débat relatif à la comptabilisation des logements sociaux prévue par l'article 55 de la loi solidarité et renouvellement urbains. Le but de cet article était de contraindre les communes à accueillir, parmi leur population totale, au moins 20 % de personnes ayant des revenus modestes. Le projet de loi ne change rien à ce cas de figure sauf à considérer qu'un ménage est riche dès qu'il devient propriétaire, même si ses revenus restent inférieurs au plafond HLM et qu'il est endetté pour les quarante prochaines années.

N'est-il pas singulier d'apprécier que des personnes dotées de revenus équivalents, qui font souvent les mêmes métiers, puissent être déclarées « pauvres » quand elles choisissent d'être locataires et « riches » quand elles préfèrent essayer de devenir propriétaires ?

Le projet de loi répond à cette question sans ambiguïté : elle fait le choix d'appliquer la règle des 20 %, non pas en fonction du statut de propriétaire ou de locataire de l'occupant mais en fonction de son niveau de revenus. À partir du moment où une commune favorise, par des programmes d'accession sociale à la propriété et/ou de construction de logements HLM, l'installation de ménages à revenus modestes sur son territoire, elle remplit son devoir de mixité sociale.

III. LUTTER CONTRE L'HABITAT INDIGNE DANS LES QUARTIERS ANCIENS DÉGRADÉS

Le plan national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQA) est un plan ambitieux de huit ans qui répond à une attente déjà exprimée par le Sénat et découle naturellement des projets menés dans les centres villes dans le cadre du programme national de rénovation urbaine (PNRU). Plutôt que d'assigner de nouveaux objectifs au PNRU, le texte fait le choix de créer une structure spécifique, ce qui paraît une réponse adaptée aux problèmes posés par la dégradation des quartiers anciens. La création du nouveau programme permet en effet au PNRU de se concentrer sur ses objectifs initiaux et de mobiliser de nouveaux acteurs pour prendre en compte la situation spécifique des quartiers anciens dégradés : aux côtés de l'agence nationale de la rénovation urbaine (Anru) dont l'efficacité a été prouvée dans le cadre du PNRU, la structure de la propriété immobilière dans ces quartiers impose de donner une place centrale à l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (Anah) dans tout projet de requalification. En effet, les quartiers centraux dégradés se caractérisent par un taux élevé d'occupation par des propriétaires à bas ou très bas revenus ; la réhabilitation de ces logements doit donc se négocier au cas par cas. Il convient notamment de rendre habitable le nombre important de logements vacants appartenant à des particuliers. La conjugaison des actions de l'Anah et de l'Anru permettra donc d'associer des actions sur l'habitat privé avec la destruction des îlots d'habitat insalubre et la reconstruction, dans le cadre d'une politique d'aménagement, de nouveaux espaces publics.

La revitalisation économique est aussi une composante importante de la requalification des quartiers anciens et le plan national prévoit donc la participation du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac) qui interviendra au travers de l'établissement public d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Epareca). A partir de l'indicateur de parc privé potentiellement indigne qu'elle a élaboré en commun avec d'autres institutions publiques, l'Anah estime que 43 communes sont concernées à des degrés divers en Ile-de-France et 258 en province. Le plan national proposé par le Gouvernement se concentrera sur le tiers de ces communes dont l'habitat est le plus dégradé. Les besoins correspondant ont été estimés à 9 milliards d'euros sur la période 2009-2016, dont 2,5 milliards financés par l'Etat sur des fonds de la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC ou « 1 % logement ») qui se trouve ainsi plus nettement intégré dans la politique définie par le Gouvernement en matière de logement. Le montage financier total du programme demandera un effort très important de la part des collectivités locales, des propriétaires et des investisseurs privés.

Rénover les quartiers anciens dégradés, situés le plus souvent en centre ville, est un moyen de permettre la mixité sociale par le retour des classes moyennes. La réhabilitation de logements vides et la destruction d'îlots d'habitat insalubre permettent l'arrivée de nouveaux ménages sans qu'ils en remplacent d'autres. Toutefois, il importe d'éviter que la requalification conduise à une « gentrification » , terme inventé par la sociologue britannique Ruth Glass au début des années soixante pour dénoncer l'éviction des ménages les plus pauvres des quartiers reconstruits de Londres. En effet, une augmentation des loyers, en raison de l'amélioration du confort du bien ainsi que du prix du foncier, empêche l'accès des revenus les plus modestes et encourage les propriétaires âgés à vendre. De surcroît, les quartiers anciens dégradés se caractérisent par une part importante d'occupants sans titre de lieux abandonnés (ainsi l'ancien patrimoine industriel) ou insalubres. Le relogement de ces populations, problème rendu parfois plus compliqué encore en cas de présence illégale sur le territoire national, est particulièrement complexe mais fait partie intégrante d'une approche globale du problème de la requalification des quartiers centraux.

Tout en soutenant le programme ambitieux de requalification proposé par le projet de loi, votre commission sera donc très vigilante sur les garanties apportées en faveur de la mixité sociale.

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