Avis n° 48 (2008-2009) de M. Serge DASSAULT , fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 octobre 2008

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N° 48

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009

Annexe au procès-verbal de la séance du 22 octobre 2008

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE , en faveur des revenus du travail ,

Par M. Serge DASSAULT,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Alain Lambert , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, Henri de Raincourt, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

1096 , 1106 , 1107 , 1108 et T.A. 187

Sénat :

502 (2007-2008) et 43 (2008-2009)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi du projet de loi en faveur des revenus du travail 1 ( * ) , adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence.

Celui-ci a été renvoyé au fond à la commission des affaires sociales. Votre commission des finances s'est saisie pour avis des dispositions suivantes afin d'en examiner l'impact éventuel sur l'équilibre des finances publiques :

- l'article 1 er met en oeuvre un crédit d'impôt en faveur de l'intéressement et l' article 2 modifie les règles de blocage de la participation ; notre commission des finances s'était déjà saisie pour avis des dispositions relatives à l'épargne salariale dans le cadre de l'examen du projet de loi pour le pouvoir d'achat 2 ( * ) ;

- les articles 4 et 5 modifient les conditions d' exonérations générales de cotisations sociales pour les entreprises qui ne respecteraient pas l'obligation de négociation annuelle obligatoire (NAO) et pour les branches professionnelles dont le premier niveau de la grille salariale demeure inférieur au SMIC ;

- s'agissant par ailleurs des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale, l' article 2 quater (nouveau) relatif à l'épargne salariale dans les entreprises publiques consolide et tend à élargir les mécanismes de participation et d'intéressement dans les entreprises publiques.

Ce projet de loi s'inscrit dans le programme du Président de la République de revalorisation de la valeur travail et d'amélioration du pouvoir d'achat des Français. Il vient compléter une série de réformes initiée par la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, qui s'est poursuivie par l'adoption de la loi n° 2008-111 du 8 février 2008 pour le pouvoir d'achat, puis de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.

Il s'agit, par un ensemble de leviers s'appuyant sur le développement de l'intéressement et de la participation mais aussi sur la hausse des salaires , d'apporter une réponse supplémentaire aux Français pour revaloriser les revenus de leur travail.

Toutefois, si ce projet de loi n'engage pas de dépenses budgétaires directes , dans la mesure où l'effort demandé par le gouvernement relève de la politique salariale des entreprises, l'incitation fiscale attachée au crédit d'impôt en faveur de l'intéressement représente une perte de recettes pour l'Etat évaluée entre 800 millions d'euros et 1,2 milliard d'euros .

En outre, un nouvel élan doit être donné à la participation, pour donner plus de substance au présent projet de loi . Tel est le sens de l'amendement proposé par votre commission des finances portant article additionnel après l'article 2, tendant à retenir comme base de calcul de la réserve spéciale de participation la règle « des trois tiers » (un tiers du bénéfice aux salariés sous forme de participation, un tiers aux actionnaires percevant des dividendes de l'entreprise, et un tiers pour les investissements). Une telle formule est plus simple et plus lisible.

Enfin, les dispositions qui tendent à encourager une revalorisation des salaires font peser des contraintes supplémentaires sur la compétitivité des entreprises sans que, à son appui, un chiffrage ne soit présenté quant aux gains espérés en termes de pouvoir d'achat pour les salariés.

*

* *

Dans un contexte économique fortement marqué par la crise financière et les incertitudes pesant sur les perspectives de croissance, votre commission des finances examine donc avec la plus grande vigilance toute mesure nouvelle qui aggraverait encore le déficit et la dette publics .

A cet égard, votre rapporteur pour avis rappelle la préconisation, qu'il émet, à titre personnel , avec constance, tendant à une refonte globale et systémique du système de financement de la sécurité sociale . Par l'introduction, dans le secteur marchand, d'un prélèvement assis sur le chiffre d'affaires diminué des rémunérations, le « coefficient emploi-activité » réduirait, voire supprimerait les charges sur salaire, favoriserait les entreprises de main d'oeuvre et apporterait un nouveau mode de financement de la sécurité sociale plus simple et soutenable, sans charge pour l'Etat.

Dans cette perspective, il continue à appeler de ses voeux un mouvement de réduction de la charge que représente pour les finances publiques les allègements généraux de cotisations sociales. Aussi, il considère que l'efficacité des allègements généraux de cotisations sociales au regard de la politique de l'emploi doit faire l'objet d'une évaluation car en quinze années de mise en oeuvre, les exonérations générales de cotisation sociales auront représenté plus de 200 milliards d'euros au total . Les dernières projections, établies dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, indiquent que ces montants devraient atteindre 22,8 milliards d'euros en 2008 et 23,4 milliards d'euros en 2009 .

I. UN NOUVEAU CHAMP POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L'INTÉRESSEMENT ET DE LA PARTICIPATION

Le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale propose un nouveau cadre incitatif au développement de la participation et de l'intéressement, alors que les salariés des petites et moyennes entreprises, d'une part, les agents publics, d'autre part, restent largement exclus du champ de l'épargne salariale.

Tout en approuvant les dispositifs proposés aux 2 et 2 quater , votre rapporteur pour avis estime nécessaire de compléter ces mesures par cinq amendements portant articles additionnels après les articles 2 et 2 nonies et elle propose de supprimer l'article 1 er .

A. LA CRÉATION D'UN CRÉDIT D'IMPÔT EN FAVEUR DE L'INTÉRESSEMENT (ARTICLE 1ER)

1. Une nouvelle mesure fiscale incitative au développement de l'intéressement

L'article 1 er vise à créer un nouveau dispositif fiscal incitatif au développement de l'intéressement, afin de doubler le montant des sommes distribuées à ce titre entre 2008 et 2012.

Le crédit d'impôt pour les entreprises qui mettraient en place un accord d'intéressement correspondrait à :

- 20 % des primes versées en cas de premier d'accord d'intéressement ;

- 20 % de la différence entre la moyenne des primes versées au titre de l'accord précédent et les primes versées au titre du nouvel accord.

Par ailleurs, la possibilité de bénéficier du crédit d'impôt est également prévue :

- en cas de signature d'un avenant à un accord en cours à la date de la publication de la présente loi ;

- pour les entreprises qui auront un accord, ou un avenant à un accord, entre la date de publication de la présente loi et le 1 er juin 2009, dans l'hypothèse du versement d'une prime collective de 1.500 euros.

Dans le texte initial du projet de loi, le dispositif proposé doit s'appliquer pour une durée de six ans, un rapport d'évaluation devant être présenté au Parlement en 2014, après un premier bilan d'étape en 2010.

Le coût des mesures proposées est évalué entre 800 millions et 1,2 milliard d'euros par an.

2. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Avec l'avis favorable de la commission et du gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté neuf amendements et sous-amendements au présent article :

- six amendements rédactionnels, de conséquence ou de précision, sur l'initiative de notre collègue député Gérard Cherpion, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles ;

- deux amendements et un sous-amendement complétant l'évaluation du dispositif : un premier amendement, présenté par notre collègue député Louis Giscard d'Estaing, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, prévoit que l'évaluation soit à l'initiative du Parlement, afin de tirer les conséquences de la récente révision constitutionnelle ; à l'initiative de notre collègue député Christian Eckert, un second amendement, sous-amendé par notre collègue député Gérard Cherpion, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, prévoit un rapport d'étape pour l'évaluation du dispositif avant le 30 juin de chaque année.

3. La position de votre commission des finances : supprimer cet article

L'intéressement a connu dans la période récente une croissance dynamique : entre 2002 et 2007, les sommes versées chaque année à ce titre sont passées de 4,4 milliards d'euros à 6,5 milliards d'euros.

Votre rapporteur pour avis tient toutefois à rappeler que votre commission des finances exprime par principe des réserves quant au mécanisme du crédit d'impôt, qui se cumulera avec les incitations fiscales et sociales déjà existantes, dans un contexte de situation dégradée de nos finances publiques .

Un coût évalué à environ 1 milliard d'euros est particulièrement élevé.

Votre commission des finances vous propose donc d'adopter un amendement de suppression de l'article 1 er .

B. CONFORTER LA PARTICIPATION AUX RÉSULTATS DE L'ENTREPRISE

1. Une liberté de « non-blocage » du flux de la participation (article 2)

a) Une liberté de choix offerte au salarié

L'article 2 du projet de loi propose d'instituer une nouvelle règle de disponibilité des droits des salariés dans le cadre du système de la participation .

Le projet de loi introduit un élément de souplesse dans le dispositif de la participation aux résultats de l'entreprise. Hormis les cas de déblocage anticipé prévus à l'article R. 3324-22 du code du travail, les droits acquis au titre de la participation sont, selon le droit en vigueur, indisponibles pendant cinq années à compter de l'ouverture de ces droits, en cas de signature d'un accord de participation, ou de huit années, dans le cas contraire.

Il sera désormais possible au salarié de bénéficier d'une disponibilité immédiate de ses droits nouvellement acquis . En conséquence, il pourra choisir de ne pas procéder à l'une des deux modalités d'affectation de ses nouveaux droits que sont, depuis 2006 3 ( * ) , soit le placement sur un compte ouvert en application d'un plan d'épargne salariale, soit le placement sur un compte que l'entreprise doit consacrer à des investissements. L'indisponibilité des sommes constituant la contrepartie de l'avantage social et fiscal accordé, la perception immédiate des droits sera soumise à l'impôt sur le revenu.

Le présent article met en place une faculté de « non-blocage » plutôt qu'un déblocage des droits. En effet, il ne concerne pas l'ensemble des droits constitués au profit des salariés antérieurement à la publication de la présente loi. Il vise le stock et non le flux.

Corrélativement, il ne remet pas en cause les dispositions relatives au « déblocage anticipé » , c'est-à-dire à la liquidation du stock des droits acquis avant l'expiration du délai d'indisponibilité à l'article R. 3324-22 précité du code du travail. Ces cas, au nombre de neuf, visent des situations exceptionnelles telles que le mariage, le licenciement ou le divorce. Ces modalités de déblocage sont différentes car leur caractère exceptionnel ne remet pas en cause les avantages fiscaux et sociaux acquis.

b) Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
(1) Alignement de la période de blocage du régime d'autorité sur celui de droit commun

L'Assemblée nationale a adopté un amendement de notre collègue député Gérard Cherpion, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, afin d'aligner la période de blocage du régime dit d'autorité de l'article L. 3323-5 du code précité, sur celle du régime de droit commun, en la réduisant de huit à cinq ans.

En effet, l'article L. 3323-5 prévoit actuellement la mise en place d'un régime dit d'autorité, en l'absence de la signature d'un accord de participation dans un délai d'un an suivant la clôture de l'exercice au titre duquel sont nés les droits. La période de blocage des avoirs est alors de huit années, et non de cinq ans comme pour les autres accords de participation.

(2) Extension du principe de libre choix entre versement immédiat et blocage au régime dit d'autorité

L'Assemblée nationale a adopté un autre amendement de notre collègue député Gérard Cherpion, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, qui a pour objet d'étendre au régime d'autorité la nouvelle possibilité pour le salarié de choisir entre la disponibilité ou l'indisponibilité des nouveaux droits acquis, à compter de la publication de la loi. Cette disposition répare une omission, puisque le projet de loi n'abordait pas les dispositions du régime d'autorité.

(3) Précision quant à la portée de la disponibilité des droits

Sur l'initiative de notre collègue député Gérard Cherpion, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de précision 4 ( * ) disposant que la demande du salarié ne pourra être présentée qu'à l'occasion de chaque versement effectué au titre de la répartition.

(4) Blocage des sommes affectées au titre d'un régime dérogatoire pour la portion supérieure à la réserve spéciale.

Enfin, sur l'initiative, d'une part, de notre collègue député Sébastien Huyghe et plusieurs de ses collègues et, d'autre part, celle de notre collègue député François Cornut-Gentille, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements identiques, relatifs aux régimes de participation dérogatoires au droit commun en application de l'article L. 3324-2 du code du travail. Ces régimes issus de la négociation collective s'avèrent être plus généreux que celui de droit commun. Les amendements ainsi adoptés permettent de maintenir la règle de l'indisponibilité des droits pour la partie des droits acquis supérieurs à ceux issus de la réserve légale.

c) Les appréciations de votre rapporteur pour avis

Votre rapporteur pour avis est favorable à l'adoption de l'article 2, sous réserve des corrections techniques proposées au paragraphe d).

Le choix de non-blocage du « flux » de la participation, ainsi accordé aux salariés, constitue un véritable avantage en termes de liberté et de revenus.

Il conduira chaque salarié à arbitrer entre disponibilité immédiate et blocage de ses droits, selon sa situation particulière. Votre rapporteur pour avis souligne qu'il ne s'agit donc pas d'opposer pouvoir d'achat immédiat et pouvoir d'achat différé, mais de revenir à l'esprit de la participation qui est de permettre au salarié de participer aux bénéfices de l'entreprise auxquels il a contribué . Il revient au salarié de décider annuellement de l'affectation de ses nouveaux droits, en fonction de ses propres besoins et contraintes, ce que l'Etat ne saurait faire.

En outre, une telle liberté ne devrait pas avoir de conséquences négatives sur la marge d'action financière des entreprises .

Tout d'abord, la portée de ce droit proposé à l'article 2 est limitée comme on l'a vu, au flux de la participation. Selon les statistiques 5 ( * ) , en termes de « stock », de la Direction de l'Animation de la Recherche, des Etudes et des Statistiques (DARES), le montant moyen des sommes versées en 2006 au titre de la participation à 5,2 millions de bénéficiaires s'élevait à 1.373 euros (soit 4,8 % de la rémunération de ces salariés) .

En outre, il est difficile d'évaluer précisément la proportion de salariés qui exercera ce nouveau droit ainsi que les montants concernés dans un contexte économique de crise financière, affectant la part aléatoire des salaires basées sur les bénéfices de l'entreprise et dépendant également de l'évolution du cours des actions.

Cependant, il est possible de se référer, à titre indicatif, aux observations portant sur l'intéressement, dont le régime en vigueur, autorise le salarié à choisir entre la perception immédiate des droits acquis ou l'affectation et le blocage pendant cinq années. Or, 40 % en moyenne des sommes entrant dans le champ de l'intéressement demeurent bloquées.

De surcroît, votre rapporteur pour avis souligne que l'harmonisation des modes de perception entre participation et intéressement, disponibilité immédiate ou blocage, ainsi proposée ne brouille pas la frontière entre les deux dispositifs d'épargne salariale .

Les deux régimes procèdent, en effet, de finalités et de modalités différentes. La participation constitue un droit pour les salariés de percevoir une partie du bénéfice auquel ils ont contribué. L'intéressement, en revanche, peut reposer sur des critères autres que financiers.

S'agissant des modifications adoptées par l'Assemblée nationale , et plus particulièrement du maintien de l'indisponibilité de la partie des sommes supérieure au montant de la réserve spéciale et versées au titre d'un accord collectif plus favorable aux salariés, votre rapporteur pour avis souligne l'effet bénéfique d'une telle mesure en matière de pérennité de l'actionnariat salarié de l'entreprise et d'incitation à conclure des accords de participation plus généreux que le droit commun. En outre, le salarié conservera le nouveau droit à disponibilité, s'agissant des droits à la participation dite légale.

Par ailleurs, votre rapporteur pour avis se déclare favorable à l'extension du principe de libre choix entre versement immédiat et blocage au régime dit d'autorité, mis en place en cas d'échec des négociations dans les entreprises où la participation est obligatoire.

d) Les amendements proposés
(1) Rétablir la durée de blocage de huit années dans le régime d'autorité

Votre rapporteur pour avis vous propose de supprimer la disposition harmonisant les durées de blocage entre le régime commun et celui d'autorité car il redoute  l'apparition d'un effet pervers : celui de la non-incitation des salariés à conclure un accord de participation .

Cet amendement de suppression a, en effet, pour objet de maintenir l'équilibre entre le régime d'autorité et le régime de droit commun, en rétablissant la période de huit années de blocage des fonds affectés au titre de la participation dans le cadre du régime d'autorité.

Votre rapporteur pour avis appelle au maintien de la raison d'être du régime d'autorité . En effet, celui-ci a été conçu afin de favoriser la négociation entre l'entreprise et le salarié, dans la perspective de la conclusion d'un accord de participation. En l'absence d'un tel accord, le régime d'autorité, qui se met en place automatiquement, est moins favorable aux deux parties, salariés et entreprise.

Pour les salariés, le régime d'autorité prévoit une durée d'indisponibilité des sommes plus longue (huit ans) qu'en cas de négociation d'un accord (cinq ans). En outre, l'abondement par l'employeur n'est pas possible s'il est mis en place un régime d'autorité.

Il y a donc une incitation pour les salariés à conclure un accord de participation dans les entreprises de plus de 50 salariés où la participation est obligatoire, plutôt que leur soit imposé le régime d'autorité.

Pour les entreprises, le régime d'autorité prévoit une rémunération à un taux élevé des sommes versées au titre de la participation : le taux de rémunération imposé dans le régime d'autorité correspond au taux moyen de règlement des obligations des sociétés privées majoré d'un tiers (soit 6,05 % au premier semestre 2008 6 ( * ) ). La perspective d'une telle pénalité financière incite donc également les entreprises à conclure un accord de participation.

(2) Deux autres amendements de précision

Enfin, s'agissant des modalités d'application du présent article, votre rapporteur pour avis vous propose d'apporter deux précisions rédactionnelles , dans le cadre de deux amendements .

En premier lieu, le décret d'application doit prévoir non seulement le délai, mais toutes les conditions pour demander le non-blocage des droits acquis au titre de la participation (quand et sous quelle forme le salarié doit-il faire sa demande ?). Le décret d'application sur ces conditions au sens large concerne à la fois le régime de droit commun et le régime d'autorité.

En second lieu, votre rapporteur pour avis tient également à prendre en compte la situation des entreprises ayant un exercice comptable décalé par rapport à l'année civile , pour fixer le point de départ de l'exercice de ce nouveau droit à disponibilité.

En effet, la mise en oeuvre d'une telle disponibilité requiert dans un premier temps l'adaptation par les teneurs de comptes d'épargne salariale de leurs chaînes de traitement de l'opération de participation (information des salariés de leurs nouveaux droits et de la fiscalité applicable aux sommes perçues immédiatement, envoi de bulletins...).

Or, la rédaction actuelle de l'article 2 prévoyant une prise d'effet immédiate après la publication de la présente loi, ne tient pas compte des lourdes modalités de mise en oeuvre d'une telle disposition pour les entreprises dont l'exercice comptable s'achève, par exemple, le 30 septembre de cette année avec obligation de versement au 1 er janvier 2009, en application de la disposition actuelle.

2. La participation dans les entreprises publiques (article 2 quater)

a) La correction d'une erreur de codification

Votre rapporteur pour avis est favorable à l'article 2 quater adopté par l'Assemblée nationale sur l'initiative de son collègue député Patrick Ollier, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, qui vise à rétablir la rédaction de l'ancien article L. 442-9 du code du travail relatif à la participation dans les entreprises publiques.

La nouvelle codification de cet article dans l'article L. 3321-1 du code du travail tend, en effet, à exclure du champ de la participation, des entreprises du secteur public ainsi que des entreprises privées qui en bénéficient explicitement dans l'ancien code du travail, faute d'une rédaction suffisamment précise dans le nouveau code.

L'ancien article L. 442-9 du code du travail faisait une distinction entre les entreprises dont le capital est détenu directement par l'Etat (entreprises dites de premier rang) et celles qui ne l'étaient pas (entreprises dites de second rang, par exemple les entreprises dont la majorité du capital est détenu non pas par l'Etat, mais par une entreprise publique). Les premières étaient assujetties au régime de la participation si elles étaient mentionnées dans un décret 7 ( * ) .

En revanche, les entreprises de second rang (détenues indirectement par l'Etat) étaient soumise au régime de participation de droit, sauf dans le cas des entreprises régulées c'est-à-dire celles qui sont soit en situation de monopole, soit soumises à des prix réglementés ou bénéficiant de subventions publiques.

Or, depuis l'entrée en vigueur, le 1 er mai 2008, du nouvel article L. 3321-1 du code du travail, remplaçant les dispositions de l'article L. 442-9 précité, des entreprises privées et publiques se sont trouvées exclues du champ de la participation alors qu'elles bénéficiaient pourtant déjà de ce régime dans la précédente codification.

Votre rapporteur se félicite donc que le présent article ainsi adopté rétablisse la rédaction antérieure.

b) Un cadre juridique pour étendre la participation dans les entreprises publiques

Votre rapporteur pour avis tient à souligner que cet article introduit, cependant, un nouveau point de droit . En effet, il prévoit la possibilité d'inclure dans le champ de la participation des entreprises de second rang régulées actuellement exclues, sous réserve de l'adoption d'un décret en ce sens.

En outre, s'il se déclare favorable au dispositif ainsi proposé, il est réservé quant à sa mise en oeuvre. Celui-ci peut se heurter à quelques obstacles pratiques : le calcul de la participation étant basé sur les bénéfices de l'entreprise, la notion de bénéfice dans une entreprise publique peut donner lieu à des divergences d'interprétation. Or, la charge du financement de la participation reposera sur le contribuable dans le cas d'une entreprise de second rang régulée, en raison des subventions qu'elle perçoit.

3. Calculer la participation sur la base de la règle des « trois tiers » (article additionnel après l'article 2)

Par amendement portant article additionnel après l'article 2, votre rapporteur pour avis souhaite modifier le mode calcul de la réserve spéciale de participation (RSP), en adoptant la règle des « trois tiers ». La participation aux résultats de l'entreprise dont bénéficient les salariés atteint alors un tiers du bénéfice net fiscal, un deuxième tiers étant distribué aux actionnaires sous forme de dividendes et un dernier tiers étant affecté aux résultats de l'entreprise. L'entreprise reste naturellement libre de moduler la répartition des deux tiers restants (hors participation) entre les dividendes et les investissements.

Lors de la discussion de la loi précitée du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié, le Sénat avait déjà adopté, sur l'initiative de votre rapporteur pour avis, un amendement prévoyant que les accords dérogatoires de participation - plus favorables que le minimum légal - pouvaient retenir comme base de calcul cette règle des « trois tiers ». Il s'agit aujourd'hui d'aller plus loin, en donnant tout son sens à l'ambition de refonder le capitalisme .

Les modalités légales actuelles pour déterminer la RSP, fixées en 1967, et de surcroît complexes, sont devenues sans lien avec la capacité de l'entreprise à faire bénéficier les salariés des résultats de l'entreprise. Dans le droit actuel, le code du travail établit comme suit le minimum légal pour déterminer la RSP :

0,5 (bénéfice net - 5 % capitaux propres) x (salaires / valeur ajoutée)

Les sommes versées au titre de la participation seraient ainsi au moins égales aux dividendes perçus par les actionnaires, afin de réconcilier le capital et le travail, dans la continuité des principes définis par le général de Gaulle.

4. La participation, un outil pour la gestion participative au profit de salariés mieux formés à l'économie de l'entreprise (articles additionnels après l'article 2)

Le succès de la participation aux résultats de l'entreprise suppose de s'inscrire dans le cadre d'une démarche de gestion participative, qui doit bénéficier à des salariés mieux formés à la gestion de l'entreprise. Tel est le sens de deux amendements portant articles additionnels après l'article 2 . Ils reprennent des propositions déjà formulées par votre rapporteur pour avis, au nom de votre commission des finances, lors de la discussion de la loi précitée du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié 8 ( * ) .

Le premier de ces deux amendements , consiste à préciser que, dans le cadre de la formation professionnelle continue, les salariés peuvent être formés non seulement à « l'économie », mais aussi « à la gestion de l'entreprise » . Ces dispositions, adoptées lors de la discussion du projet de loi précité, visaient notamment la formation à l'épargne salariale.

Votre rapporteur pour avis estime, en effet, que la formation à l'épargne salariale, c'est-à-dire à la distribution des fruits du travail dans l'entreprise, ne prend tout son sens que si les salariés ont reçu une formation aux règles de gestion des entreprises. En outre, la rédaction proposée est plus précise que « l'économie de l'entreprise » qui recouvre, potentiellement, des questions macroéconomiques. L'épargne salariale, mais aussi les règles budgétaires et comptables relèvent ainsi plus explicitement de « la gestion » de l'entreprise.

Le second amendement vise à compléter l'article L. 3322-1 du code du travail, lequel définit les objectifs et les modalités de la participation aux résultats de l'entreprise.

Votre rapporteur pour avis souhaite introduire au sein de cet article la notion de « gestion participative », laquelle place l'homme au coeur des préoccupations de l'entreprise tout en soulignant la responsabilité de gestion du chef d'entreprise.

C. ENCOURAGER LE DÉVELOPPEMENT DE L'ÉPARGNE RETRAITE

Dans le prolongement notamment des travaux sur l'épargne retraite conduits par notre collègue Philippe Marini 9 ( * ) , rapporteur général, deux amendements vous sont proposés portant articles additionnels après l'article 2 nonies et tendant à développer une épargne retraite à long terme, dans le cadre du plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO) .

1. Permettre la gestion de plans comparables aux PERCO dans les autres pays membres de l'Union européenne (article additionnel après l'article 2 nonies)

Votre rapporteur pour avis propose d'insérer un article additionnel après l'article 2 nonies afin de permettre une meilleure gestion de la retraite des salariés ressortissants d'Etats membres de l'Union, exerçant une activité professionnelle en France.

Cet amendement a un double objet.

D'une part, il vise à permettre aux administrateurs d'institutions de retraite professionnelle (IRP) en France de gérer les comptes d'épargne pour la retraite signés par un salarié dans un autre Etat membre de l'Union européenne et effectuant une mobilité professionnelle en France.

Un teneur de compte d'IRP n'a pas, en effet, à ce jour en France, accès à la gestion de ces comptes d'épargne qui, bien que similaires aux plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO) ne peuvent être qualifiés comme tels. Cette restriction est actuellement imposée par l'ordonnance n° 2006-344 du 23 mars 2006 relative aux retraites professionnelles supplémentaires. Celle-ci prévoit que l'administrateur d'institution de retraite professionnelle collective, teneur de comptes dédié aux plans transfrontaliers, doit avoir pour objet exclusif l'administration d'institutions de retraite professionnelle collective (IRPROCO).

L'IRPROCO est un PERCO destiné à être proposé dans d'autres Etats membres de l'Union. Il convient de souligner que la disposition de l'ordonnance est plus restrictive que les mesures de la directive 2003/41/CE du Parlement européen et du Conseil du 3 juin 2003 concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle.

D'autre part, cet amendement tend, en conséquence, à favoriser la mobilité des salariés au sein de l'Union européenne, en permettant de conserver le même prestataire teneur de compte.

2. Favoriser la négociation de PERCO dans les entreprises dotées d'un PEE (article additionnel après l'article 2 nonies)

Afin d'encourager la constitution d'une épargne retraite à long terme, l'article L. 3334-3 du code du travail prévoit que, dans les entreprises ayant mis en place un plan d'épargne d'entreprise (PEE) depuis plus de cinq ans, une négociation doit s'ouvrir en vue de la mise en place d'un plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO) .

Les dispositions actuelles sont inappliquées , car la date à partir de laquelle s'ouvre le délai de cinq ans n'est actuellement pas précisée. Par ailleurs, ce délai de cinq ans est trop long selon votre rapporteur pour avis.

Cet amendement portant additionnel après l'article 2 nonies vise ainsi :

- d'une part, à préciser que le délai entre la négociation d'un PEE et celle d'un PERCO doit être apprécié à compter de la date de publication de la présente loi au Journal officiel ;

- d'autre part, à réduire ce délai de cinq à trois ans .

II. ENCOURAGER LA HAUSSE DES REVENUS DU TRAVAIL PAR LA MISE SOUS CONDITION DES EXONÉRATIONS DE COTISATIONS PATRONALES

Les articles 4 et 5 du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale conditionnent l'octroi des allègements généraux de charges au respect et à la relance de la négociation salariale au sein de l'entreprise et des branches professionnelles dont les salaires conventionnels demeurent inférieurs au SMIC.

A. RENDRE EFFECTIVE LA NÉGOCIATION ANNUELLE OBLIGATOIRE DANS LES ENTREPRISES (ARTICLE 4)

L'article 4 vise à relancer les négociations salariales par la mise sous condition des allègements généraux de cotisations patronales. Ainsi, le non-respect de l'obligation de négociation annuelle obligatoire (NAO) par l'entreprise donnerait lieu à une réduction de 10 % du montant des allègements de cotisations perçues au titre des rémunérations versées au cours de l'année. Les entreprises qui comportent une section syndicale d'organisation représentative doivent engager chaque année une négociation au niveau central sur les salaires effectifs.

Il s'agit par cette mesure de conduire les entreprises qui ne respectent pas la NAO à engager des discussions salariales. Il convient, toutefois, de constater que la conditionnalité ne porte que sur l'ouverture d'une négociation par ailleurs légalement prévue, et non sur une obligation de résultat.

Pour une entreprise qui ne mettrait pas en oeuvre la NAO, la réduction de 10 % des allègements aurait pour effet d'accroître le coût du travail de 2,2 % au niveau du SMIC, soit 410 euros par an et par salarié.

En 2006, 77 % des entreprises d'au moins 10 salariés et dotées d'un délégué syndical ont ouvert au moins une négociation. Le projet de loi vise donc 23 % de ces entreprises.

Afin de renforcer l'effet incitatif du dispositif, sur l'initiative de notre collègue député Gérard Cherpion, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, l'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à la suppression totale des exonérations de cotisations patronales lorsque l'employeur ne remplit pas cette obligation pour la troisième année consécutive.

B. RELANCER LA NÉGOCIATION DES SALAIRES CONVENTIONNELS DE BRANCHE (ARTICLE 5)

L'article 5 prévoit que le barème de réduction générale des cotisations sociales ne serait désormais plus fondé sur le SMIC mais sur le premier niveau de la grille salariale de branche lorsque celui-ci est inférieur au SMIC depuis deux années civiles dans les branches de plus de 5.000 salariés.

Selon le bilan présenté à votre rapporteur pour avis par le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, seules sept branches du secteur général sur 160, soit 220.000 salariés, sont concernées par la diminution des allègements, comme le montre le tableau ci-après.

Liste des branches dont le bas de la grille salariale est inférieure au SMIC dans les deux années civiles qui précèdent le relevé effectué fin juin 2008

Branches

Bas de grille salariale par rapport au SMIC

Diminution d'allègements

Succursalistes du commerce et de l'habillement

- 28 %

- 26 %

Grands magasins et magasins populaires

- 11 %

- 8 %

Parfumerie de détail et esthétique

- 14 %

- 11 %

Industrie de la céramique

- 16 %

- 14 %

Fabrique d'articles de papeterie et de bureau

- 8 %

- 7 %

Industrie de la chaussure

- 6 %

- 4 %

Ports autonomes

- 16 %

- 14 %

Source : ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

C. DES DISPOSITIFS DONT LES EFFETS NE SONT PAS CHIFFRÉS MAIS QUI REPRÉSENTENT UNE CONTRAINTE SUPPLÉMENTAIRE SUR LES ENTREPRISES

Aucun chiffrage du gain escompté de pouvoir d'achat n'a été présenté à votre rapporteur pour avis, le gouvernement estimant difficile de mesurer l'impact sur l'évolution des salaires de négociations qui ne se sont pas tenues jusqu'à présent dans les entreprises et dans les branches concernées.

Il ne s'agit pas ici de réaliser d'économies du fait de la réduction des allègements, mais d'inciter à conclure, d'ici 2010 en ce qui concerne les branches, des accords de revalorisation salariale. Le respect de la négociation obligatoire, ainsi que le relèvement des minimums de branches, devraient conduire à un rehaussement plus large de toutes les grilles salariales.

Tout en ne remettant pas en cause les dispositifs proposés, votre rapporteur pour avis a constaté que l'impact de ce projet de loi sur l'amélioration du pouvoir d'achat n'était pas évalué. Il exprime la plus vive inquiétude dans la poursuite d'une politique orientée vers la hausse des salaires, au détriment de la compétitivité de l'économie française.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 22 octobre 2008, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, l a commission a procédé à l' examen du rapport pour avis de M. Serge Dassault, rapporteur pour avis , sur le projet de loi n° 502 (2007-2008) en faveur des revenus du travail (urgence déclarée).

M. Serge Dassault, rapporteur pour avis , a tout d'abord rappelé que ses propositions relevaient du cadre fixé par le président de la République, dans son discours de Toulon du 25 septembre 2008 : selon le chef de l'Etat, « la loi à venir sur la participation et l'intéressement s'inscrit exactement dans cette perspective de rééquilibrage entre le capital et le travail ».

Il a estimé que devait s'imposer une volonté de refondation du capitalisme, dans un contexte marqué par la crise financière internationale. A cet égard, il a plaidé pour une modification de la règle de calcul de la réserve spéciale de participation, afin de redistribuer aux salariés un tiers du bénéfice sous forme de participation, soit une part équivalente à celle du bénéfice redistribué aux actionnaires sous forme de dividendes. Il a estimé qu'il serait ainsi mis fin au conflit entre les salaires et les profits qui alimentait un esprit de « lutte des classes ».

Après avoir évoqué sa propre expérience professionnelle, il a présenté les dispositions dont s'était saisie pour avis la commission des finances :

- s'agissant de l'épargne salariale, l'article 1 er tend à instituer un crédit d'impôt en faveur de l'intéressement, et l'article 2 institue un droit pour le salarié à disposer immédiatement des sommes acquises au titre de la participation, mais sans avantage fiscal dans ce cas ; enfin, l'article 2 quater, adopté par l'Assemblée nationale, a pour objet de conforter les mécanismes de participation et d'intéressement dans les entreprises publiques à caractère commercial.

- par ailleurs, les articles 4 et 5 conditionnent les exonérations générales de cotisations sociales au respect de l'obligation de négociation annuelle obligatoire (NAO).

Il a observé que ces dispositions s'inscrivaient dans le programme législatif du président de la République de revalorisation du travail et d'amélioration du pouvoir d'achat des Français.

Il a cependant exprimé ses inquiétudes sur l'impact financier de ce texte, alors que le crédit d'impôt en faveur de l'intéressement, prévu à l'article 1 er du projet de loi, représentait une perte de recettes pour l'Etat évaluée entre 800 millions d'euros et 1,2 milliard d'euros. Il a appelé au rejet de cette mesure, en soulignant que l'épargne salariale ne devait pas répondre à des incitations financières, mais à la volonté d'encourager la motivation des salariés et d'améliorer le climat dans l'entreprise. A l'appui de sa position, il a mis en exergue l'aggravation du déficit du budget de l'Etat, lequel pourrait dépasser 60 milliards d'euros en 2009, et de creusement de la dette publique, sur le point de franchir le seuil de 1.300 milliards d'euros en 2009, soit plus de 65 % du produit intérieur brut (PIB). A cet égard, il a précisé que la charge de la dette avoisinerait les 50 milliards d'euros, soit un montant équivalent aux recettes provenant de l'impôt sur le revenu. Enfin, il a regretté la progression constante depuis 1993 des allègements de charges, dont le montant actuel est actuellement évalué à 23 milliards d'euros.

M. Serge Dassault, rapporteur pour avis , a ensuite exprimé plusieurs observations à titre personnel.

S'agissant de l'épargne salariale, il a souligné que le calcul de la réserve spéciale de participation suivant la règle des « trois tiers » visait à satisfaire les besoins universels des salariés :

- le besoin de savoir, par une meilleure information ;

- le besoin de pouvoir, en confiant davantage de responsabilités aux salariés et en recherchant une plus grande considération personnelle de ces derniers ;

- le besoin d'avoir, lequel se traduisait par la recherche de revenus plus élevés.

Il a ensuite abordé la question du SMIC : s'il n'est pas opposé à son augmentation systématique, celle-ci pouvait entraîner une aggravation du chômage, du fait de la hausse induite sur les charges payées par les entreprises, dans un contexte où la réduction du temps de travail est une contrainte supplémentaire pour les employeurs. A cet égard, il a déploré que ne soient pas mis en application les propos du président de la République, selon lesquels il « n'accepterait pas d'augmenter les charges qui pèsent sur les entreprises, parce que ce serait affaiblir notre compétitivité quand au contraire il faudrait la renforcer ».

Sous le bénéfice de ces observations, M. Serge Dassault, rapporteur pour avis, a appelé à adopter le projet de loi tel que modifié par les amendements qu'il allait proposer.

Un large débat s'est alors instauré.

M. Jean Arthuis, président , a remercié le rapporteur pour avis pour l'expression de ses fortes convictions sur la participation et l'intéressement, ainsi que pour son rappel au devoir de vigilance afin d'empêcher toute dégradation supplémentaire du niveau des déficits publics.

Partageant cette position, M. Jean-Jacques Jégou s'est prononcé pour la suppression de l'article 1 er du projet de loi qui créait une nouvelle « niche fiscale ».

M. Marc Massion s'est ému que M. Serge Dassault, rapporteur pour avis, se soit également exprimé comme chef d'entreprise, en estimant que les revenus du travail concernaient d'abord les salariés.

M. Serge Dassault, rapporteur pour avis , a précisé qu'il avait pleinement conscience des difficultés liées au pouvoir d'achat des salariés, y compris comme chef d'entreprise. Il a rappelé qu'il était, à titre personnel, favorable à une révision du système de financement de la sécurité sociale qui permette d'augmenter les salaires.

Mme Nicole Bricq s'est interrogée sur l'opportunité d'examiner ce projet de loi dans un contexte de crise économique et financière. Après avoir estimé que les déblocages ponctuels des droits acquis au titre de la participation n'avaient jusqu'à présent, selon elle, pas produit tous les effets attendus, elle a souligné qu'il restait à résoudre la question de l'épargne longue, investie dans le circuit productif.

Enfin, elle a déploré la faible portée de ce projet de loi, en regrettant vivement que le Parlement soit tenu à l'écart du circuit des décisions prises pour résoudre la crise en cours.

A une question de M. François Marc sur les conséquences du non-respect par un employeur de l'obligation de mener la négociation annuelle, M. Serge Dassault, rapporteur pour avis , a observé qu'il était seulement dressé un constat de désaccord et que, plus largement, il était favorable à une remise en cause des multiples avantages fiscaux et sociaux dont bénéficient les entreprises.

M. Pierre Bernard-Reymond s'est demandé s'il n'aurait pas fallu mener une négociation sociale préalablement à l'examen de ce texte, dans la mesure où il concernait les relations du travail. Par ailleurs, il s'est interrogé sur l'opportunité d'une augmentation du SMIC parallèlement à la révision de l'assiette des cotisations de sécurité sociale.

M. Serge Dassault, rapporteur pour avis , a répondu qu'il n'était pas, à titre personnel, favorable aux incitations fiscales pour embaucher les salariés disposant de bas salaires.

Puis la commission a procédé à l'examen des amendements présentés par le rapporteur pour avis.

Après les interventions de MM. Jean Arthuis, président et Philippe Marini, rapporteur général , elle a adopté, à l'unanimité, un amendement de suppression de l'article 1 er (création d'un crédit d'impôt en faveur de l'intéressement).

Puis elle a adopté trois amendements à l'article 2 (non-blocage de la participation) :

- après l'intervention de M. Philippe Adnot , un premier amendement tendant à encourager la conclusion d'accords de participation, en rétablissant la durée d'indisponibilité pendant huit ans des sommes relevant d'un régime mis en place d'autorité, en cas d'échec des négociations tendant à la conclusion d'un accord dans les entreprises où la participation est obligatoire ;

- deux amendements, le premier de précision, et le second tendant à prévoir des dispositions spécifiques d'entrée en vigueur pour les entreprises dont la comptabilité ne correspond pas à l'année civile.

La commission a ensuite adopté trois amendements portant articles additionnels après l'article 2 :

- après les interventions de MM. Jean Arthuis, président, Philippe Marini, rapporteur général, Marc Massion, François Marc et Mme Michèle André , elle a adopté, à l'unanimité, un premier amendement tendant à modifier le calcul de la réserve de participation sur la base de la règle des « trois tiers » : un tiers pour les salariés au titre de la participation, un tiers pour les actionnaires sous forme de dividende et un tiers pour les investissements ;

- un deuxième amendement précisant que, dans le cadre de la formation professionnelle continue, les salariés peuvent être formés à la gestion de l'entreprise ;

- un troisième amendement établissant que la participation concours à la mise en oeuvre de la gestion participative dans l'entreprise.

Enfin, la commission a ensuite adopté deux amendements portant articles additionnels après l'article 2 nonies :

- d'une part, après une demande de précision de Mme Nicole Bricq , afin que les gestionnaires de plans d'épargne collectifs puissent prendre en charge les comptes d'épargne pour la retraite, signés par un salarié dans un autre pays européen, lorsque ce dernier effectue une mobilité professionnelle en France ;

- d'autre part, afin de préciser la date de négociation obligatoire d'un plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO) dans les entreprises disposant déjà d'un plan d'épargne d'entreprise (PEE), en réduisant par ailleurs le délai dans lequel doit alors être négocié un PERCO.

La commission a alors émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi ainsi modifié .

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

ARTICLE 1 er

Supprimer cet article.

ARTICLE 2

Supprimer le I A  de cet article.

ARTICLE 2

I. A la fin de la première phrase du texte proposé par le I B de cet article pour modifier le deuxième alinéa de l'article L. 3323-5 du code du travail, remplacer les mots :

dans un délai fixé par décret

par les mots :

dans des conditions fixées par décret

II. En conséquence, à la fin de la première phrase du texte proposé par le 1° du II de cet article pour compléter le premier alinéa de l'article L. 3324-10 du code du travail, remplacer les mots :

dans un délai fixé par décret

par les mots :

dans des conditions fixées par décret

ARTICLE 2

Rédiger ainsi, le dernier paragraphe de cet article :

VI.- Les I à V sont applicables aux droits à participations des salariés aux résultats de l'entreprise qui n'ont pas été affectés en application de l'article L. 3323-2 du code du travail à la date de publication de la présente loi, sous réserve de la mise en oeuvre d'une période transitoire définie par décret pour les entreprises dont l'exercice comptable est clos avant le 31 décembre 2008.

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 2

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - La section première du chapitre IV du titre II du livre troisième de la troisième partie du code du travail est ainsi modifiée :

1°) L'article L. 3324-1 est ainsi rédigé :

La réserve spéciale de participation est égale au tiers du bénéfice après impôt.

2°) En conséquence, la troisième phrase du premier alinéa de l'article L. 3324-2 est supprimée.

II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I est compensée par une augmentation à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

III. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des dispositions du I est compensée par une augmentation à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 2

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le neuvième alinéa (8°) de l'article L. 6313-1 du code du travail, après les mots : « l'économie » sont insérés les mots : « et à la gestion ».

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 2

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 3322-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Elle concourt à la mise en oeuvre de la gestion participative dans l'entreprise ».

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 2 NONIES

Après l'article 2 nonies , insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'avant-dernière phrase du premier alinéa du premier paragraphe (I) de l'article 8 de l'ordonnance n° 2006-344 du 23 mars 2006 est ainsi rédigée :

« Cette personne morale a pour objet exclusif d'administrer une ou plusieurs institutions de retraite professionnelle. »

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 2 NONIES

Après l'article 2 nonies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans l'article L. 3334-3 du code du travail, les mots : « cinq ans » sont remplacés par les mots : « trois ans à la date de publication au Journal officiel de la loi n° ... du ... 2008 en faveur des revenus du travail ».

ANNEXE - LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR VOTRE RAPPORTEUR POUR AVIS

Association française de la gestion financière (AFG)

Mme Laure Delahousse, directrice « Gestion spécialisée et épargne retraite »

Mme Clarisse Arnould, responsable « Epargne entreprise »

Centre d'analyse stratégique

M. Yves Chassard, directeur du département « Travail, emploi et formation »

Confédération française démocratique du travail (CFDT)

M. Jean-Michel Drou, secrétaire confédéral

Mme Patricia Ferrand, secrétaire confédérale

Confédération générale du travail - Force ouvrière (CGT-FO)

Mme Marie-Suzie Pungier, secrétaire confédérale

Mme Marie-Alice Medeuf-Andrieu, secrétaire confédérale

Mme Delphine Borgel, secrétariat confédéral

Conseil d'orientation pour l'emploi (COE)

Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente

FONDACT

M. Lionel Tourtier, délégué général

* 1 Projet de loi n° 502 (2007-2008).

* 2 Avis n° 172 (2007-2008) du 22 janvier 2008, présenté par M. Serge Dassault.

* 3 Ces dispositions sont entrées en vigueur avec la promulgation de la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié.

* 4 Modifiant le 1° du II de l'article 2 pour l'article L. 3324-10 du code du travail.

* 5 In Premières Synthèses Informations de juin 2008 - n° 253.

* 6 Le taux moyen pratiqué dans le cadre d'un accord de participation s'élève approximativement à 5,35 %.

* 7 Décret n° 87-948 du 26 novembre 1987.

* 8 Sénat, rapport n° 35 (2006-2007).

* 9 Sénat, rapports d'information n° 485 (2005-2006) et n° 308 (2007-2008).

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