4. L'opposabilité des décisions des URSSAF

Le 4° de l'article du présent projet de loi donne suite à une autre proposition du rapport Fouquet, en rendant opposable les décisions d'une URSSAF en cas de changement d'implantation géographique.

Ainsi, le nouvel article L. 243-6-4 du code de la sécurité sociale prévoit que dans le cas d'un changement d'organisme de recouvrement lié à un changement d'implantation géographique de l'entreprise ou de l'un de ses établissements, un cotisant peut se prévaloir, auprès du nouvel organisme, des décisions explicites rendues par le précédent organisme dont il relevait , dès lors qu'il établit que sa situation de fait ou de droit est identique à celle prise en compte par le précédent organisme.

Cette mesure apparaît en effet pertinente à votre rapporteur pour avis.

5. La responsabilité des sociétés mères et des holdings en cas de travail dissimulé

Par ailleurs, pour tenir compte, à l'échelle d'un groupe, des suites du constat d'une infraction de travail dissimulé établi à l'égard d'une personne morale appartenant à cet ensemble, l'article 19 crée une responsabilité subsidiaire et solidaire entre cette personne morale et la société mère ou la société holding, à l'égard du paiement des contributions et cotisations sociales ainsi que des majorations et pénalités dues à la suite de ce constat.

Cette mesure reçoit le soutien de votre rapporteur pour avis , qui proposera un amendement à l'article 19, visant à transposer cette mesure et celle relative à l'abus de droit au sein du code rural, cette mesure de coordination ayant été oubliée.

6. La clarification du régime d'assujettissement aux prélèvements sociaux des revenus distribués aux travailleurs indépendants (article 20)

a) La situation actuelle

La situation actuelle du régime d'assujettissement aux prélèvements sociaux des revenus distribués aux travailleurs indépendants, qui nécessite une clarification en raison d'une divergence de jurisprudence entre la Cour de cassation et le Conseil d'Etat, a fait l'objet d'une analyse très précise dans le rapport précité de M. Olivier Fouquet. Les paragraphes qui suivent reprennent pour l'essentiel cette analyse.

(1) Une optimisation fiscalo-sociale

Les sociétés d'exercice libéral (SEL) ont été instituées par la loi du 30 décembre 1990 pour permettre aux membres des professions libérales réglementées d'exercer leur activité sous la forme de sociétés de capitaux. La forme la plus courante de SEL est la société d'exercice libérale à responsabilité limitée (SELARL), qui est le pendant de la SARL. Elle a pu susciter un intérêt chez certains professionnels comme outil d'optimisation de la gestion de l'entreprise. Les gérants des SELARL peuvent en effet opter pour l'imposition des bénéfices au régime de l'impôt sur les sociétés au lieu de l'imposition sur les revenus au titre des bénéfices non commerciaux .

L'ACOSS relève que les revenus des activités professionnelles demeurent soumis à des prélèvements sociaux environ 3 à 4 fois plus élevés que les revenus du capital. En effet, les dividendes ne sont pas soumis aux prélèvements sociaux applicables aux revenus d'activité, mais seulement aux contributions sociales assises sur les produits de placement, pour les dividendes versés à compter du 1 er janvier 2008. Les personnes mises en situation de pouvoir arbitrer, dans la répartition de leur revenu global, entre rémunération d'activité et rémunération du patrimoine sont donc logiquement incitées à « optimiser » la répartition afin de limiter leur contribution aux régimes obligatoires de sécurité sociale.

Des simulations permettent de mesurer les économies potentielles réalisées par les dirigeants des SEL en fonction du niveau de rémunération nette qu'ils s'octroient.

Dans le cas d'une exploitation réalisant 50.000 euros de bénéfices avant prélèvements fiscaux et sociaux, il apparaît, selon les données figurant dans le rapport Fouquet, que le revenu disponible après distribution de la totalité du bénéfice net est à son maximum lorsque la rémunération de gérance nette est fixée à 7.980 euros. Le revenu disponible après impôt sera alors de 36.873 euros. Dans le cas où le gérant attribue l'ensemble des bénéfices sous forme de dividendes, son revenu disponible sera de 35.289 euros. S'il s'attribue l'intégralité sous forme de rémunération de gérance, son revenu disponible sera de 34.060 euros. En divisant par cinq son assiette sociale, le gérant majoritaire peut ainsi réaliser une économie annuelle de près de 3.000 euros sur ses prélèvements socialo-fiscaux.

Ces résultats, ainsi que les simulations de la DGTPE, montrent que l'optimisation représente, au moins théoriquement , une perte d'assiette significative pour les caisses de sécurité sociale des indépendants. Le rapport Fouquet remarque ainsi que cette diminution d'assiette se fait essentiellement au profit d'une augmentation de l'assiette de l'impôt sur les sociétés. L'optimisation des gérants de SEL consiste ainsi essentiellement, selon lui, en un transfert de recettes entre la sécurité sociale et l'Etat , le bénéfice de l'exploitant apparaissant à cette aune quantitativement peu important.

Le rapport Fouquet note également que la déclaration d'impôt sur le revenu n° 2042 ne permet pas de distinguer les dividendes versés à l'occasion d'une activité professionnelle de ceux qui résultent de la simple possession de valeurs mobilières et qu'il n'est donc pas possible de mesurer quantitativement l'impact de cette optimisation. Toutefois, l'augmentation rapide du nombre de professionnels libéraux exerçant en SEL dans certaines catégories tendrait à accréditer l'importance d'un phénomène redouté par les caisses de sécurité sociale : le nombre de médecins exerçant en SEL a ainsi augmenté de 92 % entre 2003 et 2006, la proportion des pharmaciens ayant choisi cette forme juridique a triplé entre 2000 et 2006 et la moitié des SEL de vétérinaires existant au 1 er janvier 2007 ont été créées au cours des trois années précédentes.

(2) Une divergence de jurisprudence entre la Cour de cassation et le Conseil d'Etat

Depuis quelques années, trois caisses de retraite de professions libérales réglementées (caisse nationale des barreaux français -CNBF-, caisse d'assurance retraite des médecins français -CARMF-, caisse d'assurance retraite des chirurgiens-dentistes -CARCD-) ont décidé de réintégrer dans l'assiette des cotisations sociales les dividendes perçus par les avocats, médecins, chirurgiens-dentistes ayant opté pour l'organisation de leur activité sous forme de société d'exercice libéral soumise à l'impôt sur les sociétés.

Ces caisses, s'appuyant sur une jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle l'inclusion d'une rémunération dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale n'est pas liée à la catégorie de revenus à laquelle est rattachée cette rémunération sur le plan fiscal, n'ont pas tenu compte de la qualification fiscale des dividendes en tant que revenus de capitaux mobiliers. Elles se sont appuyées, enfin, sur le fait que, dans le cas des professions réglementées, le regroupement en SEL ne remet nullement en cause la nature libérale de l'activité et ont considéré que la totalité du revenu tiré de cette activité était de nature professionnelle .

Cette position a donné lieu depuis 1997 à des recours devant les tribunaux des affaires de sécurité sociale. Toutes les décisions de justice rendues par le juge judiciaire pour trancher les contestations émanant de professions libérales ont été favorables aux caisses. Toutefois, aucun arrêt de la Cour de cassation n'était venu confirmer cette position quand le Conseil d'Etat a rendu son arrêt du 14 novembre 2007, « Association nationale des sociétés d'exercice libéral », annulant la délibération de la CARMF prévoyant l'assujettissement aux cotisations retraites des dividendes versés par les SEL de médecins. Selon le Conseil d'Etat, les « les dividendes versés aux associés des sociétés d'exercice libéral de médecin ne peuvent être regardés comme des revenus professionnels ». Les conclusions du commissaire du gouvernement exposaient certes qu'il était « très tentant de regarder les dividendes distribués aux médecins associés des SEL comme des revenus professionnels » mais ces mêmes conclusions appelaient au rejet de cette solution devant le risque de double imposition aux contributions sociales (CSG et CRDS).

Le 15 mai 2008, la Cour de cassation a rendu un arrêt prenant le contre-pied de la décision du Conseil d'Etat . Elle a ainsi estimé que les revenus distribués par une SEL pouvaient être requalifiés en revenus professionnels passibles de cotisations de sécurité sociale, dès lors que ces dividendes étaient prélevés sur des bénéfices provenant de l'exercice d'une profession libérale.

La situation apparaît donc marquée par une forte insécurité juridique , d'autant que le régime social des indépendants, compétent pour les cotisations d'assurance-maladie des professions libérales, n'a pas, pour l'heure, suivi les caisses de retraite des professions libérales dans leur démarches d'assujettissement des dividendes.

Une clarification s'imposait donc, ce que propose l'article 20 du présent projet de loi de financement, en retenant assez largement la proposition formulée par le rapport Fouquet.

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