b) La solution retenue par l'article 20 : l'assujettissement des dividendes aux prélèvements sociaux
(1) Une clarification nécessaire
(a) Les dividendes que s'attribuent les dirigeants de sociétés seront très largement assujettis aux cotisations et contributions sociales

L'objectif de cet article est de confirmer l'assujettissement aux cotisations et contributions sociales d'une partie des dividendes que s'attribuent les dirigeants de sociétés au titre de leur activité professionnelle, tout en évitant une double imposition de CSG-CRDS.

Il modifie ainsi l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale de la manière suivante : le principe d'assujettissement des travailleurs indépendants (artisans, commerçants, professions libérales) sur le revenu de leur activité professionnelle demeure posé, inchangé, au premier alinéa : « les cotisations d'assurance maladie et maternité et d'allocations familiales des travailleurs non salariés non agricoles et les cotisations d'assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles ou commerciales sont assises sur le revenu professionnel non salarié ou, le cas échéant, sur des revenus forfaitaires ».

L'article 20 du présent projet de loi modifie en revanche le deuxième alinéa de l'article L. 131-6 précité, qui précise le champ de ce « revenu professionnel », que l'article proposé qualifie désormais de « revenu d'activité », compte tenu d'une modification apportée par l'Assemblée nationale.

Le droit actuel

La rédaction proposée

Le revenu professionnel pris en compte est celui retenu pour le calcul de l'impôt sur le revenu avant les déductions et exonérations mentionnées aux articles 44 sexies , 44 sexies A, 44 octies , 44 octies A, 44 undecies et 151 septies A et au deuxième alinéa du I de l'article 154 bis du code général des impôts, à l'exception des cotisations versées aux régimes facultatifs par les assurés ayant adhéré à ces régimes avant la date d'effet de l'article 24 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle.

Le revenu d'activité pris en compte est déterminé par référence à celui retenu pour le calcul de l'impôt sur le revenu . Ce revenu est majoré des déductions et exonérations mentionnées aux articles 44 sexies , 44 sexies A, 44 octies , 44 octies A, 44 undecies et 151 septies A et au deuxième alinéa du I de l'article 154 bis du code général des impôts, à l'exception des cotisations versées aux régimes facultatifs par les assurés ayant adhéré à ces régimes avant la date d'effet de l'article 24 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle.

Cette modification de rédaction vise à « clarifier » le droit actuel, dans la mesure où la phrase figurant aujourd'hui dans le code pouvait laisser supposer un renvoi systématique de l'assiette sociale sur l'assiette fiscale et constituait l'une des difficultés rencontrées lors des contentieux.

L'article 20 tend ensuite à insérer un nouvel alinéa dans l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale, qui pose le principe de l'assujettissement aux cotisations et contributions sociales d'une partie des revenus distribués par une société soumise à l'impôt sur les sociétés au travailleur non salarié non agricole, à son conjoint, son partenaire et ses enfants mineurs non émancipés. Seule la part supérieure à 10 % du montant des apports et primes d'émission compris dans la valeur des titres, détenus par ces mêmes personnes, serait assujettie.

Pour le formuler autrement, la fraction des revenus des revenus distribués qui excède 10 % du capital investi par le travailleur indépendant serait réintégrée dans l'assiette des cotisations sur les revenus d'activité.

Les services du ministère de la santé ont indiqué à votre rapporteur pour avis que « cette proposition qui permet de clarifier définitivement le droit applicable, tout en assurant une égalité entre les différentes professions, constitue une voie médiane entre l'assujettissement de l'ensemble des dividendes (pratique des caisses des avocats, médecins et dentistes) et l'exclusion totale (position défendue dans les contentieux récents portés devant le Conseil d'Etat et la Cour de cassation pour ces professions, et des experts comptables) ».

Le seuil choisi pour cette exonération est identique à celui prévu pour le plafonnement de l'exonération fiscale des produits des titres non cotés détenus dans un plan d'épargne en actions, en application du 5° bis de l'article 157 du code général des impôts.

(b) L'Assemblée nationale a limité le champ de la mesure

L'Assemblée nationale, à l'initiative de la commission des affaires culturelles et avec l'accord du gouvernement, a apporté deux correctifs à cette mesure :

- d'une part, elle a élargi le champ de la part exonérée : la part des revenus distribués prise en compte sera celle excédant 10 % du montant du capital social et des primes d'émission ainsi que des sommes versées en compte courant . Notre collègue député Yves Bur a précisé que « les investissements lourds des SARL sont souvent en partie financés par des apports en compte courant, lesquels ne constituent pas des apports en capital ». Cette mesure pourrait toutefois trouver à s'appliquer également aux sociétés d'exercice libéral ;

- d'autre part, elle a limité cet assujettissement aux seules sociétés d'exercice libéral , conformément aux recommandations du rapport Fouquet, ce qui conduit, selon les précisions recueillies par votre rapporteur pour avis, à ne pas l'appliquer aux SARL .

Ces dispositions seront applicables aux revenus distribués à compter du 1 er janvier de l'année 2009 .

Ces précisions devraient permettre d' éviter que cette intégration ne constitue une charge trop lourde pour les artisans et les commerçants.

Toutefois, les services du ministère de la santé ont indiqué à votre rapporteur pour avis qu'ils ne disposaient pas de simulations des effets des modifications apportées par l'Assemblée nationale (prise en compte des sommes inscrites au titre des comptes courants et limitation de la mesure aux SEL), « s'agissant avant tout d'une mesure de clarification du droit ayant également une visée anti-évasion sociale ».

(c) Une disposition permet d'éviter le risque de double imposition à la CSG et à la CRDS

Par ailleurs, il est explicitement prévu (5°) qu'une imposition à ce titre entraînera l'absence d'assujettissement à la CSG et aux autres prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine.

Les autres dispositions sont de coordination.

(2) L'analyse de votre rapporteur pour avis
(a) Concernant le choix de ne pas retenir la proposition du « rapport Fouquet » d'instaurer un abattement de 40 % sur les dividendes versés

Le rapport Fouquet recommandait de pratiquer un abattement de 40 % sur les dividendes versés, à l'instar de ce qui est fait en matière fiscale, pour neutraliser les effets de l'imposition en amont des bénéfices distribués à l'impôt sur les sociétés. Cette solution n'a pas été retenue dans le cadre du présent projet de loi.

Il convient de rappeler qu'en vue d'atténuer la charge fiscale pesant au final sur les bénéfices distribués (imposition à l'impôt sur les sociétés puis à l'impôt sur le revenu lors de leur distribution aux associés), le législateur avait institué le dispositif de l'avoir fiscal pour alléger le second stade d'imposition. Ce dispositif a été remplacé le 1 er janvier 2005 par un abattement de 40 % pratiqué sur le montant brut des dividendes et revenus assimilés distribués.

La direction de la sécurité sociale a indiqué à votre rapporteur pour avis que ce dispositif d'avoir fiscal n'existe pas en matière sociale, puisque ces revenus n'ont pas été imposés au préalable. Dans ces conditions, il n'y pas lieu d'instaurer un mécanisme d'« avoir social ».

(b) Concernant l'impact de cette mesure sur la trésorerie des personnes concernées

Votre rapporteur pour avis a été informé d'un décalage de trésorerie qui serait défavorable aux contribuables.

Il convient de rappeler que l'article 10 de la loi de finances pour 2008 a mis en place, depuis le 1 er janvier 2008, un prélèvement à la source des contributions sociales sur les dividendes, quel que soit leur régime d'imposition fiscale, et a créé un nouveau prélèvement libératoire forfaitaire sur option sur ces mêmes revenus (article 117 quater du code général des impôts).

D'après les informations recueillies auprès de la direction de la sécurité sociale du ministère de la santé, si l'on fait abstraction de la mesure proposée par l'article 20 du présent projet de loi de financement, les prélèvements sociaux seraient acquittés lors de la mise à disposition des dividendes.

En matière fiscale, soit le contribuable a opté pour le prélèvement libératoire forfaitaire de 18 %, auquel cas les sommes versées sont intégralement prélevées à la source ; soit il n'a pas opté pour ce mode de prélèvement et les sommes seront soumises au barème de l'impôt sur le revenu en année N+1.

Avec la mesure proposée par l'article 20 , lorsque le taux de rentabilité du capital dépassera 10 %, il incombera à l'entreprise individuelle d'indiquer à son établissement payeur que seuls 10 % des sommes mises à disposition doivent faire l'objet du prélèvement social à la source, le reliquat étant déclaré en mai de l'année N sur la déclaration des revenus. Les prélèvements sociaux sur les revenus d'activité sont quant à eux acquittés en année N+1. Il convient à cet égard de préciser que les taux faciaux de prélèvements sociaux s'élèvent à 45,05 %, mais que leur taux effectif s'établit à 33 %, car les cotisations personnelles obligatoires supportées par les travailleurs indépendants présentent la particularité d'être déductibles de leur assiette.

On n'observe en revanche aucun changement pour la partie fiscale .

(c) Concernant les effets de cette mesure sur l'équilibre des finances publiques

L'annexe 9 au présent projet de loi de financement faisait état d'un gain de 45 millions d'euros pour les régimes de sécurité sociale, dont 25 millions d'euros pour le régime général. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale devraient conduire à minorer le rendement de cette mesure.

Votre rapporteur pour avis s'interroge sur l'effet net de ces dispositions sur les finances publiques . Le rapport Fouquet estime que l'optimisation actuelle s'apparente à un transfert des recettes de la sécurité sociale vers l'Etat. La direction de la sécurité sociale estime que la mesure proposée serait neutre pour le budget de l'Etat. Des précisions devront donc être apportées sur ce point lors de l'examen de cet article en séance publique, de même que sur le coût réel global de ce changement pour les contribuables.

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