B. POUR UNE POLITIQUE DU LOGEMENT AMBITIEUSE

Plus que toutes autres parties du territoire national, les collectivités ultramarines connaissent une crise du logement qui s'illustre tant par un déficit en logement social que par le caractère insalubre d'un nombre significatif de logements privés.

Cette situation concerne l'ensemble des collectivités, quoique à des degrés variables.

En Guadeloupe , la demande de logements locatifs sociaux est évaluée à 12 250, pour un parc existant de 30 900 et une production annuelle comprise entre environ 1 200 et 1 500 logements locatifs sociaux (LLS) ou très sociaux (LLTS). 72,7 % des demandeurs de logement locatif social disposent de moins d'un Smic mensuel et 13 % sont sans ressources.

Les besoins dans le domaine du logement social restent considérables et l'obligation de construction de logements, résultant de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable (Dalo), rend la résorption de ce déficit encore plus urgente. A cet égard, la production de logements sociaux atteint environ 1 300 unités par an en LLS/LLTS ces dernières années, avec cependant un peu plus de 1 800 unités livrées en 2007.

Le logement insalubre concerne près de 60 000 habitants et 18 000 logements, soit 10 % du parc de logements guadeloupéen.

En Martinique , la production de logements est en baisse importante et continue depuis plusieurs années, notamment en raison de l'absence de politique foncière efficace (programmation insuffisante ; réserves foncières exsangues ; difficultés d'acquisition de terrains ; retards importants en matière de viabilisation et d'aménagement du foncier...). Cette situation est aujourd'hui aggravée par la rareté et le coût élevé du foncier équipé.

Ainsi, moins de deux cents logements sociaux ont été construits en 2007, contre mille cinq cents à deux mille en moyenne au début de la décennie, alors que chaque année, près de huit mille demandes de logements sociaux sont insatisfaites.

Entre 2004 et 2007, 932 logements insalubres ont fait l'objet d'opérations de résorption de l'habitat insalubre. Cependant la réalisation de ces opérations reste longue, notamment eu égard aux difficultés de relogement des familles.

En Guyane , le secteur locatif social connaît un déséquilibre de nature structurelle. Le parc locatif social comporte onze mille unités, alors que plus de treize mille demandes ne peuvent être satisfaites, 80 % de la population répondant aux conditions de ressources du logement locatif social. Cette situation est d'autant plus difficile que les prix dans le secteur locatif libre sont aussi élevés qu'en Ile-de-France et que l'offre en accession sociale et intermédiaire est limitée à quelques dizaines d'unités par an alors qu'une production de cinq cents logements serait nécessaire.

Par ailleurs, en raison d'une grave pénurie de foncier et de logements disponibles, les logements illicites et insalubres, évalués à dix mille aujourd'hui, connaissent une progression annuelle de près de 10 %. Plus de trente mille personnes vivent dans ce type d'habitat dont le traitement coûte en moyenne deux fois plus cher qu'une construction neuve. Des études récentes ont estimé à 30 % le taux de constructions illicites existantes, mais en flux, ce taux représenterait aujourd'hui près de 50 % au nombre des constructions nouvelles.

Outre la fragilité de l'appareil de production, la carence de logements et le développement de l'habitat illicite résultent du déficit très important d'offre de terrains aménagés.

Sur les cinq dernières années, le rythme moyen de construction de logements sociaux et aidés a été de 710 unités par an, tandis que seuls cent hectares de terrains par an ont été aménagés. Néanmoins, inversant cette tendance, l'année 2007 a vu le cap des mille logements financés franchi, ce qui représente une augmentation de 48 % par rapport à l'année précédente.

De même, 5 550 logements insalubres sont actuellement en cours de traitement, ce qui est près de deux fois le nombre d'opérations intervenues en 2003.

A la Réunion , les besoins en logement social sont aujourd'hui d'autant plus importants que la production des dernières années s'est fortement ralentie en raison de l'augmentation des coûts de production. Ainsi, sur les neuf mille logements construits chaque année, seuls 30 % relèvent du secteur social.

Or, les besoins en logement social sont à 70 % liés à la satisfaction de la population actuelle du département, où 74 % des foyers sont éligibles au logement social.

Selon le secrétariat d'Etat à l'outre-mer, il convient donc qu'au moins 50 % de la production annuelle de logement à la Réunion - soit entre quatre mille cinq cent et cinq mille unités - soient consacrés au logement social, afin de ne pas aggraver les tensions actuelles. Cette production de logement social devrait se répartir en deux mille LLTS, mille LLS et de mille cinq cents à deux mille logements en accession sociale : logements évolutifs sociaux (LES), prêts à taux zéro (PTZ), prêts sociaux location accession (PSLA).

Toutefois, selon les projections du Gouvernement, le nombre des ménages éligibles au logement social devrait être de 340 000 à 440 000 à l'horizon 2030. Dans ces conditions, il serait nécessaire de construire en trente ans environ 250 000 logements neufs, soit neuf mille unités par an jusqu'à 2020, en abaissant ce nombre progressivement jusqu'à sept mille unités en 2030.

Compte tenu de son fort accroissement démographique, Mayotte connaît une situation du logement très critique, malgré l'intervention soutenue de l'Etat. Il est estimé que, pour faire face à cette situation, plus de deux mille logements, dont cinq cents logements sociaux, doivent être réalisés dans l'île chaque année pour répondre aux besoins.

La politique mise en place dès 1976, fondée exclusivement sur l'accession sociale, a permis de construire plus de 17 000 logements, subventionnés entre 80 % et 88 % par l'Etat, grâce à l'intervention de la société immobilière de Mayotte (Sim). Ainsi, près de la moitié de la population a pu être logée dans des conditions de confort rustiques mais régulièrement améliorées.

Néanmoins, la production de ces « cases Sim » a baissé régulièrement depuis la décennie 1990, passant de 730 logements par an à 518 en 2006. Cette situation résulte pour l'essentiel des difficultés grandissantes pour disposer de terrains fonciers aménagés dans les zones en urbanisation rapide, ainsi que des dévoiements importants constatés dans l'utilisation de ces logements.

Dans ce contexte, le conseil de l'habitat (CDH) a défini en 2004 de nouvelles orientations en ayant recours à deux dispositifs nouveaux à Mayotte : le logement en accession sociale (Las) et le logement en accession très sociale (Lats). Ce changement de politique n'a toutefois pas produit l'augmentation de la production de logement social escomptée : en 2006, seuls 166 logements ont été financés (104 « cases Sim » et 62 Lats) ; en 2007, 120 Lats ont été financés.

En juillet 2008, le CDH a pris la décision de diversifier l'offre en développant des produits locatifs similaires à ceux existants dans les Dom : d'une part, le LLS, qui s'adresse à une large catégorie de personnes dotées de revenus maximum compris entre 1,6 Smig (pour une personne seule) à 4,2 Smig (pour quatre enfants) ; d'autre part, le LLTS, qui s'adresse à des personnes ayant des revenus plus faibles, entre 1 Smig (pour une personne seule) et 2,5 Smig (pour quatre enfants).

Pour assurer le développement de ce parc locatif, votre commission estime qu'il serait souhaitable de créer, comme dans les Dom ou en métropole, une allocation de logement à caractère social (ALS) afin d'aider les personnes sans enfants de revenus modestes. En effet, compte tenu du barème actuellement applicable à Mayotte, les taux d'effort après allocation-logement sont paradoxalement supérieurs en locatif par rapport à ceux de l'accession à la propriété.

En Nouvelle-Calédonie , les besoins en logements sociaux ont été identifiés à environ 1 600 logements par an durant les dix prochaines années.

En Polynésie française , alors que l'offre est excédentaire dans le logement haut de gamme (en accession et en location), il existe une forte pénurie de logements sociaux : 7 300 demandes sont insatisfaites pour une production annuelle de 560 logements. En outre, 7 200 logements ne disposent pas d'eau potable et, dans la seule agglomération de Papeete, 4 000 logements sont insalubres. Face à cette situation, il est prévu de produire 1 000 logements par an sur la période 2007-2016, avec un objectif de cinq cents LLS à partir de 2015.

Face à cette situation de crise du logement, votre commission estime, comme elle l'avait déjà affirmé à l'occasion de la précédente loi de finances, qu'il serait justifié :

- que le droit à l'allocation logement (AL) soit ouvert aux personnes résidant dans des logements-foyers non conventionnés , c'est-à-dire n'ouvrant pas droit à l'aide personnalisée au logement (APL) ;

- concernant le barème de l'allocation logement, que le « forfait charges » spécifique des Dom soit remis à niveau afin de contenir dans des marges acceptables le taux d'effort effectif des bénéficiaires.

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