DEUXIÈME PARTIE : LA MISSION « IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION »

Depuis 2003, notre pays se dote progressivement d'une politique migratoire structurée après avoir longtemps balancé entre le mythe de « l'immigration zéro » et une certaine résignation à subir les bouleversements d'un monde de plus en plus ouvert à la libre circulation des biens et des idées et traversé de mouvements migratoires puissants.

Cette politique est fondamentale pour notre pays et pour l'Europe.

Pour notre pays, elle doit nous permettre de rester fidèle à notre tradition d'accueil, cet enjeu étant un élément essentiel de notre identité nationale.

A cet égard, une récente étude 20 ( * ) sur la perception de l'immigration en Europe et aux Etats-Unis montre que la France est le pays où l'immigration est le plus perçu comme une chance que comme un problème (46  contre 35 %). Dans tous les autres grands pays, y compris les Etats-Unis, le rapport est inversé : en moyenne, 47 % considère l'immigration comme un problème contre 35 % comme une chance.

Pour l'Europe, elle doit l'aider à faire face au vieillissement de sa population tout en prenant garde à ne pas bouleverser les équilibres socio-économiques.

L'adoption du Pacte européen sur l'immigration et l'asile par le Conseil européen du 16 octobre 2008 a montré que par delà les situations nationales très différentes, les Etats membres ont pris conscience de la nécessité d'une réponse commune ordonnée autour de quelques principes.

A cet égard, l'expérience française a été mise en avant à l'occasion de la présidence française de l'Union européenne. Au cours des six dernières années, la France a défini sa politique d'immigration par paliers successifs, trois lois en 2003, 2006 et 2007 ayant précisé le cadre juridique de son action.

L'aboutissement de cet effort constant fut la création en mai 2007 du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui a permis de mutualiser et d'améliorer la coordination et la synergie de services qui travaillaient auparavant sur les mêmes problématiques mais relevaient de ministères différents.

La lettre de mission du président de la République à M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, datée du 9 juillet 2007, inscrit son action dans la continuité en indiquant que le coeur de la mission du ministre sera double : « conforter et approfondir la politique d'immigration choisie, telle qu'elle a commencé de se mettre en oeuvre depuis 2002, et convaincre nos partenaires de s'engager dans la définition d'une politique de gestion des flux migratoires à l'échelon européen et international ».

Avec l'adoption du Pacte européen, une grande partie des objectifs semble d'ores et déjà atteint.

On peut d'ailleurs se demander s'il eut été possible de parvenir à l'adoption de ce Pacte en l'absence d'un ministère dédié à ces questions.

Après un tour d'horizon du nouveau ministère et des principaux axes du budget pour 2009, le rapport insistera plus particulièrement sur la lutte contre l'immigration irrégulière.

MISSION « Immigration, asile et intégration  »

Programme
« Immigration et asile  »

Programme
« Intégration et accès à la nationalité française »

Actions :

- Circulation des étrangers et politique des visas (libellé complété)

- Garantie de l'exercice du droit d'asile

- Lutte contre l'immigration irrégulière (précédemment intitulée « Police des étrangers »)

- Soutien 21 ( * )

Actions :

- Accueil, intégration des étrangers primo-arrivants et apprentissage de la langue française (précédemment intitulée « Accueil des étrangers primo-arrivants »)

- Autres actions d'intégration des étrangers en situation régulière (précédemment intitulée « Intégration et lutte contre les discriminations »)

- Aide au retour et à la réinsertion

- Naturalisation et accès à la nationalité

I. UN MINISTÈRE RENFORCÉ, UN BUDGET EFFICACE

A. UN MINISTÈRE RÉGALIEN À PART ENTIÈRE

1. Un ministère qui s'affirme dans le paysage ministériel

En un peu plus d'un an, force est de constater que le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire (MIIINDS) a su s'imposer comme l'organisateur et le coordonnateur de la politique française d'intégration et d'immigration.

La naissance de ce ministère ne garantissait pourtant pas la réussite de ce projet assez inédit. Malgré des compétences très étendues sur tous les aspects touchant à l'immigration et à l'intégration et définies par le décret n° 2007-999 du 31 mai 2007, le ministère ne disposait d'aucune administration déconcentrée pour mettre en oeuvre sa politique et il n'avait pas encore constitué son administration centrale.

La négociation et l'adoption du pacte européen sur l'immigration et l'asile ont illustré sa capacité à s'affirmer comme l'interlocuteur unique sur ces questions.

Incontesté désormais, ce ministère a su conserver sa spécificité : être une administration d'état-major.

2. Une administration centrale en ordre de marche

Lors de la présentation du budget pour 2008, le MIIINDS ne disposait pas encore d'une administration centrale propre. Un projet d'organigramme avait été transmis à votre rapporteur, mais il devait encore être soumis à la consultation des commissions techniques paritaires dans les différents ministères concernés.

L'organigramme a été arrêté par le décret n° 2007-1891 du 26 décembre 2007. Il est pratiquement identique au projet qui avait été transmis à votre rapporteur.

Cette administration comprend à titre principal, sous l'autorité d'un secrétaire général épaulé par une équipe de 15 personnes :

- la direction de l'immigration (179,3 ETPT), chargée de la réglementation de l'entrée, du séjour et de l'exercice d'une activité professionnelle en France des ressortissants étrangers, ainsi que de la réglementation relative à l'éloignement et à la lutte contre l'immigration et le travail illégaux ou la fraude documentaire ;

- la direction de l'accueil, de l'intégration et de la citoyenneté (193,1 ETPT), en charge notamment de l'égalité des chances, de la lutte contre les discriminations et de la nationalité ;

- le service de l'asile (70,4 ETPT), chargé de la réglementation relative au droit d'asile et aux réfugiés et, en liaison avec l'office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), de la prise en charge sociale des personnes concernées ;

- au titre des fonctions support, le service de la stratégie (29,2 ETPT), ainsi que le service de l'administration générale et des finances (31,8 ETPT) ;

- le service des affaires européennes (6 ETPT) et le service des affaires internationales et du développement solidaire (20,8 ETPT) ;

- enfin, le cabinet du ministre (28,8 ETPT) auquel il faut ajouter le bureau du cabinet (23,8 ETPT) soit un peu plus de 50 personnes.

Le choix initial d'une administration de mission a été maintenu, aucun service déconcentré ne lui étant rattaché (agents des services des visas dans les consulats, des services des étrangers des préfectures, de la police aux frontières).

Le nouveau ministère n'a pas souhaité disposer de corps de fonctionnaires spécifiques, la tendance étant plutôt de réduire leur nombre dans la fonction publique. Par conséquent, les recrutements se feront sur contrat ou, s'agissant des titulaires, par détachement ou mise à disposition.

D'une certaine manière, la Révision générale des politiques publiques devrait renforcer encore cet aspect, puisque la sous-direction de l'accès à la nationalité française ne devrait bientôt plus connaître que des demandes de naturalisation ayant été rejetées par les préfectures, celles-ci instruisant seules les dossiers ne présentant pas de difficultés 22 ( * ) . Rappelons qu'aujourd'hui, l'ensemble des demandes de naturalisation sont examinées au niveau central par cette sous-direction, anciennement située au sein de la direction des populations et des migrations du ministère des affaires sociales.

On notera toutefois qu'est à l'étude la création dans les préfectures de région les plus importantes de services départementaux spécifiquement chargés de l'immigration et de l'intégration. La question se poserait de les rattacher au ministère de l'immigration.

3. Un débat tranché : le regroupement des services parisiens du ministère

La question de l'implantation immobilière des services rattachés au ministère depuis sa création en mai 2007 a été au centre de ses priorités d'action en raison de l'éclatement des personnels tant en province qu'à Paris. Après une période de transition assez longue et de nombreuses réunions d'arbitrage avec le cabinet du Premier ministre, ponctuées de trois auditions du secrétaire général du ministère par la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée Nationale (le 7 février 2008), par le conseil immobilier de l'Etat (le 25 juin 2008) et enfin par la commission des finances du Sénat (le 5 juin 2008), une solution de regroupement des services parisiens a été arrêtée par le cabinet du Premier ministre pour 2009.

Le ministère est en effet implanté sur 6 sites à Paris et 2 sites en province (Nantes et Rezé). Ces sites représentent 6.519 m² en province et 6.882 m² à Paris (bureaux du ministre et de son cabinet compris).

Le ratio d'occupation moyen par agent est de 26 m² en province et de 27 m² à Paris, contre un ratio optimum rappelé par le Conseil de modernisation des politiques publiques du 12 décembre 2007 de 12 m² par agent.

Les sites sont soit des implantations domaniales de l'Etat (Nantes, Beauvau, rue de Lille, et rue de Grenelle) relevant de la logique des loyers budgétaires soit des sites pris à bail (Rezé, Montparnasse Nord Pont, rue Saint Georges, rue de Rennes).

Les effectifs localisés en province représentent 42% de l'effectif total du ministère.

Les implantations du ministère de l'immigration

Implantations

Surface (m2)

Nombre de postes
de travail

m2 par agent

Rezé

4.713

156

30,21

Nantes

1.806

96

18,8

Beauvau

1.437

110

13,06

Montparnasse

2.203

76

29

Rue de Grenelle

1.918

135

14,2

Rue de Lille

92

11

8,36

Haut Conseil à l'intégration

415

8

51,9

Rue de Rennes

817

65

12,57

Total

13.401

657

20,40

Très rapidement après la création du ministère, M. Brice Hortefeux, a souhaité regrouper les services parisiens sur un seul site afin de souder les équipes et créer un sentiment d'appartenance à un ensemble administratif homogène. Rappelons que l'administration centrale du ministère créé le 1 er janvier dernier a été bâtie à partir de services ou de morceaux de services provenant de trois ministères différents. Plusieurs de ces services se situent dans des locaux abritant d'autres services de ces ministères.

Si cette volonté était légitime, sa mise en oeuvre devait néanmoins ne pas entraîner de coûts exagérés.

Le choix d'installer ces services au 103, rue de Grenelle, c'est-à-dire dans un immeuble mitoyen de celui du cabinet du ministre, a été abandonné en raison de son coût et du début de polémique que cela avait suscité.

L'année 2009 devrait être marquée, au plus tard le 1 er juin 2009 si les occupants actuels libèrent les locaux dans les délais prévus, par le regroupement des services éclatés à Paris sur 6 sites sur deux sites domaniaux situés au 68, rue de Bellechasse (814 m² pour 59 postes de travail) et au 3, rue Barbet de Jouy (2.597 m² pour 172 postes de travail) à proximité immédiate du cabinet du ministre (101, rue de Grenelle).

Ces locaux dont le ministère sera rendu affectataire par le ministre en charge du budget en 2009 font l'objet d'une inscription au programme 303 action 04 « soutien du programme », de loyers budgétaires pour un montant de 2,37 millions d'euros. Par ailleurs, les bâtiments situés au 101 rue de Grenelle occupés par le ministre et son cabinet sont dotés d'un loyer budgétaire de 1,05 millions d'euros.

Ces dotations devraient être stables sur la période 2009-2011.

En revanche, la cession des locaux de l'ANAEM, envisagée l'an passé, n'est plus à l'ordre du jour.

4. Des relations avec les autres ministères clarifiées

Le décret du 31 mai 2007 portant attributions du ministre de l'immigration prévoit qu'il peut disposer, en tant que de besoin, de différentes administrations relevant de l'autorité d'autres ministres, telles la direction générale de la coopération internationale et du développement, la direction générale de la gendarmerie nationale, la direction générale des douanes et des droits indirects, la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, la délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal ou la délégation interministérielle à la ville. Environ quinze directions sont ainsi énumérées.

Il ne semble pas que des difficultés particulières soient apparues, la collaboration des différents services se passant plutôt bien.

Il en va de même pour la plupart des services sur lesquels le ministre a autorité conjointe comme la direction générale de la police nationale pour la police aux frontières. La RGPP invite ces ministères à travailler conjointement. C'est ainsi qu'est mise en oeuvre la suppression d'unités de la police aux frontières dans les départements à faible activité ou la suppression des unités de gendarmerie mobile affectées à la garde de centres de rétention administrative, la police aux frontières se substituant à elles grâce à ces nouveaux moyens dégagés..

En revanche, des tensions et des conflits de compétences ont perduré avec le ministère des affaires étrangères s'agissant de la politique des visas et de la ligne de partage entre les deux ministères.

Deux arbitrages ont été rendus en faveur du MIIINDS.

D'une part, les crédits correspondants à la gestion informatique des visas (Réseau mondial visas et le déploiement des visas biométriques) ont été transférés sur le programme « Immigration et asile » pour un montant de 2,6 millions d'euros.

D'autre part, la RGPP a reconnu la responsabilité opérationnelle du ministère de l'immigration, même si les effectifs des services des visas ne figurent pas dans son budget. La répartition des effectifs des services des visas entre les différents consulats fera désormais l'objet chaque année d'une décision conjointe des ministères de l'immigration et des affaires étrangères.

Il conviendra de suivre attentivement les résultats de cette co-décision délicate.

* 20 « Transatlantic trends : Immigration 2008 ». Cette étude a été menée à l'initiative du German Marshall Fund of the United States, avec le soutien de la Lyndre and Harry Bradley Foundation, la compagnie di San Paolo et le Barrow Cadbury Trust.

* 21 Cette action était précédemment intitulée « Soutien au programme « Immigration et asile » ». Le programme « Intégration et accès à la nationalité française » avait son pendant intitulé « Soutien du programme « Intégration et accès à la nationalité française ».

Toutefois, compte tenu de la taille très resserrée de l'administration centrale de ce ministère ainsi que de l'absence de services déconcentrés, le projet de loi finances pour 2009 fait le choix de regrouper tous les crédits des fonctions supports du ministère au sein d'une seule action « Soutien », notamment toutes les dépenses de personnel.

Cette action comprend également les crédits de soutien du programme 301 « Développement solidaire et migrations » de la mission « Aide publique au développement » qui est piloté par le ministère de l'immigration.

* 22 Conseil de modernisation des politiques publiques du 12 décembre 2007.

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