III. LES PROGRÈS DE L'ETAT DE DROIT

Dans l'attente de l'adoption du projet de loi pénitentiaire qui permettra de poser un socle de règles claires, à un niveau adapté dans la hiérarchie des normes, et d'améliorer les conditions de détention, l'état de droit dans les prisons a progressé sous l'effet de trois facteurs : les avancées de la jurisprudence administrative, la mise en place du Contrôleur général des lieux de privation de liberté et l'application, encore expérimentale, des règles pénitentiaires européennes.

A. LE RENFORCEMENT DU CONTRÔLE EXERCÉ PAR LE JUGE ADMINISTRATIF SUR LA SITUATION DES DÉTENUS

Le Conseil d'Etat a été récemment conduit à préciser la portée de son contrôle sur les décisions prises par l'administration pénitentiaire. S'il a progressivement limité le champ des mesures d'ordre intérieur, c'est-à-dire des décisions qui ne peuvent pas faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, celles-ci demeurent encore nombreuses dans le domaine pénitentiaire compte tenu des spécificités de la mission impartie à l'administration dans cette matière. La position de la juridiction administrative s'inspire, comme l'a rappelé le commissaire du Gouvernement, de la volonté de « rapprocher le détenu du justiciable de droit commun » et « d'élargir [son] accès aux prétoires » tout en tenant compte des contraintes propres à l'administration pénitentiaire. Par trois arrêts en date du 14 décembre 2007, l'assemblée du contentieux, précisant sa jurisprudence antérieure issue de l'arrêt Marie du 17 février 2005, a pris pour principe qu'une décision durcissant les conditions de détention pouvait être soumise au contrôle du juge administratif.

Ce critère a ainsi été retenu dans trois séries de décisions :

- un changement d'affectation d'un détenu d'un établissement pour peines à une maison d'arrêt. En effet, dans la mesure où, contrairement au régime appliqué en maison d'arrêt, le régime de détention en établissement pour peine se caractérise par un isolement de nuit seulement et l'organisation d'activités orientées vers la réinsertion, la décision de procéder à un tel transfert peut être soumise au contrôle du juge administratif. En revanche, les décisions de changement d'affectation d'une maison d'arrêt à un établissement pour peines ou des décisions de changement d'affectation entre établissements de même nature restent, sauf si elles mettent en cause des libertés et droits fondamentaux, des mesures d'ordre intérieur ;

- les décisions de déclassement d'emploi , c'est-à-dire la décision par laquelle l'administration pénitentiaire prive un détenu de l'emploi qu'il exerçait au sein de l'établissement où il est incarcéré. Cependant, les refus opposés à une demande d'emploi ou les décisions de classement ne sauraient quant à elles faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ;

- la décision de soumettre un détenu à des changements fréquents d'affectation (« rotations de sécurité ») afin de prévenir toute tentative d'évasion 13 ( * ) .

Sans qu'il soit assuré que le Conseil d'Etat confirme leur décision, certaines juridictions administratives du premier degré sont allées encore plus loin, tel le tribunal administratif de Rouen qui a condamné l'Etat le 27 mars 2008, à verser 3.000 euros de dommages et intérêts en raison du préjudice moral lié aux conditions matérielles de détention, décision confirmée par la Cour administrative de Douai le 24 juin dernier.

* 13 Dans cette affaire, le Conseil d'Etat était saisi dans le cadre d'une demande de référé. La suspension de la décision administrative est subordonnée, en vertu de l'article L. 521-1 du code de justice administrative qui régit la procédure de référé, à l'urgence et à un moyen propre à soulever un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée. En l'espèce, l'assemblée du contentieux a considéré que la condition liée à l'urgence (atteinte suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre) n'était pas remplie dans la mesure où, si la décision contestée portait atteinte aux conditions de détention, elle répondait, compte tenu des tentatives d'évasion répétées et de la dangerosité de l'intéressé, à des exigences de sécurité publique.

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