II. FACE À CETTE RÉVOLUTION, UNE RÉNOVATION AMBITIEUSE DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC S'IMPOSE

Face aux changements radicaux décrits plus haut, deux voies se présentaient : ne rien faire et assister en spectateurs impuissants à l'effondrement du système audiovisuel public et, avec lui, de la création dont les ressources sont directement dépendantes des recettes publicitaires ; ou réformer profondément l'audiovisuel public, ce qu'a opportunément choisi de faire le Gouvernement.

Votre commission des affaires économiques, pour ce qui entre dans son champ de compétences, approuve les deux axes majeurs de la réforme :


• la restructuration de France Télévisions en une entreprise unique pour lui permettre de relever le défi du numérique ;


• la suppression progressive de la publicité pour mettre en cohérence un cap éditorial exigeant avec la nature du financement des programmes, alors qu'aujourd'hui, France Télévisions est financée aux deux tiers par la redevance et au tiers par la publicité.

Cette exigence ne signifie pas pour autant que France Télévisions devra mépriser l'audience : en effet, la télévision de service public doit être une télévision fédérative qui tisse du lien social. Pour citer François Mauriac, dans sa chronique, « la télévision, c'est l'une des images que la France se donne d'elle-même ». De surcroît, le divorce avec le public n'a jamais été une garantie de génie ou un label de qualité.

III. UNE RÉFORME SOUHAITABLE MAIS SELON QUELLES MODALITÉS ?

Si votre commission pour avis approuve le sens de la réforme - qui est effective depuis le 5 janvier 2009 suite à la décision prise par le Conseil d'administration de France Télévisions le 16 décembre 2008 -, elle ne peut manquer de s'interroger sur ses modalités. Notamment, du fait de sa compétence sur le secteur des communications électroniques, votre rapporteur pour avis s'inquiète de la taxation envisagée à son encontre.

Taxer un secteur dynamique pour financer l'obsolescence d'un modèle de financement semble une solution risquée, tant au plan économique que juridique :


• cela revient à faire supporter 85 % du poids financier de la réforme sur un secteur (celui des communications électroniques) qui ne bénéficiera en rien de la suppression de la publicité sur France Télévisions, puisque la publicité est étrangère à son modèle économique, lequel repose sur des abonnements ou de la consommation ;


• surtout, l'on peut s'interroger sur la justification de cette taxation puisque l'essentiel de l'activité des opérateurs de communications électroniques n'a rien à voir avec l'image : quel lien existe-t-il entre la télévision publique et le téléphone (fixe ou mobile), les SMS, les mails ? On objectera que les opérateurs donnent accès à la télévision par l'ADSL, mais, précisément, les revenus tirés de cette activité ont été retirés de l'assiette du chiffre d'affaires qui supportera la taxe prévue de 0,9 %.

La taxe encourt ainsi le risque de ne pas être conforme à la Constitution mais, surtout, elle fait peser un risque économique sur la croissance de demain. Accroître la taxation des opérateurs télécoms entraînera une diminution de leurs investissements, au moment même où l'on demande aux opérateurs un effort important pour la couverture numérique du territoire, qu'il s'agisse de la téléphonie mobile, du haut débit ou de la fibre optique. Cette demande de couverture des territoires est complètement justifiée quand on sait qu'elle est la condition sine qua non de leur développement à venir.

Il est donc paradoxal de ponctionner la capacité d'investissement des opérateurs alors que toutes les études montrent que ces investissements dans le numérique sont décisifs pour les économies modernes : 25 % de la croissance en dépend. Le Gouvernement lui-même estime qu'un doublement des investissements dans l'économie numérique représenterait en France un point de croissance supplémentaire.

D'autres pays l'ont bien compris. A titre d'exemple, on peut évoquer le président des Etats-Unis nouvellement élu, M. Barack Obama, qui place le numérique et le déploiement des réseaux au coeur de son plan de relance économique.

Cette taxe sur les opérateurs de communications électroniques représente donc un risque pour la croissance, d'autant qu'avec un taux de 0,9 %, elle n'est plus « infinitésimale », comme annoncé par le Président de la République, ni même proche du taux de 0,5 % avancé par la commission présidée par M. Jean-François Copé. C'est pourquoi votre commission pour avis propose d'en amoindrir les effets collatéraux en épargnant les plus petits opérateurs (notamment mobiles virtuels, aiguillon de concurrence) et les opérateurs ultra-marins (étant donné le maintien de la publicité sur RFO, qui est la télévision publique regardée dans ces territoires).

D'autres solutions sont possibles : la redevance est la seule à réellement garantir dans le temps des ressources suffisantes et indépendantes au service public audiovisuel. C'est pourquoi votre commission pour avis se félicite de son indexation, qui arrive malheureusement après six ans de gel de son niveau, et de la proposition de la commission des affaires culturelles d'arrondir son montant à l'euro supérieur.

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