EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. L'OUTRE-MER : HANDICAPS SÉRIEUX ET ATOUTS IMPORTANTS

La situation des territoires ultramarins est marquée par des handicaps économiques et sociaux sérieux, mais également par certains atouts qui ne sont que rarement soulignés. La crise économique mondiale a cependant amplifié la crise latente dans les départements d'outre-mer, et notamment dans les Antilles, qui vivent aujourd'hui une crise économique et sociale, voire sociétale et identitaire.

A. UNE SITUATION ÉCONOMIQUE ET SOCIALE DIFFICILE

1. Un retard social marqué par rapport à la métropole

La situation sociale des territoires ultramarins est particulièrement difficile , comme l'illustrent la plupart des indicateurs socio-économiques. Ainsi le taux de chômage, le Produit intérieur brut (PIB) par habitant ou encore le nombre de bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (RMI) montrent qu'un écart important perdure par rapport à la métropole.

L'ÉCART DE NIVEAU DE VIE
ENTRE LES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER ET LA MÉTROPOLE

Taux de chômage en 2007 (en  %)

PIB par habitant en 2007 (en euros)

Bénéficiaires du RMI en 2007

Guadeloupe

22,7

17.221

32.052 1 ( * )

Martinique

21,2

19 111

31 592

Guyane

20,6

12 965

12 178

Réunion

24,2

16.244

68.241

Métropole

8,1

30.140

1.007 117

Par ailleurs, les dernières données d'Eurostat montrent que les quatre départements français d'outre-mer sont les régions de l'Union européenne (UE) qui enregistrent le plus fort taux de chômage . Selon la dernière enquête statistique, le taux de chômage atteint ainsi 25,2 % de la population active à la Réunion, 25 % à la Guadeloupe, 22,1 % à la Martinique et 21 % en Guyane.

La situation des jeunes est elle aussi particulièrement inquiétante , puisque, alors que le taux de chômage des 15-24 ans atteint 19,4 % en métropole, il culmine à 55, 7% en Guadeloupe, 50 % à la Réunion ou encore 47,8 % à la Martinique.

Cette situation explique également le poids prépondérant de la fonction publique dans la population ultramarine . Alors que la fonction publique représente environ 30 % de la population active en métropole, elle pèse souvent dix points de plus dans les collectivités ultramarines.

PART DES EMPLOIS PUBLICS

Martinique

43,6 %

Guadeloupe

36,5 %

Guyane

42,0 %

Réunion

44,4 %

Mayotte

47,4 %

Polynésie française

32,4 %

Nouvelle-Calédonie

39,1 %

Wallis-et-Futuna

65,0 %

Saint-Pierre-et-Miquelon

33,4 %

Métropole

30,3 %

Source : Secrétariat d'Etat à l'outre-mer.

Au-delà de la situation en matière de chômage ou de minimas sociaux, les populations ultramarines sont confrontées à d'autres difficultés, la plus criante étant celle de la situation du logement .

Ce n'est pas une nouveauté et votre rapporteur pour avis souligne que la commission des affaires économiques s'était déjà inquiétée de cette situation lors de l'examen de la loi de programme pour l'outre-mer en 2003, soulignant que la situation du logement outre-mer était « analogue à celle que connaissait la métropole au début des années 1960 » 2 ( * ) . Le manque de logements sociaux demeure criant, avec 80 % de la population ultramarine éligible aux logements sociaux : selon les données fournies par le secrétariat d'Etat à l'outre-mer, plus de 10.000 familles attendent un logement social en Martinique, plus de 12.250 en Guadeloupe, plus de 11.000 en Guyane et plus de 26.000 à la Réunion. Ainsi pour les quatre départements d'outre-mer (DOM), il manque près de 60.000 logements sociaux. De plus, l'outre-mer souffre également d'une forte proportion de logements insalubres : selon le secrétariat d'Etat à l'outre-mer, 25 % du parc total est constitué de logements précaires ou dépourvus d'éléments de confort et 15 % de logements peuvent être considérés comme insalubres (soit environ 69.000 logements).

2. Un retard lié à des handicaps pesant sur le développement économique

Cette situation sociale difficile est liée un certain nombre de handicaps qui freinent le développement économique des territoires ultramarins.

Le premier de ces handicaps est l'éloignement et l'isolement géographique , lié à l'insularité ou, pour le cas guyanais notamment, à l'enclavement. Les Antilles se situent à près de 6.800 kilomètres de Paris, la Polynésie à 16.000 kilomètres et la Nouvelle-Calédonie à 19.000. Cet éloignement induit des coûts de transports élevés , tant pour les personnes que pour les biens, d'autant que les échanges sont fortement polarisés vers la métropole : cette dernière demeure en effet le premier fournisseur et le premier destinataire des produits ultramarins 3 ( * ) . Le taux de couverture 4 ( * ) des collectivités ultramarines est particulièrement faible, n'atteignant ainsi qu'1,8 % pour Mayotte, 6,2 % pour la Guadeloupe ou 6,7 % pour la Réunion 5 ( * ) .

Par ailleurs l'étroitesse des marchés pèse également, en rendant difficile la réalisation d'économies d'échelle.

L'outre-mer est également marqué par une dépendance à un nombre réduits de secteurs économiques . A l'exception du secteur spatial en Guyane et de l'exploitation du nickel en Nouvelle-Calédonie, les économies des territoires ultramarins s'articulent autour du secteur primaire, du tourisme et du secteur du bâtiment travaux publics (BTP) :

- l'agriculture conserve en effet un poids économique important. Ce secteur est cependant fragilisé par la concurrence et, les productions étant très spécialisées, sa situation est très sensible aux aléas des marchés agricoles ;

- le tourisme a conquis une place déterminante dans l'économie des Antilles et il se développe aujourd'hui à la Réunion, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie. Sa situation n'est cependant guère florissante aujourd'hui 6 ( * ) : la fréquentation de la Réunion a chuté presque de moitié à la suite de l'épidémie de Chikungunya 7 ( * ) et la fréquentation de la Martinique a stagné en 2007 sous les effets combinés du cyclone Dean, de l'épidémie de dengue ou encore de la médiatisation de la pollution des sols au chlordécone ;

- le secteur du BTP joue aujourd'hui un rôle moteur dans les économies ultramarines, comme l'ont souligné toutes les personnalités auditionnées par votre rapporteur pour avis. Ce secteur reste cependant fragile et il convient de prendre garde à ne pas porter atteinte, même à la marge, à son dynamisme. Le secteur est nourri par la commande publique et la construction de logements, dont le rythme s'est accéléré depuis 2003 en lien avec les dispositifs de défiscalisation mis en place par la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer, dite « loi Girardin ».

L'économie ultramarine est ainsi peu diversifiée, ce qui constitue une faiblesse importante : en effet il suffit qu'un des secteurs connaissent une « mauvaise passe », comme pour le tourisme depuis plusieurs années, pour que la situation économique générale s'en ressente.

* 1 Pour information, le taux de bénéficiaires du RMI atteint ainsi près de 18 % à la Guadeloupe, contre simplement 3,1 % en métropole.

* 2 Rapport n° 292 (2002-2003), projet de loi de programme pour l'outre-mer, M. Daniel Soulage, commission des affaires économiques.

* 3 Selon les données fournies par le secrétariat d'Etat à l'outre-mer, la métropole représente entre 50 et 60 % des échanges extérieurs des départements d'outre-mer. L'Union européenne, hors métropole, en représente environ 10 %.

* 4 Le taux de couverture constitue le rapport entre les exportations et les importations.

* 5 Chiffres fournis par le secrétariat d'Etat à l'outre-mer.

* 6 Cf. Conseil économique et social, « Le tourisme, perspective d'avenir de l'outre-mer français », Avis présenté par Mme Cécile Felzines, 2007.

* 7 Le nombre de touristes s'est ainsi élevé à 280.000 en 2007 contre 430.000 en 2003.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page