CHAPITRE PREMIER : LES GRANDS « DÉSÉQUILIBRES » DU PRÉSENT PROJET DE LOI DE FINANCEMENT

I. FAISANT FONCTION D'AMORTISSEUR SOCIAL ET ÉCONOMIQUE, LA SÉCURITÉ SOCIALE SUBIT DE PLEIN FOUET LA DÉGRADATION DE LA CONJONCTURE

A. UN NIVEAU DE DÉFICIT INÉDIT

En 2008, les régimes de base de sécurité sociale et le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) ont été relativement épargnés par la crise économique . Leur déficit global, soit 11,2 milliards d'euros, s'est ainsi maintenu au niveau de celui constaté en 2007 ( cf. tableau de la page suivante). Comme l'indique la commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport d'octobre 2009 1 ( * ) , la baisse de l'activité économique et de l'emploi, amorcée au deuxième trimestre de l'année 2008, ne s'est, en effet, accélérée qu'en fin d'année et a ainsi peu pesé sur la progression de la masse salariale en 2008 qui atteint encore, cette année là, 3,6 %.

En revanche, en 2009, la dégradation de la conjoncture économique a frappé de plein fouet - et frappera plus encore en 2010 - les comptes de la sécurité sociale . Les déficits atteindront alors, en seulement deux ans, des niveaux record.

Si la chute brutale des recettes explique la majeure partie de cette situation, les causes structurelles du déficit qui préexistaient à la crise ne doivent cependant pas être oubliées . C'est, en effet, avec un handicap structurel de près de 9,5 milliards d'euros que notre système de sécurité sociale est entré dans la crise.

1. Plus qu'un triplement du déficit spontané des régimes de base et du FSV en seulement deux ans...

Globalement, le déficit des régimes de base est concentré sur deux régimes : d'une part, le régime général qui représente à lui seul 96,5 % du déficit global cumulé 2009-2010 et, d'autre part, les régimes des exploitants agricoles. Les autres régimes de base seraient en revanche quasiment à l'équilibre sur cette période.

Aux déficits du régime général et du régime des non-salariés agricoles s'ajoute celui du FSV qui, comme le régime général, atteint un niveau historique.

a) Le régime général connaîtra en 2010 un déficit trois fois supérieur aux déficits les plus élevés enregistrés jusqu'à présent
(1) Un véritable changement d'échelle

Selon les derniers chiffres de la commission des comptes de la sécurité sociale 2 ( * ) , le déficit du régime général devrait s'élever, en 2009, à 22,7 milliards d'euros , ce qui portera le déficit de l'ensemble des régimes de base de sécurité sociale et du FSV à 26,5 milliards d'euros, contre 11,2 milliards d'euros en 2008.

En tendance, c'est-à-dire avant les mesures proposées par le PLFSS pour 2010, le déficit du régime général devrait encore croître de 10,9 milliards d'euros en 2010 pour atteindre 33,6 milliards d'euros . Le déficit de l'ensemble des régimes de base et du FSV s'élèverait, par conséquent, à 38,8 milliards d'euros en 2010, soit plus qu' un triplement par rapport à 2008 .

Solde tendanciel des régimes de base de sécurité sociale et du FSV avant les mesures proposées par le PLFSS

( en milliards d'euros )

2007

2008

2009

(prévisions LFSS)

2009

(prévisions
octobre)

2010 (prévisions
octobre)

Régime général

-9,5

-10,2

-10,5

-22,7

-33,6

Autres régimes de base

-1,8

-1,9

-0,9

-0,8

-1,3

Ensemble des régimes de base

-11,3

-12,0

-11,4

-23,4

-34,9

FSV

0,2

0,8

-1,0

-3,0

-3,9

Ensemble des régimes de base et FSV

-11,1

-11,2

-12,4

-26,5

-38,8

Note : LFSS : loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Source : commission des comptes de la sécurité sociale - rapport d'octobre 2009

La sécurité sociale enregistrera ainsi en 2009 et 2010 des déficits jamais atteints : même lors de périodes comprises entre 1993 et 1995 et entre 2003 et 2008, pourtant marquées par des déficits particulièrement importants, le solde du régime général s'était stabilisé autour de 10 milliards d'euros comme le montre le graphique suivant.

Solde du régime général, de la CNAMTS et de la CNAVTS (1990-2010)

Source : commission des comptes de la sécurité sociale - rapport d'octobre 2009

(2) « Toutes les branches dans le rouge »

Toutes les branches du régime général connaîtront en 2009 et en 2010 un solde négatif. C'est l'assurance maladie qui verra la plus forte dégradation de son solde , soit - 6,6 milliards d'euros en 2009 et - 6,1 milliards d'euros en 2010. La branche maladie redeviendra ainsi la branche la plus déficitaire du régime général, interrompant le redressement progressif entrepris depuis 2005. Entre 2005 et 2008, le déficit de l'assurance maladie avait en effet été ramené de 8 milliards d'euros à 4,4 milliards d'euros.

La dégradation du solde de la branche vieillesse sera également forte mais de moindre ampleur , soit - 2,5 milliards d'euros en 2009 et - 3,2 milliards d'euros en 2010.

Quant à la branche famille, elle devrait enregistrer un déficit de 3,1 milliards d'euros en 2009 et de 4,4 milliards d'euros en 2010, en dépit d'un quasi retour à l'équilibre en 2007 et 2008.

De même, la branche accidents du travail - maladies professionnelles (AT-MP), qui était la seule en excédent en 2008, sera de nouveau déficitaire dès 2009.

Evolution tendancielle du déficit du régime général 2005-2010 avant les mesures proposées en PLFSS

( en milliards d'euros )

Branches concernées

2005

2006

2007

2008

2009

(prévisions)

2010

(prévisions)

Maladie

-8

-5,9

-4,6

-4,4

-11,0

-17,1

Accident du travail

-0,4

-0,1

-0,5

+0,2

-0,6

-0,8

Vieillesse

-1,9

-1,9

-4,6

-5,6

-8,1

-11,3

Famille

-1,3

-0,9

+0,2

-0,3

-3,0

-4,4

Total régime général

-11,6

-8,7

-9,5

-10,2

-22,7

-33,6

Source : commission des comptes de la sécurité sociale - rapports de juin et octobre 2009

b) La suppression du FFIPSA n'a pas résolu la question du déficit structurel de la branche vieillesse des non-salariés agricoles

S'agissant des régimes de base autres que le régime général, c'est pour l'essentiel le régime des non-salariés agricoles qui explique les déficits constatés en 2009 et 2010 ( cf . tableau suivant). Cette situation résulte du déficit structurel dont pâtit la branche vieillesse du régime des exploitants agricoles, la branche maladie de ce régime étant, depuis 2009, intégrée au régime général qui finance son déficit par une subvention d'équilibre.

Résultats des principaux régimes de base autres que le régime général

( en milliards d'euros )

2007

2008

2009 (prévisions)

2010 (prévisions)

Régime des exploitants agricoles

- 2,4

- 2,7

- 0,9

- 1,4

CNRACL

0,5

0,3

0,2

0,2

CRPCEN

0,0

- 0,1

- 0,2

- 0,2

RSI - maladie *

- 0,1

0,0

0,0

0,0

RSI - retraite *

0,3

- 0,2

0,0

0,0

Note : CNRACL : caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales ; CRPCEN : caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires ; RSI : régime social des indépendants.

* A partir de 2009, la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) affectée au RSI est calculée en droits constatés de façon à équilibrer exactement le solde des régimes.

Source : commission des comptes de la sécurité sociale - rapport d'octobre 2009

(1) Retour sur les mesures prises pour 2009 : la disparition du FFIPSA et ses conséquences

Le fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles (FFIPSA) avait été créé par la loi de finances pour 2004 en remplacement du budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA) qui ne répondait plus aux prescriptions de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Le FFIPSA s'était ainsi substitué au BAPSA dans sa mission de garantir le financement des prestations maladie et vieillesse des exploitants agricoles.

En dépit de deux reprises de dette par l'Etat en 2005 et 2007, la situation financière du FFIPSA a continué à se dégrader en raison essentiellement du non-versement par l'Etat de la subvention qui lui incombait en vertu de l'article L. 731-4 du code rural.

Déficits cumulés du FFIPSA depuis 2005

( en milliards d'euros )

2005

2006

2007

2008

Recettes

14,3

15,0

14,3

14,4

Dépenses

15,7

16,3

16,5

17,0

Solde annuel

- 1,4

- 1,3

- 2,2

- 2,6

Déficit cumulé

- 1,4*

- 2,7

- 4,9*

- 7,5

* Après effet des reprises de dette par l'Etat en 2005 et 2007

Source : lois de financement de la sécurité sociale pour 2008 et 2009

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a procédé à la suppression du FFIPSA à compter du 1 er janvier 2009 et a transféré la gestion du régime des non-salariés agricoles à la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA). A cette date, les droits et obligations du FFIPSA ont ainsi été transférés à la CCMSA. Concomitamment, afin d'assurer la neutralité de la reprise des engagements du fonds par la CCMSA, la loi de finances pour 2009 a procédé à l'apurement de la dette du FFIPSA contactée, depuis 2005, en prévoyant sa reprise par l'Etat à hauteur de 7,5 milliards d'euros.

En ce qui concerne le besoin de financement structurel du régime social des exploitants agricoles, un traitement différencié a été réservé aux branches maladie et vieillesse de ce régime. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a ainsi prévu l'adossement de la branche maladie du régime social des non-salariés agricoles à la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), conformément à la solution retenue pour les salariés agricoles depuis 1963. C'est donc désormais la CNAMTS qui assure l'équilibre de la branche maladie des exploitants agricoles par le versement d'une subvention d'équilibre.

Afin d'assurer la neutralité financière de cette opération pour le régime général, la loi de finances pour 2009 a décidé d'affecter une ressource nouvelle au financement de l'assurance maladie des non-salariés agricoles, soit l'intégralité du produit de la taxe sur les véhicules de société (TVS) évalué à environ 1,2 milliard d'euros pour 2009.

Si votre rapporteur pour avis, qui s'était montré inquiet depuis plusieurs années de la dégradation continue des comptes du FFIPSA, avait accueilli favorablement les mesures proposées dans le cadre des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2009, il s'était néanmoins interrogé sur plusieurs points :

- la méthode comptable utilisée s'agissant de la reprise de dette opérée par l'Etat 3 ( * ) ;

- la non-garantie, dès 2010, de la neutralité financière de l'adossement de la branche maladie des non-salariés agricoles au régime général : en effet, en raison d'un « effet de ciseaux » entre, d'une part, l'évolution du rendement attendu de la TVS et, d'autre part, l'évolution des dépenses de la branche maladie du régime social agricole, la subvention d'équilibre versée par la CNAMTS devait s'accroître substantiellement à compter de 2010 ;

- enfin, surtout, ces mesures n'apportaient aucune solution au besoin de financement structurel de la branche vieillesse du régime social agricole , à l'exception de l'économie attendue de l'allégement des frais financiers supportés par la branche en raison de la reprise de la dette cumulée du FFIPSA, alors évalué à 148 millions d'euros.

(2) Le financement des retraites des exploitants agricoles en question

Un an après, votre rapporteur pour avis note les éléments suivants qui attestent a posteriori certaines de ses observations :

- tout d'abord, selon les données de l'annexe 8 au présent projet de loi de financement, le montant de la dette du FFIPSA effectivement reprise par l'Etat, soit 7,972 milliards d'euros, s'est révélée supérieure de 371 millions d'euros au déficit cumulé définitivement constaté . Cet excédent a été laissé à la branche vieillesse du régime social des exploitants agricoles au cours de l'année 2009. Cependant, le projet de loi de finances rectificative pour 2009 devrait prévoir l'affectation de ce surplus à l'apurement des dettes de l'Etat vis-à-vis du régime des salariés agricoles. Ceci aura pour conséquence de ne plus faire apparaître ces 371 millions d'euros, comme une recette exceptionnelle, dans les comptes du régime des exploitants agricoles ;

- par ailleurs, compte tenu des contextes démographique et conjoncturel défavorables aux exploitants agricoles, la CNAMTS devrait, selon les données de la commission des comptes de la sécurité sociale, verser dès 2009 une subvention d'équilibre à la branche maladie des non-salariés agricoles, à hauteur de 55 millions d'euros. Cette subvention devrait s'élever à 391 millions d'euros en 2010 ;

- enfin, en raison de la suppression du FFIPSA, la branche vieillesse du régime des exploitants agricoles ne reçoit plus de subvention d'équilibre et son solde se dégrade très rapidement . Ainsi, en 2009, la branche vieillesse du régime social des non-salariés enregistrera un déficit de 0,9 milliard d'euros en 2009 et de 1,4 milliard d'euros en 2010 . Ce déficit reflète désormais celui de l'ensemble du régime des exploitants agricoles .

Cette situation de la branche vieillesse des exploitants agricoles a été admise par M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui avait déclaré lors de la présentation du PLFSS pour 2009 devant la commission des comptes de la sécurité sociale : « Pour la branche vieillesse, la situation des finances publiques ne permet pas de résoudre dès 2009 l'intégralité des difficultés de financement. Des recettes nouvelles ponctuelles pourront être affectées mais cela ne suffira pas : le Gouvernement s'engage, dans le cadre du point d'étape sur les retraites en 2010, à étudier la question du financement du régime d'assurance vieillesse des non-salariés agricoles » 4 ( * ) .

Il convient de noter qu'au titre des mesures « ponctuelles », l'article 13 du présent PLFSS propose de majorer la fraction de droits de tabac accordée à la CCMSA au titre du régime complémentaire obligatoire (RCO) afin de respecter l'engagement du Premier ministre de permettre à davantage de veuves d'exploitants agricoles de bénéficier, au titre de la réversion, de la retraite complémentaire de leur conjoint à compter du 1 er janvier 2010.

Toutefois, le présent projet de loi de financement ne propose aucune solution pérenne pour le financement de la branche retraite des non-salariés agricoles , le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, renvoyant à nouveau la question aux négociations qui auront lieu au cours de l'année 2010 sur le schéma général de financement des retraites 5 ( * ) . Votre rapporteur pour avis veillera à ce qu'une réponse soit effectivement apportée dans ce cadre. Il est en effet indispensable de veiller à ce que les dettes passées ne se reconstituent pas.

c) La situation du FSV, « le jeu de dupes » ?

Créé par la loi du 22 juillet 1993, le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), établissement public à caractère administratif, est chargé du financement des avantages vieillesse à caractère non contributif relevant de la solidarité nationale. Trois articles du PLFSS pour 2010 concernent le FSV : l'article 24 concernant l'approbation du tableau d'équilibre du FSV pour 2010, l'article 40 relatif au transfert au FSV du financement des validations gratuites de trimestres au titre de périodes d'arrêts maladie, maternité, AT-MP et invalidité, l'article 49 ayant trait à la prévision des charges du FSV.

(1) Le FSV devrait accumuler plus de 18 milliards de déficit entre 2009 et 2013

Le projet loi de financement pour 2010 prévoit un déficit important et durable du Fonds solidarité vieillesse (FSV). Ainsi, après un solde annuel excédentaire de 0,15 milliard d'euros en 2007 et 0,8 milliard d'euros en 2008, le FSV connaîtrait une situation déficitaire structurelle à partir de 2009 comme le montre le tableau ci-dessous. Entre 2009 et 2013, le FSV accumulerait 18,3 milliards d'euros de déficit .

Solde du Fonds de solidarité vieillesse

(en milliards d'euros)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Recettes

14,4

15,4

12,9

12,9

14,2

14,7

15,3

Dépenses

14,3

14,5

16

17,4

18,2

18,4

18,5

Solde annuel

0,2

0,8

-3

-4,5

-4

-3,7

-3,1

Solde cumulé

-4,8

-3,9

- 3

- 6,1

-10,6

-14,6

-18,3

*La dette cumulée en 2008 a été reprise par la CADES entre la fin de l'année 2008 et le début de l'année 2009

Source : PLFSS pour 2010, annexe B, rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale

(2) Cette situation résulte d'une modification, amplifiée par la crise, de la structure des recettes et des charges du fonds

Le résultat annuel du FSV est sujet à d'importantes fluctuations, compte tenu de la nature des ressources dont il bénéficie et des charges qui lui incombent. La situation déficitaire du FSV s'explique néanmoins pour l'essentiel par la diminution en 2009 de la fraction de la CSG qui lui est attribuée.

(a) De moindres recettes...

Le FSV enregistrerait une diminution de 16,2 % de ses recettes entre 2008 et 2009 et une stagnation de celles-ci en 2010. Rappelons que les produits du fonds sont constitués pour l'essentiel d'une fraction du produit de la CSG, d'une fraction de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), d'une fraction du prélèvement social, ainsi que d'une contribution de la CNAF vers le FSV au titre des majorations de pension pour enfant à charge.

L'impact de la diminution de la CSG décidée par la loi de financement pour 2009 est amplifié par la crise qui réduit également, via un mécanisme de répartition particulier, la part de C3S pouvant être attribuée au FSV en 2009 et 2010. Ainsi :

- la loi de financement pour 2009 a transféré 0,2 point de CSG affecté au FSV vers la CADES , afin de financer entre 2008 et 2009 la reprise de dette à hauteur de 27 milliards d'euros des déficits cumulés de la CNAM, de la CNAV et du FSV. Ce faisant, elle a déséquilibré durablement le solde du FSV. La Cour des comptes , dans son dernier rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, a fait une analyse critique du transfert de CSG opéré fin 2008 du FSV vers la CADES : « Par cette opération, on a en fait réduit les recettes servant au financement des dépenses actuelles de sécurité sociale (le financement des retraites via le FSV) pour en affecter une partie au financement de déficits passés (l'amortissement de la dette de la CADES). Cet arbitrage illustre les inconvénients d'un déficit persistant du régime général : le financement différé de dépenses anciennes soustrait des ressources nécessaires au financement des dépenses actuelles. Des dispositions importantes de la loi de financement de la sécurité sociale se trouvent ainsi inadaptées à la conjoncture de 2009. » ;

- cette perte structurelle de recettes se double d'une diminution de la fraction du prélèvement social affecté au FSV : cette modification de la clé de répartition du prélèvement social est toutefois destinée à compenser, selon l'annexe 8 du PLFSS pour 2010, l'augmentation de recettes résultant de la hausse de la contribution de la CNAF au titre du financement des majorations de pension pour enfant.

Votre rapporteur pour avis souligne que l'argument de la compensation de l'augmentation des recettes en provenance de la CNAF est doublement utilisé : d'une part, pour justifier la diminution du prélèvement social à partir de 2009, d'autre part pour neutraliser l'accroissement de charges lié au transfert du financement de nouvelles validations gratuites de trimestres de retraite ( cf. infra ) ;

- enfin, l'impact de la crise économique sur le régime des indépendants ne permet pas de maintenir en 2010 une affectation de C3S au FSV, attribution qui a été au demeurant ramenée cette année à 800 millions d'euros contre 1.100 millions d'euros initialement prévus par la loi de financement pour 2009.

(b) Des charges sensibles à la conjoncture et accrues par le présent PLFSS

Entre 2008 et 2010, les charges du FSV augmenteraient de plus de 16 % pour atteindre 17,4 milliards d'euros. Deux facteurs expliquent cette augmentation :

- d'une part, la sensibilité des charges actuelles du FSV à la dégradation de la conjoncture économique , le fonds étant chargé du financement des cotisations d'assurance vieillesse des chômeurs qui représentent 51,8 % de ses charges en 2009 . Avec près de 440.000 chômeurs 6 ( * ) en plus en moyenne annuelle en 2009, la dépense à ce titre augmenterait de 18 % cette année et de 8 % en 2010 sur la base d'un surcroît de chômeurs à hauteur de 230.000 personnes l'année prochaine. Au total, en deux ans, cette dépense mobiliserait 2 milliards d'euros supplémentaires ;

- d'autre part, l'article 40 du présent PLFSS propose d'étendre, à partir de 2010, la prise en charge par le FSV des avantages d'assurance vieillesse à caractère non contributif relevant de la solidarité nationale, en lui confiant le financement de validation des périodes d'arrêt maladie, maternité ou d'invalidité. Ces validations sont actuellement financées par les régimes eux-mêmes. Cette mesure participe à la clarification du financement des avantages de retraite par la distinction de ce qui relève ou non du champ contributif, c'est-à-dire ce qui doit être financé par les cotisations des assurés du régime. Cette nouvelle mission, qui n'est pas assortie de ressources supplémentaires pour le FSV, devrait représenter une charge supplémentaire de 630 millions d'euros en 2010 et 1,26 milliard d'euros en 2011. Si votre rapporteur pour avis est favorable à toute mesure de clarification entre les dépenses contributives et non contributives, il souligne que ce transfert ne peut être actuellement couvert par les ressources du fonds qui servent, au demeurant, régulièrement de variable d'ajustement.

(3) La question du déficit du FSV
(a) La charge financière du déficit pèse sur la trésorerie du régime général

La gestion du déficit du FSV est une question essentielle car ce dernier ne dispose pas juridiquement de la faculté d'emprunter . Depuis 2002, le fonds recourt donc à un expédient qui consiste à honorer intégralement la prise en charge de toutes les prestations, sauf les versements d'acomptes de cotisations chômage qui constituent la variable d'ajustement du système en étant réduits chaque année à due concurrence de la trésorerie disponible.

Ce mécanisme fait donc peser toute la charge financière du déficit cumulé sur les deux régimes destinataires de ces versements de cotisations chômage , à savoir la CNAVTS et la mutualité sociale agricole, ainsi que, par voie de conséquence, sur l'ACOSS et la CCMSA , sans la moindre compensation financière.

Ainsi, les charges financières supportées par la CNAV au titre des retards de versement du FSV se sont élevées à plus de 272 millions d'euros en 2008 entraînant une « surmobilisation » quotidienne par l'ACOSS de 5,9 milliards d'euros. Il s'est écoulé en moyenne 122 jours en 2008 entre les dépenses avancées par la branche vieillesse et les remboursements du FSV 7 ( * ) .

Votre rapporteur pour avis souligne que cette situation n'est pas satisfaisante et pourrait se révéler fort coûteuse à l'avenir compte tenu de la remontée probable des taux à court terme.

(b) Les clarifications demandées par la Cour des comptes

Aux termes des dispositions de l'article L. 135-3 du code de la sécurité sociale, les recettes et les dépenses du FSV doivent cependant être équilibrées dans les conditions prévues par les lois de financement de la sécurité sociale. La situation déficitaire du FSV a suscité deux réactions de la Cour des comptes :

- la première position de la Cour consistait à faire du FSV un démembrement de l'Etat et donc de sa dette , au motif principal que le fonds ne disposait d'aucune autonomie vis-à-vis de l'Etat. Cependant, à l'occasion de l'établissement de son bilan d'ouverture au 1 er janvier 2006, l'Etat a estimé qu'il ne contrôlait pas le FSV au sens des dispositions de la norme applicable à ses immobilisations financières. Cette position a été acceptée par la Cour , dans son rapport de certification des comptes du régime général de sécurité sociale 200 6, sur le fondement des justifications avancées par le ministère du budget, à savoir que l'établissement public a , de facto , le caractère d'un démembrement institutionnel des régimes de sécurité sociale dont il assure une partie du financement ;

- la seconde et actuelle position de la Cour des comptes est de demander le rattachement du FSV aux comptes de la CNAVTS, qui représente plus de 85 % des charges du fonds , afin de donner une image plus sincère des comptes de la branche retraite du régime général. Elle juge ainsi nécessaire « une modification de l'arrêté du 27 novembre 2006 destinée à prévoir une combinaison partagée du FSV avec les branches retraites des régimes de sécurité sociale au financement desquels il contribue, au prorata de la part des charges du FSV qui se rapportent à chacun d'entre eux ». Cette position développée dans son rapport de certification des comptes 2007 de la sécurité sociale a été renouvelée par la Cour en 2008. Si cette inclusion du FSV dans le périmètre comptable de la sécurité sociale peut nuire à la lisibilité du dispositif créé en 1993, qui consistait à séparer ce qui relève du contributif de ce qui relève de la solidarité, elle ne change pas la philosophie du FSV : les dépenses de solidarité en matière de retraite restent financées à partir de ressources fiscales.

Votre rapporteur pour avis souhaiterait avoir des précisions sur cet aspect à l'occasion du débat en séance publique.

2. ... qui s'explique par l'impact de la crise mais aussi la préexistence d'un déficit structurel

Les déficits historiques des régimes de base et du FSV constatés sur la période 2009-2010 sont, en majeure partie, la conséquence du ralentissement brutal des recettes de la sécurité sociale. La contraction de celles-ci est en effet telle qu'elle masque la relative « maîtrise » des dépenses constatée sur la même période.

Cependant, votre rapporteur pour avis insiste sur un point : l'intégralité de ces déficits ne peut être attribuée à la crise. Celle-ci ne doit surtout pas être un prétexte pour perdre de vue la part structurelle de ces derniers qui préexistait à la dégradation de la conjoncture économique .

a) La sécurité sociale doit faire face à une forte contraction de ses recettes ...

La dégradation du déficit du régime général est en effet principalement due à la diminution de ses recettes en 2009 et à leur stagnation en 2010. Devant la commission des comptes de la sécurité sociale, le 1 er octobre dernier, le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat a ainsi indiqué que les déficits historiques du régime général étaient la conséquence directe de la crise économique qui a affecté les deux principales assiettes sur lesquelles repose le financement de la sécurité sociale, les revenus du travail et les revenus du capital. Il a ainsi précisé qu' en 2009, le déficit lié à la crise représentera près de 65 % du déficit du régime général 8 ( * ) et deux tiers de ce déficit en 2010 hors impact des mesures du projet loi de financement pour 2010.

Solde effectif et solde structurel du régime général

(en milliards d'euros)

2007

2008

2009

2010

Solde effectif

-9,5

- 10,2

-22,7

-33,6

Solde structurel

-9,5

-8,4

-8,1

-11,4

Ecart

-9,5

-1,7

14,6

22,2

Déficit conjoncturel

0

16,6 %

65 %

66 %

Source : commission des comptes de la sécurité sociale - septembre 2009

(1) Le « choc » de la crise : 41 milliards de recettes potentielles en moins en 2009 et 2010 pour le régime général

Les recettes du régime général étant assises à hauteur de 70 % sur les revenus d'activité , elles se révèlent particulièrement sensibles à tout ralentissement économique. La crise actuelle qui s'est traduite par une baisse de l'emploi salarié et un ralentissement de l'inflation, devrait entraîner une diminution de la masse salariale en 2009 et 2010.

Alors que celle-ci a crû en moyenne de 4,1 % les dix dernières années, elle devrait reculer de 2 % en 2009 , soit une révision à la baisse de 4,75 points par rapport aux hypothèses retenues en loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Elle devrait encore diminuer de 0,4 % en 2010.

Evolution de la masse salariale 2007-2010

( en % )

2007

2008

2009

(prévisions initiales PLFSS)

2009

(prévisions LFSS)

2009

(prévisions septembre)

2010

(prévisions septembre)

Evolution du PIB en volume

+2,3

+0,4

+1,0

+0,50

-2,25

+0,75

Evolution de la masse salariale du secteur privé*

+4,8

+3,6

+3,5

+2,75

-2,00

-0,40

Note : LFSS : loi de financement de la sécurité sociale.

* Secteur privé dans le champ des URSSAF.

Source : projet de loi et loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 ; commission des comptes de la sécurité sociale - rapport d'octobre 2009

Par rapport à une hypothèse d'évolution tendancielle de + 4,1 % par an, la masse salariale perdrait ainsi 11 points de progression sur la période 2008-2010 : en 2010, la récession priverait ainsi le régime général de 22,7 milliards de recettes sur les revenus d'activité, après 13,4 milliards d'euros en 2009.

S'agissant des recettes issues des revenus du capital, qui constituent également un poste essentiel des recettes, le manque à gagner en 2009 et 2010 s'élèverait à 4,9 milliards d'euros. Ceci s'explique par des moindres versements de dividendes suite à la chute des revenus des sociétés, des baisses de plus-values mobilières compte tenu de la crise financière, et par le ralentissement des revenus fonciers, reflet du retournement du marché immobilier.

Au total, la crise priverait le régime général en 2009 et 2010 de 41 milliards d'euros de recettes.

(2) Des recettes qui, à périmètre constant, augmenteraient légèrement en 2010

Entre 2008 et 2009 , les recettes du régime général régressent de 0,6 % , cette diminution s'expliquant notamment par la baisse des produits issus des cotisations et des impôts et taxes affectés à la sécurité sociale.

Si, en 2010 , les produits du régime général devraient diminuer de 1,1 %, il convient de noter que cette situation résulte avant tout d'un effet de périmètre qui réduit le montant des contributions publiques. Deux éléments expliquent cette quasi disparition :

- d'une part, la branche famille ne supportera plus en 2010 les dépenses liées à l'allocation de parent isolé (API) pour lesquelles elle percevait une contribution. Le revenu de solidarité active (RSA), dont les dépenses ne sont pas retracées dans le compte de la CNAF, se substitue à cette allocation ;

- d'autre part, suite aux observations de la Cour des comptes dans le cadre de la certification des comptes du régime général, l'article 26 du PLFSS procède à une clarification comptable qui a pour conséquence de ne plus faire apparaître dans les comptes des caisses nationales les montants liés à l'allocation aux adultes handicapés (AAH), l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI), l'allocation de parent isolé servie dans les départements d'outre-mer et la majoration pour parent isolé de l'allocation pour l'éducation de l'enfant handicapé. En effet, ces prestations apparaissaient dans le compte de résultat des caisses alors qu'elles doivent être inscrites en compte de tiers car elles sont assumées par l'Etat ou la CNSA. Au total, les 6,6 milliards d'euros concernés (l'AAH, servie par la CNAF représente un montant de 6 milliards) n'apparaîtront plus au titre de contributions publiques dans les comptes 2010.

En l'absence de cette substitution, les recettes du régime général augmenteraient de 1,2 % en 2010, compte tenu des évolutions attendues concernant les produits des cotisations (+ 0,4 %) et des impôts (+ 1,3 %), qui prennent en compte l'impact des mesures proposées par le présent PLFSS. L'écart entre l'évolution prévue de la masse salariale du secteur privé (- 0,4 %) et celle des cotisations (+ 4 %) résulterait d'une décroissance des allègements généraux plus rapide que celle de la masse salariale.

Evolution des recettes du régime général

( en milliards d'euros )

2007

2008

%

2009

%

2010

%

Cotisations

163,4

167

2,2

165,4

-1

166

0,4

Cotisations fictives

0

0

0,0

0

0

0

Cotisations prises en charge par l'Etat

3,9

4

2,6

3,4

-15

3,4

0

Cotisations prises en charge par la sécurité sociale

0,2

1,7

750,0

1,5

-11,8

1,7

13,3

Contributions publiques

7,1

7,2

1,4

7,1

-1,4

0,4

-94,4

ITAF

87,9

94,8

7,8

93,9

-0,9

95,1

1,3

dont CSG

61,4

64,4

4,9

62,2

-3,4

62,4

0,3

Transferts entre organismes

23,9

14,1

-41,0

16

13,5

17,7

10,6

Produits financiers

0,1

0,1

0,0

0

0

0

0,0

Autres produits

3,5

3,3

-5,7

3

-9,1

3,1

3,3

Total des produits

290

293,1

1,1

291,2

-0,6

288,1

-1,1

Source : d'après l'annexe 4 du présent projet de loi de financement

(3) Des situations contrastées entre les différentes branches du régime général

Selon les données du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale présenté en 2009, les pertes de recettes affectent différemment les branches du régime général :

- s'agissant de la branche famille , l'importante perte de produits s'explique surtout par un effet de périmètre décrit ci-dessus mais aussi par la dégradation importante des revenus des travailleurs indépendants ;

- la branche vieillesse dont les recettes sont assises sur la masse salariale plafonnée bénéficie encore en 2010 de la progression du plafond de la sécurité sociale. Elle enregistre, à ce titre, une croissance de ses recettes en 2009 et en 2010, ce qui contraste avec la diminution des recettes des autres branches ;

- la branche maladie connaît une situation particulière en 2009 et 2010 compte tenu des règles de répartition de la CSG maladie entre le régime général et les autres régimes obligatoires d'assurance maladie : les régimes d'assurance maladie hors CNAM bénéficient en effet d'une clé de répartition plus favorable en 2009 et 2010 puisque les montants qui sont leur sont affectés sont établis en fonction des montants attribués l'année précédente majorés d'une revalorisation.

Montant des recettes par branche (2008-2010)

(en milliards d'euros)

2008

2009

2010

Régime général

Régime de base

Régime général

2008/ 2009

Régime de base

2008/ 2009

Régime général

2009/ 2010

Régime de base

2009/ 2010

Maladie

140,7

164

139,3

-1,0

162,3

-1,0

141,2

1,4

164,7

1,5

Vieillesse

89,5

175,3

90,7

1,3

178,4

1,8

92,1

1,5

182,9

2,5

Famille

57,2

57,7

56,1

-1,9

56,6

-1,9

49,6

-11,6

50,1

-11,5

AT-MP

10,8

12,3

10,5

-2,8

12,1

-1,6

10,6

1,0

12,1

0,0

Totaux

293,1

404,2

291,2

-0,6

403,8

-0,1

288,1

-1,1

404,1

0,1

Source : d'après l'annexe 4 du présent projet de loi de financement

b) ...que la relative « maîtrise » des dépenses ne compense pas

S'agissant des dépenses, il convient de noter qu'en raison d'un trop grand « effet de ciseaux » entre l'évolution des recettes et celle des charges, leur relative « maîtrise » en 2009 et 2010 ne permet pas de compenser le coup d'arrêt porté aux produits du régime général sur la même période.

(1) Une progression des dépenses de 4 % en 2009 et 2010

Comparativement aux années précédentes, les dépenses de sécurité sociale devraient en effet être relativement maîtrisées en 2009 et le rester en 2010 . La croissance des prestations du régime général devrait ainsi s'élever à 4 % en 2009 selon le rapport d'octobre 2009 de la commission des comptes de la sécurité sociale, alors qu'elle avait atteint 4,4 % en 2006 et 4,6 % en 2007.

S'agissant plus particulièrement de la branche maladie , le taux de progression des dépenses serait de 3,9 %. Au sein de celles-ci, la commission des comptes de la sécurité sociale prévoit un taux de progression des dépenses dans le champ de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) de 3,4 % en 2009, contre une progression proche, voire supérieure, de 5 % par an entre 2000 et 2004 ( cf . graphique suivant). En 2009, l'ONDAM voté en loi de financement de la sécurité sociale serait ainsi dépassé de 300 millions d'euros, contre un dépassement de 950 millions d'euros constaté en 2008 et de 2,9 milliards d'euros en 2007.

Source : commission des comptes de la sécurité sociale - rapport d'octobre 2009

La croissance des prestations de retraite serait, quant à elle, de 4,9 % en 2009, soit un rythme soutenu mais moindre par rapport à la tendance observée depuis 2005 , à savoir une croissance de l'ordre de 6 %. Ceci s'explique principalement par la diminution du nombre de départs en retraite anticipée, environ 24.700 en 2009 contre 122.000 en 2008 selon la commission des comptes de la sécurité sociale 9 ( * ) .

En 2010, et en l'absence de mesures nouvelles, les prestations du régime général devraient, comme en 2009, augmenter d'environ 4 % . Cette croissance résulterait cependant d'évolutions contrastées entre branches. Alors que les prestations familiales connaîtraient un net ralentissement - soit une croissance de 1,8 % contre 3,5 % en 2008 et 3,9 % en 2009 -, les dépenses de la branche maladie devraient croître de 4,6 %, contre 3,4 % en 2008 et 3,9 % en 2009.

Croissance des prestations du régime général par branche

( en % )

Branches concernées

2006

2007

2008

2009

(prévisions)

2010

(prévisions)

Maladie

+3,7

+4,0

+3,4

+3,9

+4,6

Retraite

+5,9

+6,1

+5,6

+4,9

+4,5

Famille

+4,5

+3,0

+3,5

+2,6 / +3,9

+0,8 / +1,8*

Régime général

+4,4

+4,6

+4,1

+4,0

+4,0

* Le second chiffre correspond à la croissance des prestations familiales après neutralisation de l'effet à la baisse, sur le montant des prestations versées par la caisse nationale des allocations familiales (CNAF), de la substitution du revenu de solidarité active (RSA) à l'allocation parent isolé (API) en 2009.

Source : commission des comptes de la sécurité sociale - rapport d'octobre 2009

(2) Des résultats à nuancer néanmoins

Cette relative maîtrise des dépenses doit néanmoins être relativisée. D'une part, leur taux d'évolution demeure largement supérieur à celle de la richesse nationale et, d'autre part, comme votre rapporteur pour avis le développera plus loin dans le présent rapport, ces résultats doivent être nuancés, notamment en ce qui concerne la branche maladie .

Si le taux de progression de l'ONDAM pour 2009 est « proche de celui voté en loi de financement », comme l'a souligné à de nombreuses reprises le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, notamment devant votre commission des finances et la commission des affaires sociales 10 ( * ) , il n'en demeure pas moins un dépassement de l'ONDAM pour 2009 de près de 300 millions d'euros .

Par ailleurs, il convient de noter que :

- cet objectif a été dépassé alors même qu'il se voulait, au moment de son adoption, plus « réaliste » que ceux fixés les années précédentes. Lors de la présentation du PLFSS pour 2009 devant la commission des comptes de la sécurité sociale, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, indiquait en effet : « le taux global de 3,3 % est égal au taux d'évolution qui sera finalement constaté en 2008. C'est donc un taux réaliste ». De fait, le taux de progression de l'ONDAM pour 2009 était l'un des taux les plus élevés votés depuis 2005 ;

- ensuite, ce résultat s'explique, pour 225 millions d'euros 11 ( * ) , par des gels de dotations, dont les taux de consommation passés laissaient entrevoir, au moment de leur adoption, qu'elles risquaient d'être surévaluées pour 2009 (dotation au Fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins (FIQCS) et dotations médico-sociales).

(3) Une nette dégradation du taux de couverture des dépenses par les recettes

En tout état de cause, la relative « maîtrise » des dépenses en 2009, et prévisionnelle pour 2010, ne permettra pas de compenser la forte dégradation des recettes constatée sur la même période. La baisse brutale des recettes crée en effet un « effet de ciseaux » considérable par rapport à la progression des dépenses pourtant ralentie.

Ainsi, comme l'indique le tableau ci-dessous, entre 2009 et 2010, si les charges du régime général augmenteront de près de 8 %, ses produits n'enregistreront quasiment aucune progression.

Taux de variation des produits et des charges du régime général

( en % )

2006

2007

2008

2009 (prévision)

2010

(prévision)

Produits

5,8

4,3

4,1

- 0,5

0,7

Charges

4,5

4,4

4,2

3,6

4,1

Ecart

1,3

- 0,1

- 0,1

- 4,1

- 3,4

Source : commission des comptes de la sécurité sociale - rapport d'octobre 2009

Il en résulte une dégradation du taux de couverture des dépenses par les recettes du régime général. Alors que les produits du régime général couvraient 96,6 % des ses charges en 2008, le ratio recettes/dépenses passera à 92,8 % en 2009 et passera sous la barre des 90 % en 2010, ce qui signifie qu' à compter de 2010, plus de 10 % des dépenses du régime général devront être financées par l'emprunt.

Taux de couverture des dépenses par les recettes

( en % )

Ratio produits/charges

CNAM

CNAM-AT/MP

CNAF

CNAV

Régime général

2008

96,9

102,2

94

99,4

96,6

2009

92,7

94,6

94,9

91,8

92,8

2010

89,2

93,3

92,7

89,0

89,7

Source : commission des comptes de la sécurité sociale - rapport d'octobre 2009

Cette évolution dissymétrique entre les recettes et les charges du régime général explique la dégradation rapide de son solde. Un point d'écart entre les charges et les produits creuse en effet le déficit du régime général d'environ 3 milliards d'euros 12 ( * ) .

c) La crise ne doit pas être un prétexte pour oublier les causes structurelles du déficit qui préexistait

Surtout, pour votre rapporteur pour avis, la crise ne doit pas faire perdre de vue les causes structurelles du déficit du régime général qui préexistaient à la dégradation du contexte économique observée depuis 2008. C'est en effet avec un handicap structurel de près de 9,5 milliards d'euros que notre système de protection sociale a dû affronter la crise économique . A n'en pas douter, la situation aurait été différente si les comptes de la sécurité sociale avaient été à l'équilibre.

(1) Un handicap de départ de 9,5 milliards d'euros

L'ampleur de la crise invite en effet à distinguer, entre :

- d'une part, la part conjoncturelle du déficit du régime général qui résulte directement de la dégradation de la situation économique et de la contraction de la masse salariale ;

- d'autre part, la part structurelle de celui-ci, c'est-à-dire la part qui subsiste en période de croissance économique et qui résulte des tendances de fond d'évolution des dépenses et des recettes du régime général.

Raisonner en distinguant ces deux types de déficits permet ainsi d'estimer le niveau de déficit qui aurait été atteint si la croissance avait conservé son rythme tendanciel.

En retenant une croissance tendancielle de 2,25 %, la commission des comptes de la sécurité sociale évalue ainsi le déficit structurel du régime général, avant la crise, à 9,5 milliards d'euros , celui-ci résultant de la stabilisation autour de 10 milliards d'euros du déficit du régime général après le ralentissement économique de 2002 et 2003, et ce en dépit de certaines années de conjoncture favorables. En 2009, le déficit structurel passerait à 8,1 milliards d'euros pour atteindre 11,4 milliards d'euros en 2010 hors mesures nouvelles proposées en PLFSS pour 2010.

Source : commission des comptes de la sécurité sociale - rapport d'octobre 2009

(2) Un handicap de sortie de crise de 30 milliards d'euros

Cependant, comme le rappelle la commission des comptes de la sécurité sociale, si cette approche « déficit structurel »/« déficit conjoncturel » est utile en temps de crise pour isoler l'effet de la dégradation conjoncturelle, elle perd son sens les années suivantes. La question n'est alors plus de savoir quelle aurait été le solde du régime général si la crise n'avait pas eu lieu, mais la question est d' évaluer l'ampleur de la conjoncture favorable qui sera nécessaire pour permettre un redressement des comptes sociaux .

Or, le régime général abordera la reprise économique avec un handicap, cette fois, de près de 30 milliards d'euros et la reprise économique ne sera pas suffisante pour résorber ces déficits .

La commission des comptes de la sécurité sociale, qui a proposé plusieurs scénarios de sortie de crise, conclut en effet : « selon le scénario de sortie de crise, le redressement sera plus ou moins aisé, la croissance de la masse salariale et du PIB déterminant pour une large part le rythme d'évolution de ses recettes. Toutefois, une progression des recettes identique à celle des dépenses ne suffit pas à stabiliser le solde . En effet, en partant d'un déficit de 30 milliards d'euros et en supposant une croissance des charges et des produits de 5 % par an, proche du rythme d'évolution tendancielle des charges, le déficit s'aggrave de 5 % par an également, soit de 1,5 milliard d'euros par an.

« Seule une hypothèse très élevée de progression de la masse salariale (6,3 % par an) et une progression de l'ONDAM à 3 % par an à partir de 2010 permettraient, sans autre mesure de redressement, de ramener à 20 milliards d'euros le solde du régime général à l'horizon 2013 . Pour parvenir à ce niveau de solde, une ou plusieurs opérations de reprises de dettes seraient en outre nécessaires sur la période. »

Source : commission des comptes de la sécurité sociale - rapport d'octobre 2009

* 1 Commission des comptes de la sécurité sociale - rapport d'octobre 2009.

* 2 Commission des comptes de la sécurité sociale - rapport d'octobre 2009.

* 3 Pour plus de précisions, se reporter au rapport n° 84 (2008-2009) de votre rapporteur pour avis.

* 4 Intervention de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, devant la commission des comptes de la sécurité sociale - 29 septembre 2008.

* 5 Intervention de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, devant la commission des comptes de la sécurité sociale - 1 er octobre 2009.

* 6 Au sens du FSV.

* 7 Annexe 1 au PLFSS pour 2010, Programme de qualité et d'efficience « Financement ».

* 8 Intervention de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, devant la commission des comptes de la sécurité sociale - 1 er octobre 2009.

* 9 Commission des comptes de la sécurité sociale - rapport d'octobre 2009.

* 10 Audition commune avec la commission des affaires sociales de MM. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, et de Mmes Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, et Nora Berra, secrétaire d'Etat chargée des aînés, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 - 15 octobre 2009.

* 11 Intervention de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, devant la commission des comptes de la sécurité sociale - 1 er octobre 2009.

* 12 Commission des comptes de la sécurité sociale - rapport d'octobre 2009.

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