B. UN RETOUR À L'ÉQUILIBRE DURABLEMENT ÉLOIGNÉ EN DÉPIT DES MESURES PROPOSÉES PAR LE PRÉSENT PLFSS

Face à la « dérive » des comptes sociaux, le Gouvernement a fait le choix politique de laisser les dispositifs de protection sociale jouer leur rôle de soutien aux ménages en temps de crise. C'est ce qu'a rappelé le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, devant la commission des comptes de la sécurité sociale, le 1 er octobre dernier : « Notre priorité a été de laisser le système de protection sociale jouer son rôle d'amortisseur si précieux en temps de crise. C'est au prix d'un déficit plus important, mais c'est un choix que nous assumons pleinement » 13 ( * ) .

De fait, les mesures proposées dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2010 ne devraient permettre que de stabiliser le déficit de l'ensemble des régimes de base et du FSV autour de 36 milliards d'euros. Il s'en suit une perspective de retour à l'équilibre durablement éloignée.

1. Les mesures proposées par le présent projet de loi de financement ne permettront de réduire le déficit spontané des régimes de base et du FSV que de 2,8 milliards d'euros

a) Le PLFSS pour 2010 revoit à la hausse le déficit prévisionnel du régime général de 2009

En premier lieu, il convient de noter que le déficit du régime général 2009 présenté dans le cadre du PLFSS pour 2010 devrait être accru de près de 800 millions d'euros par rapport aux chiffrages prévisionnels de la commission des comptes de la sécurité sociale, en raison de deux principales mesures rectificatives pour 2009 :

- d'une part, l'augmentation de la dotation versée par l'assurance maladie à l'Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) pour le financement des mesures de lutte contre la pandémie grippale, à hauteur de 370,8 millions d'euros (article 6) ;

- d'autre part, une opération de réaffectation de recettes destinée à compenser intégralement les exonérations sur les heures supplémentaires, qui devrait être proposée dans le cadre du prochain projet de loi de finances rectificative pour 2009.

Impact des mesures rectificatives pour 2009 proposées par le PLFSS pour 2010 sur le solde des comptes du régime général et du FSV

( en milliards d'euros )

2009

(prévisions avant les mesures du PLFSS)

2009

(prévisions après les mesures du PLFSS)

Maladie

- 11,0

-11,5

Accident du travail - maladie professionnelle

-0,6

-0,6

Vieillesse

-8,1

-8,2

Famille

-3,0

-3,1

Régime général

-22,7

-23,5

FSV

-3,0

-3,0

Source : dossier de presse du Gouvernement - présentation du PLFSS pour 2010

b) « Le jeu de bonneteau entre le régime général et le FSV »

Pour 2010, les mesures proposées par le Gouvernement dans le cadre du présent projet de loi de financement devraient permettre de réduire le déficit tendanciel du régime général de 3 milliards d'euros en 2010 , ramenant ce dernier à - 30,6 milliards d'euros.

En revanche, dans le même temps, le déficit du FSV devrait être aggravé de 600 millions d'euros en raison du transfert du financement des validations gratuites des trimestres accordés au titre des périodes d'arrêt maladie, maternité ou invalidité de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) au FSV. Tandis que le solde de la branche vieillesse s'améliorera de 600 millions d'euros, le déficit du FSV s'accroîtra ainsi à due concurrence.

Quant aux régimes de base, autres que le régime général, les mesures proposées par le PLFSS pour 2010 devrait permettre de réduire leur déficit spontané de 400 millions d'euros.

Au total, le PLFSS pour 2010 permettra de réduire de 2,8 milliards d'euros le déficit global des régimes de base et du FSV .

Impact des mesures proposées par le PLFSS pour 2010 sur le solde des comptes du régime général et du FSV

( en milliards d'euros )

2009

(prévisions avant les mesures du PLFSS)

2009

(prévisions après les mesures du PLFSS)

2010

(prévisions avant les mesures du PLFSS)

2010

(prévisions après les mesures du PLFSS)

Maladie

- 11,0

-11,5

-17,1

-14,6

Accident du travail - maladie professionnelle

-0,6

-0,6

-0,8

-0,8

Vieillesse

-8,1

-8,2

-11,3

-10,7

Famille

-3,0

-3,1

-4,4

-4,4

Régime général

-22,7

-23,5

-33,6

-30,6

FSV

-3,0

-3,0

-3,9

-4,5

Autres régimes de base

- 0,8

- 1,2

- 1,3

- 0,9

Total

- 26,5

-27,7

- 38,8

- 36,0

Source : commission des finances, d'après les données de l'annexe B au PLFSS pour 2010 et du dossier de presse du Gouvernement - présentation du PLFSS pour 2010

c) La réduction des « niches sociales » et un effort d'économies sur l'assurance maladie

Comme l'a rappelé le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat devant la commission des comptes de la sécurité sociale, le Gouvernement a fait le choix, pour 2010, de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires pour compenser les pertes de recettes subies .

Les mesures de redressement prévues par le PLFSS pour 2010 s'articulent ainsi autour de trois axes :

- en matière de recettes , elles visent principalement la réduction des « niches sociales » et l'élargissement du financement de la sécurité sociale pour que ce dernier pèse moins sur les revenus du travail, soit un montant global de 888 millions d'euros d'économies . Sont ainsi proposés la suppression de l'exonération, en cas de succession, des intérêts des contrats d'assurance-vie multi-support, l'augmentation de 2 % à 4 % du « forfait social » auquel sont assujettis les éléments de rémunération versés aux salariés non soumis aux cotisations sociales mais assujettis à la CSG, et le doublement des taux de la contribution sur les « retraites chapeau ». Le PLFSS pour 2010 prévoit également une contribution exceptionnelle des organismes d'assurance complémentaire aux dépenses liées à la pandémie grippale. En revanche, l'imposition au premier euro des plus-values mobilières, qui s'appliquera à compter de 2010, n'aura un impact financier qu'à partir de 2011 ;

- en matière de dépenses , les mesures proposées reposent sur le renforcement de l'efficacité du système de soins et des choix de financement de certains produits . Le taux de progression de l'ONDAM sera ainsi fixé en 2010 à 3 %, contre 3,3 % en loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, ce qui suppose la réalisation de 2,2 milliards d'euros d'économies ;

- enfin, s'agissant des mesures de transfert, le PLFSS pour 2010 propose de transférer, de la CNAVTS au FSV, le financement des avantages non contributifs de vieillesse, soit une charge supplémentaire pour le FSV évaluée à 600 millions d'euros .

En sens inverse, le PLFSS pour 2010 prévoit des mesures qui augmenteront les charges du régime général d'environ 260 millions d'euros . Il s'agit de la non-compensation de l'exclusion de l'assiette des cotisations sociales du « bonus », prévu par la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, destiné à répondre aux difficultés socio-économiques spécifiques rencontrées par ces territoires, ainsi que de la modification de la clé de répartition des droits de consommation sur les tabacs.

Impact financier des mesures proposées par le PLFSS pour 2010

( en millions d'euros )

Régime général

Tous régimes

FSV

Tous régimes + FSV

Mesures relatives aux dépenses

Fixation de l'ONDAM à 3 %

+ 1.844

+ 2.211

Autres mesures sur les dépenses d'assurance maladie hors ONDAM

- 8

- 13

Mesures nouvelles pour le risque famille

+ 27

+ 27

Mesures nouvelles pour le risque AT-MP

- 5

- 5

Mesures nouvelles pour le risque vieillesse

+ 4

+ 4

Total

+ 1.862

+ 2.224

+ 2.224

Mesures relatives aux recettes

Augmentation à 4 % du « forfait social »

+ 380

+ 380

Suppression de l'exonération en cas de succession des intérêts des contrats d'assurance-vie multi-supports

+ 172

+ 172

Augmentation de la taxe sur la promotion des dispositifs médicaux

+ 3

+ 3

Doublement de la contribution sur les « retraites chapeau »

-

-

+ 30

Contribution exceptionnelle des organismes complémentaires

+ 255

+ 300

Non compensation du « bonus » outre-mer

- 95

- 95

Modification de la clé de répartition des droits de consommation sur les tabacs et du financement du régime des exploitants agricoles

- 165

- 167

Total

+ 550

+ 596

+ 30

+ 626

Mesures de transfert

Transfert de la CNAV vers le FSV du financement des validations gratuites de trimestres accordés au titre des arrêts maladie, maternité ou invalidité

+ 618

+ 630

- 630

0

Total

+ 3.030

+ 3.450

- 600

+ 2.850

Source : commission des finances, d'après l'annexe 9 au présent projet de loi de financement

2. Les projections pluriannuelles laissent au mieux entrevoir une stabilisation du déficit des régimes de base et du FSV autour de 33 milliards d'euros, à compter de 2010, au prix de l'accumulation d'une nouvelle dette

La crise économique et le souhait du Gouvernement de laisser la sécurité sociale jouer son rôle d'amortisseur social ont pour conséquence principale de durablement éloigner l'horizon de retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale , envisagé, il y a moins d'un an - lors de la présentation du PLFSS pour 2009 14 ( * ) - à l'horizon 2012.

Comme le montrent les projections pluriannuelles annexées au présent projet de loi de financement, les mesures proposées par le Gouvernement ne permettent en effet, au mieux, que de stabiliser le déficit de l'ensemble des régimes de base et du FSV autour de 33 milliards d'euros à compter de 2010 .

Or, il ne s'agira très certainement que d'un minimum : d'une part, les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles se fondent ces projections sont irréalistes, d'autre part, certaines dépenses, notamment liées au risque pandémique, n'ont pas été prises en compte.

a) Le retour à l'équilibre est pour la première fois totalement perdu de vue

La loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale prévoit que « le projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année est accompagné d'un rapport décrivant les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base et du régime général, les prévisions de recettes et de dépenses des organismes concourant au financement de ces régimes ainsi que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie pour les quatre années à venir ».

Depuis 2006, tous les projets de loi de financement présentent ainsi des projections pluriannuelles. Ces dernières laissent, à chaque fois, entrevoir une réduction des déficits, voire un retour à l'équilibre, des régimes obligatoires de base. Si l'horizon de ces améliorations est repoussé d'année en année, elles demeurent néanmoins envisagées au moins à moyen terme . Or, pour la première fois, le présent projet de loi de financement perd durablement de vue tout retour à l'équilibre et ne laisse envisager qu'une stabilisation du déficit des régimes de base et du FSV autour de 33 milliards d'euros ( cf. graphique suivant)

Le cas de la branche maladie du régime général est, de ce point de vue, le plus remarquable. Alors que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 évoquait un retour à l'équilibre financier de la branche en 2007 grâce à la loi du 13 août 2004 portant réforme de l'assurance maladie 15 ( * ) , celui-ci a ensuite été ensuite systématiquement repoussé d'année en année :

- 2009, en loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 ;

- 2010, dans l'hypothèse macroéconomique haute proposée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 et 2012 dans le scénario économique bas ;

- 2012, dans l'hypothèse macroéconomique haute proposée par loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 ;

- 2012, dans les projections initiales proposées par le PLFSS pour 2009.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, après la révision des hypothèses macroéconomiques apportée par le Gouvernement au cours de l'examen du texte par le Parlement, a finalement fait apparaître un déficit prévisionnel de la branche de 2 milliards d'euros en 2012. Le présent projet de loi de financement laisse entrevoir un déficit de celle-ci de 11,6 milliards d'euros à l'horizon 2013.

Projections pluriannuelles de l'évolution du déficit des régimes de base et du FSV

( en milliards d'euros )

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

LFSS pour 2006

Maladie

-11,6

-8,3

-6,1

-3,5

-1,7

0,6

AT-MP

-0,2

-0,5

-0,2

-0,1

0,1

0,1

Famille

-0,4

-1,1

-1,2

-1,2

-0,8

-0,3

Vieillesse

0,3

-2,0

-1,4

-1,7

-1,8

-2,2

Régime général

-11,9

-11,9

-8,9

-6,5

-4,2

-1,8

Régimes de base

-11,5

-12,9

-10,1

-7,9

-5,8

-3,5

FSV

-0,6

-2,0

-1,5

-1,4

-1,1

-0,5

LFSS pour 2007 - Hypothèse haute

Maladie

-8,0

-6,1

-3,9

-1,5

1,4

3,9

AT-MP

-0,4

0,0

0,1

0,2

0,5

0,9

Famille

-1,3

-1,3

-0,8

0,3

1,6

2,9

Vieillesse

-1,9

-2,4

-3,5

-4,1

-3,8

-3,3

Régime général

-11,6

-9,7

-8,0

-5,0

-0,3

4,5

Régimes de base

-11,4

-8,8

-7,5

-5,0

-0,4

4,2

FSV

-2,0

-1,2

-0,6

-0,4

0,0

0,0

LFSS pour 2008 - Hypothèse haute

Maladie

-5,9

-6,2

-4,2

-4,0

-2,8

-1,4

0,0

AT-MP

-0,1

-0,4

0,3

0,5

0,7

0,9

1,2

Famille

-0,9

-0,5

0,3

1,7

3,2

4,6

6,0

Vieillesse

-1,9

-4,6

-5,2

-6,0

-6,8

-7,9

-8,8

Régime général

-8,7

-11,7

-8,8

-7,9

-5,8

-3,8

-1,6

Régimes de base

-7,8

-11,4

-7,7

-7,9

-6,1

-4,3

-2,2

FSV

-1,3

-0,3

0,6

0,9

1,4

1,9

2,4

PLFSS pour 2009 avant modifications des hypothèses macroéconomiques apportées par le Gouvernement

Maladie

-4,6

-4

-3,4

-2,2

-1,1

0,2

AT-MP

-0,5

0,4

0

0,4

0,7

1,1

Famille

0,2

0,4

-0,2

0,2

0,6

1,7

Vieillesse

-4,6

-5,7

-5

-3,6

-1,7

-2,3

Régime général

-9,5

-8,9

-8,5

-5,3

-1,4

0,8

Régimes de base

-9,1

-8,7

-9,5

-7,3

-3,9

-1,6

FSV

0,2

0,9

-0,8

-0,8

-0,4

0,0

LFSS pour 2009

Maladie

-4,6

-4,2

-4,6

-4,2

-3,2

-2,0

AT-MP

-0,5

0,3

-0,1

0,2

0,5

0,9

Famille

0,2

0,3

-0,5

-0,3

0,1

1,1

Vieillesse

-4,6

-5,77

-5,3

-4,2

-2,5

-3,1

Régime général

-9,5

-9,3

-10,5

-8,6

-5,0

-3,1

Régimes de base

-9,1

-9,0

-11,4

-10,4

-7,4

-5,4

FSV

0,2

0,8

-1,0

-1,0

-0,6

-0,2

PLFSS pour 2010

Maladie

- 4,6

- 4,4

- 11,5

- 14,6

- 13,7

- 12,5

- 11,6

AT-MP

- 0,5

0,2

- 0,6

- 0,8

- 0,5

- 0,2

0,0

Famille

0,2

- 0,3

- 3,1

- 4,4

- 4,3

- 3,7

- 3,1

Vieillesse

- 4,6

- 5,6

- 8,2

- 10,7

- 11,6

- 13,0

- 14,5

Régime général

- 9,5

- 10,2

- 23,5

- 30,6

- 30,1

- 29,4

- 29,2

Régimes de base

-9,1

-9,7

-24,7

-31,5

-31,4

-30,6

-30,3

FSV

0,2

0,8

-3,0

-4,5

-4,0

-3,7

-3,1

Source : commission des finances, d'après les lois et projets de loi de financement de la sécurité sociale

b) Les projections proposées ne constitueront qu'un minimum
(1) Des hypothèses optimistes ou irréalistes ?

Ces projections de l'évolution du déficit des régimes de base et du FSV ne seront très certainement qu'un minimum, tant les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles elles reposent paraissent optimistes, voire irréalistes.

Hypothèses d'évolution moyenne sur la période 2009-2013

2009

2010

2011

2012

2013

PIB en volume

- 2,25 %

0,80 %

2,50 %

2,50 %

2,50 %

Masse salariale privée

- 2,00 %

- 0,40 %

5,00 %

5,00 %

5,00 %

Inflation

0,40 %

1,20 %

1,75 %

1,75 %

1,75 %

ONDAM en valeur

3,40 %

3,00 %

3,00 %

3,00 %

3,00 %

Source : annexe B au présent projet de loi de financement de la sécurité sociale

Ces projections pluriannuelles sont en effet bâties sur les hypothèses suivantes à compter de 2011 : une croissance du PIB en volume de 2,5 % par an, un taux d'évolution de l'ONDAM de 3 %, bien en dessous des tendances enregistrées depuis 2000, une croissance de la masse salariale de 5 % par an à partir de 2011.

Deux hypothèses interpellent particulièrement votre rapporteur pour avis, qui remarque au demeurant que s'agissant de la croissance du PIB en volume, certaines prévisions économiques n'envisagent une croissance de celui-ci que de l'ordre de 1,5 % à 2 % 16 ( * ) .

(a) La question de la croissance de la masse salariale

S'agissant de la croissance de la masse salariale, il convient de noter que le taux de progression proposé à partir de 2011, soit + 5 %, n'a été atteint ou dépassé que deux fois au cours de ces dix dernières années, à savoir en 2000 et en 2001 .

L'hypothèse selon laquelle la masse salariale augmenterait, à partir de 2011, à un rythme plus rapide que son taux de croissance moyen entre 1998 et 2008 parait en effet à votre rapporteur quelque peu optimiste . Un retour sur les années qui ont suivi la récession de 1993 peut nous donner une idée de la prudence qu'il convient d'avoir. En 1993, le PIB régresse en volume de 0,9 %, la masse salariale 17 ( * ) enregistrant, pour la première fois depuis 1960, une diminution de 0,52 % par rapport à l'année précédente, diminution qui se poursuit en 1994 (- 0,14 %) alors que le PIB augmente à nouveau en volume (+ 2,2 %). Entre 1995 et 1998, la croissance annuelle moyenne de la masse salariale est de 1,74 %, soit un taux qui n'est pas supérieur à son taux de croissance moyen entre 1978 et 1992.

Par ailleurs, deux éléments peuvent nuancer l'hypothèse de croissance retenue par le PLFSS pour 2010 :

- d'une part, il n'est pas certain que la crise soit suivie d'un très fort rebond économique qui permettrait de rattraper le niveau de PIB tendanciel et entraînerait un important ressaut de la masse salariale ;

- d'autre part, comme le souligne à juste titre le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale d'octobre 2009, il est possible que les entreprises tardent à ajuster leur niveau d'emploi et leurs rémunérations quand la croissance repartira , ce qui de facto sous-entend une évolution de la masse salariale moins « brutale » que celle retenue dans le présent PLFSS.

Source : Agence centrale des organismes de sécurité sociale

Votre rapporteur pour avis tient à souligner que la croissance de la masse salariale impacte sensiblement les recettes du régime général qui sont, pour 54 % d'entre elles constituées des cotisations et de la CSG sur les revenus d'activité du secteur privé. Selon le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale présenté en octobre 2009, la variation d'un point de la masse salariale impacte le régime général à hauteur de 1,95 milliard d'euros.

Ainsi, si entre 2011 et 2013, la croissance de la masse salariale du secteur privé s'élevait en moyenne à 4 %, ce qui correspond à son évolution moyenne entre 1998 et 2008, le déficit du régime général pourrait s'aggraver de 13,3 milliards d'euros sur cette période par rapport aux projections actuelles en l'absence de mesures nouvelles.

Ceci représente une augmentation des déficits cumulés du régime général de 15 % sur ces trois années par rapport aux prévisions du projet de loi de financement.

Croissance de la masse salariale et solde du régime général 2011-2013

(en milliards d'euros)

Solde 2011

Solde 2012

Solde 2013

Solde cumulé

Ecart par rapport au PLFSS 2010

Masse salariale :

+ 5 % (PLFSS 2010)

-30,1

-29,4

-29,2

88,7

(A) Masse salariale :

+ 4 %

-32,05

-34

-35,95

102

+ 15 %

(B) Masse salariale :

+ 3 %

-34

-37,9

-41,8

113,7

+ 28,2 %

Hypothèse : un point de variation de masse salariale impact le solde du régime général à hauteur de 1,95 milliard d'euros toute chose égale par ailleurs

Source : commission des finances, d'après le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale présenté en octobre 2009

(b) La question de l'évolution de l'ONDAM

Le taux d'évolution de l'ONDAM de 3 % retenu dans le cadre des hypothèses relatives aux projections pluriannuelles suscite l'interrogation de votre rapporteur pour avis qui constate que ce taux se situe bien en dessous des tendances enregistrées depuis 2000. En effet, l'évolution tendancielle de l'ONDAM a été de + 4,5 % par an entre 1998 et 2008, et de + 3,6 % entre 2005 et 2009 compte tenu de la réforme de l'assurance-maladie intervenue en 2004.

Selon le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, la variation d'un point des dépenses inclues dans le champ de l'ONDAM impacte le solde du régime général à hauteur de 1,3 milliard d'euros. Une évolution moyenne de l'ONDAM de 3,6 % entre 2011 et 2013 , au lieu de 3 %, pourrait ainsi aggraver le déficit du régime général à hauteur de 4,7 milliards d'euros .

Au total, si l'on combine les hypothèses de croissance tendancielle de la masse salariale (+ 4 %) et de l'ONDAM (+ 3,6 %), le solde cumulé des déficits du régime général entre 2011 et 2013 pourrait être supérieur de 18 milliards d'euros aux prévisions du PLFSS pour 2010 18 ( * ) , soit un différentiel de 20,3 %.

(2) Des dépenses non prises en compte

Par ailleurs, votre rapporteur pour avis note qu'outre des évaluations d'économies qui paraissent surévaluées - ce point sera développé dans la suite du présent rapport -, certaines dépenses n'ont pas été prises en compte dans les projections pluriannuelles proposées par le présent projet de loi de financement. Ainsi en est-il de certaines dépenses liées à la pandémie de grippe A/H1N1 . En effet, outre le coût lié à l'acquisition de vaccins, masques et autres produits de santé compris dans la révision de la dotation versée à l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) (article 6), la pandémie de grippe A/H1N1 entraînera d'autres dépenses qui pourraient atteindre près d' un milliard d'euros :

* des dépenses supplémentaires liées aux consultations de généralistes, à la prescription de médicaments et aux indemnités journalières, soit un coût compris entre 752 millions et 376 millions d'euros, selon les estimations de la CNAMTS ;

* des dépenses liées à l'indemnisation des personnels de santé réquisitionnés, évaluées à 290 millions d'euros par le ministère de la santé et des sports, hors frais de déplacement ;

* des dépenses d'information et de convocation des vaccinés, à hauteur de 52,8 millions d'euros, selon les données du ministère de la santé et des sports. Celles-ci pourraient néanmoins être prises en charge par le Fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaires (FNPEIS).

(3) Le nécessaire effort de vérité sur l'état de nos finances publiques

Le caractère extrêmement volontariste de ces hypothèses et la non prise en compte de toutes les dépenses à venir risque de fausser le débat parlementaire en ne permettant pas de prendre l'exacte mesure de l'impact de la crise sur l'évolution à court et moyen terme de la situation des comptes sociaux .

A cet égard, votre rapporteur pour avis souhaite rappeler les propos du Premier président de la Cour des comptes devant les commissions des finances et des affaires sociales de l'Assemblée nationale qui soulignait qu'« il ne saurait y avoir de démarche crédible de rétablissement des comptes sans un effort accru de vérité sur l'état de nos finances. Dans un récent rapport, l'OCDE rappelait notamment que le Canada avait fait le choix, dans les années 1990, de construire ses budgets selon les prévisions de croissance volontairement pessimistes, afin de garantir que les objectifs seraient atteints, voire dépassés. Selon l'OCDE, cette démarche aurait contribué au succès de l'assainissement des finances publiques réalisés dans ce pays. Force est de constater que nous adoptons trop souvent la démarche inverse en France, ce qui nuit à la crédibilité de nos programmes pluriannuels » 19 ( * ) .

Présenter une programmation pluriannuelle plus sincère présenterait en outre l'avantage d' entamer plus tôt les réflexions sur les mesures nécessaires à mettre en oeuvre, ceci d'autant plus que compte tenu du changement d'échelle des déficits actuels et à venir, les mesures habituellement mises en oeuvre s'avéreront nécessairement insuffisantes .

* 13 Intervention de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, devant la commission des comptes de la sécurité sociale - 1 er octobre 2009.

* 14 Le PLFSS pour 2009 a été élaboré au moment où la crise économique atteignait notre pays. Les hypothèses économiques sur lesquelles le texte initial avait été élaboré ont ainsi été revues au cours de l'examen par le Parlement du PLFSS pour 2009. Si le texte initial prévoyait un retour à l'équilibre en 2012 des comptes du régime général, la loi de financement pour 2009 envisageait finalement un déficit de plus de 3 milliards d'euros à l'horizon 2012.

* 15 Article annexe de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005.

* 16 Cf. rapport d'information de notre collègue Philippe MARINI, rapporteur général, n° 45 (2009-2010), « Quels prélèvements obligatoires pour la sortie de crise ? ».

* 17 Au sens de l'INSEE.

* 18 Les déficits cumulés du régime général atteindraient 96,9 milliards d'euros sur la période 2011-2013 contre 88,7 milliards d'euros prévus par le PLFSS pour 2010.

* 19 Audition du mardi 23 juin 2009.

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