B. ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET RECHERCHE : QUELQUES RECOMMANDATIONS À PRENDRE EN COMPTE

1. Concentrer les crédits sans abandonner des pans entiers de territoire

a) Financer les « pépites » tout en évitant le saupoudrage

Votre commission adhère à la démarche consistant à concentrer d'importants crédits sur un nombre limité de sites afin de leur permettre de concourir parmi les plus grands centres d'enseignement supérieur et de recherche du monde.

Le saupoudrage des crédits, qui a trop souvent prévalu, entraîne à la fois un émiettement de nos efforts, une insuffisante hiérarchisation des priorités et une forme de gaspillage lié aux doublons des projets de recherche. Des efforts pour limiter ces derniers et créer des synergies ont fort heureusement été engagés ces dernières années, que ce soit à travers les pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES), les réseaux thématiques de recherche avancée (RTRA) ou les Alliances, et bien entendu avec le développement des appels à projets de l'ANR. Il convient donc désormais d'amplifier ce processus en donnant aux acteurs les moyens de ces ambitions.

Pour autant, la politique conduisant à mettre les universités au coeur de la recherche publique doit aussi permettre de renforcer la qualité de l'enseignement « à et par la recherche », qui est au coeur de leurs missions.

Il ne faudrait donc pas que la montée sous les projecteurs de quelques uns jette dans l'ombre les autres. Votre rapporteur estime que cet écueil devrait être évité, à certaines conditions cependant :

- l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur et de recherche doivent se mobiliser s'ils veulent prendre part à la dynamique ainsi créée ;

- le dispositif prévoit 2 milliards d'euros pour financer soit des laboratoires de très haut niveau situés hors des campus d'excellence, soit des équipements de recherche de taille intermédiaire. A chacun donc, selon sa taille et ses spécialités, de faire valoir sa forme d'excellence. Celle-ci existe aussi dans des universités de petite taille. Le cas de Limoges est souvent cité à titre d'exemple de « pépite » dans un domaine spécifique, la céramique en l'occurrence, mais il n'est pas le seul, loin s'en faut.

b) Imposer le fonctionnement en réseau et encourager le développement « d'écosystèmes »

Par ailleurs, les sites d'excellence retenus doivent jouer un rôle de locomotive pour l'ensemble du système. Pour cela, votre commission insiste sur la nécessité, aux stades de la sélection et de l'évaluation des projets, d'inciter les campus à fonctionner en réseau, en vue d'irriguer le territoire. Il ne s'agit pas de créer des sites remarquables mais fermés sur eux-mêmes ; l'objectif doit bien être de créer de larges réseaux, y compris virtuels, associant des partenaires recherchant l'excellence, quelle que soit leur taille et leur localisation géographique.

Sur les sites eux-mêmes, il convient de rechercher la création « d'écosystèmes ». A cet égard, votre rapporteur adhère à l'idée de M. René Ricol, selon lequel « les futurs « internats d'excellence » ne devront pas être isolés du reste du système scolaire. »

Dans le même ordre d'idée, votre commission soutient la proposition de notre collègue sénateur André Ferrand , représentant les Français établis hors de France , sur la nécessité de soutenir les projets des universités françaises en vue d'accueillir des élèves étrangers des lycées français implantés hors de France. Il convient de prendre en compte cette problématique qui s'inscrit dans l'objectif du renforcement de l'attractivité de nos établissements.

2. Gagner le pari de l'opération du plateau de Saclay

a) Une manne exceptionnelle pour une opération emblématique

Ainsi qu'il a été exposé précédemment, au total 1,85 milliard d'euros seront consacrés à l'opération du plateau de Saclay. Celle-ci est emblématique de l'ambition de notre pays de rénover en profondeur son système et de créer un campus à l'image des meilleurs sites d'enseignement supérieur et de recherche étrangers, tel que le Massachussetts Institute of Technology . Le plan de financement présenté par la Fondation de coopération scientifique du plateau de Saclay concerne 66 opérations pour un investissement total de 4,1 milliards d'euros.

Comme détaillé dans l'encadré ci-après, le campus couvre 12 domaines scientifiques et accueille 23 établissements et 2 pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES).

LE CAMPUS DU PLATEAU DE SACLAY EN QUELQUES MOTS

1 - LES 12 DOMAINES SCIENTIFIQUES DU CAMPUS

- sciences physiques

- chimie

- mathématiques

- biologie - santé

- climat et environnement

- énergie à bas carbone

- sciences et ingénierie du vivant pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement

- sciences humaines et sociales

- économie-finance-gestion

- sciences et technologies de l'information et de la communication (stic)

- nanosciences & nano-innov

- sciences de l'ingénierie

2 - LES 23 ÉTABLISSEMENTS

- CNRS

- CEA - Saclay

- École Centrale Paris

- HEC Paris

- ENSAE PARISTECH

- Mines PARISTECH

- ENSTA PARISTECH

- École normale supérieure de Cachan

- École Polytechnique

- SUPÉLEC

- IHÉS

- INRA

- INRIA

- Institut d'optique Graduate School

- AGROPARISTECH

- Institut TELECOM

- ONERA

- Université PARIS-SUD 11

- Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

- DIGITEO

- Nanosciences & Nano-Innov

3 - LES 2 PÔLES D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE RECHERCHE (PRES)

- PARISTECH

- Universud Paris

Il compte aujourd'hui 10 % des effectifs de la recherche en France et devrait en représenter demain près de 20 % avec, dès 2015, plus de 34 000 étudiants, dont 7 000 doctorants, et 12 000 chercheurs et enseignants-chercheurs. Ses établissements devraient délivrer 2 100 doctorats chaque année.

Le regroupement des acteurs doit donner la visibilité internationale qui nous manque et que soulignent les classements internationaux, quelles que soient leurs limites.

b) Un succès conditionné au « décloisonnement » des acteurs

Pour votre rapporteur, le défi du campus de Saclay sera gagné si l'ensemble des acteurs, publics et privés, dans la diversité de leur histoire et de leurs modes de fonctionnement, arrivent à développer de réelles synergies, à travailler en étroite coordination sur des projets communs et à faire prévaloir la transversalité. Ceci suppose une gouvernance unifiée de chaque projet. Ceci suppose également de renforcer les « passerelles » entre universités et grandes écoles.

Si au contraire, les barrières - y compris physiques - qui entourent les organismes concernés continuent à se dresser dans un esprit de conservatisme, le maintien de « féodalités » ne pourra qu'entraîner l'échec du projet.

Et l'on sera alors en droit de s'interroger sur l'efficacité du budget consacré à cette opération, sachant qu'elle aura été éligible à tous les fonds.

3. Tendre à une simplification du système d'enseignement supérieur et de recherche

Les recommandations ainsi formulées pour ce site emblématique du campus de Saclay peuvent s'appliquer à tous les campus et autres pôles ou projets d'excellence.

Or, la simple présentation synthétique des principales actions proposées montre à la fois la cohérence des principes inspirant le projet de loi mais aussi la relative complexité du schéma. Il importe donc que les vocables permettant d'identifier les actions ne recouvrent pas une multiplication de nouvelles structures qui viendraient encore complexifier notre système d'enseignement supérieur et de recherche, mais soient le support d'un rapprochement des acteurs.

Là aussi, la recherche de l'efficacité doit prévaloir. Votre rapporteur a été partiellement rassuré sur ce point par M. René Ricol, commissaire général à l'investissement, qui a affirmé à l'occasion de son audition par votre commission des finances, le 3 février 2010.

En outre, d'après les informations fournies à votre rapporteur, la création de nouvelles structures juridiques n'est pas indispensable pour porter les nouveaux projets du grand emprunt. Les campus d'innovation technologique s'appuieront sur des consortiums de recherche public-privé, tandis que les instituts hospitalo-universitaires seront adossés à des fondations de coopération scientifique.

4. Assurer une cohérence entre les critères de répartition des crédits de l'emprunt national et ceux du système SYMPA

Votre commission insiste pour qu'une réflexion soit rapidement conduite afin de garantir la cohérence des différents types de financement - emprunt national et crédits budgétaires alloués selon le nouveau modèle de répartition (SYMPA) 4 ( * ) - et l'articulation de ces deux modes de financement.

Le grand emprunt apportera un effet d'accélération et de renforcement de la prise en compte de la performance dans l'attribution des crédits.

D'après les informations fournies à votre rapporteur, il est supposé que, pendant la période probatoire de trois ans, les ressources du grand emprunt ne seront pas de nature à biaiser les résultats du modèle SYMPA.

Le financement supplémentaire représente environ 4 % des ressources récurrentes hors crédits d'investissements (sécurité, contrats de plan Etat-région, opération Campus).

Néanmoins, une vigilance supplémentaire portera sur les établissements bénéficiaires de l'action « campus d'excellence » pour lesquels un suivi et une évaluation annuelle permettront de mesurer :

- l'impact de l'apport du grand emprunt par rapport aux résultats escomptés ;

- la vérification du maintien de la qualité de la formation ;

- l'avancement, sur les trois années probatoires, du processus de renforcement de la gouvernance jusqu'à aboutir à un établissement unique.

* 4 Voir le rapport d'information n° 532 sur « l'autonomie budgétaire et financière des universités et nouveau système d'allocation des moyens (SYMPA) : le chemin de la vertu ? » présenté au nom de la commission des finances et de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication sur la mise en place du volet budgétaire et financier de la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités et sur le nouveau système d'allocation des moyens aux universités (SYMPA), par MM. Philippe ADNOT et Jean-Léonce DUPONT, sénateurs.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page