ANNEXE I - PERSONNALITÉS ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

Lundi 4 octobre 2010

Entretien avec Mme Anne-Marie DESCOTES, Directrice de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE)

Entretien avec Mme Hélène DUCHENE, Directeur des politiques de mobilité et d'attractivité au ministère des Affaires étrangères et européennes

Mardi 5 octobre 2010

Entretien avec M. Stéphane ROMATET, Directeur général de l'administration et de la modernisation, et M. Laurent GARNIER, Directeur des Affaires financières au ministère des Affaires étrangères et européennes.

Mercredi 6 octobre 2010

Entretien avec M. Jean-Claude JACQ, Secrétaire général de la Fondation Alliances françaises

Jeudi 7 octobre 2010

Entretien avec Mme Delphine BORIONE. Directeur de la politique culturelle et du français au ministère des Affaires étrangères et européennes

Entretien avec M. Xavier DARCOS, Ambassadeur, chargé de mission pour l'action culturelle extérieure de la France, Mme Laurence AUER, Secrétaire générale de CulturesFrance et M. Alexandre ZIEGLER, chef du service des programmes et du réseau à la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats du ministère des affaires étrangères et européennes

Vendredi 8 octobre 2010

Entretien avec M Jean-Pierre FARJON, Secrétaire général du syndicat CFDT du ministère des affaires étrangères et européennes.

Lundi 11 octobre 2010

Entretien avec Mme Beatrice KAHIAT, Directrice déléguée de CampusFrance

ANNEXE II - AUDITION DE M. BERNARD KOUCHNER, MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES ET EUROPEENNES (EXTRAITS)

Au cours de sa réunion du 3 novembre 2010, la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat, a procédé à l'audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur la mission « Action extérieure de l'Etat » du projet de loi de finances pour 2011.

M. Josselin de Rohan, président. - Monsieur le ministre, nous sommes heureux de vous accueillir à nouveau devant notre commission pour cette audition consacrée aux crédits du ministère des affaires étrangères et européennes dans le projet de loi de finances pour 2011, qui sont regroupés au sein de la mission « Action extérieure de l'Etat » et du programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » de la mission « Aide publique au développement ».

Comme nous le savons tous ici, le contexte budgétaire du projet de loi de finances pour 2011, qui s'inscrit dans le cadre de la loi de programmation triennale 2011-2013, est particulièrement contraint. Il est marqué, en effet, par l'impérieuse nécessité de la réduction des déficits publics de notre pays. Comme l'a souligné le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France, cette réduction du déficit public constitue non seulement une nécessité du point de vue de l'équilibre de nos finances publiques, mais aussi un impératif pour préserver la place de la France dans le monde et en Europe. Au moment où le Conseil européen vient de décider, à l'initiative de la France et de l'Allemagne, de renforcer la procédure de lutte contre les déficits excessifs, notre pays ne peut pas s'exonérer éternellement de ses engagements européens.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a décidé d'appliquer à toutes les administrations de l'Etat une réduction de 5 % de leurs crédits de fonctionnement en 2011, effort qui sera poursuivi les années suivantes pour atteindre l'objectif d'une baisse de 10 % en trois ans, et de poursuivre les efforts de non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Comme toutes les autres administrations, le ministère des affaires étrangères et européennes participe à cet effort, qu'il avait même anticipé. Ainsi, les crédits de fonctionnement et d'intervention diminuent de 5 % en 2011 et il est prévu de supprimer 610 emplois entre 2011 et 2013. Dans le même temps, le ministère doit faire face à la forte augmentation des dépenses incontournables, à l'image des contributions internationales et des opérations de maintien de la paix qui augmentent de près de 14 % par rapport à 2010 en raison du taux de change.

Dans ce contexte, certains s'interrogent sur la capacité du ministère des affaires étrangères et européennes à préserver ses missions face à de nouvelles réductions de ses moyens. Je rappelle, en effet, que le ministère des affaires étrangères et européennes s'est montré exemplaire ces dernières années en matière de réforme, en réduisant ses effectifs de 20 %. Alors que le principe de l'universalité du réseau vient d'être confirmé au plus haut niveau de l'Etat, comment faire en sorte que nos ambassades et consulats aient les moyens de fonctionner efficacement avec des moyens en réduction ? La forte augmentation des contributions obligatoires ne risque-t-elle pas de nous contraindre à réduire nos contributions volontaires, qui sont pourtant les plus visibles à l'étranger? De même, en matière d'aide au développement, l'augmentation de la participation française aux fonds multilatéraux, comme le Fonds SIDA, ne risque-t-elle pas de réduire les moyens des contributions volontaires et de notre aide bilatérale? Comme nous avons pu le constater lors de notre récent déplacement aux Nations unies, la diminution constante des moyens de notre diplomatie a une conséquence directe sur l'influence de la France.

Je pense cependant que des marges de manoeuvre existent pour préserver l'efficacité de notre diplomatie. Je me félicite que vous ayez pu préserver les postes de titulaires et obtenu le maintien de la rallonge budgétaire de 20 millions d'euros pour la coopération culturelle, qui permettra de consolider la réforme de notre diplomatie culturelle et d'influence, engagée avec la loi relative à l'action extérieure de l'Etat adoptée l'été dernier. Nous souhaiterions d'ailleurs faire le point sur la mise en place des nouveaux opérateurs, l'Institut français, le nouvel établissement CampusFrance et France Coopération Internationale. Comment se met en oeuvre l'expérimentation du rattachement de certains centres et instituts culturels à l'Institut français?

Où en sommes-nous dans la création de la nouvelle agence chargée de gérer l'immobilier de l'Etat à l'étranger?

Nous aimerions également vous interroger sur les éventuelles mesures d'encadrement de la prise en charge des frais de scolarité des élèves français scolarisés à l'étranger, à la lumière du rapport remis aujourd'hui au Président de la République par nos collègues Geneviève Colot et Sophie Joissains.

Enfin, pourriez-vous, Monsieur le Ministre, nous dire également un mot de la présidence française du G8 et du G20 ?

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. - Je commencerai par dire quelques mots de l'attentat ignoble qui a eu lieu à Badgad, où une cinquantaine de chrétiens syriaques ont trouvé la mort. Au-delà de la tristesse qui nous étreint, il est judicieux que notre ambassade et notre résidence soient bien protégées. Voilà un exemple de dépenses incompressibles : nous nous devons d'assurer la sécurité de nos citoyens expatriés, qui participent à l'influence et au rayonnement économique de la France. Une cinquantaine demeure encore à Bagdad. Mais une sécurité parfaite est impossible.

Il reste en Irak 300 000 chrétiens sur 800 000 et, dans tout le Moyen-Orient, leur situation est très problématique. Ce n'est pas une politique de visas qui apportera une solution. Un millier d'Irakiens chrétiens ont été accueillis en France, mais tous ne souhaitent pas quitter leur terre, et la hiérarchie de l'Eglise d'Orient ne les y encourage pas. La sécurité en Irak doit reposer avant tout sur les Irakiens : c'est pourquoi nous formons des policiers et des juges, et il n'est pas question de revenir sur cette politique.

L'année 2011 sera marquée par la présidence française du G8 et du G20. Dans ce contexte, il est plus que jamais nécessaire de disposer d'un outil diplomatique efficace, avant, pendant et après les sommets. Il est impératif de respecter nos engagements d'aide au développement, notamment vis-à-vis de l'Afrique. Le ministère poursuit la modernisation entamée depuis trois ans pour répondre aux missions qui lui sont assignées.

Le budget des affaires étrangères pour 2011 s'inscrit dans un contexte de resserrement budgétaire. Tout le monde convient de la nécessité de redresser nos comptes publics, conformément à nos engagements européens ; les Vingt-sept ont récemment adopté à l'unanimité les propositions de la France et de l'Allemagne. L'effort qui consiste à ramener le déficit de 7,7 % cette année à 6 % l'an prochain est sans précédent. Il a donc fallu concilier ces contraintes et nos vastes ambitions.

Le budget du ministère est responsable à plusieurs titres. Il l'est d'abord parce qu'il respecte la volonté du Gouvernement de promouvoir un usage plus rigoureux des deniers publics, et de réduire les dépenses de fonctionnement de 5 % cette année et de 10 % en trois ans : l'économie sera de 18 millions d'euros en 2011. La diminution des emplois se poursuit, grâce à la rationalisation du soutien aux administrations centrales et à des réajustements du réseau : 160 ETP seront supprimés cette année, 700 entre 2009 et 2011 - je n'oublie pas que derrière cette expression, on trouve des hommes et des femmes. Le ministère s'efforce aussi de maîtriser ses contributions obligatoires aux organisations internationales, ce qui suscite bien sûr des mécontentements, mais je rappelle que nous participons à toutes les opérations de maintien de la paix de l'ONU où la continuité de notre effort est reconnue. La France a obtenu une réduction de sa quote-part au fonds européen de développement, qui passera de 24,3 % à 19,5 %. Enfin ce budget est sincère, puisqu'il est fondé sur des taux de change réalistes.

Les contraintes budgétaires ne doivent pas nous empêcher de poursuivre nos objectifs prioritaires, parmi lesquels l'aide publique au développement : le Président de la République a annoncé que les crédits de cette mission seraient maintenus jusqu'en 2013, et il en va de même du programme 209, doté de 2,1 milliards d'euros. Toutefois, rapportée au revenu national brut (RNB), l'aide publique française diminuera : nous étions au deuxième rang mondial en 2009 avec un ratio de 0,47 %, nous devrions l'être encore en 2010 avec un ratio compris entre 0,47 % et 0,51 %, mais à partir de 2011, cette proportion baissera, notamment parce que les annulations de dette ne feront plus sentir leurs effets. Il faut réfléchir au moyen d'optimiser notre aide publique au développement, car les ressources sont rares. Nous travaillons en particulier sur les financements innovants : il est déjà satisfaisant de pouvoir aborder le sujet aux Nations unies, car jusqu'à une date récente, les pays en développement ne voulaient pas en entendre parler, craignant qu'ils ne s'imputent sur le volume de l'aide publique au développement alors qu'ils s'y ajouteront.

Comme le Sénat l'a souvent souligné, il faut tirer le bilan des efforts passés : dès 2011, une évaluation de la politique d'aide au développement menée depuis 1998 sera entreprise, et il serait souhaitable que les parlementaires y soient associés. A cela s'ajoute l'évaluation par les pairs au sein du Comité d'aide au développement de l'OCDE.

Le document-cadre de la politique de coopération au développement a été validé par Matignon aujourd'hui même. L'engagement du Président de la République d'augmenter de 100 millions d'euros en cinq ans l'aide à la santé maternelle et infantile sera tenu. Notre aide publique sera rééquilibrée en direction de l'aide bilatérale, comme vous en avez souvent exprimé le souhait. Les fonds prioritaires destinés à Haïti, à l'Afghanistan, au Pakistan et aux agences humanitaires seront préservés.

La réforme de notre politique d'influence se poursuit après le vote de la loi relative à l'action extérieure de l'Etat. L'Institut français sera bientôt installé au carré Suffren, dans le 7e arrondissement ; il remplacera CulturesFrance et couvrira tout le champ culturel. M. Xavier Dacros, qui doit en assumer la présidence, prépare son lancement opérationnel pour le 1er janvier. Tout reste à faire : définir une stratégie, rénover le réseau, rendre plus complémentaires les 600 alliances françaises et les instituts - soit au total près d'un millier de centres -, améliorer leur visibilité, professionnaliser leurs agents grâce à un effort sans précédent de formation, repenser le mécénat et lever des financements. J'ai obtenu du Premier ministre la reconduction pour les trois ans à venir de la rallonge budgétaire de 20 millions d'euros pour l'action culturelle, qui a permis d'enrayer la chute de son budget.

L'influence de la France à l'étranger passe aussi par la formation des élites. L'établissement public CampusFrance sera issu de la fusion de l'ancien CampusFrance, d'Egide, et d'ici 2012 des activités internationales du Cnouss. Quant à l'AEFE, il faut se garder d'oublier sa double mission, qui consiste à scolariser à la fois les enfants des Français expatriés et ceux des étrangers. C'est un de nos plus beaux vecteurs d'influence, et je ne doute pas de son avenir : j'ai visité récemment le nouveau et magnifique lycée français d'Ankara. C'est pourquoi j'ai tenu à ce que la subvention à l'AEFE soit maintenue au niveau de 421 millions d'euros. Il faut veiller à ce que le coût de la prise en charge des élèves français à l'étranger (PEC) n'augmente pas démesurément, alors même qu'un moratoire a été déclaré sur son extension aux classes autres que celles du lycée. Une somme de 119 millions d'euros y sera affectée en 2011, en hausse de 13 % : elle devrait suffire grâce au moratoire et à diverses mesures conservatoires. Je serai naturellement attentif aux préconisations du rapport Colot-Joissains.

La qualité du service rendu aux Français expatriés figure également au nombre de nos priorités. Les métiers consulaires ne sont nullement subordonnés à ceux de la diplomatie : les membres du réseau consulaire, souvent appelés à ces fonctions par une véritable vocation, doivent assumer des charges de plus en plus lourdes : le nombre d'expatriés augmente, les députés des Français de l'étranger seront élus pour la première fois en 2012, la biométrie est très largement diffusée, notamment en Afrique ; et les frais d'hospitalisation d'urgence ont été transférés au ministère. C'est pourquoi je me suis battu pour défendre les emplois du réseau consulaire : en 2012 et 2013, les suppressions d'ETPT seront rares. En 2011 les crédits du programme 151 augmenteront de 6,6 % hors rémunérations et dépenses de PEC et de bourses, de 11,4 % si on les inclut. Au sein de cette enveloppe, nous maintenons les crédits d'action sociale aux alentours de 16 millions d'euros.

Un effort tout particulier est consenti pour sécuriser nos établissements, qu'il s'agisse des ambassades, des résidences ou des établissements scolaires. Nous mettons en oeuvre depuis trois ans un vaste programme de sécurisation active et passive de nos emprises, et dans les trois pays du Sahel hors Niger nos efforts ont porté leurs fruits. Le Premier ministre a reconnu le caractère prioritaire de cette politique en lui affectant une enveloppe de 10 millions d'euros, dont 2 millions inscrits au PLF pour 2011.

Pour assurer la sécurité des Français, un centre de crise opérationnel a été mis en place en 2008, où une cinquantaine d'agents se relaient jour et nuit. Son budget augmentera de 1,5 %. Comme le montrent les événements récents au Sahel, les menaces sont partout. Les vols de fret en provenance du Yémen ont été annulés ; pour l'heure, les vols voyageurs ont été maintenus. Les crédits d'intervention de la direction de coopération de sécurité et de défense seront stabilisés à hauteur de 35 millions d'euros.

Je conclurai par là où j'ai commencé : l'enjeu majeur de l'année qui vient sera la présidence française du G8 et du G20. A l'ordre du jour figureront la réforme du système monétaire et de la gouvernance mondiale - j'en discuterai demain avec le président chinois en visite à Paris -, la lutte contre la volatilité des prix des matières premières et la promotion des financements innovants pour l'aide au développement des pays pauvres. La crédibilité de la France est en jeu. Conformément aux recommandations de la Cour des comptes et dans un souci de visibilité et de rigueur, nous avons choisi d'inscrire les dépenses liées à ces présidences au sein d'un programme spécifique doté de 60 millions d'euros d'autorisations d'engagements et de 50 millions de crédits de paiement. Le coût total des présidences françaises s'élèvera à 80 millions d'euros entre 2010 et 2012. En se voyant confier la charge de ce programme, le ministère des affaires étrangères se voit conforter dans son rôle de pilotage de l'action extérieure de l'Etat.

Son budget total s'établira à 5,1 milliards d'euros en 2011, en hausse de 3,7 % et même de 4,5 % si l'on exclut les rémunérations, à l'heure même où le Royaume-Uni a décidé d'amputer de 25 % le budget du Foreign Office : c'est encourageant.

M. Josselin de Rohan, président. - Quand on se regarde on se désole, quand on se compare on se console !

(...)

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Vous avez rappelé que les plus hautes autorités de l'Etat veulent préserver l'universalité du réseau, mais aussi que le Royaume-Uni préserve 1 milliard d'aide au développement tout en réduisant les frais de fonctionnement de son réseau de 25 %. N'oublions pas cependant que cet effort de notre voisin insulaire repose sur une politique ancienne de réduction de son réseau. Ce qui n'est pas notre cas et nous oblige à un grand écart effarant entre le principe d'universalité - qui conduit à mobiliser des moyens dans de petits pays avec lesquels nous n'entretenons guère de relations - et l'effort d'aide publique au développement. Gymnastique qui m'incline à poser la question : peut-on encore parvenir à être efficaces en maintenant le principe d'universalité du réseau ? J'ai pu moi-même constater, en Amérique centrale, la chute vertigineuse de nos crédits d'intervention. Quelle marge reste-t-il aux ambassadeurs ?...

Autre question. J'ai entendu, hier, sur RFI, que l'Etat va mettre en vente pour 300 millions d'euros de ses bâtiments publics à l'étranger, dans les trois ans à venir. Quel pourcentage de ce produit reviendra au ministère ? La précédente opération ne lui a guère profité...

M. Bernard Kouchner, ministre. - Il lui en reviendra 100 %.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Il n'en a eu que 10 % la dernière fois...

M. Bernard Kouchner, ministre. - Il s'agit ici de ventes à l'étranger, d'immeubles qui sont notre propriété.

M. Christian Poncelet. - Sauf en Italie.

M. Bernard Kouchner, ministre. - On ne vend rien en Italie ! Ni même à Dublin...

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - J'en viens aux crédits de la diplomatie culturelle. Je vous remercie d'avoir incité vos services à élaborer une nouvelle maquette qui permet de retracer dans le programme 185 l'ensemble de l'action culturelle. Je me réjouis de l'annonce d'une prolongation de la rallonge culturelle exceptionnelle de 20 millions pour les années à venir. Reste que les effectifs et les crédits d'intervention culturelle ont été très largement entamés au cours des dernières années : passés de 150 millions en 2006 à 135 millions en 2009, puis 125 en 2010, ils s'établiront à 116 millions en 2011, rattrapage budgétaire compris. Comment, dans ces conditions, réussir la réforme et mettre en place l'Institut français ? Avec l'état des effectifs que l'on connaît : c'est dans le réseau culturel qu'ont été supprimés la plupart des ETP.

M. Daniel Reiner. - La moitié.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - La situation est particulièrement tendue pour l'AEFE. Vous nous dites que 420 millions seront sanctuarisés. Mais l'âne est lourdement chargé : l'entretien immobilier des établissements revient en gestion directe à l'Agence, pour une remise à niveau sur cinq ans estimée entre 140 et 300 millions d'euros. Lui reviennent également les cotisations pour pensions des personnels détachés, situation qui a d'ores et déjà conduit à augmenter les droits de scolarité...

Je lis dans le journal Les Echos, qui rend compte des conclusions du rapport Colot-Joissains, que pour rentrer les gros pieds de la PEC dans les petits souliers budgétaires, il faut « cristalliser » le montant remboursé aux familles. Les frais peuvent augmenter d'année en année : la prise en charge restera bloquée au coût de 2007, soit exactement les 7 millions manquants pour l'an prochain... Quant au moratoire sur le collège, il introduit une nouvelle inégalité de traitement. Je ne saurais suivre, enfin, madame Joissains, quand elle déclare tout benoîtement qu'avec 34 millions pour 6 000 lycéens, on est loin de la charge des 92 millions servis à 23 000 élèves en bourses sur critères sociaux. Quelle différence de traitement, en effet. Et flagrante !

M. Bernard Kouchner, ministre. - Je vous remercie de vos compliments, et de vos critiques. L'universalité du réseau doit évidemment s'accompagner du budget suffisant. Vous avez rappelé qu'à la différence de la France, le Royaume-Uni, qui réduit son budget de 25 % à périmètre de réseau constant, avait déjà renoncé à un certain nombre d'implantations. Mais nos deux réseaux sont comparables en extension.

Vous avez cité l'exemple de l'Amérique centrale. Songez donc au Honduras. Que serait-il advenu si notre ambassadeur sur place, où les deux seules représentations européennes solides sont celle de la France et de l'Allemagne, n'avait pas participé à la recherche de solutions lors du coup d'Etat ?... Songez au Nicaragua... Nous pourrions concentrer nos moyens au Costa Rica, pays le plus stable et le plus démocratique. Pour quel effet ? Telle fut mon argumentation au cours de tout le processus de la RGPP : fermer trente petites ambassades ne fait économiser que 20 millions d'euros, autant dire, rien. Il peut y avoir là des décisions politiques lourdes, et qui ne représentent guère d'économies. Je suis fier, dans le même ordre d'idées, d'avoir ouvert une ambassade à Bichkek, au Kirghizistan où je flairais qu'il y aurait des ennuis, d'autant que s'y ajoute le fait que nous sommes sur la route de la drogue. Notre ambassade est là depuis deux ans, seule avec celle de l'Allemagne et notre ambassadeur y joue, bien que sans grands moyens, un rôle très actif...

Vous m'interrogez sur les ventes immobilières : 100 % des fonds iront au budget du ministère. Nous avons réussi une belle opération au Japon, nous allons peut-être faire de même en Turquie. C'est à Paris que s'est posé un problème. L'opération de la rue de la Convention n'a pas été gérée par le Quai, mais par France Domaine, soit Bercy.

La diminution de 10 % des crédits de fonctionnement sur trois ans concerne tous les ministères. Il est vrai qu'auparavant, le ministère des affaires étrangères avait été le plus discipliné... la vertu n'est pas toujours récompensée...

J'ai cependant obtenu que le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite ne lui soit pas appliqué en toute rigueur : ce sera un sur trois ; un sur cinq pour les titulaires. Sur 15 000 ETP, 8 000 sont occupés par des agents du circuit culturel, auxquels il convient d'ajouter ceux qui sont mis à disposition des Alliances françaises. Il me semble, sans être scandaleusement directif, que la création des Instituts français nous donne là une petite marge de manoeuvre ?...

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - A ceci près que ce sont les postes de recrutés locaux que l'on supprime. Tout le monde sait que le réseau fonctionne en grande partie grâce à eux.

M. Bernard Kouchner, ministre. - Mon ministère n'a pas eu à pâtir d'un seul mouvement social. Savez-vous combien le poste de Washington compte de fonctionnaires titulaires ? Quinze sur 700 !

Les crédits de l'action culturelle baissent de 9,6 %. Il y avait eu une baisse de 10 % avant mon arrivée, que nous avons stabilisée en 2008 et 2009. La rallonge de 20 millions d'euros sur trois ans permet d'éviter l'effondrement. Aucune des têtes des trois agences ne se plaint des crédits avec lesquels nous démarrons. Le siège de l'Institut français comptera 150 personnes, auxquelles il convient d'ajouter 41 ETP supplémentaires venus de mon ministère, douze de l'Education nationale et huit du ministère de la culture.

La complémentarité entre instituts et alliances est engagée et l'amorce est excellente : nous avons longuement discuté le contenu de la convention passée avec l'Alliance française. J'en profite pour revenir un instant à la Foncière de l'Etat, dont nous avons, avec Bercy, proposé la création. Comment faire autrement ? Voyez Ankara, où toutes les agences sont réunies, avec l'Institut, dans un bel immeuble de sept étages : c'est formidable, et l'opération nous a rapporté de l'argent. Au Libéria, en revanche, pays que je connais bien, où l'ambassade devait être vendue, j'ai mis le holà. La précipitation est parfois dommageable sur le terrain. Quant à l'Italie, rassurer-vous : nous n'y avons rien à vendre.

M. Robert del Picchia. - Le Palais Farnèse ne nous appartient pas.

M. Bernard Kouchner, ministre. - Le rapport Colot-Joissains vient d'être remis. Il y est dit que les chiffres du ministère et de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger sont excessifs et que les entreprises ne se dégagent pas... Il propose le maintien du moratoire - c'est un progrès... Et l'extension de la « cristallisation ». Il ouvre la dangereuse question de l'équilibre entre dépenses d'exemption et bourses. Notre mission va aussi à prendre en charge les élèves locaux, sauf à mettre en péril, à terme, l'attrait de nos formations universitaires.

M. Robert del Picchia. - Le communiqué de presse de la présidence de la République vient de tomber. Est reprise l'idée de la cristallisation à 2007-2008, soit au moment où la mesure venait d'être mise en application, et concernait peu de monde. Sur l'éviction des enfants étrangers, le rapport relève que leur nombre n'a pas baissé, et qu'il a au contraire augmenté ces dernières années. Est également reprise l'idée du moratoire, maintenu en raison de la situation de crise. Le rapport demande le fléchage budgétaire de la prise en charge des bourses. Il faudrait deux sous-actions dans le même programme : il deviendra ainsi apparent que l'argent économisé sur la prise en charge est allé aux bourses.

M. Joseph Kergueris. - La réussite de la mise en complémentarité des réseaux et de l'Institut en création dépendra pour beaucoup de la mise en oeuvre de la loi relative à l'action extérieure de l'Etat. Quel est l'état d'avancement, monsieur le ministre, des décrets d'application ?

Relativement à l'Institut français, où en êtes-vous de la liste des établissements devant faire l'objet d'une expérimentation de rattachement direct ? L'Assemblée nationale a élargi la tutelle de CampusFrance, outre le ministère des affaires étrangères et celui de l'enseignement supérieur, à celui de l'immigration, directement intéressé par la politique des visas. Quelle est votre appréciation ?

M. Bernard Kouchner, ministre. - Le décret sera devant le Conseil d'Etat le 9 novembre. Il donne au ministre le pouvoir de trancher dans toute situation qui, malgré le poids de l'ambassadeur, donnerait lieu à conflit. M. Darcos, à la tête de l'Institut français, a fait le choix de conduire l'expertise sur seize gros pays au lieu des dix prévus par la loi. Il y aura deux expérimentations en Afrique, une dans un pays anglophone - j'ai proposé le Ghana. Les paramètres ne sont pas simples. Dans un grand pays comme l'Inde, nous n'avons aucun centre culturel... L'Afrique devrait avoir plus en proportion que l'Amérique latine et l'Asie. Il y a une balance à établir entre pays riches et pays pauvres... Et avec tout cela, les volontaires abondent...

Sur la question de la tutelle de CampusFrance, Matignon ayant tranché, je crois qu'il n'y aura pas de problème avec le ministère de l'immigration... La cotutelle est déjà en acte dans l'un des établissements. Vous serez content d'entendre, monsieur le sénateur Kergueris, que l'on constate, en quelques semaines, un vrai mouvement de collaboration.

(...)

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