2. La part croissante de l'aide multilatérale s'est traduite par une diminution importante de l'aide bilatérale

Les crédits de la mission APD ne connaissant pas une croissance particulièrement forte, l'augmentation de la part du multilatéral s'est traduite, dans certains secteurs, par une diminution importante de l'aide bilatérale, comme l'illustre l'évolution des dépenses dans le domaine de la santé.

Même si les canaux bilatéraux, européen et multilatéral se complètent pour renforcer la capacité de la coopération française à intervenir dans des circonstances variées, cette évolution a été critiquée tant par votre commission que par celle de l'Assemblée nationale.

Votre commission estime en effet que l'influence de la France, sa capacité à promouvoir sa vision des priorités du développement passent à la fois par une coopération bilatérale réactive et visible et par un engagement clair dans les institutions européennes et multilatérales.

La France s'est engagée, depuis une dizaine d'années, dans une montée en puissance de notre aide multilatérale afin de peser sur la programmation des grandes institutions que sont la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, le Fonds européens de développement ou le Fonds Sida.

Elle n'ignore pas que les actions de la France en tant que membre, actionnaire et partenaire sur le terrain de ces institutions se renforcent mutuellement.

Cette complémentarité se traduit à la fois par la mobilisation de financements conjoints et le montage de partenariats opérationnels et par le partage d'expertises.

Ces institutions multilatérales ont une légitimité, une neutralité politique, des compétences et des capacités financières sans commune mesure avec les nôtres.

Vos rapporteurs estiment que dans une certaine mesure, cette stratégie a été payante. Nous avons infléchi la programmation de ces grands fonds vers l'Afrique, mais ils estiment que ce mouvement est allé trop loin réduisant de façon excessive, dans un budget global limité, les moyens des agences de l'AFD et des ambassades.

Ils regrettent que les marges de manoeuvre bilatérale aient été à ce point réduites.

Nombre d'intervenants, lors de la table ronde que la commission des affaires étrangères a organisée en mai dernier, ont effectué le même constat. M. Serge Michaïlof, consultant international, enseignant à l'Institut d'études politiques de Paris, ancien directeur régional à la Banque mondiale, a estimé que « nous sommes sans moyens d'action effectifs pour répondre à nos préoccupations propres, qu'il s'agisse d'intervenir dans des pays pauvres où nous avons des enjeux géopolitiques, comme ceux du Sahel, ou sur des thématiques importantes, comme le développement rural pour lequel nous avons une expertise ancienne avérée ».

Il en conclut qu'il est « indispensable de revenir sur cette ancienne décision, jamais explicitée, qui a sacrifié l'aide programmable bilatérale en subventions au profit des grands multilatéraux (Banques régionales de développement, Banque mondiale), des canaux européens, et des fonds des Nations unies.»

Le ministre des affaires étrangères lui-même, lors de son audition, a concédé que « Le canal bilatéral est fragilisé... la répartition actuelle n'est pas efficace face aux situations de crise. Il faut renforcer la coopération bilatérale : c'est l'un des traits de la politique française dont il faut renouveler le sens et l'image sociale. » .

Comme le souligne la Revue à mi-parcours de l'aide, établie le 16 septembre 2010 par le CAD, la France a déséquilibré son aide au développement en faveur du multilatéral : « 45 % de son APD nette était constituée par l'aide multilatérale, tandis que la moyenne du CAD était de 30 % ».

Votre commission estime que l'aide bilatérale française doit occuper une place essentielle dans la coopération française.

Elle considère que le dispositif bilatéral français dispose d'un avantage comparatif grâce à sa flexibilité et sa réactivité, à sa capacité d'innovation et d'intervention en terrains complexes, à sa capacité à rassembler des coalitions d'acteurs très différents et, enfin, par la maîtrise d'une gamme complète d'instruments techniques et financiers.

La valorisation de ce potentiel nécessite en retour qu'il puisse mobiliser des ressources significatives et de façon prévisible.

La coopération bilatérale permet de cibler les priorités géographiques et sectorielles essentielles du point de vue de la France. Elle permet de valoriser l'expertise de ses acteurs dans des secteurs où le savoir-faire français et leur fine connaissance du terrain sont reconnus, tels que le développement urbain, l'eau et l'assainissement, l'agriculture, la santé, l'éducation.

Votre commission a constaté sur le terrain, à plusieurs reprises, que la réduction des moyens d'intervention des agences de l'AFD et des services de coopération des ambassades affaiblissait notre expertise dans de nombreux domaines et ne nous permettait même plus de peser sur la programmation des agences multilatérales.

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