V. LA MONTÉE EN PUISSANCE DES CRÉDITS CONSACRÉS AUX BIENS PUBLICS MONDIAUX

L'Accord politique obtenu à l'arraché lors de la phase finale de la conférence de Copenhague en décembre 2009 a constitué un progrès substantiel en ce qui concerne le financement de la lutte contre le changement climatique dans les pays en développement.

Lors du sommet de l'Aquila en juillet 2009, les pays membres du G8 avaient déjà soutenu une meilleure prédictibilité de l'aide internationale, affirmant leur intention de contribuer de manière juste à l'effort global pour la lutte contre le changement climatique, dans le cadre d'un accord ambitieux à Copenhague.

L'accord de Copenhague, auquel près de 130 pays se sont associés par la suite, a permis d'annoncer la mise en place de « ressources financières additionnelles, prévisibles et adéquates » pour soutenir les actions d'atténuation, y compris grâce à la lutte contre la déforestation et la dégradation des forêts, l'adaptation, le développement et le transfert des technologies et le renforcement de capacités.

Les pays développés s'y sont ainsi d'ores et déjà engagés sur un financement dit « fast-start » de 30 milliards de dollars pour la période 2010-2012, notamment pour les pays les plus vulnérables.

L'objectif de ces financements est de faire face aux besoins de court terme en matière d'adaptation, d'atténuation, y compris sur la forêt, mais aussi de renforcer les capacités des pays récipiendaires dans ce domaine.

Cet engagement, d'un montant global de 30 milliards de dollars, représentera, pour l'Union européenne et ses États membres, selon les conclusions du Conseil ECOFIN du 18 mai 2010, un effort sur la période de 7,2 milliards d'euros.

Pour la France, l'engagement pris s'élève à 1,26 milliard d'euros, dont 20 % consacrés à la gestion durable de la forêt et à la lutte contre la déforestation (dans le cadre de l'initiative des Nations unies dite « REDD +»).

La contribution volontaire de la France à cet effort devrait donc s'établir à hauteur de 420 millions d'euros par an sur la période 2010-2012, soit un effort comparable à celui fourni par l'Allemagne et le Royaume-Uni.

Il devrait s'agir d'activités nouvelles répondant aux priorités de l'Accord de Copenhague, c'est-à-dire permettant de mettre en place des stratégies de moyen et long terme, d'une part, de parer aux besoins urgents, d'autre part, en s'appuyant sur l'expérience acquise dans le passé dans le domaine de la lutte contre le changement climatique.

Plusieurs exemples de projets représentatifs de l'action menée par la France au titre du « fast-start » 2010 (forêt et adaptation au changement climatique en Afrique de l'Ouest, aides budgétaires sectorielles permettant à des pays tels que l'Indonésie de mettre en oeuvre des programmes nationaux de lutte contre le changement climatique) ont été présentés en juin lors de la session de négociation de Bonn.

Afin de répondre aux besoins les plus urgents, les pays signataires se sont engagés « à fournir des ressources nouvelles et additionnelles ». Ainsi le Président de la République et le Premier ministre du Royaume-Uni, le 11 décembre 2009, ont déclaré dans une position commune : « Nous sommes convenus de travailler ensemble aux objectifs suivants : permettre une mise en oeuvre immédiate de l'accord de Copenhague. À cette fin, nous soutenons la mise en place d'un fonds de financement précoce pour 2010-2012. [...] La France et le Royaume-Uni contribueront à la hauteur de leur juste poids parmi les pays industrialisés, soit environ 400 millions d'euros chacun par an ».

Depuis Copenhague, les prises de position sur la signification de « nouveaux et additionnels » divergent, et si certains pays se sont clairement prononcés sur la question, d'autres ne se sont pas encore officiellement engagés à ce jour Au sein de l'Union européenne, alors que le Danemark et les Pays-Bas définissent les fonds précoces comme additionnels au pourcentage de leur RNB promis pour l'APD, l'Allemagne précise que pour elle, seuls 70 millions d'euros seront nouveaux en 2010, le reste faisant partie de l'aide déjà planifiée dans le budget. Pour l'Allemagne et le Royaume-Uni, les fonds précoces participeront à l'effort fait pour atteindre la cible de 0,7 % du RNB en 2015.

Dans un souci d'harmonisation et de coordination, la Commission européenne a proposé en juin 2010 à ses États-membres de s'accorder sur ce que signifie « nouveau et additionnel ». Un accord sur cette définition crédibiliserait l'Union européenne à Cancún et permettrait de vérifier si les promesses faites à Copenhague ont effectivement été tenues.

Votre commission a cherché à retracer ces 420 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2011.

S'agissant de la déforestation, ce dernier engagement nécessite un effort particulier de 150 millions d'euros en faveur de la forêt sur la période 2011-2012.

Cet effort est prévu dans le budget à hauteur de 150 millions, qui seront financés par la cession d'une partie des quotas carbone correspondant aux unités de quantité attribuée (UQA) à la France dans le cadre du protocole de Kyoto, et sera réparti en deux ans de la manière suivante :

1) à hauteur de 60 millions d'euros à partir du programme 781, pour financer des dons-projets mis en oeuvre par l'Agence française de développement (AFD).

L'action de la France prendra la forme d'une subvention versée à l'Agence française de développement, qui pourra notamment mettre en oeuvre les projets suivants, dans le cadre de l'initiative REDD+ au titre du mécanisme de démarrage précoce :

- imagerie satellite pour les pays d'Afrique centrale : mise à disposition d'équipement, d'assistance technique, d'imagerie satellite d'archives et de nouvelles images pour la période 2010-2015, à tous les acteurs publics et associatifs de REDD+ dans le bassin du Congo afin d'assurer le suivi de la déforestation ;

- gestion forestière durable dans la province du Kalimatan (Indonésie) : appui à l'aménagement durable des concessions forestières et préparation à l'écocertification, dans le cadre d'une approche pilote intégrée de protection des forêts à l'échelle d'un district ;

- coopération régionale sur le plateau des Guyanes : création et animation d'une plateforme régionale de coopération pour la protection des forêts entre la Guyane française et ses voisins (Suriname, Guyana, État d'Amapa au Brésil et Venezuela) pour la mutualisation des connaissances, du savoir-faire et des équipements nécessaires au suivi de l'état des forêts et à la lutte contre la déforestation.

2) pour un montant de 90 millions d'euros à partir du programme 782, pour contribuer à des fonds environnementaux bilatéraux (Fonds français pour l'environnement mondial [FFEM]) et multilatéraux (Fonds pour l'environnement mondial [FEM]).

Pour ce qui concerne plus spécifiquement le programme 782, un montant de 75 millions d'euros est prévu en 2011. Il se décompose en une contribution au FEM de 60 millions d'euros ainsi qu'en une participation au FFEM à hauteur de 15 millions d'euros de crédits de paiement.

En ce qui concerne ce Fonds pour l'environnement mondial, qui a été créé en 1991 à l'initiative de la France et de l'Allemagne, afin d'apporter des ressources financières aux pays en développement et en transition, dans le but de financer les coûts additionnels induits par la mise en oeuvre de programmes, de projets et d'activités de protection de l'environnement mondial, la France apporte la cinquième contribution, à hauteur de 215,5 millions d'euros. Les autorisations d'engagement correspondantes ont été engagées en 2010.

Aussi, pour 2011, il est demandé 35 millions d'euros de crédits de paiement correspondant au versement de la première échéance.

Ce fonds agit dans six domaines principaux : la perte de biodiversité, les changements climatiques, la préservation des terres, la dégradation de la couche d'ozone, la lutte contre les polluants et la prévention de la dégradation des eaux internationales.

Ce soutien au FEM est largement partagé au niveau international comme l'a montré le succès de la reconstitution intervenue en mai 2010 pour la période 2011-2014, qui a atteint 4,25 Md$. Cette reconstitution s'est inscrite dans le contexte des négociations entre les Etats parties à la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques afin de trouver un accord pour succéder au protocole de Kyoto à compter de 2012.

S'agissant du Fonds français pour l'environnement mondial (FFEM), créé en 1994, il est un instrument de la coopération bilatérale française en matière d'environnement global. Il contribue, sous forme de subventions, au financement de projets innovants, ayant une finalité de développement économique et social ainsi qu'un impact significatif et durable sur l'une ou l'autre des grandes composantes de l'environnement mondial (lutte contre le changement climatique, protection de la biodiversité, lutte contre la dégradation des terres et la désertification, lutte contre la dégradation des eaux terrestres et marines, etc.).

Il permet à la France de souligner ses priorités géographiques (Afrique subsaharienne et la Méditerranée), tout en inscrivant son action dans le cadre des objectifs plus globaux assignés au Fonds pour l'environnement mondial et, plus généralement, des engagements souscrits dans le cadre des conventions internationales dans le domaine de l'environnement.

Les discussions sur la reconstitution du FFEM, prévue en 2011 pour la période 2011-2014, se sont engagées en 2010 et une étude rétrospective a été lancée dans ce cadre pour évaluer le FFEM.

Aussi, est-il demandé, pour 2011, 50 millions d'euros d'autorisations d'engagement nouvelles et 16,6 millions d'euros de crédits de paiement, qui, avec les dépenses du programme 782 « Actions des fonds environnementaux contre la déforestation dans le cadre du financement précoce » allouées au FFEM, permettront de financer sur 2011-2014 des projets pour un montant de 95 millions d'euros de projets.

Le développement durable comporte cependant une double dimension. Il y a une dimension « verticale », qui correspond à de nouveaux objets de financement tels que des incitations financières à réduire le rythme de la déforestation -aujourd'hui responsable de 20 % des émissions mondiales de CO2.

Il a une dimension plus transversale qui modifie l'approche de la coopération dans chaque secteur d'intervention. Ainsi, l'aide au développement en matière d'infrastructures peut, par des actions ciblées et peu onéreuses, encourager les pays à faire les choix technologiques adaptés. Choix qui permettront, demain, de réduire la facture écologique mondiale, tout en assurant leur propre développement.

C'est pourquoi, il est difficile d'isoler dans les actions de l'AFD, les dépenses qui contribuent à la lutte contre le réchauffement climatique, cette dimension étant aujourd'hui intégrée dans tous les projets.

Le conseil de surveillance de l'AFD a adopté en 2005 une stratégie climat qui a conduit à une forte progression des engagements « climat ».

Les engagements non pondérés du groupe de l'AFD (y compris sa filiale PROPARCO) en matière de lutte contre le changement climatique représenteraient en 2009 un montant cumulé de 2,4 milliards d'euros, soit un quasi doublement en un an, ces engagements représentant désormais 40 % des octrois du groupe.

L'essentiel des engagements de l'AFD en matière de lutte contre le changement climatique concerne la réduction des émissions et se fait dans le secteur de l'énergie à 70 % (dont 29 % pour efficacité énergétique et les énergies renouvelables) à part égale entre des projets directs et en intermédiation financière. L'Afrique représente 35 % des engagements en matière d'atténuation, dont la moitié en Afrique subsaharienne, de même que l'Asie.

En matière d'adaptation, le volume de financement engagé serait de 430 millions d'euros, majoritairement dans le domaine de la préservation de la ressource en eau. 90 % de ces actions concernent le continent africain.

Au total, 51 projets climat ont été financés en 2009 par l'AFD en matière d'atténuation et 27 en matière d'adaptation. L'outil d'évaluation de l'impact carbone des projets, mis en place en 2007, a permis de quantifier la réduction d'émissions de ces projets à 4,9 millions de tonnes équivalents CO2 par an pendant 20 ans.

Par ailleurs, lors du sommet du G8 de juillet 2008, les chefs d'État et de gouvernement ont approuvé la création des Fonds d'investissement pour le climat, dont le Fonds pour les technologies propres, qui seront administrés par la Banque mondiale. Suivant les termes de cet engagement, la France contribuera à hauteur de 500 millions de dollars au fonds « technologies propres », cette contribution prenant pour partie la forme d'un prêt concessionnel mis en place par l'AFD et pour partie la forme d'apports de projets.

Un montant de 135 millions d'euros a été engagé (exécution 2009) afin de permettre à la France de bonifier le prêt de 203 millions d'euros de l'AFD à la Banque mondiale (le prêt a une maturité de 20 ans, une période de grâce de dix ans et un taux d'intérêt de 0,75 %). Le PLF 2011 prévoit des décaissements à hauteur de 8 millions d'euros en 2011.

Enfin, la France finance des prestations de services destinées à des bénéficiaires étrangers et réalisées par des entreprises ou des consultants français via le FASEP-étude. Les montants des concours financiers sont de 450 000 € en moyenne. 7,4 millions d'euros ont été engagés (exécution 2009) pour la réalisation d'études en amont de projets (transports, énergie principalement) ayant un impact positif dans la lutte contre le changement climatique. Le FASEP « Innovation Verte » a par ailleurs été mis en place en 2009, visant à démontrer l'efficacité de technologies « vertes » innovantes développées par des éco-entreprises intéressées par l'international.

A ce titre, cinq projets ont d'ores et déjà été labellisés, pour un montant total de 2,4 millions d'euros (2009 et 2010).

Le lien entre ces projets et les crédits de paiement inscrits en loi de finances est cependant difficile à établir dans la mesure où le coût pour l'État est étalé sur la durée de vie des projets.

Cependant, au total, selon le document de politique transversale consacré au réchauffement climatique, il y aurait en 2011 : 154 millions d'euros sur les programmes 209, 110, 781 et 782 consacrés à des projets de coopération internationale dont les objectifs participent à la lutte contre le réchauffement climatique.

Votre commission se demande si nous respectons notre engagement. Elle observe que les financements « précoces » français issus des engagements pris à Copenhague seront intégralement comptabilisés comme contribuant à l'atteinte de l'objectif français en matière d'APD.

En ce sens, « nouveau et additionnel » semble interprété par le gouvernement comme des financements pour le climat « additionnels par rapport aux années pré-Copenhague », et non comme des engagements « supplémentaires par rapport à l'APD déjà promise ».

A budget constant, aucune possibilité d'augmenter certains fonds sans en diminuer d'autres n'est possible. Dans la mesure où les crédits de la mission Aide publique au développement resteront stables sur la période 2011-2013, seule une réallocation des crédits au sein de la mission « APD » permettra une augmentation des fonds décaissés pour le changement climatique.

Vos rapporteurs observent que l'introduction de la préservation des biens publics mondiaux parmi les objectifs prioritaires de notre politique d'aide au développement commence à avoir des conséquences budgétaires.

L'une des leçons de la conférence de Copenhague est qu'on ne peut séparer la gestion des questions de développement de celle des biens publics mondiaux.

La commission des affaires étrangères estime que le ralliement des pays en développement à l'agenda environnemental et énergétique passe par un engagement renouvelé sur les questions de développement.

Elle observe cependant que ce nouvel objectif, par son ambition, est de nature à capter à terme une partie très significative des financements aujourd'hui consacrés à l'aide au développement.

C'est pourquoi il conviendra dans les arbitrages budgétaires à venir de bien prendre en compte cette extension des objectifs de l'APD qui correspondent en partie à de nouvelles missions et à de nouvelles dépenses.

Dans un contexte de rareté des finances publiques, il ne faut pas que les financements des biens publics mondiaux se fassent au détriment du financement des objectifs du millénaire pour le développement.

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