ANNEXE I - AUDITIONS DE LA COMMISSION EN VUE DE L'EXAMEN DE LA MISSION AIDE AU DEVELOPPEMENT

Audition de M. Bernard Kouchner,
ministre des affaires étrangères et européennes

M. Josselin de Rohan , président . - Monsieur le ministre, nous sommes heureux de vous accueillir à nouveau devant notre commission pour cette audition consacrée aux crédits du ministère des affaires étrangères et européennes dans le projet de loi de finances pour 2011, qui sont regroupés au sein de la mission « Action extérieure de l'Etat » et du programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » de la mission « Aide publique au développement ».

Comme nous le savons tous ici, le contexte budgétaire du projet de loi de finances pour 2011, qui s'inscrit dans le cadre de la loi de programmation triennale 2011-2013, est particulièrement contraint. Il est marqué, en effet, par l'impérieuse nécessité de la réduction des déficits publics de notre pays. Comme l'a souligné le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France, cette réduction du déficit public constitue non seulement une nécessité du point de vue de l'équilibre de nos finances publiques, mais aussi un impératif pour préserver la place de la France dans le monde et en Europe. Au moment où le Conseil européen vient de décider, à l'initiative de la France et de l'Allemagne, de renforcer la procédure de lutte contre les déficits excessifs, notre pays ne peut pas s'exonérer éternellement de ses engagements européens.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a décidé d'appliquer à toutes les administrations de l'Etat une réduction de 5 % de leurs crédits de fonctionnement en 2011, effort qui sera poursuivi les années suivantes pour atteindre l'objectif d'une baisse de 10 % en trois ans, et de poursuivre les efforts de non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Comme toutes les autres administrations, le ministère des affaires étrangères et européennes participe à cet effort, qu'il avait même anticipé. Ainsi, les crédits de fonctionnement et d'intervention diminuent de 5 % en 2011 et il est prévu de supprimer 610 emplois entre 2011 et 2013. Dans le même temps, le ministère doit faire face à la forte augmentation des dépenses incontournables, à l'image des contributions internationales et des opérations de maintien de la paix qui augmentent de près de 14 % par rapport à 2010 en raison du taux de change.

Dans ce contexte, certains s'interrogent sur la capacité du ministère des affaires étrangères et européennes à préserver ses missions face à de nouvelles réductions de ses moyens. Je rappelle, en effet, que le ministère des affaires étrangères et européennes s'est montré exemplaire ces dernières années en matière de réforme, en réduisant ses effectifs de 20 %. Alors que le principe de l'universalité du réseau vient d'être confirmé au plus haut niveau de l'Etat, comment faire en sorte que nos ambassades et consulats aient les moyens de fonctionner efficacement avec des moyens en réduction ? La forte augmentation des contributions obligatoires ne risque-t-elle pas de nous contraindre à réduire nos contributions volontaires, qui sont pourtant les plus visibles à l'étranger? De même, en matière d'aide au développement, l'augmentation de la participation française aux fonds multilatéraux, comme le Fonds SIDA, ne risque-t-elle pas de réduire les moyens des contributions volontaires et de notre aide bilatérale? Comme nous avons pu le constater lors de notre récent déplacement aux Nations unies, la diminution constante des moyens de notre diplomatie a une conséquence directe sur l'influence de la France.

Je pense cependant que des marges de manoeuvre existent pour préserver l'efficacité de notre diplomatie. Je me félicite que vous ayez pu préserver les postes de titulaires et obtenu le maintien de la rallonge budgétaire de 20 millions d'euros pour la coopération culturelle, qui permettra de consolider la réforme de notre diplomatie culturelle et d'influence, engagée avec la loi relative à l'action extérieure de l'Etat adoptée l'été dernier. Nous souhaiterions d'ailleurs faire le point sur la mise en place des nouveaux opérateurs, l'Institut français, le nouvel établissement CampusFrance et France Coopération Internationale. Comment se met en oeuvre l'expérimentation du rattachement de certains centres et instituts culturels à l'Institut français?

Où en sommes-nous dans la création de la nouvelle agence chargée de gérer l'immobilier de l'Etat à l'étranger?

Nous aimerions également vous interroger sur les éventuelles mesures d'encadrement de la prise en charge des frais de scolarité des élèves français scolarisés à l'étranger, à la lumière du rapport remis aujourd'hui au Président de la République par nos collègues Geneviève Colot et Sophie Joissains.

Enfin, pourriez-vous, Monsieur le Ministre, nous dire également un mot de la présidence française du G8 et du G20 ?

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes . - Je commencerai par dire quelques mots de l'attentat ignoble qui a eu lieu à Badgad, où une cinquantaine de chrétiens syriaques ont trouvé la mort. Au-delà de la tristesse qui nous étreint, il est judicieux que notre ambassade et notre résidence soient bien protégées. Voilà un exemple de dépenses incompressibles : nous nous devons d'assurer la sécurité de nos citoyens expatriés, qui participent à l'influence et au rayonnement économique de la France. Une cinquantaine demeure encore à Bagdad. Mais une sécurité parfaite est impossible.

Il reste en Irak 300 000 chrétiens sur 800 000 et, dans tout le Moyen-Orient, leur situation est très problématique. Ce n'est pas une politique de visas qui apportera une solution. Un millier d'Irakiens chrétiens ont été accueillis en France, mais tous ne souhaitent pas quitter leur terre, et la hiérarchie de l'Eglise d'Orient ne les y encourage pas. La sécurité en Irak doit reposer avant tout sur les Irakiens : c'est pourquoi nous formons des policiers et des juges, et il n'est pas question de revenir sur cette politique.

L'année 2011 sera marquée par la présidence française du G8 et du G20. Dans ce contexte, il est plus que jamais nécessaire de disposer d'un outil diplomatique efficace, avant, pendant et après les sommets. Il est impératif de respecter nos engagements d'aide au développement, notamment vis-à-vis de l'Afrique. Le ministère poursuit la modernisation entamée depuis trois ans pour répondre aux missions qui lui sont assignées.

Le budget des affaires étrangères pour 2011 s'inscrit dans un contexte de resserrement budgétaire. Tout le monde convient de la nécessité de redresser nos comptes publics, conformément à nos engagements européens ; les Vingt-sept ont récemment adopté à l'unanimité les propositions de la France et de l'Allemagne. L'effort qui consiste à ramener le déficit de 7,7 % cette année à 6 % l'an prochain est sans précédent. Il a donc fallu concilier ces contraintes et nos vastes ambitions.

Le budget du ministère est responsable à plusieurs titres. Il l'est d'abord parce qu'il respecte la volonté du Gouvernement de promouvoir un usage plus rigoureux des deniers publics, et de réduire les dépenses de fonctionnement de 5 % cette année et de 10 % en trois ans : l'économie sera de 18 millions d'euros en 2011. La diminution des emplois se poursuit, grâce à la rationalisation du soutien aux administrations centrales et à des réajustements du réseau : 160 ETP seront supprimés cette année, 700 entre 2009 et 2011 - je n'oublie pas que derrière cette expression, on trouve des hommes et des femmes. Le ministère s'efforce aussi de maîtriser ses contributions obligatoires aux organisations internationales, ce qui suscite bien sûr des mécontentements, mais je rappelle que nous participons à toutes les opérations de maintien de la paix de l'ONU où la continuité de notre effort est reconnue. La France a obtenu une réduction de sa quote-part au fonds européen de développement, qui passera de 24,3 % à 19,5 %. Enfin ce budget est sincère, puisqu'il est fondé sur des taux de change réalistes.

Les contraintes budgétaires ne doivent pas nous empêcher de poursuivre nos objectifs prioritaires, parmi lesquels l'aide publique au développement : le Président de la République a annoncé que les crédits de cette mission seraient maintenus jusqu'en 2013, et il en va de même du programme 209, doté de 2,1 milliards d'euros. Toutefois, rapportée au revenu national brut (RNB), l'aide publique française diminuera : nous étions au deuxième rang mondial en 2009 avec un ratio de 0,47 %, nous devrions l'être encore en 2010 avec un ratio compris entre 0,47 % et 0,51 %, mais à partir de 2011, cette proportion baissera, notamment parce que les annulations de dette ne feront plus sentir leurs effets. Il faut réfléchir au moyen d'optimiser notre aide publique au développement, car les ressources sont rares. Nous travaillons en particulier sur les financements innovants : il est déjà satisfaisant de pouvoir aborder le sujet aux Nations unies, car jusqu'à une date récente, les pays en développement ne voulaient pas en entendre parler, craignant qu'ils ne s'imputent sur le volume de l'aide publique au développement alors qu'ils s'y ajouteront.

Comme le Sénat l'a souvent souligné, il faut tirer le bilan des efforts passés : dès 2011, une évaluation de la politique d'aide au développement menée depuis 1998 sera entreprise, et il serait souhaitable que les parlementaires y soient associés. A cela s'ajoute l'évaluation par les pairs au sein du Comité d'aide au développement de l'OCDE.

Le document-cadre de la politique de coopération au développement a été validé par Matignon aujourd'hui même. L'engagement du Président de la République d'augmenter de 100 millions d'euros en cinq ans l'aide à la santé maternelle et infantile sera tenu. Notre aide publique sera rééquilibrée en direction de l'aide bilatérale, comme vous en avez souvent exprimé le souhait. Les fonds prioritaires destinés à Haïti, à l'Afghanistan, au Pakistan et aux agences humanitaires seront préservés.

La réforme de notre politique d'influence se poursuit après le vote de la loi relative à l'action extérieure de l'Etat. L'Institut français sera bientôt installé au carré Suffren, dans le 7e arrondissement ; il remplacera CulturesFrance et couvrira tout le champ culturel. M. Xavier Dacros, qui doit en assumer la présidence, prépare son lancement opérationnel pour le 1er janvier. Tout reste à faire : définir une stratégie, rénover le réseau, rendre plus complémentaires les 600 alliances françaises et les instituts - soit au total près d'un millier de centres -, améliorer leur visibilité, professionnaliser leurs agents grâce à un effort sans précédent de formation, repenser le mécénat et lever des financements. J'ai obtenu du Premier ministre la reconduction pour les trois ans à venir de la rallonge budgétaire de 20 millions d'euros pour l'action culturelle, qui a permis d'enrayer la chute de son budget.

L'influence de la France à l'étranger passe aussi par la formation des élites. L'établissement public CampusFrance sera issu de la fusion de l'ancien CampusFrance, d'Egide, et d'ici 2012 des activités internationales du Cnouss. Quant à l'AEFE, il faut se garder d'oublier sa double mission, qui consiste à scolariser à la fois les enfants des Français expatriés et ceux des étrangers. C'est un de nos plus beaux vecteurs d'influence, et je ne doute pas de son avenir : j'ai visité récemment le nouveau et magnifique lycée français d'Ankara. C'est pourquoi j'ai tenu à ce que la subvention à l'AEFE soit maintenue au niveau de 421 millions d'euros. Il faut veiller à ce que le coût de la prise en charge des élèves français à l'étranger (PEC) n'augmente pas démesurément, alors même qu'un moratoire a été déclaré sur son extension aux classes autres que celles du lycée. Une somme de 119 millions d'euros y sera affectée en 2011, en hausse de 13 % : elle devrait suffire grâce au moratoire et à diverses mesures conservatoires. Je serai naturellement attentif aux préconisations du rapport Colot-Joissains.

La qualité du service rendu aux Français expatriés figure également au nombre de nos priorités. Les métiers consulaires ne sont nullement subordonnés à ceux de la diplomatie : les membres du réseau consulaire, souvent appelés à ces fonctions par une véritable vocation, doivent assumer des charges de plus en plus lourdes : le nombre d'expatriés augmente, les députés des Français de l'étranger seront élus pour la première fois en 2012, la biométrie est très largement diffusée, notamment en Afrique ; et les frais d'hospitalisation d'urgence ont été transférés au ministère. C'est pourquoi je me suis battu pour défendre les emplois du réseau consulaire : en 2012 et 2013, les suppressions d'ETPT seront rares. En 2011 les crédits du programme 151 augmenteront de 6,6 % hors rémunérations et dépenses de PEC et de bourses, de 11,4 % si on les inclut. Au sein de cette enveloppe, nous maintenons les crédits d'action sociale aux alentours de 16 millions d'euros.

Un effort tout particulier est consenti pour sécuriser nos établissements, qu'il s'agisse des ambassades, des résidences ou des établissements scolaires. Nous mettons en oeuvre depuis trois ans un vaste programme de sécurisation active et passive de nos emprises, et dans les trois pays du Sahel hors Niger nos efforts ont porté leurs fruits. Le Premier ministre a reconnu le caractère prioritaire de cette politique en lui affectant une enveloppe de 10 millions d'euros, dont 2 millions inscrits au PLF pour 2011.

Pour assurer la sécurité des Français, un centre de crise opérationnel a été mis en place en 2008, où une cinquantaine d'agents se relaient jour et nuit. Son budget augmentera de 1,5 %. Comme le montrent les événements récents au Sahel, les menaces sont partout. Les vols de fret en provenance du Yémen ont été annulés ; pour l'heure, les vols voyageurs ont été maintenus. Les crédits d'intervention de la direction de coopération de sécurité et de défense seront stabilisés à hauteur de 35 millions d'euros.

Je conclurai par là où j'ai commencé : l'enjeu majeur de l'année qui vient sera la présidence française du G8 et du G20. A l'ordre du jour figureront la réforme du système monétaire et de la gouvernance mondiale - j'en discuterai demain avec le président chinois en visite à Paris -, la lutte contre la volatilité des prix des matières premières et la promotion des financements innovants pour l'aide au développement des pays pauvres. La crédibilité de la France est en jeu. Conformément aux recommandations de la Cour des comptes et dans un souci de visibilité et de rigueur, nous avons choisi d'inscrire les dépenses liées à ces présidences au sein d'un programme spécifique doté de 60 millions d'euros d'autorisations d'engagements et de 50 millions de crédits de paiement. Le coût total des présidences françaises s'élèvera à 80 millions d'euros entre 2010 et 2012. En se voyant confier la charge de ce programme, le ministère des affaires étrangères se voit conforter dans son rôle de pilotage de l'action extérieure de l'Etat.

Son budget total s'établira à 5,1 milliards d'euros en 2011, en hausse de 3,7 % et même de 4,5 % si l'on exclut les rémunérations, à l'heure même où le Royaume-Uni a décidé d'amputer de 25 % le budget du Foreign Office : c'est encourageant.

M. Josselin de Rohan , président . - Quand on se regarde on se désole, quand on se compare on se console !

M. Christian Cambon , rapporteur pour avis . - Il est difficile de porter un jugement avisé sur les crédits de l'aide au développement, car le document-cadre ne nous a toujours pas été communiqué ; toutefois M. Vantomme et moi-même avons mené de nombreuses auditions, sur le fondement desquelles nous pouvons formuler quelques remarques. Dans un contexte de restrictions budgétaires, il paraît très difficile de respecter l'objectif de 0,7 % du RNB affecté à l'APD, même si le Royaume-Uni y est parvenu. Faut-il continuer à s'assigner des objectifs inaccessibles, au risque d'être montrés du doigt dans les enceintes internationales ?

Lors d'un déplacement au Mali, M. Vantomme et moi-même avons constaté qu'aux vingt-sept représentations européennes allait bientôt se joindre celle de l'Union : n'y a-t-il pas un effort de rationalisation à entreprendre ? Une politique européenne de l'aide au développement est-elle possible ?

On observe que les dons bilatéraux régressent, même si l'on peut hésiter sur leur proportion exacte : 30 % ? L'Agence française de développement prête plus volontiers qu'elle ne donne, et privilégie donc les pays susceptibles de rembourser. La commission veut rappeler son attachement à l'aide destinée aux pays subsahariens, dont les récents événements du Sahel ont montré la nécessité. Il faut trouver un meilleur équilibre entre aide bilatérale et multilatérale.

S'agissant des fonds multilatéraux, je souhaiterais d'abord vous interroger sur le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Son rythme de décaissement progresse, il faut s'en féliciter, mais des millions de personnes restent en danger. Je remarque d'ailleurs que les frais de gestion sont en augmentation, d'où la nécessité du contrôle et de l'évaluation. Qui est, selon vous, le mieux à même d'accomplir ces tâches ?

Quant au Fonds européen de développement, la réduction de la quote-part de la France dégagera une somme de 100 à 150 millions d'euros. A quoi sera-t-elle destinée ? Je souhaite qu'elle serve à augmenter l'aide bilatérale. Le Fonds manie des sommes considérables, et il est nécessaire de mieux évaluer sa gestion en ces temps de disette budgétaire.

M. André Vantomme , rapporteur pour avis . - Je me réjouis que nous ayons été consultés pour la première fois sur le projet de document-cadre relatif à la politique de coopération au développement. M. Cambon et moi-même avons formulé une cinquantaine de propositions, et j'aimerais savoir lesquelles ont été retenues dans le document définitif validé aujourd'hui.

La France promeut les financements innovants pour l'aide au développement, dont le principe figure dans les conclusions du sommet sur l'eau. Quelles sommes en attend-on ? Serviront-elles à atteindre les objectifs du Millénaire, ou encore à poursuivre la lutte contre le réchauffement climatique ?

Le ministère a souhaité assumer de nouveau en 2010 la responsabilité des subventions accordées aux ONG, confiée l'année précédente à l'AFD, peu habituée à gérer des programmes de petite taille. Qu'en sera-t-il en 2011 ?

Les services de coopération et d'action culturelles (Scac) cohabitent dans de nombreux pays avec les agences de l'AFD ; les premiers perçoivent 20 % des crédits, l'AFD 80 %. Lorsque les Scac seront intégrés au réseau de l'Institut français, l'AFD héritera-t-elle de leurs compétences en matière d'aide au développement ?

La France a contracté de nombreux engagements internationaux : porter le niveau de son aide au développement à 0,7 % du RNB, augmenter cette aide de 50 milliards d'euros dont 25 milliards destinés à l'Afrique, dédier 0,15 % du RNB aux pays les moins avancés, augmenter de 50 % l'aide de l'Union européenne à l'Afrique, affecter 500 millions d'euros à la santé maternelle et infantile - soit 100 millions de plus qu'effectivement prévu -, rehausser de 20 % entre 2011 et 2013 notre contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida, consacrer 1,5 milliard en trois ans à la sécurité alimentaire... Ne faut-il pas cesser de faire des promesses qu'il est impossible de tenir ?

Le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid) a dressé une liste de quatorze pays prioritaires, situés pour la plupart en Afrique subsaharienne. Or, là plus qu'ailleurs, les crédits diminuent : les subventions bilatérales des programmes 209 et 110 sont passées entre 2005 et 2009 de 219 millions à 158 millions d'euros. Pourquoi ce choix ?

M. Cambon et moi-même avons travaillé dans des conditions difficiles : nous ne disposons toujours pas du document-cadre sur la politique de coopération au développement. Je le regrette : il serait plus respectueux du Parlement de respecter le calendrier convenu.

M. Bernard Kouchner, ministre . - Je vous dois des excuses, même si je ne suis pas personnellement responsable de ce retard : ce document résulte d'arbitrages interministériels.

Que la représentation de l'Union européenne se joigne à l'étranger à celles des pays membres, c'est une bonne chose, quoique cela requière un effort d'harmonisation. Le service européen d'action extérieure se met en place progressivement : ses débuts sont encourageants. Il faut rendre l'action européenne plus visible, car des sommes considérables sont dépensées.

Nous ne renonçons pas à porter l'APD à 0,7 % du RNB en 2015, mais nous ne pourrons naturellement atteindre cet objectif que si la conjoncture le permet. Nous revenons de loin : la proportion était de 0,3 % en 2000 et de 0,4 % en 2003 ! La France devance l'Allemagne et les Etats-Unis ; seul le Royaume-Uni nous surpasse : le gouvernement britannique a même décidé de maintenir son aide au développement au niveau actuel alors que le budget du Foreign Office est amputé d'un quart ! Je ne suis pas sûr que nous soyons prêts à consentir un tel effort...

Les crédits budgétaires de l'APD, qui représentent environ un tiers de ses moyens, seront maintenus au niveau actuel jusqu'en 2013. Les dépenses augmenteront cependant, ce qui nécessitera des ajustements. Je répète que nous engagerons un audit de l'aide au développement et nous efforcerons de cerner les éventuelles redondances entre les actions des différents pays européens, même si cette tâche sera ardue.

Les 68 millions d'euros économisés grâce à la réduction de la participation de la France au Fonds européen de développement seront redéployés pour financer des dons-projets bilatéraux : j'ai d'ores et déjà signé plusieurs projets de coopération, notamment aux Comores.

Parmi nos priorités, il faut citer la lutte contre la pauvreté, la préservation des biens publics mondiaux qui figure parmi les objectifs du Millénaire, l'élaboration d'une stratégie européenne de développement : au Mali par exemple, l'Union mène des projets liés à la sécurité et au développement, objectifs indissociables.

Quant au Fonds mondial de lutte contre le sida, il est très convenablement géré : son secrétariat définit son budget de fonctionnement, un comité scientifique examine les demandes des Etats et propose des projets qui sont ensuite transmis au conseil d'administration, et le comité financier veille à ce que les subventions aillent à des pays dont l'administration et le système de soins répondent aux critères fixés. Près de 5 millions de malades sont aujourd'hui traités grâce aux antirétroviraux : c'est insuffisant, mais cela semblait hors d'atteinte il y a peu. L'inspection générale du Fonds mène d'ailleurs un audit interne. Si son budget de fonctionnement augmente, c'est parce qu'il emploie aujourd'hui 600 personnes au lieu de quelques unes en 2002. La totalité des frais de fonctionnement est d'ailleurs couverte par les intérêts de placements : ce serait un modèle pour les financements innovants.

Sur l'AFD, monsieur Cambon, tout a été dit... Les prêts sont très régulièrement consentis dans les pays émergents. L'exercice est plus aisé que dans les pays dangereux, qui se trouvent être les plus pauvres. D'où un tarissement des dons.

Nous avons accepté de faire plus. La part de l'aide publique au développement bilatérale est de 5 milliards de dollars, sur 46 % des aides. Les prêts, pour 1,2 milliard en 2009, représentaient 10 % de l'aide totale.

Le principe des financements innovants a été accepté et inscrit aux conclusions du G8, document qui n'a rien d'extravagant et sur le sérieux duquel tous s'accordent. Créer un fonds destiné à assurer l'équilibre des monnaies, avec intervention possible du FMI, n'est pas notre choix. Nous souhaitons une taxe sur toutes les transactions financières. L'heureuse façon dont ont prospéré les fonds éthiques nous est une leçon. Notre groupe d'experts, qui a derrière lui cinquante pays, a fait ses propositions : une contribution de 0,005 % sur toutes les transactions. Sur 1 000 euros, cela représente 5 centimes. Autant dire que personne ne sentirait la différence. Il est vrai que les banquiers la voient, car le roulement sur les transactions financières est - selon le périmètre retenu de l'ensemble : transactions boursières, bancaires, individuelles - de plus ou moins 40 milliards l'an. C'est beaucoup. Plus que ce qui serait nécessaire, par exemple, pour assurer la scolarisation de tous les enfants dans le monde.

La France, l'Allemagne - car elle en est, et cela compte -, l'Autriche, l'Espagne - pour le Royaume-Uni, le changement de majorité laisse un flou...-, peut-être l'Italie, sont d'accord. Cela permet d'avancer, sans attendre le consensus des 192 membres de l'assemblée générale de l'ONU. Instituer une telle contribution - je dis bien une contribution, et non taxe pour n'effaroucher personne... - serait donner un exemple que tout le monde pourrait suivre.

Nous avons voulu récupérer, monsieur Vantomme, la part des financements légers des projets de l'AFD, pour donner plus de volets à nos postes : ce sont 40 millions que nous allons ainsi récupérer, avec la bénédiction de M. Dov Zerah, le directeur de l'AFD, pour les mettre dans le circuit des financements bilatéraux.

Vous m'interrogez sur les services de coopération et d'action culturelle. Il faut un peu se reporter en arrière. On a fait le choix, aux temps du rapprochement des deux ministères de la coopération et des affaires étrangères, d'intégrer la coopération et la culture : ce fut une erreur. Ce ne sont pas les mêmes métiers. Cela étant, je puis vous rassurer : la coopération ne va pas disparaître. Les propositions de programmation qui nous remontent des postes sont constructives, et prendront effet à partir du 1er janvier. J'ajoute qu'aux termes de la loi relative à l'action extérieure de l'Etat que le Parlement a votée, l'ambassadeur a bien autorité sur le réseau. Reste que nul n'a la science infuse et que coopération et culture sont bien deux métiers, différents.

J'en viens aux engagements pris à Muskoka sur la santé maternelle et infantile.

M. André Vantomme . - Ce n'est pas le seul volet : il fait partie de toute une liste. Je n'en conteste pas le principe, mais cela représente beaucoup d'argent. Ceux qui font des déclarations n'ont pas conscience des difficultés qu'elles peuvent soulever pour ceux qui auront à les mettre en oeuvre...

M. Bernard Kouchner, ministre . - Cela représente 500 millions sur la période 2005-2015, soit 100 millions supplémentaires par an. Le sommet sur les objectifs du Millénaire pour le développement a conduit à augmenter notre contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme de 20 % sur la période 2011-2013. Les objectifs sont pris en compte dans ce que je vous ai décrit, et qui résulte en effet d'un effort difficile de trésorerie et d'imagination...

Pour le secteur de l'aide au développement, le volet gouvernance, mis en oeuvre par le ministère des affaires étrangères, représente 20 millions d'euros.

Pour les quatorze pays prioritaires retenus par le Cicid (Comité interministériel de la coopération internationale et du développement), nous sommes convenus de concentrer au moins 50 % des moyens de l'aide bilatérale française en subventions, comptabilisées dans les objectifs du Millénaire, aux pays les plus affectés. L'objectif de 50 % est déjà dépassé. En 2009, 76 % des crédits ont été mobilisés sur les quatorze pays. Nous avons fait le choix de la concentration. Reste qu'il est vrai que la part consacrée aux dons reste insuffisante. La visite du président chinois pourrait être l'occasion de mettre en valeur l'effort particulier qui est le nôtre... Le plus gros de cet effort va à l'Afrique, pour 60 %, dont 50 % en subventions. Vient ensuite la Méditerranée, pour 20 %, les 10 % restants allant aux pays ACP, hors axe de crise, parmi lesquels Haïti...

L'effort est important pour l'Afrique, si on le compare à celui du Royaume-Uni, qui s'en tient à 45 %. A quelques nuances locales près cependant. C'est ainsi que j'ai pu constater que l'effort anglais est presque triple du nôtre au Congo Kinshasa... Preuve que notre aide au développement est extraordinairement efficace...

Mme Monique Cerisier-ben Guiga . - Vous avez rappelé que les plus hautes autorités de l'Etat veulent préserver l'universalité du réseau, mais aussi que le Royaume-Uni préserve 1 milliard d'aide au développement tout en réduisant les frais de fonctionnement de son réseau de 25 %. N'oublions pas cependant que cet effort de notre voisin insulaire repose sur une politique ancienne de réduction de son réseau. Ce qui n'est pas notre cas et nous oblige à un grand écart effarant entre le principe d'universalité - qui conduit à mobiliser des moyens dans de petits pays avec lesquels nous n'entretenons guère de relations - et l'effort d'aide publique au développement. Gymnastique qui m'incline à poser la question : peut-on encore parvenir à être efficaces en maintenant le principe d'universalité du réseau ? J'ai pu moi-même constater, en Amérique centrale, la chute vertigineuse de nos crédits d'intervention. Quelle marge reste-t-il aux ambassadeurs ?...

Autre question. J'ai entendu, hier, sur RFI, que l'Etat va mettre en vente pour 300 millions d'euros de ses bâtiments publics à l'étranger, dans les trois ans à venir. Quel pourcentage de ce produit reviendra au ministère ? La précédente opération ne lui a guère profité...

M. Bernard Kouchner, ministre . - Il lui en reviendra 100 %.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga . - Il n'en a eu que 10 % la dernière fois...

M. Bernard Kouchner, ministre . - Il s'agit ici de ventes à l'étranger, d'immeubles qui sont notre propriété.

M. Christian Poncelet . - Sauf en Italie.

M. Bernard Kouchner, ministre . - On ne vend rien en Italie ! Ni même à Dublin...

Mme Monique Cerisier-ben Guiga . - J'en viens aux crédits de la diplomatie culturelle. Je vous remercie d'avoir incité vos services à élaborer une nouvelle maquette qui permet de retracer dans le programme 185 l'ensemble de l'action culturelle. Je me réjouis de l'annonce d'une prolongation de la rallonge culturelle exceptionnelle de 20 millions pour les années à venir. Reste que les effectifs et les crédits d'intervention culturelle ont été très largement entamés au cours des dernières années : passés de 150 millions en 2006 à 135 millions en 2009, puis 125 en 2010, ils s'établiront à 116 millions en 2011, rattrapage budgétaire compris. Comment, dans ces conditions, réussir la réforme et mettre en place l'Institut français ? Avec l'état des effectifs que l'on connaît : c'est dans le réseau culturel qu'ont été supprimés la plupart des ETP.

M. Daniel Reiner . - La moitié.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga . - La situation est particulièrement tendue pour l'AEFE. Vous nous dites que 420 millions seront sanctuarisés. Mais l'âne est lourdement chargé : l'entretien immobilier des établissements revient en gestion directe à l'Agence, pour une remise à niveau sur cinq ans estimée entre 140 et 300 millions d'euros. Lui reviennent également les cotisations pour pensions des personnels détachés, situation qui a d'ores et déjà conduit à augmenter les droits de scolarité...

Je lis dans le journal Les Echos, qui rend compte des conclusions du rapport Colot-Joissains, que pour rentrer les gros pieds de la PEC dans les petits souliers budgétaires, il faut « cristalliser » le montant remboursé aux familles. Les frais peuvent augmenter d'année en année : la prise en charge restera bloquée au coût de 2007, soit exactement les 7 millions manquants pour l'an prochain... Quant au moratoire sur le collège, il introduit une nouvelle inégalité de traitement. Je ne saurais suivre, enfin, madame Joissains, quand elle déclare tout benoîtement qu'avec 34 millions pour 6 000 lycéens, on est loin de la charge des 92 millions servis à 23 000 élèves en bourses sur critères sociaux. Quelle différence de traitement, en effet. Et flagrante !

M. Bernard Kouchner, ministre . - Je vous remercie de vos compliments, et de vos critiques. L'universalité du réseau doit évidemment s'accompagner du budget suffisant. Vous avez rappelé qu'à la différence de la France, le Royaume-Uni, qui réduit son budget de 25 % à périmètre de réseau constant, avait déjà renoncé à un certain nombre d'implantations. Mais nos deux réseaux sont comparables en extension.

Vous avez cité l'exemple de l'Amérique centrale. Songez donc au Honduras. Que serait-il advenu si notre ambassadeur sur place, où les deux seules représentations européennes solides sont celle de la France et de l'Allemagne, n'avait pas participé à la recherche de solutions lors du coup d'Etat ?... Songez au Nicaragua... Nous pourrions concentrer nos moyens au Costa Rica, pays le plus stable et le plus démocratique. Pour quel effet ? Telle fut mon argumentation au cours de tout le processus de la RGPP : fermer trente petites ambassades ne fait économiser que 20 millions d'euros, autant dire, rien. Il peut y avoir là des décisions politiques lourdes, et qui ne représentent guère d'économies. Je suis fier, dans le même ordre d'idées, d'avoir ouvert une ambassade à Bichkek, au Kirghizistan où je flairais qu'il y aurait des ennuis, d'autant que s'y ajoute le fait que nous sommes sur la route de la drogue. Notre ambassade est là depuis deux ans, seule avec celle de l'Allemagne et notre ambassadeur y joue, bien que sans grands moyens, un rôle très actif...

Vous m'interrogez sur les ventes immobilières : 100 % des fonds iront au budget du ministère. Nous avons réussi une belle opération au Japon, nous allons peut-être faire de même en Turquie. C'est à Paris que s'est posé un problème. L'opération de la rue de la Convention n'a pas été gérée par le Quai, mais par France Domaine, soit Bercy.

La diminution de 10 % des crédits de fonctionnement sur trois ans concerne tous les ministères. Il est vrai qu'auparavant, le ministère des affaires étrangères avait été le plus discipliné... la vertu n'est pas toujours récompensée...

J'ai cependant obtenu que le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite ne lui soit pas appliqué en toute rigueur : ce sera un sur trois ; un sur cinq pour les titulaires. Sur 15 000 ETP, 8 000 sont occupés par des agents du circuit culturel, auxquels il convient d'ajouter ceux qui sont mis à disposition des Alliances françaises. Il me semble, sans être scandaleusement directif, que la création des Instituts français nous donne là une petite marge de manoeuvre ?...

Mme Monique Cerisier-ben Guiga . - A ceci près que ce sont les postes de recrutés locaux que l'on supprime. Tout le monde sait que le réseau fonctionne en grande partie grâce à eux.

M. Bernard Kouchner, ministre . - Mon ministère n'a pas eu à pâtir d'un seul mouvement social. Savez-vous combien le poste de Washington compte de fonctionnaires titulaires ? Quinze sur 700 !

Les crédits de l'action culturelle baissent de 9,6 %. Il y avait eu une baisse de 10 % avant mon arrivée, que nous avons stabilisée en 2008 et 2009. La rallonge de 20 millions d'euros sur trois ans permet d'éviter l'effondrement. Aucune des têtes des trois agences ne se plaint des crédits avec lesquels nous démarrons. Le siège de l'Institut français comptera 150 personnes, auxquelles il convient d'ajouter 41 ETP supplémentaires venus de mon ministère, douze de l'Education nationale et huit du ministère de la culture.

La complémentarité entre instituts et alliances est engagée et l'amorce est excellente : nous avons longuement discuté le contenu de la convention passée avec l'Alliance française. J'en profite pour revenir un instant à la Foncière de l'Etat, dont nous avons, avec Bercy, proposé la création. Comment faire autrement ? Voyez Ankara, où toutes les agences sont réunies, avec l'Institut, dans un bel immeuble de sept étages : c'est formidable, et l'opération nous a rapporté de l'argent. Au Libéria, en revanche, pays que je connais bien, où l'ambassade devait être vendue, j'ai mis le holà. La précipitation est parfois dommageable sur le terrain. Quant à l'Italie, rassurer-vous : nous n'y avons rien à vendre.

M. Robert del Picchia . - Le Palais Farnèse ne nous appartient pas.

M. Bernard Kouchner, ministre . - Le rapport Colot-Joissains vient d'être remis. Il y est dit que les chiffres du ministère et de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger sont excessifs et que les entreprises ne se dégagent pas... Il propose le maintien du moratoire - c'est un progrès... Et l'extension de la « cristallisation ». Il ouvre la dangereuse question de l'équilibre entre dépenses d'exemption et bourses. Notre mission va aussi à prendre en charge les élèves locaux, sauf à mettre en péril, à terme, l'attrait de nos formations universitaires.

M. Robert del Picchia . - Le communiqué de presse de la présidence de la République vient de tomber. Est reprise l'idée de la cristallisation à 2007-2008, soit au moment où la mesure venait d'être mise en application, et concernait peu de monde. Sur l'éviction des enfants étrangers, le rapport relève que leur nombre n'a pas baissé, et qu'il a au contraire augmenté ces dernières années. Est également reprise l'idée du moratoire, maintenu en raison de la situation de crise. Le rapport demande le fléchage budgétaire de la prise en charge des bourses. Il faudrait deux sous-actions dans le même programme : il deviendra ainsi apparent que l'argent économisé sur la prise en charge est allé aux bourses.

M. Joseph Kergueris . - La réussite de la mise en complémentarité des réseaux et de l'Institut en création dépendra pour beaucoup de la mise en oeuvre de la loi relative à l'action extérieure de l'Etat. Quel est l'état d'avancement, monsieur le ministre, des décrets d'application ?

Relativement à l'Institut français, où en êtes-vous de la liste des établissements devant faire l'objet d'une expérimentation de rattachement direct ? L'Assemblée nationale a élargi la tutelle de CampusFrance, outre le ministère des affaires étrangères et celui de l'enseignement supérieur, à celui de l'immigration, directement intéressé par la politique des visas. Quelle est votre appréciation ?

M. Bernard Kouchner, ministre . - Le décret sera devant le Conseil d'Etat le 9 novembre. Il donne au ministre le pouvoir de trancher dans toute situation qui, malgré le poids de l'ambassadeur, donnerait lieu à conflit. M. Darcos, à la tête de l'Institut français, a fait le choix de conduire l'expertise sur seize gros pays au lieu des dix prévus par la loi. Il y aura deux expérimentations en Afrique, une dans un pays anglophone - j'ai proposé le Ghana. Les paramètres ne sont pas simples. Dans un grand pays comme l'Inde, nous n'avons aucun centre culturel... L'Afrique devrait avoir plus en proportion que l'Amérique latine et l'Asie. Il y a une balance à établir entre pays riches et pays pauvres... Et avec tout cela, les volontaires abondent...

Sur la question de la tutelle de CampusFrance, Matignon ayant tranché, je crois qu'il n'y aura pas de problème avec le ministère de l'immigration... La cotutelle est déjà en acte dans l'un des établissements. Vous serez content d'entendre, monsieur le sénateur Kergueris, que l'on constate, en quelques semaines, un vrai mouvement de collaboration.

M. Christian Poncelet . - Je me fais, monsieur le ministre, une réflexion. Je ne comprends pas pourquoi il a fallu attendre un récent attentat dramatique en Irak pour comprendre que certains fondamentalistes sont décidés à éliminer tous ceux qui ne partagent pas leurs convictions. Vous savez que j'appartiens à une région frontalière. C'est dès son accession au pouvoir qu'Hitler a créé les premiers camps d'internement. Et l'on ne s'est aperçu de l'existence des camps d'extermination que dix ans plus tard, en 1944... Il est grand temps d'ouvrir les yeux. Depuis des années, les chrétiens sont assassinés en Indonésie.

M. Bernard Kouchner, ministre . - Nous sommes, hélas !, en conflit avec une partie croissante du monde musulman qui n'est pas à l'image de cette minorité.

M. Christian Poncelet . - On ne peut rester sans rien faire : vous savez bien que les minorités agissantes finissent trop souvent par l'emporter.

M. Bernard Kouchner, ministre . - Il y a bien des nuances selon les pays. Les pays du Sahel qui ont été assez courageux pour mettre en place la démocratie sont à la merci de ce qui passe, de la Somalie à l'océan Atlantique. Je ne sais si on peut parler d'une organisation Al-Qaïda, tant l'action est particulière dans chaque pays. Voyez ce qui se passe au Liban.

M. Christian Poncelet . - Et M. Ahmadinejad, avec l'arme nucléaire ?

M. Bernard Kouchner, ministre . - ... Quant à l'attentat perpétré dans l'église syriaque de Bagdad, il est abject.

M. Christian Poncelet . - Le monde et la France doivent en prendre conscience. Je suis vosgien. A quelques kilomètres de chez moi, on exterminait des juifs. Et à l'époque nous n'avons rien fait.

M. Bernard Kouchner, ministre. - La situation n'est pas la même.

M. Josselin de Rohan , président . - Je vous remercie de cet échange et souligne, à l'attention de MM. Vantomme et Cambon que leur rapport est mentionné dans le document-cadre.

Audition de M. Christian Masset, directeur général de la mondialisation

M. Josselin de Rohan , président . - Nous allons entendre M. Christian Masset, directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats au ministère des affaires étrangères et européennes, nous présenter les trois programmes dont il a la charge : le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » de la mission « Action extérieure de l'Etat », le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » , de la mission « Aide publique au développement », enfin, le programme 332, consacré à la double présidence française du G8 et du G20.

M. Christian Masset, directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats au ministère des affaires étrangères et européennes. - Conformément au voeu des parlementaires, les crédits des programmes 185 et 209 font l'objet d'une nouvelle présentation : d'une approche géographique, avec le 185 pour le Nord et le 209 pour le Sud, nous passons à une logique stratégique, distinguant mieux l'action culturelle et d'influence d'une part, la solidarité à l'égard des pays en développement d'autre part. Cette distinction, cependant, ne porte pas sur les dépenses de personnels, car les agents agissent fréquemment sur les deux programmes. Nous développons de nouveaux outils, à l'aune de la loi sur l'action extérieure de l'Etat du 27 juillet 2010, en recourant autant que possible à des conventions d'objectifs et de moyens avec les opérateurs, et ce budget est la première application de la nouvelle loi de programmation triennale 2011-2013. Enfin, notre action doit être rapportée aux directives du Premier ministre pour réduire le déficit public : il nous est demandé de réduire nos dépenses de 10 % en trois ans, dont 5 % sur 2011.

Le programme 185 bénéficie du maintien de la rallonge de 20 millions consacrés à la relance de la politique culturelle extérieure, du maintien des bourses étudiantes parce que nous considérons essentiel de bien placer la France dans l'enjeu majeur de la mondialisation de l'enseignement supérieur, de l'accompagnement des nouveaux opérateurs de l'action extérieure de l'Etat et de la sanctuarisation des crédits de l'AEFE pour les trois années à venir. Au total, hors titre II -les dépenses de personnel-, ce programme représente, à périmètre constant, 669 millions, en recul de 1,6 % par rapport à 2010. Les tableaux chiffrés peuvent faire croire à une augmentation du fonctionnement bien supérieure aux interventions : c'est l'effet du transfert vers la subvention pour charge de service public de l'Institut français de crédits auparavant mis en oeuvre par le ministère des affaires étrangères et européennes (administration centrale et postes). L'opérateur redistribuera en fait des crédits aux postes et également aux Alliances françaises.

Le programme 209 s'élève, hors titre II, à 2,2 milliards en AE et à 1,9 milliard en CP. Sur la durée du triennum en CP, l'intégralité des moyens est préservée. Première priorité, l'effort d'aide publique au développement est maintenu, malgré la nécessité de réduire les dépenses publiques. Deuxième priorité, la coopération bilatérale, en redressement de 31 % à 35 % du total, bénéficiera de 68 millions supplémentaires venus de la réduction de notre participation au FED. Troisième priorité, la ligne « dons / projets » progresse fortement : 40 millions d'AE et 75 millions de CP supplémentaires, avec des actions spécifiquement suivies en Afghanistan, au Pakistan et en Haïti. Nous honorons les engagements de la France, notamment ceux pris cette année au G8 de Muskoka pour la santé maternelle et infantile. Enfin, nous maintenons notre soutien aux ONG, avec 45 millions d'AE sur trois ans et une gestion plus proche des ONG.

Le programme 332, enfin, prévoit 80 millions sur deux ans pour la présidence française du G8 et du G20 : 60 millions d'AE et 50 millions de CP en 2011, puis 20 millions de CP en 2012 (auxquels s'ajoutent des ouvertures en LFR 2010 de 20 millions d'euros en AE et 10 millions d'euros en CP). Ces crédits financeront également une série de réunions préparatoires et de rencontres. La France est le premier pays à présider simultanément le G8 et G20, c'est très important au moment où le monde se transforme rapidement, où la conscience de l'interdépendance et la montée d'aspirations nationales vont de pair, où l'on doit trouver un mode de gouvernance multipolaire, avec pour maître-mots la régulation, le développement et l'influence.

M. Josselin de Rohan , président . - Merci pour cette présentation. Je passe la parole à nos deux rapporteurs.

M. Christian Cambon , rapporteur . - Le document de politique transversale ne nous a toujours pas été transmis et le document-cadre ne nous a été remis qu'hier à 19h22, alors que nous en avions besoin plus tôt pour délibérer : pourquoi un tel retard ?

Je suis très sensible à ce que les crédits de l'APD soient préservés et à ce que la France continue de se placer au deuxième rang mondial. Cependant, nous ne parviendrons pas à honorer notre engagement d'atteindre 0,7 % du PIB, alors que nos voisins britanniques s'y préparent comme l'a souligné le premier ministre britannique lors du dernier sommet de l'ONU sur les OMD. A la suite d'une mission au Mali, nous nous sommes interrogés sur les moyens d'améliorer l'efficacité de l'aide européenne. Nous avons constaté une certaine dispersion, entre l'action des 27 ambassades, et celle de l'Union. Ne pourrait-on pas organiser des actions conjointes ? Nos interlocuteurs n'y sont pas opposés. Ne serait-ce pas plus efficace, à l'heure où nous devons faire des économies ?

Notre contribution au FED diminue, nous avons évalué cette diminution entre 100 et 150 millions, vous nous annoncez 68 millions : la différence est importante ! Qu'en est-il précisément, et comment seront utilisés ces fonds ?

Les actions d'aide au développement peuvent-elles être davantage évaluées ? C'est plus facile pour les actions bilatérales, car les actions multilatérales se déploient souvent à plus long terme et, comme l'a montré l'évaluation du fonds sida, elles entrainent des frais de gestion plus importants. M. le ministre a reconnu que l'exercice était difficile, mais ce n'est pas une raison pour ne rien faire. Il a indiqué également qu'il associerait volontiers le Parlement à un tel exercice : comment voyez-vous les choses ?

Enfin, dans un contexte où l'action s'oriente vers les pays émergents, comment comptez-vous appliquer la priorité aux pays d'Afrique subsaharienne, où les besoins sont criants ?

M. André Vantomme , rapporteur. - Nous avons été bien ingrats avec M. le ministre, puisque nous lui avons reproché la transmission tardive du document-cadre. Que dire du document de politique transversale qui n'est toujours pas public ? Pourquoi un tel retard ? Notre travail en a pâti, alors que nous sommes dans notre droit en en demandant la transmission dans les délais.

L'an passé, le ministère annonçait que l'AFD se voyait confier la gestion des crédits aux ONG, le ministère le reprend aujourd'hui : pourquoi ces va-et-vient ?

Sur le réchauffement climatique, alors que le protocole de Kyoto vient à échéance en 2012 et qu'on annonce la mise en place d'un fonds mondial de l'environnement, où en sont les négociations ?

Au G8 de Muskoka, la France s'est engagée à publier la liste de ses engagements, notamment cette de consacrer 0,7 % de son PIB à l'APD : où en est-on de cette publication ?

Le président de la République a réaffirmé la priorité donnée à l'Afrique subsaharienne et aux 14 pays les plus pauvres, mais les chiffres contredisent cette affirmation : nous sommes passés de 219 millions en 2005 à 158 millions en 2009. Comment comptez-vous appliquer cette priorité ?

M. Jacques Berthou . - Quelles sont les actions réalisées en Afghanistan et au Pakistan ? Lesquelles de ces actions sont-elles pérennes, en particulier en cas de retrait de nos troupes en Afghanistan ?

M. Christian Masset. - Nous avons remis en temps et en heure notre partie du document de politique transversale, et nous constatons comme vous que sa transmission, au gré des arbitrages interministériels, a pris du retard.

La France s'est engagée à consacrer 0,7 % de son PIB à l'APD : nous sommes parvenus à maintenir nos crédits, malgré la nécessité d'économies budgétaires. Tous nos voisins n'y sont pas parvenus, même s'il nous reste encore à faire pour atteindre notre objectif.

Le Mali est un pays test de la procédure européenne dite de fast track , où les pays de l'Union réalisent des actions conjointes, sous l'égide d'un chef de file. Cette démarche va dans le sens que vous souhaitez, je vous tiendrai informé de ses résultats.

Les programmes du 10 ème FED ne sont pas évalués globalement, les engagements sont faits par tranche de cinq ans avec un réajustement chaque année et il faut prendre en compte les négociations avec les pays ACP. Nous voulons aller vers une budgétisation de nos engagements, à partir de 2013, ce qui suppose de remettre à plat l'ensemble des instruments de l'Union, y compris le FED, trop rigides et trop compartimentés.

Pour le Fonds sida, il existe plusieurs organes d'évaluation, comité financier, comité scientifique ; nous avons pris l'initiative d'augmenter notre part de 20 % et obtenu que le fonds en fasse autant ; l'efficacité est certaine, la pandémie est endiguée ; nous allons nous resserrer sur des priorités. Reste à obtenir un siège réservé au lieu de partager le nôtre avec l'Espagne.

Une évaluation globale de notre dispositif a eu lieu avec la RGPP, nous sommes aussi évalués par le Comité d'aide au développement (CAD) dont le président vient de nous délivrer un satisfecit, sa lettre est à votre disposition. Et nous avons dans nos murs- pour un an- une mission de la Cour des comptes.

Le document-cadre fixe la part de l'Afrique subsaharienne à 60 % des interventions, dont 50 % pour les 14 pays les plus pauvres : la priorité sur ces pays est maintenue, nous sommes même au-delà. La diminution de notre contribution au FED rend disponibles 68 millions - nous avons vérifié ce chiffre dans le détail -, nous comptons les utiliser pour l'essentiel dans des projets d'aide bilatéraux en matière de santé et de protection maternelle et infantile, enjeu crucial dans ces pays où la mortalité infantile et maternelle sont très importantes.

La RGPP nous avait conduits l'an passé à confier à l'AFD la ventilation des 45 millions de crédits que nous consacrons chaque année aux ONG. Certaines ONG ont craint que ce changement ne cadre pas avec leurs spécificités. Elles s'en sont ouvertes au ministre et nous avons été conduits à envisager de redéfinir le système en rapatriant la décision au ministère, même si la mise en oeuvre resterait sous la responsabilité de l'AFD.

Sur le réchauffement climatique, notre objectif est de parvenir à un accord global qui soit juridiquement contraignant. Nous n'y parviendrons pas à la conférence de Cancun, qui sait si nous l'aurons au Cap... Si l'accord de Copenhague n'est pas contraignant, des engagements politiques forts ont été pris en annexe, soutenus par 140 pays, qui représentent les neuf dixièmes des émissions de gaz. Des solutions ont été trouvées sur le financement, sur les transferts de technologie : ce sont des progrès. Nous tâchons d'aller plus loin, dans chacun des groupes, en particulier le groupe Forêts : à Cancun, nous espérons l'adoption du principe d'un fonds vert.

A l'échelon européen, le Conseil environnement a réaffirmé son attachement à la reconduction du protocole de Kyoto, moyennant un accord global dont le contenu serait comparable à celui de Copenhague. L'Union veut donc bien aller plus loin, à condition que ses partenaires s'engagent aussi. Les premiers pas pourraient être accomplis à Cancun et poursuivis en Afrique du Sud, au Cap. Sans financements innovants, l'objectif de 100 milliards de dollars par an d'ici 2020 sera difficile à tenir.

Nous poursuivons notre effort en Afghanistan avec 20 millions, qui vont à l'agriculture, à l'électrification rurale, à la santé, à la formation d'instituteurs et à celle d'enseignants de français pour développer la francophonie ainsi qu'à la gouvernance. Nos actions se déroulent dans les vallées de Kapisa et Surobi, en accompagnement de l'action de nos troupes, pour bien montrer que développement et sécurisation vont de pair.

M. Josselin de Rohan , président . - Nous passons au programme 185.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga , rapporteur . - Je n'aborderai que les points que nous n'avons pas évoqués hier avec le ministre. En premier lieu, la place de la France dans la mondialisation de l'enseignement supérieur.

Vous stabilisez les crédits de bourses mais à un niveau qui avait auparavant beaucoup diminué par rapport à la forte relance du temps d'Hubert Védrine ! Je crains que les postes diplomatiques, à cours de crédits d'intervention, continuent malgré les consignes à utiliser cet argent pour autre chose. Et y aura-t-il une triple tutelle sur CampusFrance, avec le ministère de l'Immigration ? Le ministre n'a pas été clair.

La nouvelle organisation de l'Institut français inquiète les Alliances françaises : leurs crédits transitant désormais par l'institut, comment garantir qu'elles les retrouveront bien tous ?

Enfin, si le maintien du moratoire et la cristallisation du montant de la prise en charge (PEL) garantissent une partie des ressources de l'AEFE, cette garantie ne va pas au-delà de 2012. Ensuite, l'agence n'aura pas d'autre alternative que de se tourner vers les familles, en augmentant les droits de scolarité. Le ministre ne m'a pas répondu hier. L'agence a déjà subi des transferts de charges immobilières, je crains qu'on recommence et qu'elle se retrouve avec des bâtiments datant des années 60 qui ne sont plus aux normes. Il faudrait entre 140 et 300 millions en cinq ans...Sans un sou dans le budget, il faudra bien faire payer les familles !

Même cause, mêmes effets pour les pensions civiles des fonctionnaires détachés. On peut réduire leur nombre - mais nous sommes à la limite du nombre d'enseignants titulaires, surtout dans le primaire, au risque de baisse du niveau dans les pays non francophones. La dotation de l'AEFE ne couvre pas le coût des cotisations sociales, l'agence évalue à 24 % les ressources propres à trouver mais elle n'en a pas d'autre que les frais de scolarité : comment éviter qu'ils montent de 50 % en quelques années ? La demande de bourses va « déraper » comme dit le rapport Colot-Joissains.

M. Joseph Kergueris. - Quelles seront les modalités de la mise en place de l'Institut français et CampusFrance, en particulier celles de sa tutelle ?

M. Christian Masset. - La mondialisation de l'enseignement supérieur est un enjeu essentiel pour le rayonnement et l'influence d'un pays, et la France parvient à maintenir sa troisième place mondiale, qu'elle conforte avec une progression régulière de 220 000 étudiants en 2003 à 270 000 alors que l'Allemagne enregistre un recul. Campus France sera un acteur considérable de diffusion de notre culture, malgré les incompréhensions résultant parfois de la fragmentation entre universités et grandes écoles.

Nous entendons bien stabiliser le nombre de bourses et les postes qui ne s'y conformeraient seront sanctionnés par une diminution des crédits l'année suivante, jusqu'au double du montant...La ressource ne vient pas seulement du budget du MAEE, universités et écoles mènent leurs propres actions. L'important c'est la présence d'une « équipe France ». Campus France sera ainsi le grand opérateur, avec un seul guichet, notamment grâce à la fusion du CNOUS international et d'Egide, ce qui est un énorme progrès.

Le budget de l'AEFE est suffisant pour 2011, mais vous avez raison de dire qu'il faudra trouver des solutions pour 2012 : le maintien des 420 millions cette année est une très bonne nouvelle, cette enveloppe garantit de passer l'année 2011 sans encombre. Au-delà, nous devons trouver un modèle soutenable. L'audit RGPP a souligné l'importance de la place des familles et je ne crois pas injuste de les faire participer, dès lors que des bourses aident celles qui en ont besoin. L'enseignement du français à l'étranger se réforme, il démontre une très grande vitalité et nous continuerons de l'accompagner.

S'agissant de Campus France, le décret est rédigé et l'ambassadeur Pierre Buhler en a été désigné le préfigurateur. Nous pensons comme vous que la triple tutelle n'est pas une bonne solution, ne serait-ce que par souci d'efficacité. Nous l'avons fait savoir et je crois que le Premier ministre le pense aussi. Le rattachement du service international du CNOUS se fera d'ici la fin 2011. Les inspections générales des deux ministères préparent un rapport, la lettre de mission est partie. Nous regardons à être le plus efficace possible.

M. Christian Cambon. - Comment comptez-vous associer le Parlement à l'évaluation ?

M. Christian Masset. - Par ses rapporteurs ; nous vous envoyons tous les rapports d'évaluation, le programme pour 2011 va vous être transmis, notamment tout ce que nous faisons à partir des indicateurs ; nous sommes prêts à travailler avec un groupe de spécialistes si vous le constituez.

M. Josselin de Rohan, président. - Merci de votre participation.

Audition de M. Ramon Fernandez, directeur général du Trésor et de la politique économique

La commission entend M. Ramon Fernandez, directeur général du Trésor au ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, sur les crédits du programme 110 « Aide économique et financière au développement » de la mission « aide publique au développement » du projet de loi de finances pour 2011.

M. Didier Boulaud , vice-président - Avant toute chose, je voudrais excuser le président Josselin de Rohan, qui participe actuellement au Sommet franco-britannique sur la défense, et qui ne pouvait donc pas être présent aujourd'hui parmi nous. Je suis heureux d'accueillir M. Ramon Fernandez, directeur général du Trésor au ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi pour cette audition consacrée aux crédits du programme 110 « aide économique et financière au développement », de la mission interministérielle « Aide publique au développement » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011. Je rappelle que ce programme, qui représente près d'un tiers des crédits d'aide au développement inscrits au budget de l'Etat, supporte, pour l'essentiel, la participation française aux institutions multilatérales de développement, notamment au groupe de la Banque mondiale, mais aussi des crédits bilatéraux de dons, de bonification de prêts, d'assistance technique et de traitement de la dette.

Outre la responsabilité de ce programme, le directeur général du Trésor est amené à traiter des questions de développement dans différentes enceintes, qu'il s'agisse de la Banque mondiale ou d'autres banques multilatérales ou régionales de développement, du secrétariat du Club de Paris ou des conseils d'administration des banques centrales de la zone Franc. Ces différentes fonctions font de lui un interlocuteur privilégié de notre commission sur toutes les questions de développement, qu'il s'agisse du pilotage interministériel du dispositif français d'aide publique au développement, des liens entre commerce et développement, des enjeux du traitement de la dette ou encore du financement du développement.

Après une présentation globale du programme 110, nous souhaiterions donc vous entendre sur les priorités françaises en matière d'aide au développement dans le cadre de la double présidence française du G8 et du G2O.

M. Ramon Fernandez, directeur général du Trésor - Avant de répondre à vos questions, je souhaiterais faire quelques remarques introductives sur l'action de la France en faveur de l'aide au développement.

Mais, tout d'abord, je voudrais dire un mot du document de politique transversale « politique française en faveur du développement ». Cette année, ce document important n'a été bouclé que très tardivement. Ceci reflète, je ne vous le cache pas, la difficulté et les arbitrages importants qui ont été nécessaires jusqu'à très récemment pour concilier le respect de nos engagements et la contrainte budgétaire. Ce document, qui devrait vous parvenir très prochainement, offre notamment une vision globale des composantes de l'aide publique au développement (APD), nos prévisions sur leur évolution, ainsi que l'expression de notre politique publique.

Ma première remarque sera donc, dans l'esprit de ce document, de souligner que ce budget représente un effort financier très important en faveur du développement. La France était déjà, en 2009, le deuxième bailleur mondial en volume, derrière les Etats-Unis et le deuxième des pays du G7 en part du revenu national brut, après le Royaume-Uni. Notre pays va encore renforcer son effort.

En effet, l'aide publique au développement, qui a atteint 9 milliards d'euros en 2009, devrait continuer à progresser pour passer, pour la première fois, la barre des 10 milliards d'euros en 2012. Cela correspondra, pour la première fois également, à un effort d'un euro par jour pour chaque ménage français. Cette croissance de l'APD portera exclusivement sur l'aide bilatérale, l'aide multilatérale s'inscrivant, en prévision, en baisse après avoir atteint un niveau historique de 4 milliards d'euros en 2009. La part de l'aide multilatérale dans l'APD devrait passer de 44 % en 2009 à 36 % en 2012.

Ces prévisions d'APD sont obtenues, d'abord, en sanctuarisant le socle de cet effort, les crédits budgétaires de la mission APD, qui sont stabilisés à un niveau de 3,34 milliards d'euros par an, soit 10 milliards d'euros sur le triennum 2011-2013.

Ensuite, en optimisant le coût budgétaire de cet effort. Ceci concerne essentiellement les prêts, dont nous veillons à ajuster la concessionnalité au niveau minimal permettant la réalisation des projets sans menacer la soutenabilité de la dette des pays emprunteurs.

Enfin, en mettant des ressources additionnelles au service du développement. C'est ainsi que la France, qui bénéficie d'un surplus de quotas carbone grâce à une politique environnementale ambitieuse et efficace, va financer, grâce à ce surplus, 150 millions d'euros d'actions de lutte contre la déforestation dans les pays en développement. C'est aussi grâce à des cessions d'actifs que nous allons accompagner, à hauteur d'environ 60 millions d'euros par an, les augmentations de capital des banques multilatérales de développement décidées au printemps dernier, en réponse à l'appel du G20 de Londres.

Au sein de l'aide bilatérale, la structure de notre aide évolue, conformément à la demande exprimée par le Parlement. C'est sur l'aide-projet et sur l'aide-programme que porte l'effort, principalement par une croissance des engagements de l'AFD. L'hypothèse d'annulations de dette moyenne est en revanche stable, d'environ 1 milliard d'euros par an, correspondant essentiellement aux allègements de dette en faveur des derniers pays éligibles à l'initiative renforcée en faveur des pays pauvres très endettés.

Ma deuxième remarque portera sur les actions entreprises pour répondre à l'exigence d'une politique française de développement plus lisible et plus stratégique.

Pour que notre effort d'aide ait un impact maximal, il nous faut le cibler.

Héritière d'une longue tradition de coopération, notre aide publique au développement est diversifiée. Elle est principalement mise en oeuvre par l'Agence française de développement (AFD), par l'Union européenne et par des opérateurs multilatéraux, comme la Banque mondiale ou des fonds, comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Mais elle comprend également, par exemple, pour près d'un milliard d'euros par an, des dépenses liées à la formation des étudiants étrangers ou de recherche sur le développement et de coopération scientifique.

Face à cette diversité, le risque existe d'une dispersion, et le Sénat, notamment, avait souhaité que la France clarifie sa politique, par un ciblage clair et transparent.

Le gouvernement a depuis 2009 pris plusieurs mesures pour traiter ce risque.

Le gouvernement a apporté une première réponse lors du Conseil interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 5 juin 2009 en définissant les cinq secteurs prioritaires de notre coopération : santé, éducation et formation professionnelle, agriculture et sécurité alimentaire, développement durable et soutien à la croissance.

Le gouvernement a prolongé cet exercice en rédigeant un document-cadre de coopération au développement, qui devrait être rendu public prochainement. Une large consultation a été conduite par le ministère des affaires étrangères, au niveau interministériel et en direction de la société civile. Je voudrais saluer le rôle moteur joué par votre commission dans cet exercice, avec les auditions, en mai 2010, de MM. Bourguignon, Michaïlof, Severino et Vielajus, et du ministre des affaires étrangères et européennes, M. Bernard Kouchner, la publication, au nom de votre commission, du rapport d'information des sénateurs Christian Cambon et André Vantomme « Pour une mondialisation maîtrisée - contribution au projet de document-cadre de coopération au développement », et la représentation du Sénat lors des réunions du groupe de travail.

Nous avons désormais une véritable stratégie pour notre coopération, avec quatre enjeux et quatre partenariats différenciés. Les quatre enjeux sont :

- contribuer à une croissance durable et partagée ;

- lutter contre la pauvreté et réduire les inégalités ;

- préserver les biens publics mondiaux ;

- promouvoir la stabilité et l'Etat de droit comme facteurs de développement.

Quatre partenariats sont définis :

- le plus important, celui avec l'Afrique subsaharienne pour soutenir sa croissance et la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement (OMD) ;

- celui avec la Méditerranée pour le développement durable, dans une perspective de convergence ;

- celui avec les pays émergents, pour gérer les équilibres mondiaux ;

- enfin, celui avec les pays en crise, pour en renforcer la stabilité.

Ces partenariats différenciés ne sont pas incantatoires : ils se traduisent aussi par des choix financiers explicites. Ainsi, au moins 60 % de l'effort financier bilatéral de l'Etat devra être affecté à l'Afrique subsaharienne, et pas plus de 10 % aux pays émergents. Par ailleurs, environ 20 % seront affectés aux pays de la Méditerranée et environ 10 % aux pays en crise, comme Haïti ou l'Afghanistan.

Ces partenariats encadreront notamment l'intervention de l'AFD, avec des conséquences, par exemple sur l'intervention de l'AFD en Chine.

Le document insiste aussi sur l'importance de préserver les moyens de l'action bilatérale et je sais que vous y êtes particulièrement attachés. Je vais vous en donner une illustration concrète sur le programme 110 « aide économique et financière au développement » : les crédits de paiement d'aide budgétaire bilatérale y augmentent de 30 %, pour atteindre 86 millions d'euros. Ceci nous permet de concrétiser la relation privilégiée entre la France et les communautés économiques régionales de la zone franc, mais aussi de répondre aux engagements pris envers Haïti. A contrario, le montant consacré aux reconstitutions de l'AID et du FAD s'inscrit en recul par rapport à ce qu'il était en 2007. En conséquence, la France est passée du 2 è au 4 è rang parmi les bailleurs du Fonds africain de développement, et est celui des bailleurs dont la baisse (10 % en unités de compte) est la plus importante. Afin que ces choix budgétaires ne se traduisent pas par une baisse significative de l'influence française sur ces institutions multilatérales, nous développons parallèlement le partenariat entre celles-ci et l'AFD.

Un effort important et ciblé donc, qui devrait se situer autour de 0,5 % du RNB en 2010 puis décroître légèrement, mais qui ne peut à lui seul suffire pour faire face aux défis mondiaux de moyen terme, et ce sera ma troisième remarque : la mobilisation de ressources nouvelles, via des financements innovants, sera indispensable pour être au rendez-vous de l'objectif d'une APD de 0,7 % du RNB en 2015 comme de l'objectif financier de 100 milliards d'euros par an en 2020 inscrit dans l'Accord de Copenhague.

Vous le savez, la France joue un rôle leader au niveau mondial en matière de financements innovants, et le défi est de convaincre un nombre croissant de pays de mettre en place les mécanismes qui -préfiguration d'une possible fiscalité internationale- devront en particulier permettre de financer les biens publics mondiaux dans les pays en développement.

L'année écoulée a vu des progrès significatifs dans cette direction.

D'abord la reconnaissance, dans l'accord de Copenhague, en décembre 2009, sous l'impulsion du Président de la République, que les financements innovants joueront un rôle dans le financement de la lutte contre le changement climatique.

Ensuite la reconnaissance, par le groupe d'experts mandaté par le groupe pilote sur les financements innovants, mais aussi par le Fonds monétaire international, de la faisabilité d'une taxation internationale des transactions financières ; ces travaux ont débouché sur une déclaration, en marge du sommet des OMD, où Japon, Brésil, Espagne, Norvège et Belgique nous ont rejoints en faveur d'une contribution sur les transactions financières.

Enfin, les travaux du groupe consultatif de haut niveau sur le financement de la lutte contre le changement climatique, dont Mme Christine Lagarde était membre aux côtés, notamment, de Nicholas Stern, Georges Soros et Larry Summers, ont, eux aussi, reconnu le potentiel de financements innovants comme la taxation des émissions de carbone des secteurs aériens ou maritimes, ou la contribution du secteur financier, estimés pouvoir contribuer à cette lutte à hauteur chacun de 10 milliards d'euros par an. Une mise en oeuvre mondiale d'une taxe sur les transactions financières se heurte cependant toujours à la réticence des Etats-Unis et de plusieurs grands pays émergents.

Ce travail de conviction doit être poursuivi, et le calendrier nous en donne l'occasion : ce sera ma quatrième et dernière remarque. Nous mettrons à profit la double présidence française du G8 et du G20 pour progresser sur plusieurs chantiers décisifs en faveur du développement.

Traditionnellement, le développement est plutôt traité dans le cadre du G8 sous l'angle des pays donateurs, alors que le G 20 s'est surtout préoccupé de la stabilité financière, mais le G 20, qui présente l'avantage de réunir également les grands pays émergents, peut constituer un cadre intéressant.

Initialement forum économique et financier, le G20 a été étendu aux questions de développement par la présidence coréenne, qui va proposer à Séoul, dans quelques jours, d'acter un ambitieux plan d'action pluriannuel en faveur du développement. La France a soutenu sans réserve cette initiative, qui va dans le sens d'une plus grande association des pays émergents à l'effort de la communauté internationale vis-à-vis des plus pauvres. La France prendra d'ailleurs, aux côtés de la Corée et de l'Afrique du Sud, la présidence du groupe G20 nouvellement créé et consacré au développement. Au sein de cet agenda, la France mettra plus particulièrement l'accent sur :

- la volatilité des prix des matières premières, notamment agricoles, comment la gérer et comment, en particulier, limiter ses effets néfastes sur la sécurité alimentaire ;

- le développement des infrastructures, avec un accent sur celles qui favorisent l'intégration régionale, élément-clef notamment pour le développement de l'Afrique ;

- et comme je l'ai déjà évoqué et comme l'a souligné le Président de la République lors du sommet de la francophonie à Montreux, la promotion des financements innovants.

Nous considérerons aussi le rôle que pourra jouer le G20 en appui aux négociations sur la lutte contre le changement climatique, en lien avec nos partenaires sud-africains qui hébergeront fin 2011 la conférence des parties de la convention climat.

Le G8 demeurera par ailleurs un forum privilégié de partenariat avec l'Afrique subsaharienne.

Pour conclure, je tiens à souligner l'engagement sans faille du gouvernement, et en particulier du ministère de l'économie et des finances en faveur du développement, qui se traduit par ce budget ambitieux et des objectifs qui ne le sont pas moins pour les échéances internationales à venir.

Certes, ce budget ne permet pas encore d'atteindre les objectifs fixés pour 2015 et il sera nécessaire de faire preuve d'imagination pour trouver d'autres sources de financements innovants. Par ailleurs, il sera nécessaire à l'avenir de mieux associer les grands pays émergents, comme la Chine, l'Inde ou le Brésil, qui revendiquent une meilleure place au sein des organisations multilatérales, comme le FMI ou la Banque mondiale, ce qui est légitime mais appelle également de leur part une responsabilité accrue en matière d'aide au développement.

M. Christian Cambon - Je constate que nous ne disposons pas encore du document de politique transversale qui nous permettrait d'avoir une vision complète des crédits consacrés. Avec le bleu budgétaire, nous n'avons une vision que sur 40 % de l'effort français en faveur du développement. Mais si on extrapole à partir des données à notre disposition, on se rend bien compte que la France n'atteindra pas les 0,7 % en 2015, comme elle n'a pas atteint les 0,51 % auxquels elle s'était engagée pour 2010. Ce n'est pas le cas de tous les pays. On a bien vu, lors du sommet de septembre à l'ONU, que les Anglais seront en mesure d'atteindre cet objectif. A-t-on officiellement renoncé à notre engagement ? Quand on effectue des missions en Afrique, cet engagement nous est souvent rappelé.

Vous avez évoqué un redressement des crédits de l'aide bilatérale que nous appelons de nos souhaits. Quand on voit les montants de nos contributions multilatérales et la faiblesse des moyens disponibles dans nos postes diplomatiques pour aider des projets de développement, on se dit qu'il ya là un déséquilibre auquel il convient de remédier.

La France est le principal promoteur de la mise en place de financements innovants au service de l'aide au développement. L'inscription de ces mécanismes dans les conclusions du sommet sur les OMD est en soi un succès. Pouvez-vous nous dire quelles sont les chances de faire aboutir ce projet, nous décrire en quoi consisterait cette nouvelle source de financement et quel serait selon les scénarios le montant des sommes ainsi récoltées ? Sait-on, dans les solutions envisagées au sein du groupe de travail consacré à ce sujet, si ces sommes seront destinées aux objectifs du millénaire pour le développement ou si une partie des crédits sera également consacrée à la lutte contre le réchauffement climatique ?

En matière de lutte contre le réchauffement climatique, les négociations en cours concernent à la fois le prolongement des accords de Kyoto qui arrivent à échéance en 2012, la conclusion d'un accord plus substantiel que celui de Copenhague où les Européens ont finalement été les seuls à s'engager sur des objectifs contraignants et, enfin, la mise en place d'un fonds mondial pour l'environnement. Sur ce dernier point, pourriez-vous nous indiquer les sommes que la France s'est engagée à financer, l'origine de ces crédits, de quel budget parlons-nous, nous dire où en sont les négociations ?

Plus généralement, pouvez-vous nous indiquer la répartition des rôles entre le ministère des finances, qui alimente notamment le Fonds français pour l'environnement mondial, le ministère des affaires étrangères et européennes qui, avec la Direction des biens publics mondiaux, pilote les négociations sur ce thème, notamment dans le cadre du G20 et le ministère de l'environnement qui, j'imagine, ne se désintéresse pas de la question.

La France, à travers l'AFD, intervient dans les pays émergents, dans le cadre de l'objectif des préservations des biens publics mondiaux. L'AFD intervient en Chine, dans des projets de rénovation urbaine économes en énergie. Depuis 2008, La Chine figure parmi les six premiers pays destinataires des interventions de l'AFD en matière de concessionnalité. A un moment où la Chine dispose de suffisamment de réserves pour financer des fonds souverains, il me semble que nous devrions réserver nos prêts concessionnels aux pays les moins avancés.

M. Ramon Fernandez - Il est difficile de trouver le bon équilibre entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale. Notre aide bilatérale présente des avantages en matière de visibilité et de réactivité. Elle nous permet en outre d'accompagner des projets à dimension régionale. Mais si nous souhaitons que les grands acteurs multilatéraux s'impliquent en Afrique, il nous faut pouvoir peser sur leur programmation grâce au poids de nos contributions. Pour le triennum budgétaire 2011/2013, nous allons légèrement diminuer notre contribution à la Banque mondiale ainsi qu'à la Banque africaine de développement afin de rééquilibrer notre aide en faveur de l'aide bilatérale.

S'agissant des pays émergeants, l'AFD a élargi progressivement son champ géographique de compétence. Elle est devenue un acteur important de la coopération dans ces pays, en particulier dans le domaine de la lutte contre le réchauffement climatique. Nous aurons bientôt le recul nécessaire pour mieux évaluer l'impact de ce qui a été fait. Il est sans doute temps aujourd'hui de diminuer les éléments de concessionnalité des prêts effectués dans ces pays pour concentrer le « coût État » sur l'Afrique.

Les financements innovants constituent une perspective nécessaire pour faire face aux besoins de financement de l'aide au développement et de la lutte contre le réchauffement climatique. L'idée d'une taxe sur les transactions financières est aujourd'hui encore partagée par un petit nombre de pays, comme ce fut le cas lors de l'instauration de la taxe sur les billets d'avion. Nous avions alors dépensé beaucoup d'énergie et de temps pour convaincre nos partenaires de la faisabilité et de l'utilité d'une telle taxe. Nous n'avons pas eu à regretter cet effort puisque cette taxe constitue aujourd'hui un élément essentiel du financement de la lutte contre le sida. Il en va de même pour la taxe sur les transactions financières. Le projet fait son chemin. Les rapports de groupe de travail se multiplient pour souligner sa faisabilité technique. Le Président de la République et la Chancelière Angela Merkel essaient de convaincre l'ensemble de nos partenaires européens de promouvoir cette idée dans le cadre du G20. Une taxe sur les transactions financières entre 0,001 % et 0,01% permettrait de lever entre 7 et 60 milliards de dollars par an. Les 27 pays de l'Union ont confirmé que la réflexion sur ce sujet doit être menée. Il existe évidemment des pays opposés à ce projet qui évoquent, notamment, la volatilité de la masse taxable. Les sommes ainsi récoltées devraient permettre de financer aussi bien les objectifs du millénaire pour le développement que la lutte contre le réchauffement climatique. Nous n'en sommes pas aujourd'hui à répartir les gains attendus de cette taxe mais il faut d'abord trouver un consensus autour de l'assiette « taxable ».

Vous avez raison, il nous faut trouver les moyens au sein de l'Union européenne de créer pour l'Afrique des programmations conjointes afin d'éviter que nos coopérations respectives ne se recouvrent. Vous avez cité l'exemple du Mali, la Commission européenne vient d'avaliser une expérimentation pilote par laquelle la France sera dans ce pays le chef de file d'une programmation conjointe des pays de l'Union et de la Commission.

Dans le cadre de nos engagements en matière de lutte contre le réchauffement climatique, la France s'est engagée à financer 420 millions par an, l'essentiel figure dans le projet de loi de finances. Il manque 150 millions sur 2010-2012 qui seront tenus par la vente des droits de tirage liée à nos performances en matière d'émission de carbone.

En ce qui concerne les négociations sur le climat, le ministère des finances est naturellement responsable des aspects financiers. Le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer est en charge des négociations avec l'appui du ministère des affaires étrangères. De ce point de vue, nous avons le sentiment que la répartition des rôles est claire et efficace.

M. André Vantomme - L'OCDE, lors de la dernière revue des pairs, avait souligné la complexité de notre organisation administrative en charge de l'aide au développement. Il y a la direction générale de la mondialisation, la direction du Trésor et l'Agence française pour le développement. La réforme entamée en 2004, poursuivie en 2008, avait prévu que la coordination entre ces différents acteurs soit assurée dans les moments forts par le CICID et, au quotidien, par le COCICID. De ce que je comprends, ce dispositif ne fonctionne pas très bien. Le dernier CICID remonte à juin 2009. Il ne s'est même pas réuni pour avaliser la stratégie française d'aide au développement. Quant au COCICID, il ne semble pas qu'il ait un rôle au quotidien. Cette complexité vous paraît elle un handicap ? Partagez-vous l'analyse du CAD ? Et voyez-vous un moyen d'y remédier ?

Vous avez proposé une nouvelle stratégie française à l'égard de la Banque mondiale. Pouvez-vous nous présenter les principaux points de cette stratégie et nous dire en quoi cette stratégie a modifié l'attitude des pouvoirs publics à l'égard de la Banque mondiale ? Pouvez-vous nous préciser la répartition des rôles entre le FMI et la Banque mondiale, s'agissant de l'aide au développement de l'Afrique ? Pouvez-vous également nous décrire les modalités par lesquelles la France pèse sur la programmation de ces deux institutions et dans quelles mesures elle arrive à faire prévaloir sa priorité pour l'Afrique sub-saharienne ?

De 2006 à 2008, les dons bilatéraux de notre aide ont diminué de 30 %. Quand on regarde les comptes de l'AFD, de 2006 à 2010, les ressources budgétaires pour financer les dons ont diminué de moitié. De ce fait, les administrations, l'AFD en tête, ont fait du prêt plus que de la subvention. Le choix de cet instrument les a naturellement conduits à se tourner vers des pays ou des secteurs solvables, c'est-à-dire à se détourner de l'Afrique sub-saharienne et des services publics de base. Cette évolution n'est-elle pas en contradiction avec la volonté affichée de renforcer nos actions en faveur de l'Afrique sub-saharienne et des objectifs du millénaire pour le développement ?

Nous déclarons chaque année 80 millions d'euros de dépenses liés au franc CFA au titre de l'aide au développement. Il s'agit de rémunérations des dépôts dans les banques centrales africaines. A quoi correspondent ces sommes ? En quoi contribuent-elles au développement ? Le Franc CFA est-il un facteur de développement de la croissance en Afrique ?

M. Ramon Fernandez - Il y a plusieurs acteurs institutionnels en matière d'aide au développement. Mais cette situation ne se traduit pas par un manque de coordination. J'observe que la revue à mi-parcours du CAD souligne les progrès de la France dans ce domaine. La pluralité des acteurs n'est d'ailleurs, pour un sujet aussi vaste, pas une spécificité française. En ce qui concerne la coordination, elle s'effectue au quotidien entre les différentes administrations et en fonction des sujets. S'il est vrai que le CICID ne se réunit que de façon exceptionnelle, je constate que le conseil d'orientation stratégique de l'AFD, où sont réunis les ministres intervenant dans ce domaine, fonctionne de façon satisfaisante et permet, au-delà du conseil d'administration de l'agence, d'assurer le pilotage stratégique de l'AFD qui est devenu le principal opérateur français dans ce domaine.

Le document-cadre de coopération au développement a fait l'objet d'un arbitrage interministériel récemment. La stratégie française à l'égard de la Banque mondiale élaborée l'année dernière a été utile. Elle a notamment contribué à ce que le Président de la Banque mondiale et les instances dirigeantes de la banque clarifient eux-mêmes la stratégie de la banque et placent notamment, au coeur de leurs priorités, l'Afrique, mais aussi la lutte contre la corruption et le soutien aux Etats fragiles. Toutes nos contributions aux fonds multilatéraux font l'objet d'évaluations, au minimum une fois toutes les deux reconstitutions.

En ce qui concerne le franc CFA, la France octroie une sur rémunération sur les fonds centralisés auprès du Trésor français. Les deux banques centrales africaines du franc CFA, la Banque centrale des États d'Afrique de l'Ouest ( BCEAO ) et la Banque des États d'Afrique centrale ( BEAC ) ont l'obligation de centraliser auprès du Trésor français au moins 50 % de leurs réserves. Ces réserves sont placées sur le compte de l'agence France Trésor et sur les marchés financiers. En contrepartie, les deux Banques centrales africaines reçoivent une rémunération, ce qui est logique, même si elle est supérieure au produit du placement sur les marchés financiers. Au début des années 2000, la France a obtenu, à l'issue d'une négociation, la diminution de la sur rémunération de ces avoirs, qui est désormais légèrement supérieure au produit issu du placement sur les marchés financiers, et notre pays s'est engagé notamment, en contrepartie, à accompagner le développement des programmes économiques de ces deux régions.

La sur rémunération déclarée au titre de l'aide publique au développement est bien une dépense nette pour l'Etat, contrepartie du dépôt d'une partie des réserves des deux Banques centrales auprès du Trésor. C'est aussi la garantie de la stabilité du franc CFA.

S'agissant des subventions-projets, qui sont inscrites dans le programme 209 relevant du ministère des affaires étrangères et européennes, je ne pense pas que l'on a assisté à une diminution en valeur, puisque ces subventions ont augmenté de 2006 à 2010. En revanche, il est vrai que la part relative des prêts a beaucoup augmenté à la même période, ce qui explique la forte diminution de la part relative des subventions-projets. Cela s'explique en partie par l'élargissement du champ géographique. Nous sommes intervenus davantage dans des pays ayant la capacité de souscrire des emprunts. La part croissante des prêts ne se fait donc pas au détriment des dons-projets, car ces instruments sont souvent complémentaires.

Les pays concernés souhaitent souvent, en effet, pouvoir bénéficier de différents types d'instruments de financement (garanties, subventions, prêts, etc.).

M. Robert Hue - Je souhaiterais avoir des précisions sur le rôle des flux financiers en provenance des migrants en matière d'aide au développement. Les deux Banques centrales africaines jouent-elles un rôle dans ce domaine ?

M. Ramon Fernandez - Les deux Banques centrales africaines n'interviennent pas directement sur les flux financiers en provenance des migrants. Elles ont un rôle concernant la définition du cadre juridique régional en matière de lutte contre le blanchiment d'argent par exemple. Elles ont également un rôle d'assistance technique auprès des banques et de mise en relation des banques africaines avec les établissements financiers. Au sein de la zone franc, en 2006-2007, la France avait souhaité mobiliser les différents partenaires, dont les deux Banques centrales africaines, pour mettre en place un cadre plus favorable pour favoriser ces transferts d'épargne. Elles participent ainsi aux ateliers financés par la France et la Banque africaine de développement pour réduire le coût des transferts entre la France et la zone franc.

Audition de M. Dov Zerah, directeur de l'Agence française de développement

M. Didier Boulaud , président - Monsieur le directeur général, l'Agence française de développement, dont vous assurez la direction générale depuis le mois de juin, est le principal opérateur de notre aide bilatérale au développement.

Vous avez été directeur délégué de la Caisse française de développement en 1993, il y a 17 ans. Depuis, la caisse est devenue l'AFD. Au-delà du changement de nom, cette institution a, aux dires de tous, profondément évolué.

L'AFD a multiplié par 4 le montant de ses interventions. Elle a considérablement diversifié ses instruments financiers. Elle a étendu la zone géographique dans laquelle elle intervient. Autrefois très concentrée sur l'Afrique où la Caisse française de développement est née, l'AFD est aujourd'hui présente sur tous les continents du Sud, l'Afrique bien sûr, mais également l'Asie et l'Amérique du Sud. L'agence a élargi ses secteurs d'intervention, en s'imposant notamment comme un opérateur central dans le domaine de la lutte contre le réchauffement climatique. Elle s'est ouverte à de nombreux nouveaux partenaires français et étrangers.

Vous avez pu, depuis le mois de juin, mesurer la réalité de ces évolutions. Pouvez-vous nous dire celles qui vous ont le plus marqué ?

En matière budgétaire, vous nous décrirez la situation de votre agence. Quand on regarde les comptes de l'AFD, de 2006 à 2010, les ressources budgétaires pour financer les dons ont diminué de moitié. Quelles conséquences cette diminution a eu sur la programmation de l'AFD ?

Monsieur le directeur général, vous avez la parole.

M. Dov Zerah, directeur de l'Agence française de développement - L'AFD fonctionne comme une banque universelle de développement, avec diverse catégories de partenaires : les pays les moins avancés (PMA), les pays à revenus intermédiaires (PRI) et, depuis peu, les pays émergents, sans oublier les pays en voie de devenir émergents. On considère souvent que l'Agence n'a aucune limite géographique ou sectorielle. C'est une erreur. Le champ géographique des interventions de l'AFD est très précisément limité par sa tutelle, comme le sont les domaines d'intervention sectoriels dont sont notamment exclus la culture et l'enseignement supérieur. L'Agence a su augmenter fortement ses interventions pour un coût budgétaire très faible. J'ai hérité à ma venue à l'AFD d'un modèle économique performant que j'entends préserver. Dans le même temps, en accord avec mes autorités de tutelle, je souhaite que les éléments de concessionnalité présents dans les prêts aux pays émergents soient progressivement supprimés et concentrés vers l'Afrique sub-saharienne. J'ai proposé à mes autorités de tutelle que 80 % des dons gérés par l'AFD soient concentrés vers les 14 pays prioritaires et sur les secteurs de la santé et de l'éducation.

Dans le cadre du redressement des finances publiques, les moyens budgétaires provenant de l'Etat et mis à la disposition de l'AFD sont globalement satisfaisants. Les pouvoirs publics nous demandent en outre de faire, au même titre que les administrations, des efforts d'économies sur nos modes de fonctionnement. Dans cette perspective, l'AFD continuera à recruter mais diminuera ses frais de fonctionnement autres que ses frais de personnel.

M. Christian Cambon - Il y a quelques mois, nous avons étudié le projet de document-cadre de coopération au développement qui devrait définir pour les dix ans à venir les principales orientations de notre politique de coopération. Nous avions, à cette occasion, fait part au ministre des affaires étrangères et à vous-même, lors de votre audition par la commission, de notre souhait que les moyens budgétaires de la coopération française soient recentrés sur l'Afrique subsaharienne.

Je suis heureux d'entendre que vous êtes attentif aux priorités que nous avons dégagées. Nous avions également pointé du doigt le fait que l'AFD utilisait des prêts concessionnels impliquant un élément de subvention pour intervenir en Chine, alors même que ce pays semble disposer des ressources pour assumer aujourd'hui lui-même le financement de son développement. Comme nous l'avons constaté lors de notre mission avec André Vantomme au Mali, les moyens de la coopération française en Afrique subsaharienne sont aujourd'hui très limités. Il est surprenant de constater que, dans un pays comme le Mali, avec lequel nous sommes liés par l'histoire, nous ne sommes plus que le dixième bailleur de fonds.

Je constate que l'AFD est devenu le principal opérateur français en matière de lutte contre le réchauffement climatique. J'aimerais savoir quelles sont, dans ce domaine, vos priorités et quelle est la répartition des rôles dans les négociations internationales entre l'AFD, le ministère de l'environnement, celui des affaires étrangères et celui des finances ?

Vous avez, à plusieurs reprises, affirmé votre priorité au soutien à l'agriculture africaine. Pouvez-vous nous dire comment se traduit concrètement cette priorité et quelle est l'articulation entre votre action et celle du Fonds international pour le développement agricole ?

Nous sommes beaucoup à penser que le décollage de l'Afrique doit passer par l'entreprise. L'AFD mène des programmes dans ce sens dans de nombreux pays d'Afrique. Pouvez-vous nous faire un bilan de ces initiatives ? Un des freins au développement est sans nul doute la mauvaise administration. Que fait l'AFD en matière de soutien à la gouvernance ?

M. Dov Zerah - Il est important que l'AFD intervienne dans les pays émergents. D'une certaine façon, l'AFD poursuit ce qui, autrefois, relevait des projets financés sur protocole financier du Trésor. En revanche, l'utilisation de prêts bonifiés dans ces pays est en effet problématique au regard de la rareté des crédits budgétaires consacrés à l'aide au développement. Nous allons cesser progressivement la bonification des prêts dans ces pays, mais nous entendons continuer à être présents dans les pays émergents. L'AFD est en effet très sollicitée dans le domaine de la préservation de l'environnement et de la lutte contre le réchauffement climatique. Le plan indonésien de préservation de l'environnement, élaboré conjointement avec la coopération japonaise, a été, en particulier, un succès tel que la banque asiatique de développement nous a demandé de présenter la démarche française dans ce domaine à l'occasion de sa prochaine assemblée annuelle.

Nous souhaitons être présents dans le domaine de l'agriculture en mobilisant notamment des entreprises françaises de la laiterie. Il y a au Mali un cheptel de 12 millions de bêtes, 30 millions au Sénégal. Et pourtant ces pays importent de la poudre de lait. L'AFD compte intervenir non seulement en soutien des Etats, mais également en soutien des entreprises locales. Financer directement des entreprises locales, dans le cadre de projets de développement permet notamment de contourner certains problèmes de gouvernance.

Dans le domaine de la lutte contre le réchauffement climatique, l'AFD intervient aussi bien en Indonésie qu'au Mexique. L'expertise de l'AFD dans ce domaine est reconnue. C'est cette capacité de proposition qui a permis à l'AFD de suggérer l'engagement de la France en matière de biodiversité.

L'AFD a de nombreuses tutelles : le ministère des affaires étrangères bien sûr, celui des finances, mais également le ministère de l'immigration, de l'identité nationale et du développement solidaire, sans oublier le ministère de l'outre-mer. C'est une situation peu confortable mais inévitable, compte tenu des missions de l'AFD qui sont au coeur de la politique étrangère de la France.

M. André Vantomme - Avant toute chose, je voudrais rappeler que notre commission a apporté une contribution à l'élaboration du document-cadre sur l'aide au développement, en présentant une cinquantaine de propositions, et je regrette que nous n'ayons toujours pas été informés des suites réservées à ces propositions.

Ma première question portera sur l'Afrique subsaharienne.

D'après un article paru récemment dans la presse, alors que les crédits d'intervention de l'AFD sont de 6,2 milliards d'euros, seulement 2,074 milliards d'euros seraient consacrés à l'Afrique subsaharienne. En outre, plus de 77 % des financements se feraient sous forme de prêts, les dons ne représentant que 8,5 %, le reste étant constitué à hauteur de 6,5 % par les participations, les garanties avec près de 5 % et les aides budgétaires autour de 2 %. Enfin, l'aide publique au développement est financée à hauteur de 5,4 milliards d'euros par des emprunts sur les marchés financiers, à hauteur de 476 millions d'euros par des aides pour les prêts bonifiés et à hauteur de 348 millions d'euros par des subventions de l'Etat.

Alors que le Gouvernement vient de demander à l'AFD de cibler davantage l'Afrique subsaharienne et d'augmenter la part des dons par rapport aux prêts, comment comptez-vous procéder concrètement pour parvenir à ces objectifs et selon quel calendrier ?

M. Dov Zerah - Votre question est fondamentale. Je souhaite être parfaitement clair sur ce point.

Tout d'abord, ce n'est pas moi qui décide le montant des dons dévolus à l'AFD, qui résulte d'un arbitrage du Gouvernement, et je n'ai pas le pouvoir de transformer d'un coup de baguette magique les prêts en dons, même s'il est possible de faire des prêts à très forte concessionnalité qui s'apparentent à des dons.

D'après les derniers chiffres dont je dispose, le montant total des dons du ministère des affaires étrangères qui nous serait alloué devrait être de 205 millions d'euros.

Sur ce montant, l'AFD devrait proposer de consacrer 37 millions d'euros aux pays en crise, comme Haïti et les Territoires palestiniens, et 158 millions d'euros, soit 80 %, aux quatorze pays les plus pauvres de l'Afrique subsaharienne, principalement dans deux secteurs prioritaires, la santé et l'éducation. Mais il ne s'agit là que d'une proposition de l'AFD et il faut encore qu'elle soit validée par les tutelles ministérielles, ce qui ne va pas de soi compte tenu des nombreuses sollicitations dont elles font l'objet.

Je suis donc convaincu de la nécessité de concentrer davantage les dons sur les quatorze pays prioritaires de l'Afrique subsaharienne, et dans deux secteurs particuliers, la santé et l'éducation.

De même, je suis persuadé qu'il faut concentrer les prêts dans trois secteurs : l'agriculture, l'industrie agroalimentaire et les infrastructures, en particulier l'énergie.

M. André Vantomme - Il me semble qu'en 2009, 177,6 millions d'euros de dons étaient consacrés à l'Afrique subsaharienne.

A la conférence de Monterrey, les pays de l'OCDE avaient mis en avant une sorte de contrat avec les pays en voie de développement à travers lequel les pays de l'OCDE mobilisaient de nouveaux fonds pour atteindre les objectifs du millénaire en échange de quoi les pays en développement s'engageaient à mobiliser leur ressources fiscales pour participer de façon accrue à leur développement. De votre point de vue, y-a-t-il eu des progrès dans ce sens ? L'AFD mène-t-elle des actions pour aider les pays en développement à mettre en place un système fiscal qui puisse assurer à ces états des ressources pérennes ?

M. Dov Zerah - Le sujet que vous évoquez relève davantage de la compétence des tutelles ministérielles que de l'AFD. C'est un débat que nous avons au sein de l'AFD dans le cadre de l'élaboration du nouveau plan stratégique.

A titre personnel, je considère que certains sujets sur lesquels l'AFD intervenait dans les années 1950 ou dans les années 1990, notamment dans le cadre des plans d'ajustement structurel, ne sont plus toujours adaptés aujourd'hui et je considère que l'action de l'AFD devrait être davantage concentrée sur les projets créateurs de valeur ou d'emplois, outre l'utilisation des dons pour l'éducation et la santé.

M. André Vantomme - Dans l'architecture actuelle, coexistent, dans les pays partenaires, auprès de nos ambassadeurs, les SCAC et les agences de l'AFD. En matière de développement, les SCAC n'ont plus qu'environ 20 % des crédits, les agences gérant les 80 % restants. A terme, les SCAC seront à terme intégrés dans le réseau de l'agence culturelle française : l'Institut français. Qu'adviendra-t-il de leurs compétences en matière d'aide au développement ? Peut-on imaginer à terme que les agences de l'AFD reprennent l'intégralité des compétences des SCAC en matière d'aide au développement ?

M. Dov Zerah - C'est également une question qui relève des tutelles et l'AFD n'a pas à se prononcer sur l'organisation des services de l'Etat à l'étranger. Je rappelle que le CICID a décidé que l'AFD n'interviendrait pas dans le secteur de la culture et de l'enseignement supérieur.

M. André Vantomme - La France, à travers l'AFD, intervient dans les pays émergents, dans le cadre de l'objectif des préservations des biens publics mondiaux. L'AFD a ainsi participé à l'extension des transports publics dans la Ville de Curitiba au Brésil, à une ferme éolienne dans le Yunnan en Chine, au plan climat et protection des forêts en Indonésie, à un programme de cogénération dans une décharge à Durban ou dans des projets d'efficacité énergétique en Inde.

Ces initiatives suscitent des interrogations quant aux moyens utilisés. La Chine figure en 2008 parmi les six premiers pays destinataires des interventions de l'AFD en matière de concessionnalité. A un moment où la Chine dispose de suffisamment de réserves pour financer des fonds souverains, il nous semble que nous devrions réserver nos prêts concessionnels aux pays les moins avancés.

Mais au-delà de cette remarque, nous nous interrogeons sur les objectifs de ces initiatives. Je voudrais savoir si vous estimez qu'à travers ces opérations nous pouvons avoir une quelconque influence sur la trajectoire de ces pays, tant nos moyens apparaissent dérisoires par rapport à ce qui s'y passe ? Que cherche-t-on ? Avoir une influence, faire de l'argent ? Quels sont les objectifs précis ?

M. Dov Zerah - En 2008, la Chine s'est trouvée au 6e rang des pays bénéficiaires de l'aide française au développement et cela nous a naturellement conduits à nous interroger. A l'avenir, nous allons faire en sorte de corriger cette tendance, tout en veillant à assurer une transition, compte tenu du stock de 770 millions d'euros de prêts en cours, et en apportant des correctifs plutôt qu'un véritable bouleversement. Il faut certes infléchir cette tendance mais pour autant ce serait une erreur de renoncer à toute intervention en Chine. Principalement pour deux raisons. D'une part, dans un monde globalisé, il est important de nouer des stratégies de coopération, en particulier avec les grandes puissances émergentes, et alors que la France est fortement sollicitée sur des sujets comme le réchauffement climatique ou le transport urbain, qui intéressent également les entreprises françaises. D'autre part, au moment où la France a fait du développement de l'agriculture en Afrique subsaharienne l'une de ses priorités, notamment dans le cadre de sa triple présidence du G7, du G8 et du G20, il est plus qu'opportun de nouer des coopérations avec la Chine sur des pays africains, à l'image de ce que nous faisons avec le Japon.

L'AFD dispose d'une expertise reconnue sur des sujets comme la lutte contre le réchauffement climatique ou le développement des transports urbains, à l'image du projet de bus rapides en Jordanie. Il serait dommage de s'en priver.

M. André Vantomme - En 2009, l'AFD avait reçu la responsabilité de la gestion des crédits de subvention aux ONG. Certains ont douté de la capacité de l'AFD à gérer des projets de petite taille. En 2010, il semblerait que le ministère des affaires étrangères ait souhaité reprendre la responsabilité de ses crédits. Qu'en sera-t-il pour 2011 ? Et quel bilan faites-vous de ces actions ?

M. Dov Zerah - L'AFD acceptera naturellement la décision du ministère des affaires étrangères et européennes. Il me semble que les ONG étaient plutôt satisfaites de la gestion de leurs projets par l'AFD, mais l'expérience est trop courte pour tirer des conclusions définitives. Une des difficultés porte sur les frais de gestion et la rémunération de l'AFD par l'Etat du traitement de ces projets, qui sont des « petits dossiers ». C'est une question qui relève du futur contrat d'objectifs et de moyens.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga - Je souhaiterais avoir des précisions sur le montant total des prêts bonifiés dans les quatorze pays prioritaires de l'Afrique subsaharienne et sur leurs modalités.

Par ailleurs, je souhaiterais vous interroger sur les projets de l'AFD dans les territoires palestiniens, à la lumière de votre récent déplacement dans la région.

Je pense en particulier à la construction de la zone industrielle de Bethleem, qui semble se heurter à des difficultés compte tenu de l'occupation israélienne et des restrictions à la liberté de circulation, mais aussi à la construction de la station de retraitement des eaux usées de Beit Lahia, située au nord de la bande de Gaza, dont nous avions visité les installations avec notre collègue Bernadette Dupont, mais qui a été sérieusement endommagée lors de l'intervention de l'armée israélienne à Gaza et dont les travaux de reconstruction semblent marquer le pas en raison du blocus de la bande de Gaza, qui empêche notamment l'acheminement de ciment et de matériel de construction.

M. Dov Zerah - La réduction du montant des dons nous oblige à être plus efficaces et donc à concentrer davantage les financements disponibles sur les quatorze pays prioritaires d'Afrique subsaharienne et sur les deux secteurs clés que sont la santé et l'éducation, ce qui permettra à la fois de renforcer la lisibilité et l'efficacité de notre action.

Nous menons actuellement des consultations pour mettre en place un ou deux projets phares destinés aux quatorze pays prioritaires d'Afrique subsaharienne dans l'un ou l'autre de ces deux secteurs.

Ainsi, l'AFD travaille avec de nombreuses ONG sur un projet intitulé « Santé sexuelle et reproduction », consistant à apporter un soutien aux adolescentes enceintes, qui pourrait être mis en place dans les quatorze pays de l'Afrique subsaharienne.

De même, l'AFD a financé la construction d'une maternité dans la capitale de Mauritanie, qui assure à elle seule 7 500 naissances par an, ce qui représente un sixième de toutes les naissances du pays. L'existence de cette seule maternité a permis à la Mauritanie de diminuer le taux de mortalité infantile, conformément aux objectifs du millénaire pour le développement.

De la même manière que nous souhaitons concentrer 80 % des dons sur les quatorze pays prioritaires de l'Afrique subsaharienne, l'AFD souhaite consacrer 80 % des prêts bonifiés sur ces pays.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga - Quel sera le montant des prêts consacrés par l'AFD à l'Afrique subsaharienne en 2011 ?

M. Dov Zerah - En 2011, l'AFD devrait consacrer 1,5 milliard d'euros de prêts à l'Afrique subsaharienne.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga - Selon quelles conditions ?

M. Dov Zerah - Je ne suis pas en mesure de vous répondre car les conditions de prêts dépendent dans une large mesure des conditions d'emprunts sur les marchés financiers. Toutefois, pour les pays les moins avancés, ces prêts sont constitués jusqu'à 65 % d'élément-don.

S'agissant des projets cofinancés par l'AFD dans les territoires palestiniens, les choses progressent, comme j'ai pu m'en rendre compte lors de mon récent déplacement.

Le site de la zone industrielle de Bethleem n'est certes pas idéal, mais le bâtiment administratif devrait être inauguré le 24 décembre et le responsable commercial s'est montré confiant sur le nombre d'entreprises qui seraient intéressés pour s'y implanter.

L'eau est naturellement un enjeu essentiel dans la région et j'ai eu l'occasion de m'entretenir sur ce point avec le Premier ministre palestinien.

La construction de la station d'épuration de Beit Lahia, dont je rappelle qu'elle devrait profiter aussi bien à la partie palestinienne qu'à la partie israélienne, me semble en bonne voie. Je devais me rendre sur place mais cela n'a finalement pas été possible.

M. Robert Hue - Vous dites vouloir passer d'un financement des Etats à un financement des entreprises afin de contourner les problèmes de gouvernance. Quelles précautions prenez-vous pour encadrer l'utilisation que ces entreprises font des deniers publics, quels sont les engagements que prennent ces entreprises à votre égard ?

M. Dov Zerah - Un certain nombre de pays d'Afrique sub-saharienne ne sont pas éligibles aux prêts, conformément aux règles de discipline financière édictées par le FMI. Dans certains cas, pour contourner cette interdiction et poursuivre notre mission, nous sommes conduits à soutenir des projets d'entreprises publiques, dans des domaines comme la santé ou le traitement des eaux, par exemple. Ces projets sont menés avec la même rigueur que les projets conduits en partenariat avec des Etats.

M. Yves Pozzo di Borgo - J'aimerais savoir selon quels critères vous définissez les pays dans lesquels vous intervenez. Lors d'une mission, j'ai pu constater que vous interveniez aussi bien au Nigéria qu'en Angola ou en Afrique du Sud. Pouvez-vous m'indiquer les raisons qui vous ont conduit à intervenir dans ces pays ? Pouvez-vous m'expliquer comment vous pouvez augmenter les recrutements de l'AFD tout en diminuant les frais de fonctionnement ?

M. Dov Zerah - La liste des pays d'intervention est définie par nos autorités de tutelle. Le choix des projets dépend d'une série de critères de faisabilité. Dans ces choix, nous sommes guidés, d'une part, par des documents de stratégie, comme le document cadre de coopération, les documents « cadre d'intervention » par pays ou par secteur, d'autre part, par les propositions qui nous sont faites par nos partenaires. Le choix se porte généralement par des projets qui sont à la croisée de nos préoccupations stratégiques et d'une demande locale. Car, évidemment, nous n'intervenons qu'à la demande de pays partenaires. Nous avons environ 270 millions d'euros de frais de fonctionnement dont 170 millions d'euros de dépenses de personnel. Les gains de productivité doivent donc être obtenus sur les 100 millions d'euros de frais de fonctionnement, hors masse salariale.

Les 14 pays pauvres prioritaires ont été définis par le CICID et correspondent pour l'essentiel à des pays d'Afrique francophone. Cela ne signifie pas qu'il ne faille pas intervenir dans les pays anglophones d'Afrique comme l'a souligné le Président de la République lors du dernier sommet France-Afrique tenu à Nice. L'AFD intervient notamment au Ghana et au Nigéria. Il faut faire attention lorsqu'on compare nos interventions en Afrique et dans les pays émergents car les « tickets d'entrée » dans les projets de coopération dans ces derniers sont, compte tenu de leur taille, nécessairement plus élevés.

Mme Catherine Tasca - Vous avez commencé à donner des informations sur les modalités de fonctionnement de l'AFD. Je voulais rester sur ce terrain, finalement très terre à terre, dans nos relations avec les pays de l'Afrique sub-saharienne, et notamment les 14 pays prioritaires. Est-ce que cette priorité vous conduit à modifier les modalités de travail de l'agence, soit à Paris, soit sur place à travers vos antennes ? Parmi les critiques les plus souvent formulées à l'égard de notre politique d'aide au développement depuis des décennies, la première c'est d'abord que çà n'a pas été très efficace puisque 60 ans après les indépendances, on ne peut pas dire que le développement soit au rendez-vous. Mais une autre critique, fondée à mes yeux, c'est que les objectifs ont souvent été plaqués par la France sur ces pays et de manière unilatérale. Les demandes que vous évoquiez étaient sérieusement cadrées par nous. De ce point du vue, envisagez-vous des changements de méthode pour qu'on puisse enfin parler d'un partenariat sur les projets de développement dans ces pays ?

M. Dov Zerah - Je ne crois pas que l'on puisse dire que la politique d'aide au développement n'ait pas été efficace. Il faut avoir à l'esprit la vigueur de la croissance démographique de l'Afrique. La situation aurait été bien pire si nous n'étions pas intervenus dans ces pays à la suite de leur indépendance. Il faut en outre avoir conscience de la formidable crise qu'ont connue les pays d'Afrique dans les années 90 avec la baisse des cours des matières premières.

En revanche, vous avez raison de dire qu'il se passe quelque chose en Afrique. Il y a aujourd'hui les éléments d'une croissance endogène des pays africains et en particulier des pays sahéliens qui se portent mieux que les pays côtiers. S'agissant de nos méthodes de travail, je ne crois pas que nous puissions accumuler les priorités comme nous l'avons fait jusqu'à présent. Je crois qu'il faut nous concentrer sur un certain nombre de pays, sur certains secteurs. J'ai l'intention de regrouper certaines de nos implantations pour constituer des agences régionales et ainsi revoir la cartographie de notre réseau.

Mme Josette Durrieu - Je souhaiterais également vous interroger au sujet de certaines interventions de l'Union européenne en Israël et dans les territoires palestiniens, qui me paraissent soulever des interrogations. Ainsi, il semblerait que l'Union européenne ait financé un logiciel ayant pour objet de renforcer les contrôles aux frontières. Auriez-vous des éléments à ce sujet ? Est-ce que l'AFD est amenée à participer à de tels projets ?

Ma deuxième question concerne la lutte contre le réchauffement climatique. Est-il réellement pertinent que l'AFD intervienne dans ce domaine ? Quels sont les projets concrets financés par l'AFD ? Est-ce qu'il n'existe pas un risque que ce sujet soit privilégié au détriment d'autres priorités, comme la santé ou l'éducation ? Est qu'au préalable, il ne faudrait pas financer des études sur l'évolution du soleil ?

M. Dov Zerah - Concernant les interventions de l'Union européenne, je ne dispose pas d'éléments me permettant de répondre à votre interrogation. Je peux simplement vous dire que l'AFD n'a pas reçu de délégation de la part de l'Union européenne pour gérer des financements au titre de l'aide au développement dans les territoires palestiniens, à la différence par exemple de ce qui se passe dans certains pays d'Afrique, comme au Sénégal ou au Mali. Les projets financés par l'AFD dans les territoires palestiniens se concentrent sur trois secteurs prioritaires : l'eau, le développement urbain et le secteur privé. Outre la station d'épuration de Beit Lahia et la zone industrielle de Bethleem, l'AFD a participé à la construction d'un tunnel à Naplouse destiné à désengorger la circulation au centre ville. L'AFD intervient également par le biais des ONG.

S'agissant de la lutte contre le réchauffement climatique, il est important que l'AFD intervienne sur ce sujet car celui-ci fait l'objet de nombreux financements multilatéraux. Dans ce domaine, l'action de l'AFD consiste essentiellement à apporter un soutien aux pays qui le souhaitent dans la définition du cadre juridique de lutte contre le réchauffement climatique, en intervenant parfois lors de l'élaboration des législations. L'AFD a notamment développé un projet très important de lutte contre le réchauffement climatique en Indonésie, en aidant les autorités indonésiennes à élaborer une stratégie et un cadre juridique en la matière, qui est un véritable succès.

M. Jacques Gautier - Comment l'AFD intervient-elle dans les pays en crise, comme l'Afghanistan ? Est-elle amenée à travailler essentiellement par le biais des ONG ? Les interventions de l'AFD sont-elles concentrées en priorité sur les zones de présence des forces françaises ? Ne faudrait-il pas augmenter notre effort d'aide au développement dans ce pays, car cela participe aussi au renforcement de la stabilité et de la sécurité ?

M. Dov Zerah - L'AFD dispose d'une expérience pour intervenir dans les pays en crise. Toutefois, compte tenu des moyens dont nous disposons, il faut bien faire un arbitrage entre les différentes priorités. On ne peut pas avoir l'ambition d'une politique universelle d'aide au développement avec des moyens financiers réduits. Il faut faire des choix et c'est la raison pour laquelle l'AFD propose de concentrer 80 % des dons sur les quatorze pays prioritaires d'Afrique subsaharienne dans les deux secteurs prioritaires de la santé et de l'éducation. Les évènements récents au Sahel me semblent d'ailleurs conforter la pertinence de ce choix.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam - J'ai pris connaissance avec un grand intérêt d'une étude sur le financement de « petits projets » par le biais du microcrédit en Afrique, qui avait donné des résultats très positifs. Or, lors d'un récent déplacement en Mauritanie, j'ai eu la surprise de constater que certains « petits projets », comme la construction d'un hôtel par exemple, ne pouvaient pas recevoir de financements de l'AFD, en raison d'un seuil trop faible. Je souhaiterais également connaître votre sentiment sur la situation de l'éducation au Sénégal, qui me paraît préoccupante.

M. Dov Zerah - L'AFD ne refuse pas de financer les « petits projets ». Il existe simplement deux procédures différentes, l'une pour les « grands projets », qui sont mis en oeuvre directement par l'AFD, l'autre pour les « petits projets ».

La situation dramatique de l'éducation en Afrique subsaharienne explique la raison pour laquelle l'AFD souhaite en faire l'une de ses deux priorités, avec la santé. Toutefois, à titre personnel, je m'interroge. Cinquante ans après les indépendances africaines, devons nous continuer à intervenir dans le secteur de l'éducation, qui est un domaine régalien ? L'AFD n'aurait-elle pas davantage vocation à concentrer ses interventions sur la formation de maîtres et la formation professionnelle ? La formation des maîtres permet de s'inscrire dans la durée, et la formation professionnelle présente l'avantage de déboucher sur un emploi, comme elle le fait par exemple au Maroc.

M. Didier Boulaud , président - Avant d'exercer un métier, il faut d'abord savoir lire et écrire !

M. Dov Zerah - Certes, mais nous sommes encore sollicités pour la construction d'écoles ou l'achat de manuels scolaires. Est-ce, cinquante ans après les indépendances, réellement la vocation de l'AFD ?

M. Christian Cambon - Vous n'avez pas mentionné l'Union européenne dans votre intervention, alors qu'elle dispose de fonds très importants en matière d'aide au développement.

Par ailleurs, comme nous avons pu le constater lors d'un déplacement au Mali, avec notre collègue M. André Vantomme, chaque Etat membre a tendance à intervenir de manière dispersée et sans réelle coordination dans ce domaine.

M. Dov Zerah - Comme je vous l'ai indiqué, l'Union européenne délègue parfois à l'AFD la gestion des crédits consacrés à l'aide au développement dans certains pays.

Il existe également des réunions de coordination entre les différents acteurs, comme l'Union européenne ou la Banque européenne d'investissement, afin d'apporter des cofinancements sur certains projets et d'avoir ainsi un « effet de levier ».

Les financements de l'Union européenne en matière d'aide au développement sont effectivement très importants mais l'Union européenne souffre d'un manque de coordination, car les vingt-sept Etats membres n'ont pas les mêmes priorités. Ainsi, aujourd'hui peu de pays membres ont une sensibilité africaine, à l'image de la France. Bien souvent, les négociations à vingt-sept aboutissent à une absence quelques fois de priorités.

Mme Catherine Tasca - La francophonie demeure-t-elle un objectif prioritaire de notre politique d'aide au développement, par exemple dans le domaine de l'éducation ?

M. Dov Zerah - Du point de vue démographique, le nombre de locuteurs francophones en Afrique devrait doubler d'ici 2050. Cela justifie aussi la priorité donnée à l'éducation en Afrique subsaharienne.

M. Jean-Pierre Chevènement - Vous avez évoqué les projections démographiques. La population de l'Afrique augmente de près de vingt-quatre millions d'habitants tous les ans et pourrait atteindre près de 2 milliards d'habitants en 2050 et une grande partie de ces habitants seront des francophones. Cela représente une chance extraordinaire pour notre langue mais aussi une responsabilité particulière pour notre pays. L'éducation représente un domaine élémentaire, comme la santé ou l'agriculture. La France fait-elle assez pour aider les pays d'Afrique, notamment francophones ? Je n'en suis pas certain.

M. Dov Zerah - L'éducation est avec la santé l'une des deux priorités de l'action de l'AFD en matière de dons en Afrique subsaharienne, et je peux ajouter l'agriculture au titre des prêts bonifiés.

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