C. PROPOSITIONS POUR DONNER À LA FRANCE LES MOYENS DE TENIR SES ENGAGEMENTS

1. Un renforcement des outils juridiques

Trois catégories d'outils juridique de protection sont prévues dans le code du patrimoine :

• les ZPPAUP qui vont progressivement devenir des aires de valorisation de l'architecture et du patrimoine (AVAP) en application de la loi du 12 juillet 2010 dite « Grenelle II » (articles L. 642-1 et suivants du code du patrimoine).

La ZPPAUP est un instrument de protection et de mise en valeur du patrimoine culturel et nature, dont peuvent se saisir les collectivités territoriales, pour la mise en oeuvre de leur politique patrimoniale. La ZPPAUP est une servitude d'utilité publique qui s'impose au PLU (Plan local d'urbanisme). À l'intérieur de la ZPPAUP, les travaux sont soumis à autorisation spéciale après avis de l'ABF fondé sur les prescriptions et les recommandations de la ZPPAUP. En application de la loi du 12 juillet 2010 dite « Grenelle II », les ZPPAUP deviennent des AVAP. L'AVAP est élaborée selon les mêmes principes que la ZPPAUP. À l'initiative de la commune, fondée sur un diagnostic partagé, elle fait l'objet de trois documents : un rapport de présentation, un règlement et un document graphique. Les objectifs du développement durable et l'intégration des problématiques énergétiques sont renforcés.

• les secteurs sauvegardés (articles L. 641-1 et suivants du code du patrimoine)

Le secteur sauvegardé est une démarche d'urbanisme qualitatif dont l'objectif est autant de conserver le cadre urbain et l'architecture ancienne que d'en permettre l'évolution harmonieuse au regard des fonctions urbaines contemporaines et en relation avec l'ensemble de la ville. Dans un secteur sauvegardé, les programmes de rénovation et d'aménagement sont encadrés par un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) . Le PSMV est un document d'urbanisme qui remplace le plan local d'urbanisme (PLU) sur le périmètre des secteurs sauvegardés. Le PSMV est élaboré par l'État alors que le PLU relève des communes.

• La loi de 1930 sur les monuments naturels et les sites (articles L. 341-1 à L. 341-22 du code de l'environnement et article L. 630-1 du code du patrimoine)

Elle concerne les sites naturels dont la conservation ou la préservation présente au point de vue artistique, scientifique, légendaire ou pittoresque, un intérêt général . Comme pour les édifices, celle-ci prévoit deux degrés de protection en fonction des caractéristiques et de la valeur patrimoniale du site : le classement et l'inscription. L'initiative de ces deux mesures relève de la commission départementale des sites, perspectives et paysages, qui se prononce après avis du conseil municipal de la commune concernée dans le cas de l'inscription.

Comme l'ont indiqué les personnes auditionnées par votre rapporteur, ces outils ne sont pas adaptés aux enjeux évoqués plus haut, notamment parce qu'on ne peut multiplier les zones de protection alors que les collectivités sont très nombreuses. La principale carence réside dans le fait qu'il n'existe aucune norme juridique spécifique : l'absence de la notion de patrimoine mondial de notre corpus juridique, et notamment du code du patrimoine, rend illusoire la capacité de l'État à garantir le respect des enjeux propres à ces sites dans une organisation décentralisée. Toutefois, il serait contre productif de créer une zone de protection spécifique au patrimoine mondial car ce serait une procédure lourde et complexe à mettre en oeuvre. Votre rapporteur estime en revanche nécessaire de rappeler l'existence des biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial et les exigences de préservation qui s'imposent à l'État. Le code du patrimoine devrait permettre de définir une hiérarchie des priorités patrimoniales à travers une hiérarchie des normes clairement établie.

Proposition n° 1

Insérer, dans le code du patrimoine, une disposition relative au patrimoine mondial, rappelant que la valeur patrimoniale des biens ou sites concernés doit être prise en considération et respectée.

2. Un renforcement de la place de l'État dans le cadre de l'urbanisme décentralisé

Votre rapporteur a souhaité approfondir la piste des règles et procédures d'urbanisme compte tenu des enjeux du patrimoine mondial qui concernent des sites particulièrement étendus pour lesquels la valeur paysagère est très importante. L'urbanisme est une compétence des collectivités territoriales à travers laquelle s'exprime le principe constitutionnel de libre administration. Mais si l'urbanisme est décentralisé, il n'en reste pas moins que la loi prévoit expressément l'intervention de l'État en amont de la procédure d'élaboration des documents d'urbanisme.

Rappelons tout d'abord que le SCOT comme le plan local d'urbanisme (PLU) déterminent, en vertu de l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme, les conditions d'assurer :

- l'équilibre entre le renouvellement urbain, l'utilisation des espaces naturels et la sauvegarde des ensembles urbains et du patrimoine bâti remarquable ;

- la diversité des fonctions urbaines et rurales et la mixité sociale dans l'habitat ;

- les objectifs écologiques que sont la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

L'article L. 121-2 dispose que « L'État veille au respect des principes définis à l'article L. 121-1 et à a la prise en compte des projets d'intérêt général ainsi que des opérations d'intérêt national. Le Préfet porte à connaissance des communes ou de leurs groupements compétents les informations nécessaires à l'exercice de leurs compétences en matière d'urbanisme . » On parle ainsi du « porter à connaissance » expressément mentionné au dernier alinéa de l'article précité.

Le dispositif obligatoire relevant du rôle de l'État, le « porter à connaissance » (PAC) contient deux types d'informations :

1) les informations légales et réglementaires (directives, lois, ordonnances, décrets, arrêtés, etc.) Il s'agit de documents ayant une portée juridique certaine : servitudes d'utilité publique, projets d'intérêt général (PIG), directives territoriales d'aménagement (DTA 4 ( * ) ), dispositions relatives aux zones de montagne et au littoral (application des lois montagne et littoral), opérations d'intérêt national, ou toute autre information d'ordre réglementaire.

2) les informations nécessaires aux collectivités :

• les études techniques dont dispose l'État relatives aux risques, à l'environnement, à l'inventaire du patrimoine culturel (article L. 121-2) ;

• les études et données utiles en matière d'habitat, de déplacements, de démographie, d'emploi et de gestion de l'eau, les diagnostics territoriaux, les études réalisées dans le cadre des DTA, etc. ;

• les informations relatives aux projets de l'État qui pourraient orienter les choix des collectivités, dont notamment celles relatives aux projets inscrits dans les schémas de services collectifs ou relevant de décisions du Comité interministériel à l'aménagement et au développement des territoires (CIADT).

Les informations ont un caractère officiel : elles peuvent être jointes au dossier d'enquête publique. Le PAC doit donc préciser clairement le statut et la portée des informations et documents transmis.

Votre rapporteur estime que l'État devrait prévoir d'intégrer, dans le PAC, une information relative à l'existence des sites classés au patrimoine mondial en rappelant quels sont les engagements le liant en vertu de la convention de 1972. Une telle mesure aurait l'avantage de ne pas créer un outil supplémentaire et de ne pas complexifier davantage la réglementation, mais elle garantirait la cohérence et le respect les obligations relatives au patrimoine mondial qui peuvent aujourd'hui faire défaut. En outre, le niveau du SCOT semble particulièrement adapté aux enjeux nés de la reconnaissance de sites très étendus, d'autant que la loi du 12 juillet 2010 dite « Grenelle II » a prévu sa généralisation à l'ensemble du territoire en 2017 .

Enfin, le code de l'urbanisme définit un outil qui pourrait s'avérer utile dans le cadre du PAC. Il s'agit du projet d'intérêt général (PIG) qui pourrait être particulièrement adapté aux nécessités de protection, comme cela apparaît à la lecture de l'article R. 121-3 du code de l'urbanisme.

Article R. 121-3 du code de l'urbanisme

Peut constituer un projet d'intérêt général au sens de l'article L. 121-9 tout projet d'ouvrage, de travaux ou de protection présentant un caractère d'utilité publique et répondant aux conditions suivantes :

Être destiné à la réalisation d'une opération d'aménagement ou d'équipement, au fonctionnement d'un service public, à l'accueil et au logement des personnes défavorisées ou de ressources modestes, à la protection du patrimoine naturel ou culturel , à la prévention des risques, à la mise en valeur des ressources naturelles ou à l'aménagement agricole et rural ;

2° Avoir fait l'objet :

a) Soit d'une délibération ou d'une décision d'une personne ayant la capacité d'exproprier , arrêtant le principe et les conditions de réalisation du projet, et mise à la disposition du public ;

b) Soit d'une inscription dans un des documents de planification prévus par les lois et règlements, approuvé par l'autorité compétente et ayant fait l'objet d'une publication.

Les projets relevant de l'initiative des communes ou de leurs groupements compétents pour élaborer un document d'urbanisme ou des communes membres de ces groupements ne peuvent être qualifiés de projets d'intérêt général pour l'application de l'article R. 121-4.

Votre rapporteur souhaite ici rappeler son attachement aux règles qui imposent non pas une norme prédéfinie ou une logique d'interdiction, mais une réflexion sur la façon dont les collectivités doivent tenir compte des enjeux patrimoniaux .

Proposition n° 2

L'État doit inclure, dans le porter à connaissance des SCOT, les informations relatives aux exigences de protection du patrimoine mondial lorsqu'un bien ainsi classé est implanté sur le territoire des collectivités concernées.

* *

*

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » . Elle a néanmoins exprimé son inquiétude quant à la diminution de certains crédits, notamment en faveur des parcs nationaux, et a indiqué qu'elle serait particulièrement vigilante à l'occasion du PLF pour 2012.


* 4 En application de la loi du 12 juillet 2010 dite « Grenelle II », les DTA vont devenir des DTADD, directives territoriales d'aménagement et de développement durables.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page