3. La poursuite vers le BTS

Dans la foulée de la remise du rapport Sarrazin sur l'enseignement supérieur technologique court en janvier 2010, votre rapporteure s'est particulièrement intéressée à la liaison entre le baccalauréat professionnel et le BTS, puisque cette possibilité de poursuite d'études a été mise en avant dès le début de la réforme. Les familles et les élèves paraissent y avoir été sensibles. Ainsi, 60 % des jeunes en seconde professionnelle, suivis dans l'étude de M. Vincent Troger, disent envisager de continuer après le baccalauréat pour tenter d'obtenir un BTS. Sans doute ce chiffre diminuera-t-il sous l'effet de la démotivation des élèves, des sorties en cours de formation, des échecs aux épreuves finales ou à l'inverse d'excellentes perspectives d'emploi au niveau IV. Il n'en reste pas moins que les demandes d'admission en STS vont probablement croître brutalement à partir de 2013 , alors que les flux actuels de bacheliers professionnels sont faibles.

Or, l'examen du profil actuel des élèves préparant un BTS et de leur perspective de réussite au diplôme en fonction de leur formation initiale révèle que les bacheliers professionnels souffrent d'un net désavantage . En 2009, 48 % des étudiants en BTS sont titulaires d'un bac technologique s'effrite. Cette proportion s'élevait cependant encore à 53 % en 2006. L'érosion de la prédominance des bacheliers technologiques témoigne notamment des effets d'une politique d'ouverture des STS au profit des bacheliers professionnels, dont la part n'a cessé de croître depuis dix ans pour atteindre 19 % des effectifs en 2009. 27 ( * )

Mais, les taux de réussite des bacheliers professionnels en BTS sont beaucoup plus faibles que ceux des bacheliers généraux ou technologiques . Il y avait l'année dernière 30 362 bacheliers professionnels en BTS, seuls 14 776 ont été admis aux examens, soit 48,7 % de réussite. En comparaison, le taux de réussite en BTS des bacheliers généraux est de 80,4 %, avec un pic à 82,4 % pour les titulaires d'un bac S, et celui des bacheliers technologiques est de 69,3 % avec un pic à 77,6 % pour la filière STI. 28 ( * )

Plus grave encore, si l'on examine plus finement les résultats des bacheliers professionnels, on s'aperçoit que deux tiers d'entre eux sont engagés dans un BTS après une spécialisation dans le tertiaire et que dans ce secteur, le taux de réussite tombe à 42,8 %. La moyenne est rehaussée par les performances des bacheliers professionnels issus de filières de production qui sont 61,1 % à obtenir leur diplôme. Ces chiffres sont d'autant plus inquiétants que dans certaines spécialités du tertiaire - notamment secrétariat et comptabilité - dont les effectifs en lycée professionnel sont très importants, l'insertion professionnelle sans diplôme du supérieur est extrêmement difficile. Ils témoignent d'une désaffection et d'un déficit d'image des carrières industrielles, y compris au niveau du BTS, alors même que les perspectives d'emploi y sont très intéressantes.

Insister sur la poursuite d'études en BTS des bacheliers professionnels et inciter ces derniers à se lancer dans cette formation comme alternative à l'entrée sur le marché du travail se révéleront donc très contre-productifs si une politique volontariste d'accompagnement n'est pas mise en place. Il est important, tout d'abord, de ne pas créer de faux-espoirs dans les familles, ensuite de repérer les élèves de bon potentiel dès la terminale professionnelle pour leur proposer des modules de soutien personnalisé tout au long de l'année. L'échec en BTS des bacheliers professionnels par rapport à leurs camarades d'autres filières vient souvent d'acquis nettement plus fragiles dans les matières scolaires traditionnelles, en langues vivantes tout particulièrement. L'accompagnement en terminale devra s'atteler spécialement à une remise à niveau dans ces disciplines.

Éventuellement, il pourrait être envisagé d'ouvrir sur quelques mois à la rentrée, de septembre à décembre par exemple, des sas de remise à niveau destinés aux bacheliers professionnels décidés à s'inscrire en BTS. Ce dispositif nécessiterait un aménagement de l'organisation de la première année de BTS, en reculant jusqu'en décembre la date limite d'inscription. L'accompagnement en amont au lycée professionnel et dans la phase de transition, grâce à un sas, devrait être poursuivi en aval, dans l'enseignement supérieur lui-même, où une attention spéciale devrait être accordée aux bacheliers professionnels. Ceux-ci ont en effet perdu le contact avec les formes scolaires d'apprentissage, sous forme de cours magistral par exemple, qui bien souvent ne leur convenaient pas et justifiaient au contraire le choix d'une autre pédagogie dans la voie professionnelle. Il serait possible par exemple, de jouer sur l'alternance des stages en entreprises et des cours pour différencier les rythmes d'apprentissage au moins pendant une partie de la première année : certains bacheliers professionnels pourraient suivre des cours supplémentaires ou des remises à niveau dispensés par les professeurs de BTS pendant que les étudiants effectuent leur premier stage ; l'ensemble des étudiants seraient ensuite mélangés dans la suite du cursus pour enclencher une dynamique de classe positive.

En revanche, les auditions menées par votre rapporteure la laissent extrêmement sceptique quant à l'utilité de proposer une année supplémentaire de formation en préparation à l'entrée au BTS pour les seuls bacheliers professionnels. Cet allongement d'études imposerait, en effet, un coût financier difficilement supportable pour certaines familles défavorisées. Ensuite, cette année supplémentaire probablement consacrée uniquement aux disciplines scolaires équivaudrait à une régression pédagogique pour les élèves, ramenés brutalement à leurs années de collège. Ceci risquerait de décourager certains élèves qui auraient pu réussir en BTS et décrocheraient en cours de formation.

Enfin, il est fondamental de ne pas abandonner à leur sort les bacheliers professionnels qui échouent dans l'enseignement supérieur général, aussi peu nombreux soient-ils. Les universités devraient repérer en cours de formation les élèves les plus en difficulté et leur proposer soit une réorientation éventuelle en BTS, soit un accompagnement vers le monde du travail.


* 27 Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, Repères et références statistiques 2010, p. 236.

* 28 Ibid., p. 237.

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