II. L'ORIENTATION : UN CHANTIER À L'ARRÊT

A. LUTTER CONTRE L'INERTIE SOCIALE

1. La persistance des logiques de reproduction

La rénovation de la voie professionnelle n'a pas pour l'instant infléchi significativement les phénomènes de reproduction des inégalités sociales. L'orientation à l'issue du collège connaît toujours de grandes disparités selon le milieu d'origine de l'enfant. La logique de tri social reste malheureusement prépondérante.

En 2009, à l'issue de la Troisième, plus de la moitié des élèves se sont orientés vers une seconde générale et technologique (58,8 % en 2009) et 25,8 % d'entre eux ont intégré la voie professionnelle. L'orientation se fait en fin de classe de 3 e , soit vers une première année de baccalauréat professionnel en trois ans, soit vers un CAP ou un BEP en deux ans. Dans le cadre de la réforme, la formation de BEP est remplacée progressivement si bien qu'à la rentrée 2009, quatre spécialités seulement subsistaient. À la rentrée 2009, 3,3 % des élèves de 3 e ont rejoint les derniers BEP, 5 % des CAP et 17,4 % une seconde professionnelle.

Orientation effective des élèves après la troisième (en %)
France métropolitaine + DOM - Public et Privé

2000

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Seconde générale et technologique

56,7

56,6

56,4

56,6

56,5

56,7

57,2

58,8

Second cycle professionnel dont:

26,3

26,8

26,8

26,7

26,3

26,3

26,3

25,8

- Première année de BEP en 2 ans

23,7

23,4

23,2

23,0

22,4

22,2

15,4

3,3

- Première année de CAP en 2 ans

2,4

3,2

3,3

3,4

3,4

3,5

3,9

5,0

- 2nde professionnelle

(Première année de BPRO en 3 ans) (1)

-

-

-

0,2

0,4

0,5

7,0

17,4

- Autres formations professionnelles (2)

0,2

0,2

0,3

0,1

0,1

0,1

0,0

0,1

Redoublement de la troisième

6,6

6,3

6,5

6,1

6,2

5,8

5,4

5,0

Entrées en apprentissage, orientations hors éducation nationale et sorties du système éducatif

10,4

10,4

10,3

10,5

10,9

11,0

11,0

10,4

(1) Première année de baccalauréat professionnel en 3 ans à partir de la classe de 3 e .

(2) Première année de CAP en 3 ans ou CAP en 1 an.

Source : ministère de l'éducation nationale

La part des élèves de milieu enseignant est proportionnellement plus élevée dans le second cycle général et beaucoup plus faible dans l'enseignement professionnel. Au sein même de la voie professionnelle, ces élèves se dirigent plus vers le bac professionnel que vers le CAP. Ainsi, ils représentent 3,2 % de l'effectif global dans le secondaire mais 4,7 % des effectifs de lycée GT contre seulement 0,7 % des CAP. Il en est de même pour les enfants de parents exerçant une profession libérale ou d'encadrement : comptant pour 18,1 % des effectifs du secondaire, ils ne représentent que 7,2 % des baccalauréats professionnels et 4,5 % des CAP contre plus d'un quart des lycéens de la voie générale et technologique.

Les enfants d'ouvriers, de chômeurs n'ayant jamais travaillé ou de personnes sans activité sont en revanche surreprésentés dans le second cycle professionnel. 52,6 % des élèves en voie professionnelle sont issus d'une famille d'ouvriers ou de personnes sans activité, alors qu'ils ne représentent que 36,3 % de l'effectif global du secondaire. En outre, ces élèves vont plus souvent en CAP qu'en bac professionnel : 19,3 % des enfants de chômeurs visent ce diplôme de niveau V contre 11 % pour celui de niveau IV. Cette caractéristique les distingue d'ailleurs des enfants d'employés, qui, s'ils sont proportionnellement plus nombreux dans la voie professionnelle vont davantage vers le baccalauréat que vers le CAP.

Élèves du second degré selon la catégorie sociale
de la personne responsable de l'élève en 2009-2010 (en %)

Agricul-teurs

Artisans, commerçants

Prof.lib., cadres

Prof. interméd.

Enseignants

Employés

Ouvriers

Sans activité

Second cycle GT

2,1

10,7

25,2

15,6

4,7

15,6

18,9

4,7

CAP

1,2

7,1

4,5

8,5

0,7

17,0

38,0

19,3

BEP

1,6

8,7

5,9

11,6

0,9

18,5

38,0

11,3

Bac pro

1,6

9,2

7,2

11,7

1,0

18,9

35,2

11,2

Ensemble

2,1

10,2

18,1

13,4

3,2

16,6

26,5

7,7

Source : RERS 2010 - ministère de l'éducation nationale

Le système éducatif et les représentations sociales conjuguent leur effet pour condamner les enfants de milieu populaire à une insertion professionnelle très rapide, souvent avec des perspectives d'emploi, de salaire et de carrière restreintes. C'est pourquoi votre rapporteure estime qu'il est temps de rompre avec un utilitarisme à courte vue qui transforme l'orientation en un pur mécanisme de sélection des meilleurs et d'affectation des plus faibles en fonction des variations de la demande de main-d'oeuvre des employeurs. Il faut remettre à plat la conception française de l'orientation, en s'inspirant éventuellement des exemples scandinaves pour remédier à ces effets de sélection sociale et accroître l'équité du système scolaire.

Enfin, votre rapporteure tient également à ce que les inégalités de genre soient combattues, afin de briser les représentations mentales et sociales qui enferment jeunes gens et jeunes filles dans des stéréotypes professionnels archaïques. Dans la voie professionnelle, ces clivages sont particulièrement marqués. Les filles se concentrent dans les spécialités de la coiffure, de l'esthétique, du secrétariat, des carrières sanitaires et sociales, tandis que les garçons accaparent la mécanique, le bâtiment, la logistique ou l'électricité. Ces orientations obligées en fonction de l'image masculine ou féminine de certains métiers ne sont pas une fatalité, comme le montrent certains exemples inattendus. Ainsi, la spécialité professionnelle peinture et revêtement a connu en quelques années une féminisation drastique, parce qu'elle est désormais considérée comme une voie possible d'accès à la profession de décorateur d'intérieur.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page