EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 24 novembre 2010, sous la présidence de M. Jacques Legendre, président, la commission examine le rapport pour avis de M. Jean-Claude Carle et Mmes Françoise Férat et Brigitte Gonthier-Maurin sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire » dans le projet de loi de finances pour 2011 .

Mme Catherine Morin-Desailly . - Monsieur le rapporteur Carle, pourriez-vous nous donner des précisions sur le recul des crédits de l'enseignement artistique et culturel en dépit des ambitions affichées ? Lors de l'examen de la proposition de loi visant à garantir un droit à l'oubli sur Internet, nous avions longuement évoqué la nécessité de sensibiliser les enseignants aux nouvelles technologies. Des crédits ont-ils été dégagés pour ce faire ? Enfin, le financement du plan « Écoles numériques rurales » est-il reconduit l'an prochain ?

Mme Françoise Laborde . - Monsieur Carle, je me réjouis de la hausse des crédits de la mission, mais nous reparlerons de votre proposition de transférer des crédits à l'enseignement privé. Madame Férat, pour votre dixième anniversaire en tant que rapporteur, je vous félicite de votre persévérance. En revanche, comme Mme Gonthier-Maurin, je suis moins optimiste concernant l'avenir de l'enseignement professionnel.

M. Pierre Martin . - Je continue de m'interroger sur la mastérisation des enseignants du premier degré : qu'apporte-t-elle aux enfants ? Là est la question essentielle.

Un point peu abordé par les rapporteurs : les emplois de vie scolaire (EVS). Leur présence est indispensable à l'accompagnement des enfants en difficulté. Or, leur intervention étant désormais gérée par Pôle emploi ou les associations de service, l'enfant voit se succéder deux ou trois EVS au cours de la même année scolaire. L'Éducation nationale doit intervenir pour régler ce problème.

Mme Françoise Cartron . - Juste ! Le lien que l'AVS (auxiliaire de vie scolaire) tisse avec l'enfant est primordial pour la réussite scolaire ; passons à un autre mode de recrutement.

La mastérisation des enseignants donne lieu à un grand cafouillage. Une fois l'évaluation terminée, il y aura urgence à repenser le mode de formation des enseignants : je crains que les disparités constatées sur le terrain ne conduisent à des régressions.

L'enseignement scolaire, nous dit-on, doit être solidaire de la politique de réduction de la dépense publique. Jusqu'alors, l'enseignement privé a été moins sollicité. Les coupes ont surtout touché le public, notamment les RASED (réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté). Pour autant, mieux vaudrait défendre les crédits de l'enseignement en général pour obtenir leur sanctuarisation, comme ceux de l'enseignement supérieur. Repensons la philosophie générale, il y va de l'avenir de nos enfants ! Enfin, étendons l'excellente innovation des postes d'animateurs culturels dans l'enseignement agricole à l'Éducation nationale !

M. Jean-Luc Fichet . - L'enseignement agricole n'est pas exemplaire. Sa situation, loin d'être convenable, est désastreuse : restructurations d'établissements, suppressions de postes et refus d'élèves à cause du manque de places. Éparpillé sur le territoire, il est menacé comme le sont les maisons familiales et rurales. Pourtant, celles-ci jouent une fonction sociale en donnant à des élèves parfois en difficulté une vraie chance de s'en sortir grâce à un enseignement innovant. M. Juppé, dans son discours, a émis le souhait de doubler les crédits de la formation en alternance. Pourquoi les supprimer dans cette mission ? Ce budget suscite beaucoup d'inquiétudes et le désespoir des maires ruraux. Bientôt, il ne subsistera un enseignement agricole qu'en ville !

M. Yannick Bodin . - Dans sa récente intervention télévisée, le Président de la République n'a pas prononcé une seule fois le mot « éducation ». M. Fillon, dans son discours de politique générale, ne l'a fait que pour féliciter M. Chatel. C'est dire qu'elle n'est pas la priorité ! A lire ce budget, la feuille de route confiée au ministre tient en peu de mots : faites des économies ! D'ailleurs, M. Chatel l'a reconnu. Mais pourquoi justifier cette réduction des moyens par des théories ? La scolarisation des enfants de moins de trois ans ne serait pas bénéfique, nous explique-t-on, à coups d'arguments psychologiques. Je connais pourtant de nombreuses familles où elle représenterait un avantage pour l'enfant !

Autre exemple : on supprime les langues étrangères en primaire ou bien les RASED et ensuite on théorise pour justifier ces suppressions. Mieux vaudrait dire franchement : « on supprime parce qu'on n'a pas de sous ! » Dans son plan d'austérité, le Premier ministre britannique Cameron, pourtant conservateur bon teint, a épargné un seul chapitre qu'il considère comme sacré : l'éducation. Il y a des jours où l'on regrette de ne pas être anglais...

M. Jacques Legendre, président . - Ce n'est pas l'opinion des étudiants britanniques...

M. Claude Domeizel - Je m'étonne du salaire des médecins scolaires : 1 755 euros mensuels ! Quel est leur statut exact, est-il différent de ceux de la médecine du travail ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis . - Ce sont deux corps différents. Celui de la médecine du travail est beaucoup plus attractif puisque, au sein même de l'éducation nationale, le salaire des médecins du travail pour les personnels est quasiment le double de celui des médecins scolaires.

M. Jacques Legendre, président . - Quant à moi je m'inquiète de la poursuite de la mise en place des écoles numériques en milieu rural. J'en ai visité beaucoup, j'ai constaté l'intérêt qu'elles suscitent chez les élèves comme chez les élus locaux. Il serait bon de poursuivre l'effort qui, en 2009, s'est élevé à 67 millions. Mais aucun crédit n'est prévu pour cela. Je proposerai donc un amendement qui prélève 25 millions sur les crédits du programme « Enseignement scolaire public du 2 nd degré » pour les affecter à ces écoles numériques.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis . - Pour la première fois, on diminue de 4 500 postes les contrats aidés que sont les EVS. Un amendement adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale leur a affecté 20 millions pour permettre à l'Éducation nationale d'appliquer la loi sur le revenu de solidarité active (RSA). La charge de l'Éducation nationale passerait de 10 à 20 %, voire 30 % du financement. Or M. Chatel nous a dit que cette part ne dépasserait pas 10 %. Donc, qui va payer ?

Je ne partage pas l'optimisme de Mme Férat. D'après ce que nous avions voté l'an dernier, nous devrions retrouver 150 ETP dans le budget de cette année. Or, nous ne les voyons pas. Enfin, avez-vous des informations sur le sort des emplois administratifs de l'enseignement agricole ?

Maintenant, en tant que rapporteur pour avis, je réponds à Mme Laborde que l'objectif est de rehausser la voie professionnelle au niveau des autres filières, aux yeux des élèves et des familles. Or, il y aura en 2013 un afflux de candidats à l'entrée en BTS ; il faudrait prévoir des dispositifs particuliers pour les élèves de l'enseignement professionnel pour qu'ils parviennent au niveau des autres bacheliers. Je crains donc une onde de choc, un risque de déprofessionnalisation, de perte de substance et d'utilité de cette filière quant aux objectifs d'insertion professionnelle et de poursuite dans l'enseignement supérieur.

M. Jacques Legendre, président . - C'est en effet un problème à creuser et à anticiper.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis . - Madame Morin-Desailly, les crédits des enseignements artistiques et culturels s'élèvent à 2 138 millions contre 2 105 en 2010. Ils ont été intégrés dans les programmes du primaire où se pose encore le problème de la formation des enseignants, puis dans les programmes du collège en 2009 et du lycée en 2010. Aucun crédit n'étant prévu pour l'école numérique, je soutiens tout à fait l'amendement du président.

La dévalorisation de la médecine scolaire est inacceptable. Pour rendre cette profession plus attractive, il suffirait d'un million. Mon amendement propose de le prélever du programme « Soutien de la politique de l'éducation nationale » pour le transférer sur le programme « Vie de l'élève ». Ce prélèvement se ferait sur une ligne de l'administration centrale dotée de plusieurs milliards.

Monsieur Martin, les AVS sont des contractuels dont 12 000 sont pris en charge par l'Éducation nationale, 40 par des associations et 325 par des collectivités territoriales.

Madame Cartron, j'ai parlé de disparité entre les académies. J'ai dit au ministre que la situation était inacceptable ; il a promis de faire un rapport d'étape à la fin de ce mois.

Avec mon second amendement je ne vise pas du tout à opposer les enseignements public et privé. Mais l'enseignement privé remplit une mission de service public ; je le dis d'autant plus facilement que je suis un pur produit de l'enseignement public ainsi que mes enfants. Et je proposerais le même amendement si la situation était inverse. Si 14 000 postes sont supprimés dans le public, 5 600 de ces suppressions ne sont que des régularisations de surnombres dans le primaire. Le public ne subissant donc que 8 167 suppressions, l'effort demandé au privé paraît disproportionné. En outre, cet enseignement privé ne disposant pas de titulaires sur zones de remplacement (TZR) ni de surnombres, sa capacité à supporter les réductions de postes est plus faible que celle du public et ces suppressions vont entraîner la fermeture d'établissements. C'est pourquoi je propose un rééquilibrage en transférant 4 millions du programme « Soutien de la politique de l'éducation nationale » au programme « Enseignement privé du premier et du second degré ».

M. Yannick Bodin - Le Président de la République n'a pas prononcé une seule fois le mot « éducation ». Pour moi, c'est le meilleur investissement de la Nation à condition que ses résultats soient soumis à évaluation. Tout dépend moins des moyens qui y sont affectés que de la bonne répartition de ces moyens. Sur l'école numérique, je suis favorable à l'amendement du président.

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis . - Oui, madame Gonthier-Maurin, les 150 ETP sont bien budgétés en année pleine, même si, je vous l'accorde, c'est peu lisible dans ce budget.

Certes, il y a des suppressions d'emploi, mais l'important c'est l'augmentation de 2,5 %, obtenue malgré les contraintes budgétaires. Je crois beaucoup à la mutualisation des moyens et je vous donne rendez-vous l'an prochain pour en faire le bilan : si la situation ne s'est pas améliorée, nous en tirerons alors les conséquences.

La commission émet un avis favorable sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

Examen des amendements sur l'article 48 État B

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis . - Mon premier amendement, que j'ai déjà défendu, abonde d'un million le programme « Vie de l'élève » afin de revaloriser les carrières de la médecine scolaire.

L'amendement est adopté.

M. Jean-Claude Carle , rapporteur pour avis . - Mon second amendement transfère aux crédits de l'enseignement privé 4 millions afin de créer 100 EPTP, soit 250 postes. Cette somme est prélevée sur une ligne de l'administration centrale dotée de 2,1 milliards de crédits fongibles. Elle n'est pas prélevée sur les crédits de l'enseignement public mais sur une ligne surabondamment dotée.

L'amendement est adopté.

M. Jacques Legendre, président . - Mon amendement, déjà défendu, transfère 25 millions au programme « Soutien de la politique de l'éducation nationale » pour financer les écoles numériques et je serais heureux si toute la commission le soutenait en séance publique.

L'amendement est adopté à l'unanimité.

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