D. UN CONTENTIEUX DE LA RESPONSABILITÉ EN DÉVELOPPEMENT

Le contentieux en matière de responsabilité de l'Etat du fait des conditions de détention connaît depuis plusieurs mois une importante augmentation.

Ainsi, depuis l'été 2009, près de 150 personnes détenues ont saisi les juridictions administratives dans le cadre de requêtes relatives à leurs conditions de détention. A titre de comparaison, en 2008, une trentaine de personnes détenues environ avaient saisi les juridictions administratives de recours au fond ou de référés expertise en la matière.

Les requêtes en matière de conditions de détention se concentrent sur une quinzaine d'établissements pénitentiaires à ce jour, tant en métropole qu'outre-mer. Toutefois, certains établissements font l'objet de nombreux recours, et en particulier la maison d'arrêt de Rouen et celle de Caen.

Plusieurs de ces recours se caractérisent par leur caractère collectif. Ainsi à la maison d'arrêt de Rouen, deux requêtes formées respectivement par trente-huit et vingt-cinq détenus ont été déposées à quelques semaines d'intervalle.

La plupart des personnes détenues sollicitent du juge administratif, par la procédure de référé constat ou expertise, la désignation d'un expert aux fins de constater les conditions de détention au sein de l'établissement fréquenté.

Les frais liés à ces expertises sont particulièrement importants : l'expert établit un état des frais et honoraires qui peut varier de 2.000 € à 4.000 € par requérant, et tient compte du nombre de visites effectuées et de la taille de l'établissement.

Par la suite, à l'appui de ces rapports d'expertise, les personnes détenues peuvent saisir le juge des référés dans le cadre d'un référé provision aux fins de condamnation de l'Etat à leur verser une provision en réparation du préjudice qu'elles estiment avoir subi du fait de leurs conditions de détention.

Parallèlement, les requérants peuvent adresser au ministère de la justice et des libertés des demandes d'indemnisation préalable, et enfin exercer un recours au fond en cas de réponse négative.

Près de la moitié des 150 personnes détenues qui se sont manifestées ont saisi le juge d'une demande d'expertise ; les autres requérants se sont appuyés, au soutien de leur demande, sur les conclusions d'expertise réalisées dans le cadre d'autres affaires.

Par ailleurs, à ce jour, les deux tiers des 150 détenus ont sollicité du juge administratif le versement d'une provision.

Les juridictions administratives font généralement droit aux requêtes déposées par les personnes détenues en matière de conditions de détention.

Ainsi, les demandes de référé expertise ou de référé constat sont satisfaites dans plus de 80% des cas.

Par ailleurs, jusqu'alors, la totalité des référés provision a abouti. Le montant des provisions allouées s'échelonne de 250 € à 4.000 €, pour une moyenne d'environ 1.800 € alloués pour chaque requérant par les deux juridictions principalement saisies.

Enfin, à ce jour, seules six décisions ont été rendues au fond ; cinq d'entre elles ont fait droit aux demandes des requérants, en allouant des sommes variant entre 1.000 et 10.000 €.

L'évaluation prospective de ce contentieux, et des sommes auxquelles l'Etat est susceptible d'être condamné, demeure délicate. Potentiellement, toutes les personnes détenues, qu'elles soient prévenues ou condamnées, et quel que soit le type d'établissement dans lequel elles sont écrouées, sont susceptibles de réclamer le versement de provisions dans le cadre d'un référé et d'exercer un recours au fond, dès lors qu'elles estimeraient que leurs conditions de détention leur ouvrent droit à réparation. En outre, une même personne a la possibilité de solliciter le versement de plusieurs provisions au cours de sa détention.

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