Avis n° 116 (2010-2011) de M. Bernard SAUGEY , fait au nom de la commission des lois, déposé le 18 novembre 2010


N° 116

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 novembre 2010

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2011 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME IX

RELATIONS AVEC LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Par M. Bernard SAUGEY,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest , président ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Patrice Gélard, Jean-René Lecerf, Jean-Claude Peyronnet, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, M. François Zocchetto , vice-présidents ; MM. Laurent Béteille, Christian Cointat, Charles Gautier, Jacques Mahéas , secrétaires ; M. Alain Anziani, Mmes Éliane Assassi, Nicole Bonnefoy, Alima Boumediene-Thiery, MM. Elie Brun, François-Noël Buffet, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Yves Détraigne, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Pierre Fauchon, Louis-Constant Fleming, Gaston Flosse, Christophe-André Frassa, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Mme Jacqueline Gourault, Mlle Sophie Joissains, Mme Virginie Klès, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jacques Mézard, Jean-Pierre Michel, François Pillet, Hugues Portelli, Bernard Saugey, Simon Sutour, Richard Tuheiava, Alex Türk, Jean-Pierre Vial, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 2824, 2857, 2859 à 2865 et T.A. 555

Sénat : 110 et 111 (annexe n° 24 ) (2010-2011)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Après avoir entendu M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales le 9 novembre 2010, la commission des Lois, réunie le 17 novembre 2010 sous la présidence de M. Jean Jacques Hyest, président, a examiné sur le rapport pour avis de M. Bernard Saugey, les crédits alloués à la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et au compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » par le projet de loi de finances pour 2011.

M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis, a tout d'abord souligné que l'année 2011 inaugurerait un degré inédit de modération budgétaire pour les collectivités territoriales, les concours de l'État à ces dernières étant désormais soumis à une norme de progression « zéro valeur » qui succède à la norme « zéro volume » mise en place lors des exercices 2009 et 2010. Ayant rappelé que, en vertu de la loi de programmation des finances publiques 2011-2014, l'État appliquerait cette même norme de progression à l'ensemble de ses dépenses, il a relevé que ce gel en valeur s'accompagnerait d'une réduction du périmètre de l'« enveloppe normée » (dont seront exclus le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée -FCTVA- et le prélèvement « amendes forfaitaires », conformément aux demandes récurrentes des associations d'élus locaux).

Indiquant que le projet de loi de finances pour 2011 était l'occasion, pour le gouvernement, de mettre en oeuvre la « clause de rendez-vous » insérée par le Sénat au sein de la loi de finances pour 2010 et de parachever la réforme de la taxe professionnelle en affinant les caractéristiques de la contribution économique territoriale (CET), M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis, a précisé que la mise en place de la CET aurait pour conséquence un renforcement substantiel de la péréquation horizontale.

M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis, a ensuite fait état des difficultés financières rencontrées par certains départements ; à cet égard, ayant rappelé que la vulnérabilité avait été révélée, mais non pas créée par la crise économique de 2008-2009, il a observé que les finances départementales étaient soumises à un effet de ciseaux structurel et que, dans ce cadre, il était nécessaire que le Parlement repense les modalités de financement des prestations sociales assumées par les départements.

Enfin, saluant l'action de la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN), M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis, a noté que la question de la participation des collectivités territoriales au processus normatif était traitée avec une attention accrue par le gouvernement qui a récemment lancé, en lien étroit avec les associations d'élus locaux, une « révision des normes » grâce à laquelle l'impact financier du « stock » de normes sur les collectivités territoriales pourra être pleinement pris en compte.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des Lois a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales  figurant dans le projet de loi de finances pour 2011.

- Le compte rendu de l'audition de M. Brice Hortefeux est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20101108/lois.html#toc4

- L'examen de l'avis budgétaire en commission est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20101115/lois.html#toc8

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'année 2011 est, à de nombreux titres, une année de transition et de bouleversements financiers pour les collectivités territoriales.

Tout d'abord, 2011 est l'année de l'entrée en vigueur de la réforme de la taxe professionnelle pour les collectivités . En effet, après avoir bénéficié d'une « compensation-relais » au cours de l'année 2010, les collectivités vont percevoir un nouvel impôt se substituant à la taxe professionnelle, à savoir la contribution économique territoriale (CET). La mise en application de cette réforme passera par l'activation de la « clause de rendez-vous » que le Sénat avait insérée dans la loi de finances de l'année dernière, et qui visait à permettre à la représentation nationale de définir en pleine connaissance de cause -et donc avec des simulations fiables et exhaustives- les nouvelles ressources fiscales des collectivités territoriales. Progrès pour nos entreprises, dont la compétitivité sur le plan international a été substantiellement renforcée par la réforme, la création de la CET doit aussi être une chance pour les collectivités locales, qui doivent pouvoir adosser leurs projets à une fiscalité dynamique et cohérente avec les compétences qu'elles exercent.

Le gouvernement a également entendu profiter de cette échéance pour rénover en profondeur les mécanismes de péréquation . Tirant les conséquences du déclin de l'efficacité péréquatrice des dotations de l'État depuis le début des années 2000, le projet de loi de finances pour 2011 prévoit ainsi de passer d'une péréquation essentiellement verticale, c'est-à-dire assurée par l'État, à une péréquation horizontale qui amènera les collectivités les plus riches à soutenir les collectivités les plus pauvres.

Ensuite, l'année 2011 inaugurera un degré inédit de participation des collectivités territoriales à l'effort de redressement des finances publiques : le gel en valeur des concours de l'État aux collectivités sur la période 2011-2014 mettra ainsi le secteur local au coeur de la dynamique de désendettement. Mais s'il est acquis que la situation des comptes publics impose la mise en oeuvre d'une stratégie globale de désendettement à laquelle tous les acteurs publics doivent être pleinement associés, le Sénat devra néanmoins se montrer vigilant en la matière : il lui incombera en effet de garantir que cette évolution ne se fasse au détriment ni des capacités d'investissement des collectivités, ni de la qualité des services rendus aux citoyens.

2011 sera enfin l'année de la sortie de crise pour les collectivités territoriales, qui avaient été durement frappées par le ralentissement de notre économie depuis 2008. Comme votre rapporteur le soulignait dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2010, la crise a révélé les difficultés de certaines catégories de collectivités (et notamment le déséquilibre structurel des finances départementales), mais ne les a pas créées ex nihilo : le retour à la normale devra être l'occasion de tirer les leçons du passé et de mieux adapter les ressources locales à la réalité des missions exercées.

I. UNE MISSION INCOMPLÈTE, QUI REND IMPARFAITEMENT COMPTE DES RELATIONS FINANCIÈRES ENTRE L'ÉTAT ET LES COLLECTIVITÉS

A titre liminaire, votre rapporteur souligne que plusieurs réponses au questionnaire budgétaire qu'il a adressé au gouvernement au cours du mois de juillet sont arrivées en retard ; plus grave encore, d'autres sont strictement identiques à celles de l'année précédente . Cette attitude n'est pas conforme à l'esprit de la LOLF, et ne permet pas le suivi des problématiques abordées à l'occasion de l'avis de la commission des lois sur le PLF pour 2010.

De même, on ne peut qu'être frappé par la faiblesse des indicateurs de performance accolés à la mission « Relations avec les collectivités », qui ne permettent en aucun cas au Parlement de mesurer la pertinence et l'efficacité de l'action des services de la DGCL. Ainsi, comme le constate M. Manuel Aeschlimann, rapporteur pour avis de la commission des lois de l'Assemblée nationale, neuf indicateurs ont pour cible, à l'horizon 2013, des performances déjà atteintes depuis 2009, voire depuis 2008 .

Votre rapporteur s'interroge sur les raisons de ce manque d'ambition et invite le gouvernement à chercher au plus vite, en vue de la rédaction du projet annuel de performance (PAP) de l'année prochaine, des indicateurs plus éclairants.

A. LA MARGINALITÉ DES DOTATIONS BUDGÉTAIRES FACE AUX AUTRES TYPES DE CONCOURS DE L'ÉTAT

1. Des concours de nature et d'importance diverses

La mission « Relations avec les collectivités territoriales » ne rend que très partiellement compte de l'effort financier de l'État en faveur des collectivités territoriales. Ce constat, dressé par votre rapporteur dans tous ses avis budgétaires depuis l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1 er août 2001 -c'est-à-dire depuis la création de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », en 2006-, pose de lourds problèmes de lisibilité et a poussé votre commission à élargir le champ de son avis, pour y inclure l'ensemble des concours versés par l'État aux collectivités locales.

En effet, les sommes acquittées par l'État sont marquées par leur hétérogénéité et sont éclatées en cinq catégories distinctes :

- les dotations budgétaires , inscrites non seulement au budget du ministère de l'Intérieur (les crédits correspondants étant regroupés au sein de la mission « Relations avec les collectivités territoriales »), mais aussi à celui d'autres ministères (comme, par exemple, les crédits de la dotation générale de décentralisation -DGD- relative à la formation professionnelle, qui sont portés par le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi) ;

- les prélèvements sur recettes , qui représentent plus de 80 % de l'effort financier total de l'État en direction des collectivités ;

- le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » , qui retrace les avances consenties aux collectivités pour leur permettre de surmonter des difficultés de trésorerie et de recevoir le produit des impositions qui leur sont dues, mais qui sont perçues par l'État ;

- les dégrèvements d'impôts , regroupés dans un programme ad hoc , et qui reflètent la volonté de l'État d'alléger la charge fiscale pesant sur les contribuables locaux ;

- les transferts de parts de fiscalité nationale , qui ont vocation à compenser les transferts de compétences opérés par l'État.

Au sein de ces cinq catégories, la tendance est à l'accroissement du poids des prélèvements sur recettes et, corrélativement, à la marginalisation progressive des dotations budgétaires.

2. Les dotations budgétaires de la mission « Relations avec les collectivités territoriales »

Comprenant les dotations budgétaires inscrites au budget du ministère de l'Intérieur, la mission « Relations avec les collectivités territoriales » se caractérise par sa modestie budgétaire : elle est, en effet, extrêmement limitée en volume -en particulier lorsqu'elle est mise en regard avec l'ensemble des concours versés par l'État aux collectivités territoriales. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2011 fixe ainsi le montant total de ces dotations à 2,531 milliards d'euros, ce qui correspond à environ 4 % de l'effort financier total de l'État (hors fiscalité transférée).

Au sein de la mission, les dotations font l'objet d'une répartition organique, c'est-à-dire par catégorie de collectivités territoriales. Les trois premiers programmes concernent donc respectivement les communes, les départements et les régions. S'y ajoute un programme hétérogène, qui rassemble les concours spécifiques versés à certaines collectivités et les coûts de fonctionnement (fonctionnement courant, informatique et immobilier) de la direction générale des collectivités locales (DGCL).

Plus précisément :

- le programme 119 contient l'ensemble des « concours financiers aux communes et groupements de communes » ; représentant 815 millions d'euros en autorisations d'engagement et 776 millions d'euros en crédits de paiement, il finance deux types de dotations, distribuées entre les deux actions du programme.

L'action n° 1, intitulée « Soutien aux projets des communes et des groupements de communes », vise principalement à favoriser l'investissement local à travers l'attribution de subventions (qui sont généralement attribuées sur la base des projets présentés par les collectivités).

Suivant les recommandations de la Cour des comptes, le PLF pour 2011 fusionne la dotation générale d'équipement des communes (DGE) et la dotation de développement rural (DDR) en une dotation unique : la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) , qui représentera, en 2011, 616 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 645 millions d'euros en crédits de paiement (CP) 1 ( * ) . Cette fusion devrait permettre de simplifier les modalités de calcul des enveloppes départementales de la DGE et de la DDR, de faciliter les démarches des communes rurales et d'optimiser l'effet des dotations dédiées à ces communes 2 ( * ) . Les critères d'attribution de la DETR devraient également être simplifiés par rapport au système auparavant en vigueur pour la DGE et la DDR : il sera tenu compte de la population, de la densité démographique du département et de la richesse fiscale de la collectivité. En outre, ces critères étant majoritairement centrés sur les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), ils permettront de favoriser la dynamique de construction des intercommunalités.

L'action n° 1 contient également les crédits relatifs à la dotation de développement urbain (DDU) : ils s'élèveront à 50 millions en AE et en CP.

Cette action comprend enfin les dotations ayant vocation à soutenir les maires dans l'exercice des compétences qui leur sont déléguées par l'État : il s'agit de la dotation forfaitaire pour la délivrance de titres sécurisés (18,8 millions d'euros en 2011), et de la dotation pour les régisseurs de police municipale (500 000 euros).

L'action n° 2, « Dotation générale de décentralisation », reprend une partie des dotations de compensation des charges globales de fonctionnement des communes et de leurs groupements lorsque ces charges résultent d'un transfert, d'une création ou d'une extension de compétences. En 2011, la DGD couvrira les coûts provoqués par le transfert des monuments historiques, le financement des services communaux d'hygiène et de santé, l'élaboration des documents d'urbanisme, etc.

- le programme 120 , « Concours financiers aux départements » (492 millions d'euros en AE et en CP), est divisé en deux actions : la première est consacrée aux « Aides à l'équipement des départements », et comprend seulement la dotation globale d'équipement des départements 3 ( * ) ; la seconde contient les crédits relatifs à la DGD des départements ;

- le programme 121 , « Concours financiers aux régions » (891 millions d'euros en AE et en CP), contient une action unique : en effet, depuis le PLF pour 2008 (qui a inscrit la dotation régionale d'équipement scolaire au sein des prélèvements sur recettes afin d'en simplifier et d'en agréger le mode de calcul), ce programme ne comprend que les crédits relatifs à la DGD des régions ;

- le programme 122 , « Concours spécifiques et administration » (360 millions d'euros en AE et 354 millions d'euros en CP) comporte quatre actions très diversifiées.

L'action n° 1, « Aides exceptionnelles aux collectivités territoriales », retrace les subventions destinées à soutenir les collectivités touchées par des calamités publiques.

L'action n° 2, « Administration des relations avec les collectivités territoriales », représente 0,7 % des crédits inscrits dans ce programme (2,3 millions d'euros en AE et 2,4 millions d'euros en CP) ; elle regroupe les crédits de fonctionnement et d'investissement alloués à la DGCL, et consacrés principalement à sa mission d'élaboration et de suivi des normes applicables aux collectivités.

L'action n° 3, « Dotation générale de décentralisation » (217 millions d'euros en AE et en CP), contient les crédits compensant les transferts de charges spécifiques (crédits du concours particulier de la DGD relative aux autorités organisatrices des transports urbains ; concours aux bibliothèques municipales et aux bibliothèques départementales de prêts ; concours pour les ports maritimes décentralisés ; concours pour les aérodromes civils...).

L'action n° 4, « Dotations outre-mer » (109 millions d'euros en AE et en CP), regroupe cinq dotations destinées à la Nouvelle-Calédonie, à Mayotte et à la Polynésie française.

Entre 2010 et 2011, les crédits de la mission augmentent de 2,8 % : cette augmentation est largement due à diverses mesures de transfert et de périmètre (rapatriement de subventions et de crédits de compensation au sein de la mission « Relations avec les collectivités territoriales »), hors desquelles l'augmentation des crédits en CP n'est que de 0,03 % .

B. LES AUTRES COMPOSANTES DE L'EFFORT FINANCIER DE L'ÉTAT EN FAVEUR DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES : LE POIDS TOUJOURS PRÉPONDÉRANT DES PRÉLÈVEMENTS SUR RECETTES

1. Le poids grandissant des prélèvements sur recettes

Aux termes du PLF pour 2011, 49,154 milliards d'euros, c'est-à-dire près de 82 % de l'effort financier total de l'État en faveur des collectivités territoriales , sont prélevés sur les recettes de l'État.

Les prélèvements sur recettes (PSR) sont expressément prévus et encadrés par la LOLF : leur attribution est réservée à l'Union européenne et aux collectivités territoriales, et leur emploi est limité aux cas où l'État est tenu de « couvrir des charges incombant à des bénéficiaires ou de compenser des exonérations, des réductions ou des plafonnements d'impôts établis au profit des collectivités territoriales ». En pratique, les PSR se traduisent par des versements automatiques et globaux .

Les PSR en faveur des collectivités territoriales se décomposent en de très nombreux concours ; dans certains cas, ceux-ci comprennent eux-mêmes plusieurs parties distinctes.

Les prélèvements sur recettes dans le PLF pour 2011

En millions d'euros ;
en autorisations d'engagement (AE)

LFI 2010 retraitée des effets de la réforme de la TP

PLF 2011 à périmètre constant

PLF 2011 à périmètre courant

PSR

Dotation globale de fonctionnement

41 178

41 266

41 265

Dotation spéciale instituteur

28

26

26

Dotation élu local

65

65

65

Dotation départementale d'équipement des collèges

326

326

326

Dotation régionale d'équipement scolaire

661

661

661

Dotation globale de construction et d'équipement scolaire

3

3

3

Prélèvement au titre des amendes forfaitaires de la police de la circulation et des radars automatiques

640

640

0

Prélèvement au profit de la collectivité territoriale de Corse et des départements de Corse

44

41

41

Fonds de solidarité en faveur des collectivités territoriales touchées par des catastrophes naturelles

15

20

20

Fonds de mobilisation départementale pour l'insertion

500

500

500

Compensations d'exonérations :

Dotation de compensation des pertes de base de la TP et de redevance des mines des communes et de leurs groupements

35

35

35

Compensation de la part salariale de la TP (FDPTP)

-

-

-

Dotation de compensation de la taxe professionnelle (y compris la réduction pour création d'établissement)

392

348

348

Compensation d'exonération au titre de la réduction de la fraction de recettes prise en compte dans les bases de la TP des titulaires de bénéfices non-commerciaux

185

164

164

Compensation d'exonération de la taxe foncière relative au non-bâti agricole (hors Corse et hors part communale)

-

-

-

Compensations d'exonérations ajustées

333

295

295

Autres compensations d'exonérations (non-modifiées)

1 448

1 528

1 528

Dotation de compensation de la réforme de TP (DCRTP)

2 530

2 530

2 530

Dotation pour transferts de compensations d'exonérations de fiscalité directe locale

984

928

928

Dotation de garantie de renversements des fonds départementaux de taxe professionnelle

419

419

419

TOTAL PSR

49 142

49 154

49 153

Source : Projet annuel de performance annexé au PLF pour 2010.

On remarquera que, au sein de cet amas de concours hétérogènes, deux dotations concentrent plus de 95 % des montants alloués aux collectivités sous la forme de prélèvements sur recettes :

- le montant des compensations d'exonération s'élève, en 2011, à 5,828 milliards d'euros, soit 11,8 % des prélèvements sur recettes ;

- la dotation globale de fonctionnement (DGF) représente, à elle seule, 83,9 % des PSR . Principale dotation de fonctionnement attribuée par l'État aux collectivités territoriales, la DGF a vu son montant doubler avec l'intégration en son sein, en application de la loi de finances pour 2004, de diverses dotations budgétaires. De ce fait, elle se caractérise par sa structure interne complexe : comprenant douze dotations ainsi qu'une part importante des compensations d'exonération dues par l'État aux collectivités, elle inclut également, pour chaque niveau de collectivités, une part forfaitaire et une ou plusieurs parts de péréquation. On remarquera, à ce titre, que les volumes de DGF consacrés à la péréquation augmentent continûment depuis 2006.

Évolution de la part de la DGF consacrée à la péréquation

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

En % de la DGF

12,3

13,5

14,4

15,1

15,7

16,1

16,6

Source : documents annexés au PLF pour 2011.

2. Des anomalies persistantes au sein du compte d'avances aux collectivités territoriales

Le compte d'avances aux collectivités territoriales, qui ne correspond pas à un concours financier de l'État aux collectivités territoriales stricto sensu mais matérialise la fonction de « fermier général » de celui-ci, retrace deux types de données.

Les dépenses du compte correspondent aux avances accordées aux collectivités territoriales ; leur montant correspond à la somme des émissions de rôle de l'année en matière de taxe d'habitation et de taxes foncières, à laquelle s'ajoute la fraction de taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) accordée aux départements au titre de la compensation financière du revenu de solidarité active (RSA). Cette compensation représente 5,857 milliards d'euros en 2011.

En outre, à partir de 2011, dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle et de la mise en place totale de la contribution économique territoriale, le compte de concours financiers comprendra également les reversements des recettes de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), de cotisation foncière des entreprises (CFE), d'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) et de taxe sur les surfaces commerciales.

Les recettes du compte retracent, quant à elles, le produit des impôts locaux directs effectivement réglés par les contribuables locaux, ainsi que les dégrèvements et admissions en non-valeur pris en charge par l'État (v. infra ).

Les 87,865 milliards d'euros que comporte le compte sont répartis en deux programmes :

- le programme 832 , « Avances aux collectivités et établissements publics, et à la Nouvelle-Calédonie » est doté de 6,8 milliards d'euros en 2011 (soit une stabilité parfaite par rapport à 2010) et permet aux collectivités bénéficiaires de faire face à des difficultés momentanées de trésorerie, ou encore de contracter rapidement des emprunts à moyen ou à long terme ; ces emprunts sont alors consentis par l'État ;

- le programme 833 , « Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes » enregistre le recouvrement par l'État, puis le reversement intégral aux collectivités, des taxes énumérées par l'article L. 1614-I-1 du code général des impôts. La réintégration, au sein du compte d'avances aux collectivités territoriales, des taxes se substituant à la taxe professionnelle en 2011 explique la croissance brutale (près de 45 % d'augmentation entre 2010 et 2011) des crédits accordés à ce programme.

Comme l'année passée, votre rapporteur pour avis souligne que le compte d'avances aux collectivités territoriales, qui devrait logiquement être déficitaire, présente un excédent important : ce solde positif se porte, dans le PLF pour 2011, à 1,170 milliard d'euros.

Ce paradoxe résulte de facteurs divers et nombreux : notre ancien collègue Michel Mercier rappelait ainsi, dans un rapport de novembre 2007 4 ( * ) , que les prélèvements de l'État pour frais d'assiette et de recouvrement (2,5 milliards d'euros en moyenne) et pour dégrèvements en non-valeur (2 milliards d'euros environ) étaient largement supérieurs au coût réel de ces opérations, qui peut être évalué à un milliard d'euros. Cette opération donne donc lieu, pour l'État, à un bénéfice net de 3,5 milliards d'euros .

Votre rapporteur appelle donc l'État à réapprécier les modalités d'évaluation des frais induits par le recouvrement des impôts locaux afin de rééquilibrer le compte d'avances aux collectivités territoriales.

3. Des dégrèvements toujours importants

Le PLF pour 2011 évalue à 11,128 milliards d'euros , le montant des crédits dus par l'État aux collectivités territoriales au titre des dégrèvements et des admissions en non-valeur (c'est-à-dire des impayés) d'impôts locaux.

Ces crédits, essentiellement évaluatifs , sont regroupés au sein d'un programme ad hoc , intitulé « Remboursement et dégrèvements d'impôts locaux » (programme 201) et qui a vocation à alimenter le compte d'avances aux collectivités territoriales.

En effet, l'État prend en charge tout ou partie des contributions dues par les contribuables locaux afin d'alléger la pression fiscale pesant sur ces derniers. Cette prise en charge est d'ailleurs de plus en plus large : entre 1995 et 2009, les dégrèvements d'impôts directs locaux ont progressé de 65 %.

Dans le cas des dégrèvements, l'État se substitue intégralement au contribuable dégrevé : en conséquence, la perte de recettes est théoriquement nulle pour les collectivités, mais cette situation fait de l'État le premier contribuable local .

En outre, le montant des dégrèvements varie fortement en fonction du type de fiscalité concernée , avec un poids prépondérant pour les dégrèvements de CET (plus de 58 % du total des dégrèvements). En 2011, les dégrèvements de CET s'élèveront ainsi à 6,458 milliards d'euros, contre 3,4 milliards d'euros pour la taxe d'habitation et 750 millions pour les taxes foncières. Les admissions en non-valeur devraient, quant à elles, représenter 520 millions d'euros.

Les principaux dégrèvements de contribution économique territoriale (CET)

Les principaux dégrèvements de CET correspondent aux mesures fiscales suivantes :

- le plafonnement de la CET à 3 % de la valeur ajoutée (article 1647 B sexies du code général des impôts). Ce dégrèvement est effectué à la demande du redevable ;

- les dégrèvements de cotisation foncière des entreprises (article 1647 bis du CGI), qui permettent aux redevables de demander un dégrèvement partiel de leur impôts en cas de diminution de leurs bases entre l'avant-dernière et la dernière année précédant l'année d'imposition ;

- le dégrèvement accordé aux entreprises à titre transitoire (article 1647 C quinquiès du CGI) jusqu'en 2013, dans le cas où les contributions acquittées par les redevables sont supérieures de 500 euros et de 10 % à la somme des cotisations versées avant la réforme de taxe professionnelle ;

- le dégrèvement de CVAE (article 1586 quater du CGI), institué par le Sénat et égal à la différence entre le montant de cette cotisation (1,5 %) de la valeur ajoutée et l'application à la valeur ajoutée d'un taux calculé en fonction du chiffre d'affaires de l'entreprise.

4. L'actualisation du montant des transferts de fiscalité visant à compenser les transferts de compétences

Chaque année, l'État attribue aux collectivités territoriales des parts de fiscalité nationale afin de compenser les charges résultant des transferts de compétences.

(1) L'attribution de parts de fiscalité nationale : un procédé ancien et controversé

Depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, l'article 72-2 de la Constitution pose le principe selon lequel « tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice ». En application de ces dispositions, ce sont plus de 18,5 milliards d'euros qui ont été alloués aux collectivités territoriales entre 2005 et 2010 .

Afin de garantir que les modes de compensation mis en place par l'État ne portent pas atteinte à l'autonomie financière des collectivités et soient facilement ajustables, le législateur a privilégié, dès les années 1980, les transferts de ressources fiscales : la loi du 7 janvier 1983 précise ainsi que les transferts de charges doivent être compensés, au moins pour moitié, par l'attribution d'une part d'impôts d'État.

Les ressources fiscales transférées aux collectivités territoriales

Depuis l'« acte I » de la décentralisation, le législateur a entendu compenser les transferts de compétences par l'attribution de parts des impôts suivants :

- les droits d'enregistrement sur les mutations immobilières à titre onéreux (DMTO) et la taxe sur la publicité foncière ont été attribués aux départements pour financer les transferts prévus par la loi du 7 janvier 1983, la taxe sur les certificats d'immatriculation des automobiles (taxe sur les « cartes grises ») était attribuée aux régions ;

- une fraction de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance (TSCA) a été transférée aux régions pour compenser les transferts prévus par la loi du 13 août 2004 ;

- pour la compensation des mêmes transferts, une part de TIPP a été transférée aux départements ; cette fraction a été augmentée en 2008 afin de tenir compte du manque de dynamisme des recettes issues de la TSCA.

Ce procédé a été conforté par la révision de 2003, qui a affirmé le principe selon lequel la compensation des transferts de compétence doit être réalisée « à titre principal » par l'attribution d'impositions de toute nature.

Malgré ses avantages, ce système a été vivement critiqué par la Cour des comptes : celle-ci a en effet considéré, dans un rapport de 2009, que le transfert de parts de fiscalité était « confus » et « opaque » et que, en l'état, il constituait « une réponse artificielle à l'exigence de ressources propres » 5 ( * ) .

Votre rapporteur pour avis s'associe à ce constat et plaide pour que les réflexions en cours sur les modalités de compensation des transferts de compétences ne se limitent pas au seul problème des finances départementales, mais soient l'occasion de mettre en place un dispositif plus lisible pour toutes les collectivités. Ce n'est qu'à cette condition que les collectivités territoriales pourront sereinement assumer les compétences qui leur ont été confiées par l'État, et que le législateur pourra effectuer un suivi effectif et complet de la bonne compensation des charges transférées.

(2) L'actualisation annuelle des montants de fiscalité nationale affectés aux départements et aux régions

En 2010, ont été finalisés plusieurs transferts de personnels aux départements (personnels des routes nationales reclassés dans la voirie départementale, reclassement des personnels du domaine public fluvial et des ports maritimes, transfert des personnels chargés de la gestion du fonds de solidarité pour le logement, etc.) et aux régions (transfert, pour la Corse, des agents des personnels des routes nationales, et transfert aux régions des personnels des lycées maritimes).

Le PLF pour 2011 actualise les taux des fractions de TIPP attribuées aux départements et aux régions en fonction des facteurs suivants :

- l'article 24 ajuste les taux des fractions de la TIPP affectés aux régions pour compenser les charges résultant de la modification des règles relatives au diplôme d'État d'infirmier par voie réglementaire, dans la mesure où cette réforme modifie les conditions d'exercice d'une compétence confiée aux régions par la loi du 13 août 2004 6 ( * ) . Le montant de cette compensation sera calculé en fonction du coût financier net de la réforme, et plus précisément en tenant compte de quatre postes de dépenses principaux : les enseignements théoriques, les stages, le suivi pédagogique et les dépenses d'équipement ;

- l'article 25 est spécifiquement consacré à la compensation des charges résultant du RSA pour les départements. Conformément à l'article 7 de la loi du 1 er décembre 2008, le montant du droit à compensation des départements, des départements d'outre-mer, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon est établi en fonction des dépenses exposées par les collectivités précitées en faveur des bénéficiaires du montant forfaitaire majoré du RSA (qui correspond à l'ancienne allocation de parent isolé) ; ces sommes sont constatées dans les comptes administratifs pour 2010, pour les départements métropolitains, et dans les comptes administratifs pour 2012 pour les autres collectivités. L'extension du RSA aux DOM et à certaines collectivités ultra-marines, qui sera effective au 1 er janvier 2011, traduit les dispositions de l'ordonnance n° 2010-686 du 24 juin 2010 7 ( * ) . La compensation des charges créées par cette nouvelle compétence sera opérée par le biais de l'attribution d'une part de TIPP, sauf pour Saint-Barthélemy et Saint-Martin : ne percevant pas la TIPP, ces collectivités bénéficieront d'une majoration des dotations globales de compensation (DGC) qui leur sont attribuées en application du code général des collectivités territoriales 8 ( * ) ;

- pour compléter le dispositif de compensation des charges découlant de la généralisation du RSA, l'article 22 reconduit le fonds de mobilisation départementale pour l'insertion , pour un montant de 500 millions d'euros. Il s'agit de la deuxième prolongation du FMDI : créé pour deux ans par la loi de finances rectificative pour 2006 et destiné à s'éteindre à la fin de l'exercice 2008, ce fonds avait en effet été pérennisé par l'article 15 de la loi de finances pour 2010. On rappellera, à cet égard, que le FMDI est prélevé sur les recettes de l'État et versé chaque année au titre des dépenses de l'année précédente, et qu'il se répartit entre des crédits de compensation (40 % du montant total), des crédits de péréquation (30 %) et des crédits d'insertion (30 %).

Un dispositif largement comparable à celui qui avait été retenu par les lois de finances précédentes est donc mis en place pour 2011.

II. UN NIVEAU INÉDIT DE PARTICIPATION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES À L'EFFORT DE REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES

Ces considérations sur la structure de l'effort financier de l'État en faveur des collectivités territoriales, qui n'a pas connu d'évolution majeure depuis 2006, ne doivent pas masquer un changement de logique profond dans la gestion de cet effort : en effet, à compter de 2011, les collectivités verront les concours qui leur sont versés évoluer selon une norme « zéro valeur » (ce qui correspondra, en pratique, à une diminution annuelle égale au taux d'inflation prévisionnel), alors qu'elles progressaient auparavant selon une norme « zéro volume » (c'est-à-dire selon un taux de croissance égal au taux d'inflation prévisionnel).

Cette innovation vient mettre fin à la hausse continue du montant des dotations versées par l'État aux collectivités territoriales : la Cour des comptes rappelait ainsi que le total des différents concours financiers avait progressé de 18,5 % entre 2006 et 2009 , alors même que le total des recettes des collectivités enregistrait, dans le même temps, une hausse de 14,5 % 9 ( * ) .

A. LES OBJECTIFS FIXÉS PAR LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES 2011-2014

S'appuyant sur le rapport établi par MM. Gilles Carrez, président du Comité des finances locales et Michel Thénault, conseiller d'État, en vue de la conférence sur les déficits publics et remis au Président de la République en mai 2010, le projet de loi de programmation pour les finances publiques (LPFP) pour les années 2011 à 2014 prévoit le gel en valeur , au niveau de la loi de finances initiale pour 2010, des concours financiers alloués par l'État aux collectivités territoriales .

Les conclusions du rapport du groupe de travail présidé par MM. Gilles Carrez et Michel Thénault : des conclusions largement suivies par la LPFP 2011-2014

Le rapport Carrez-Thénault sur la maîtrise des dépenses locales a mis l'accent sur la nécessité de tenir compte des contraintes qui pèsent actuellement sur nos finances publiques et de définir une nouvelle politique budgétaire de l'État vis-à-vis des collectivités territoriales .

Le rapport rappelle tout d'abord que, hors décentralisation (c'est-à-dire en excluant l'effet des transferts de compétences), les dépenses locales ont augmenté plus vite que le PIB entre les années 1980 et le milieu des années 1990, avant que leur rythme de progression ne se rapproche de celui du PIB. En somme, depuis 1983, le groupe de travail estime que 40 % de la hausse des dépenses locales s'est effectuée « à champ constant » , ce qui représente un point de PIB de dépenses non justifiées par la décentralisation. Cette hausse des dépenses concerne principalement le secteur communal : à titre d'illustration, la croissance des effectifs locaux entre 1994 et 2005 est à 92 % imputable aux communes et à leurs groupements.

Cette augmentation des dépenses n'a toutefois pas empêché les collectivités territoriales de maintenir leur endettement à un niveau bas (la dette des administrations publiques locales -APUL- représente 11 % de la dette publique, alors que les collectivités concentrent 20 % des dépenses publiques) ; en outre, depuis 2004, cet endettement est en réalité un « besoin de financement », les collectivités étant tenues de ne contracter des emprunts que pour financer leurs investissements ce qui, comme le souligne le groupe de travail, « est loin d'être le cas pour le budget de l'État et pour les administrations sociales ».

Tentant de mettre à jour les déterminants de la dépense locale, le groupe de travail précise que, d'un point de vue statistique :

- le niveau de dépenses des collectivités est fortement corrélé à leur niveau de ressources ; cet effet explicatif est particulièrement marqué pour les communes (62 %) ;

- parmi les composantes de la ressource, ce sont les dotations qui ont le plus fort effet explicatif sur le niveau de dépenses ; l'effet explicatif des facteurs de charge locaux est d'ailleurs moins important que celui des dotations pour les communes (21 % contre 28 %).

Comme le résume le rapport, « ces résultats semblent indiquer qu'un accroissement de la péréquation favoriserait la maîtrise globale des dépenses », puisqu'il minorerait le caractère forfaitaire des dotations de l'État.

Enfin, constatant que le gel des dépenses de l'État à partir de 2011, ainsi que la réforme de la fiscalité qui a réduit la capacité des collectivités territoriales à fixer les taux d'imposition qui s'appliquent sur leur territoire, vont fortement contraindre les finances locales, le groupe de travail formule cinq propositions principales afin de favoriser une réduction des dépenses des collectivités :

- la mise en place d'une norme de progression des concours de l'État stabilisée en valeur, mais dans le cadre d'un périmètre rationalisé : la nouvelle enveloppe normée devrait ainsi exclure le FCTVA, et une nouvelle règle devrait être fixée pour le calcul des dégrèvements d'impôts (le montant acquitté par l'État serait calculé par application aux bases dégrevées des taux votés par les collectivités au moment de l'institution du dégrèvement, et non des taux votés chaque année par elles) ;

- l'approfondissement de la péréquation , tant verticale qu'horizontale ;

- le renforcement de la structuration du dialogue entre l'État et les collectivités , autour d'une conférence nationale des exécutifs (CNE) tenue à une périodicité régulière de réunion (deux fois par an au moins) et dotée d'un secrétariat permanent ;

- la création d'outils de gestion et de pilotage des compétences transférées harmonisés, afin d'améliorer la connaissance des conditions d'exercice des compétences décentralisées ;

- le contrôle de l'inflation normative de l'État , qui pèse lourdement sur les finances locales.

La crise économique de 2008 a encore aggravé le déficit des administrations publiques, qui atteint désormais le niveau alarmant de 7,5 % du PIB en 2009. A donc été lancé, dès le PLF pour 2009, un mouvement d'assainissement des finances publiques. Soucieux de préserver les marges de manoeuvre et les capacités d'investissement des acteurs locaux, qui ont joué un rôle crucial dans la lutte contre la crise et dans la relance de l'économie, le gouvernement avait alors souhaité que cette modération budgétaire n'ait qu'un impact limité sur les collectivités territoriales ; il avait, en conséquence, appliqué aux concours versés à celles-ci une diminution moins forte que celle qui pesait sur le reste de ses dépenses.

Il est toutefois apparu que l'État n'avait plus les moyens de maintenir un niveau de contribution aussi élevé et que, dans un contexte de grande tension budgétaire, il n'était plus ni légitime, ni financièrement soutenable d'appliquer aux collectivités territoriales une norme de progression plus favorable que celle à laquelle l'État se soumet lui-même 10 ( * ) : la dégradation rapide des comptes publics impose donc de mieux associer les collectivités à l'effort de réduction du déficit .

Dans cette optique, le projet de LPFP prévoit la stabilisation en valeur des concours de l'État à un montant de 50,45 milliards d'euros en AE (ce qui correspond exactement au montant ouvert par la loi de finances initiale pour 2010, après neutralisation des effets des mesures de périmètre) pour la période 2011-2014.

Les dépenses des APUL, qui s'élèvent aujourd'hui à 12 % du PIB, devraient ce faisant se porter à 11,2 % à l'horizon 2014.

Prévisions du solde des APUL

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Dépenses en points de PIB

12,0

12,0

11,8

11,6

11,3

11,2

Recettes en points de PIB

11,7

11,6

11,3

11,2

11,2

11,2

Solde en points de PIB

- 0,3

- 0,4

- 0,5

- 0,4

- 0,1

0,0

Source : rapport annexé au projet de loi de programmation 2011-2013.

Cette mesure peut paraître rigoureuse mais, selon le gouvernement, elle est également un facteur de protection pour les collectivités. En effet, le fait que l'évolution de l'effort financier de l'État soit encadrée par la LPFP interdit d'utiliser les concours versés aux collectivités territoriales comme une « variable d'ajustement » qui aurait pu être arbitrairement diminuée pour assurer le respect, par l'État, de la norme « zéro valeur » -ce qui aurait théoriquement pu être le cas si les concours de l'État aux collectivités n'avaient pas fait l'objet d'une programmation ad hoc . En réalité, il s'agit donc d'une sanctuarisation des concours versés aux collectivités territoriales , dont la progression triennale est garantie, lisible et contrôlée.

Ainsi, la mise en place d'une même norme de progression pour les dépenses de l'État inscrites au budget général et pour les concours versés par ce dernier aux collectivités territoriales correspond, certes, à un durcissement des règles applicables aux collectivités, mais pourra aussi jouer le rôle d'une « garantie de non-baisse » .

À ce titre, votre rapporteur rappelle que, en 2009 et 2010, plusieurs missions (11 sur 31 en 2009, et 7 en 2010) ont vu leur montant diminué pour permettre le respect global de la norme de dépenses que l'État s'était imposée. La norme ainsi prévue est donc véritablement protectrice des ressources des collectivités territoriales.

Le gouvernement estime que cette norme de progression sera soutenable pour les collectivités territoriales, en raison de :

- la fin de la montée en charge de certaines prestations , comme l'allocation personnalisée d'autonomie ou la prestation de compensation du handicap, ainsi que la décélération des dépenses de RSA « socle » avec la sortie de crise et l'amélioration subséquente de la conjoncture économique ;

- le faible dynamisme du prochain cycle d'investissement local , qui s'explique à la fois par la baisse des coûts de construction (ceux-ci s'étant, lors du cycle précédent, maintenus à un niveau supérieur à celui de l'inflation, et ayant de ce fait renchéri les investissements locaux) et par l'anticipation de nombreuses dépenses dans le cadre des « conventions FCTVA ».

B. UNE MEILLEURE MAÎTRISE DES DÉPENSES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Appliquant les orientations qui figurent dans le projet de loi de programmation pour les finances publiques, le PLF pour 2011 gèle, en valeur, les concours de l'État aux collectivités territoriales.

Cette évolution est toutefois accompagnée de garanties importantes, qui répondent pleinement aux demandes formulées par les élus locaux depuis plusieurs années : le périmètre de l'« enveloppe normée » est ainsi modifié pour qu'en soient exclus certains concours dont la gouvernance s'était, par le passé, avérée complexe -à l'instar notamment du FCTVA.

1. La réduction sensible du périmètre de l'« enveloppe normée », désormais soumise à une norme « zéro valeur »
(1) L'extension continue du périmètre de l'enveloppe normée entre 1996 et 2009

La volonté d'encadrer la progression des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales s'est manifestée dès 1996 , avec l'institution d'une « enveloppe normée ». Concrètement, cette notion implique que les dotations « sous enveloppe », prises individuellement, continuent d'évoluer selon des règles qui leur sont propres, mais que la progression d'ensemble de tous les concours est contrainte par une norme d'indexation prédéterminée.

Ainsi, de 1996 à 1998, les concours de l'État ont été contenus par un « pacte de stabilité » et ont évolué comme l'inflation prévisionnelle des prix à la consommation, hors tabac.

Ce « pacte » a été remplacé, entre 1999 et 2001, par un « contrat de croissance et de solidarité » qui faisait progresser le montant total de l'enveloppe normée à un rythme égal au taux prévisionnel d'inflation majoré d'une fraction du taux de croissance du PIB de l'année en cours : 20% en 1999, 25% en 2000 et 33% en 2001.

Sans qu'il ait été explicitement reconduit par un nouveau « contrat », ce mode de calcul a été maintenu de 2001 à 2007.

Les travaux du Conseil économique et social en 2006 11 ( * ) et le premier rapport du Conseil d'orientation des finances publiques de février 2007 ont toutefois recommandé de remettre en cause cette indexation très favorable aux collectivités territoriales et d'aligner, par cohérence, l'évolution des concours de l'État sur celle de ses dépenses.

Ces préconisations ont été mises en oeuvre dès 2008, par le biais d'un « contrat de stabilité ». Celui-ci avait effectivement un double effet restrictif sur les dotations de l'État aux collectivités territoriales :

- d'une part, il rétablissait l'inflation hors tabac comme norme de progression de l'enveloppe normée, impliquant de faire fonctionner la plupart des dotations de compensation d'exonérations fiscales comme les « variables d'ajustement » de l'enveloppe ;

- d'autre part, il étendait sensiblement le périmètre de cette dernière, en refusant toutefois d'y inclure certains types de concours 12 ( * ) .

Cette dynamique a été approfondie en 2009 avec la mise en place, par le biais de la LPFP, d'un cadre pluriannuel de programmation des finances publiques . Dans ce cadre, le périmètre de l'enveloppe normée a été élargi à l'ensemble des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales , pour inclure l'intégralité des crédits budgétaires (à l'exception des subventions accordées par les différents ministères) et des prélèvements sur recettes, dont le fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA).

Pour parvenir à respecter la norme de progression de l'enveloppe malgré cette extension substantielle, il a été nécessaire de revoir les modalités d'indexation de la DGF (qui a évolué comme le taux prévisionnel d'inflation), de « geler » certaines dotations (DGD, DGE des communes...) et d'en minorer d'autres (comme les dotations de compensation d'exonérations, qui ont été diminuées de près de 22 % entre 2008 et 2009).

Néanmoins, pour l'exercice 2009, il a été tenu compte du contexte de crise économique : l'enveloppe normée a en effet cru à un rythme supérieur à l'inflation prévisionnelle, correspondant à un « bonus » de croissance de 0,5 %.

En outre, les réformes décidées par le gouvernement depuis 2008 ont été exclues du périmètre de l'enveloppe, afin de ne pas avoir d'impact négatif sur les autres concours : tel est le cas des mesures de « relance » comme le versement anticipé du FCTVA (4,9 milliards d'euros sur deux ans) et de la compensation-relais résultant de la réforme de la taxe professionnelle.

Ces orientations ont été consolidées par le PLF pour 2010.

Toutefois, comme le soulignait votre rapporteur en 2009 et en 2010, le périmètre de l'enveloppe normée retenu pour ces deux exercices a eu des effets pervers sur les finances locales , dans la mesure où :

- le maintien du FCTVA dans l'enveloppe et le non-plafonnement de ce fonds ont pesé sur la croissance des autres concours « sous enveloppe », qui ont dû être réduits à due concurrence de l'augmentation du FCTVA ;

- la volonté de soutenir l'investissement local a également conduit le législateur à mettre en place un régime d'évolution particulièrement favorable pour les dotations d'investissement, ce qui a également limité l'évolution du reste de l'enveloppe 13 ( * ) .

Ainsi, en 2010, les dotations de fonctionnement versées par l'État aux collectivités territoriales ont dû, pour la première fois, être traitées comme des « variables d'ajustement » , leur évolution venant compenser la croissance incontrôlée d'autres composantes de l'enveloppe normée (FCTVA, notamment).

(2) Un périmètre réduit à partir de 2011

Le PLF pour 2011 tire les conséquences des exercices précédents et des problèmes que l'exécution budgétaire a pu mettre à jour en modifiant le périmètre de l'enveloppe normée, et notamment en retirant de cette enveloppe deux concours dont l'inclusion était contestée, à savoir :

1) le FCTVA (qui s'élève, dans le PLF pour 2011, à 6,2 milliards d'euros). En effet, la présence de ce fonds au sein du périmètre normé était contestée à la fois par les associations d'élus locaux, mais aussi par la Cour des comptes : dès 2009, celle-ci avait souligné que les crédits qui y étaient alloués étaient évaluatifs, et que le FCTVA s'apparentait non pas à une dotation de l'État, mais à un remboursement dont le montant ne saurait, par définition, être encadré ; elle avait alors indiqué qu'« à règles inchangées, [le FCTVA] échappe à toute maîtrise par l'État ; pour que la norme [d'évolution des concours de l'État] soit respectée en exécution, la prévision doit donc être très rigoureuse » 14 ( * ) .

Votre rapporteur note avec satisfaction que ces remarques ont été entendues par le gouvernement. Néanmoins, il constate que, selon les prévisions qui figurent dans les documents annexés au PLF, le FCTVA devrait diminuer de 190 millions d'euros en 2011 : en conséquence, son exclusion de l'enveloppe normée aura mécaniquement pour effet de réduire les marges de manoeuvre en faveur des dotations « sous enveloppe » à due concurrence de la diminution prévue (soit, rappelons-le, près de 200 millions d'euros). Cette mesure se fait donc, au moins pour 2011, au bénéfice de l'État , qui réalisera des économies non-négligeables du fait de cette révision du périmètre normé.

Il serait donc opportun que cette exclusion soit confirmée dans un cadre pluriannuel et que le gouvernement s'engage, en séance publique, à ne pas réintégrer le FCTVA au sein de l'enveloppe normée au moins jusqu'à la fin de la période 2011-2014.

2) le prélèvement « amendes forfaitaires » , qui retrace le produit des amendes de police et qui devrait s'élever, pour 2011, à 640 millions d'euros 15 ( * ) . Cette exclusion répond, une fois encore, à une forte demande des associations d'élus locaux, dans la mesure où le dynamisme de cette ressource a fortement pesé sur les autres éléments de l'enveloppe normée lors des deux exercices passés 16 ( * ) .

Les crédits relatifs à ce prélèvement seront désormais inscrits au sein d'un nouveau compte d'affectation spéciale , « Contrôle de la circulation et du stationnement routier », qui regroupera toutes les recettes des amendes de circulation : cette réforme permettra de simplifier et de clarifier le circuit budgétaire des amendes de la police de la circulation. Cependant, dans ce cadre, il pourra être dérogé au principe de non-affectation des recettes : dès lors, comme le souligne M. Gilles Carrez, il sera nécessaire que le Parlement « [veille] à ce que les recettes du CAS n'aient pas pour objet, en pratique, de financer certaines dépenses relevant du budget de l'État ».

En tout état de cause, votre rapporteur salue cette décision de bon sens : en effet, le maintien de ce prélèvement au sein du périmètre normé aurait pu avoir des conséquences désastreuses sur le reste des concours « sous enveloppe », dans la mesure où la généralisation du procès-verbal électronique devrait conduire à une augmentation très sensible des recettes (et donc du prélèvement « amendes forfaitaires », qui serait venu peser sur les autres composantes de l'enveloppe) sous l'effet cumulé d'une hausse du nombre de verbalisations et d'une amélioration des taux de recouvrement.

L'augmentation de ce prélèvement pourrait d'ailleurs être encore plus importante si le montant des amendes de première catégorie était porté de 11 à 20 euros , comme le propose un amendement déposé par M. Gilles Carrez et adopté par la commission des finances de l'Assemblée nationale.

En outre, la dotation de compensation des pertes de base de taxe professionnelle a été incluse dans le périmètre de l'enveloppe normée à la suite de l'adoption, par la commission des finances de l'Assemblée nationale et avec l'avis favorable du gouvernement, d'un amendement de M. Gilles Carrez. Cette extension aura un effet positif pour les collectivités territoriales : cette dotation ayant vocation à diminuer en 2011, son intégration permettra en effet de dégager 149 millions d'euros de marges de manoeuvre supplémentaire, qui seront notamment utilisés pour limiter la baisse initialement envisagée de la DGF.

Le périmètre de l'enveloppe normée dans le PLF pour 2011

Aux termes du PLF pour 2011, sont compris dans l'enveloppe normée :

- la DGF ;

- la dotation spéciale pour le logement des instituteurs ;

- la dotation « élu local » ;

- la dotation départementale d'équipement des collègues (DDEC) ;

- la dotation régionale d'équipement scolaire (DRES) ;

- la dotation de compensation des pertes de bases de la TP et de redevance des mines ;

- le FMDI ;

- le PSR en faveur de la collectivité territoriale de Corse et des départements de Corse ;

- la compensation de la suppression de la part « salaires » de la TP ;

- la compensation de la réduction de la fraction des recettes imposable à la TP des bénéfices non-commerciaux ;

- la dotation de la compensation de la TP ;

- les compensations d'exonérations relatives à la fiscalité locale ;

- la DGE des communes, des départements et des régions ;

- la DDR ;

- le concours spécifique « Régisseurs de police municipale » ;

- la DGD des communes, des départements et des régions ;

- les aides exceptionnelles aux collectivités territoriales ;

- les crédits de l'action « Administration des relations avec les collectivités territoriales » ;

- la DGD « Formation professionnelle ».

Ces concours correspondent à un montant total de 50,45 milliards d'euros .

2. L'évolution des concours « sous enveloppe » : la consécration de la désindexation des dotations de fonctionnement

Les concours compris dans le périmètre de l'enveloppe normée connaissent des évolutions contrastées .

Il ne s'agit pas, pour votre rapporteur, de donner un compte-rendu exhaustif de l'évolution de chacun des concours « sous enveloppe ». Il lui appartient toutefois de commenter la progression de certaines dotations, qui sont d'une importance cruciale pour les collectivités territoriales.

Tout d'abord, plusieurs concours sont « gelés », voire réduits, cette évolution étant pleinement cohérente avec la norme de progression « zéro valeur » de l'effort financier de l'État en faveur des collectivités territoriales.

Outre l'augmentation notable des dotations de péréquation, qui fera l'objet d'une analyse séparée, votre rapporteur constate ainsi que :

- la DGE des départements est maintenue à son niveau de 2010 (soit 224 millions d'euros) ;

- le montant de la nouvelle DETR est strictement égal à la somme des montants consacrés, en 2010, à la DGE des communes et à la DDR (615 millions d'euros) ;

- le montant de la dotation de développement urbain reste fixé à 50 millions d'euros.

Votre rapporteur appelle le Parlement à contrôler l'impact de ces gels en exécution et à vérifier qu'ils n'ont pas eu des conséquences néfastes sur le niveau d'investissement des collectivités territoriales et notamment des communes les plus fragiles (communes rurales et communes bénéficiaires de la DDU, par exemple).

D'autres dotations connaissent une légère augmentation : la DDEC (dotation départementale d'équipement des collèges) et la DRES (dotation régionale d'équipement scolaire) progressent ainsi au même rythme que la FBCF des administrations publiques, soit 1,5 %. Cette indexation permettra le maintien, en volume, du montant alloué à ces dotations 17 ( * ) .

La DGF connaît, quant à elle, un « quasi-gel » : elle n'augmentera en 2011 que de 0,21 % , ce qui portera son montant total à 41,26 milliards d'euros. Cette mesure permettra de dégager 86 millions au profit des autres concours contenus dans le périmètre normé, et plus particulièrement au profit des dotations de péréquation.

Dans ce cadre, votre rapporteur souligne que, à l'avenir, le montant de la DGF ne sera plus régi par le code général des collectivités territoriales et indexé au taux d'inflation prévisionnelle, mais qu'il sera déterminé chaque année en loi de finances . Or, cette désindexation de la DGF, même si elle consacre un état de fait qui n'a pas été contesté par le législateur (depuis 2010, la DGF n'évolue plus au même rythme que l'inflation), ne manquera pas d'être un facteur d'insécurité budgétaire pour les collectivités territoriales .

Cette insécurité sera d'ailleurs renforcée par la désindexation de nombreuses dotations auparavant indexées à la DGF (articles 20 et 21 du PLF pour 2011) : tel est ainsi le cas de la dotation de continuité territoriale de la collectivité de Corse, de la dotation relative au fonds de solidarité en faveur des collectivités territoriales touchées par les catastrophes naturelles, de la dotation spéciale pour le logement des instituteurs et de la dotation forfaitaire relative aux titres sécurisés.

Enfin, votre rapporteur constate que, comme chaque année, les prélèvements compensant les exonérations de fiscalité locale jouent le rôle de « variables d'ajustement » , leur baisse venant permettre le respect de la norme globale de progression assignée à l'enveloppe. En 2011, ces prélèvements sont ainsi réduits de 11,2 % .

3. Vers la mise en place d'une modulation des dotations en fonction de « critères de bonne gestion » ?

En lien avec l'objectif de modération des dépenses des APUL, le Président de la République a annoncé, lors de la deuxième conférence sur le déficit public, que le gouvernement avait l'intention de mettre en place un dispositif de modulation des dotations versées par l'État aux collectivités territoriales selon des « critères de bonne gestion » . Il s'agirait, plus précisément, de « caractériser la gestion des collectivités locales via le niveau des dépenses engagées par [ces dernières] » 18 ( * ) .

Le gouvernement justifie notamment cette initiative par la volonté de tenir compte du rapport de Pierre Jamet sur les finances départementales 19 ( * ) : celui-ci a en effet montré, par exemple, que les coûts de personnel par habitant variaient de un à trois selon les départements.

Ce dispositif devrait, préalablement à sa mise en place, être étudié en lien avec le Parlement et les associations d'élus locaux.

Votre rapporteur estime, à titre personnel, que ce projet souffre de deux défauts :

- d'une part, la mise en place de « critères de bonne gestion » pourrait remettre en cause le principe constitutionnel d'autonomie des collectivités territoriales . En effet, cette mesure permettrait de facto à l'État d'imposer, de manière unilatérale, des normes de gestion dont il assumerait seul la définition et dont le non-respect serait sanctionné par un moindre financement de la vie locale. Dès lors, cette proposition semble gravement contraire à l'esprit même de la décentralisation, qui implique la mise en place de relations de confiance mutuelle entre l'État et les collectivités, et non l'institution d'une tutelle insidieuse du premier sur les secondes ;

- d'autre part, il semble difficile, voire impossible, de définir des critères de « bonne gestion » qui soient valables pour toutes les collectivités par-delà leurs particularités, et qui puissent tenir compte de l'ensemble des contraintes auxquelles les acteurs locaux sont quotidiennement confrontés. La prise en compte de ces particularités par l'État pourrait même, en dernière analyse, obliger ce dernier à s'ingérer dans les affaires courantes des élus locaux et à se substituer à eux pour déterminer ce qui est bénéfique ou néfaste pour leur territoire.

Votre rapporteur considère donc que, en matière de « bonne gestion », aucun critère objectif ne saurait être dégagé ; et, à ses yeux, l'État n'est pas plus légitime que les collectivités territoriales à déterminer ce qui relève de pratiques administratives vertueuses . L'analyse comparée des déficits de l'État et de ceux des collectivités le démontre, s'il en était besoin.

Votre rapporteur est donc perplexe, voire inquiet, devant ce projet de modulation des dotations publiques en fonction des pratiques locales ; le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales et chargé, plus que toute autre institution, de veiller à la préservation des intérêts et de la liberté du secteur local , devra donc être d'une extrême prudence et d'une grande vigilance sur ce point.

Il constate, à cet égard, que sa circonspection et ses craintes sont partagées par l'Assemblée nationale : dans son avis sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales », M. Manuel Aeschlimann affirme ainsi que « s'il importe que les citoyens puissent se faire un jugement éclairé et général de la gestion de leurs élus, c'est parce que c'est avant tout aux électeurs que revient de juger et, le cas échéant, de sanctionner la gestion menée par leurs collectivités territoriales ».

Votre rapporteur s'associe à ce jugement et estime que seuls les électeurs ont à apprécier (et, éventuellement, à sanctionner) la qualité de la gestion de leurs collectivités et que l'État n'a pas à s'ériger en juge de l'action des élus de terrain .

III. LA CONTRIBUTION ÉCONOMIQUE TERRITORIALE : UN AN APRÈS LA RÉFORME, QUELLES PERSPECTIVES POUR LES COLLECTIVITÉS LOCALES ?

Comme votre rapporteur l'a déjà souligné, l'année à venir sera celle de l'entrée en vigueur de la réforme de la taxe professionnelle pour les collectivités territoriales : dès 2011, celles-ci percevront le produit de la nouvelle contribution économique territoriale (CET), dont les caractéristiques sont modifiées par le présent PLF.

A. UNE RÉFORME DONT LES CONSÉQUENCES SUR LES FINANCES DES COLLECTIVITÉS SONT LONGTEMPS DEMEURÉES INCERTAINES

1. Le versement, en 2010, d'une « compensation-relais » aux collectivités territoriales

Pendant l'année 2010, les collectivités territoriales ont perçu, en remplacement des recettes issues de la taxe professionnelle, une compensation « relais » destinée à assurer la transition entre la TP et la CET, dont les acteurs locaux percevront les recettes à compter de 2011.

Rappelons que, aux termes de l'article 1640 B du code général des impôts, la compensation-relais versée à une collectivité correspond au plus élevé des deux montants suivants :

- le produit de la taxe professionnelle perçu en 2009 ;

- le produit des bases de taxe professionnelle pour 2010 par le taux de taxe professionnelle pour 2009 ; le taux retenu pour 2009 ne peut, toutefois, être supérieur au taux pour 2008 majoré de 1 %.

Cette compensation-relai a été versée, à partir d'arrêtés préfectoraux, dans les mois de juillet et août 2010. Pour compenser le manque à gagner résultant de cette tardiveté, un mécanisme provisoire, élaboré sur le modèle des avances de fiscalité, avait été mis en place : les collectivités ont donc perçu, dès le début de l'année 2010, un acompte de compensation-relais égal au produit de la taxe professionnelle perçu au titre de 2009.

2. Une application contestable de la « clause de rendez-vous » de l'article 76 de la loi de finances pour 2010

Le législateur avait, lors de l'examen du PLF pour 2010, constaté que les simulations et les éléments techniques présentés par le gouvernement étaient insuffisants pour apprécier les conséquences réelles de la mise en place de la CET sur les finances des collectivités. Une « clause de rendez-vous » avait ainsi été mise en place par l'article 76 du texte , aux termes de laquelle le pouvoir exécutif devait, avant le 1 er juin 2010, fournir au Parlement un rapport détaillé sur l'impact de cette réforme.

Toutefois, comme le constatait notre collègue Jean Arthuis, président de la commission des finances, le gouvernement n'a que partiellement respecté ses engagements.

Le rapport remis aux Assemblées le 10 juin 2010 et élaboré sous la direction de MM. Bruno Durieux, inspecteur général des finances, et Patrick Subremon, inspecteur général de l'administration, présentait en effet certaines lacunes :

- alors que l'article 76 précité prévoyait que le rapport mettrait en évidence « les conséquences [de la réforme] sur l'autonomie financière et fiscale des collectivités, ainsi que l'évolution des prélèvements locaux sur les entreprises et les ménages », aucune information n'a été donnée sur ces trois derniers points.

Votre rapporteur déplore tout particulièrement cette absence d'éléments sur l'autonomie fiscale des collectivités , dans la mesure où il avait, l'année passée, souligné l'importance du concept d'autonomie fiscale. En effet, bien qu'il n'ait pas été consacré par la Constitution, le principe d'autonomie fiscale semble indissociable du principe de libre-administration : les collectivités ne sauraient s'administrer librement si elles ne maîtrisent l'assiette et le taux que d'une partie minime de leurs ressources.

Une nouvelle fois, votre rapporteur suggère donc que, à tout le moins, l'autonomie fiscale fasse l'objet d'un indicateur de performance clairement identifié dans les documents budgétaires soumis au Parlement ;

- l'article 76 obligeait également le gouvernement à « présente[r] les résultats des analyses et des simulations complémentaires demandées par les commissions des finances » ; or, selon le président Arthuis, les questions posées par notre commission des finances n'ont pas trouvé de réponse dans le rapport Durieux-Subremon ;

- enfin, le gouvernement devait « envisage[r] différentes solutions pour faire évoluer le dispositif de garantie de ressources » et « tire[r] les conséquences de la création de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux sur les collectivités et en particulier celles accueillant des installations nucléaires, ainsi que sur l'équilibre financier des entreprises assujetties » : encore une fois, il n'est pas fait mention de ces problématiques dans le rapport des inspections générales.

Votre rapporteur s'interroge sur les raisons de ces lacunes, qui ont eu pour effet de repousser la « clause de rendez-vous » au PLF pour 2011 , et de raccourcir le laps de temps entre ce « rendez-vous » et l'entrée en vigueur de la réforme pour les collectivités territoriales.

B. LES AJUSTEMENTS APPORTÉS À LA CONTRIBUTION ÉCONOMIQUE TERRITORIALE PAR LE PLF POUR 2011

1. L'aménagement des caractéristiques de la CET

Sur la base du rapport Durieux-Subremon, mais également du rapport des parlementaires en mission 20 ( * ) , remis au gouvernement le 30 juin 2010, les caractéristiques de la CET devraient être modifiées et aménagées dans le cadre du présent PLF.

Tout d'abord, un indicateur de surface sera introduit pour la répartition, entre collectivités territoriales, de la valeur ajoutée des entreprises (qui reposait seulement, dans le système prévu par la loi de finances pour 2010, sur les effectifs présents dans chaque établissement). Votre rapporteur souligne que cette réforme correspond à une attente forte des élus locaux.

Ensuite, conformément aux préconisations contenues dans le rapport des parlementaires en mission et aux demandes des élus concernés, le tarif de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) pour l'éolien sera fortement revalorisé, passant de 2,913 euros par kilowatt de puissance installée à 5 euros.

Par ailleurs, les effets du transfert de la taxe d'habitation aux communes et à leurs groupements seront neutralisés : l'Association des maires de France avait en effet attiré l'attention du gouvernement sur le fait que, en l'état du PLF pour 2010, un éventuel différentiel entre le régime d'abattement décidé par le département et celui mis en place par la commune ou l'EPCI n'était pas compensé, pouvant amener les communes, lorsque leur régime d'abattement était moins favorable que celui auparavant appliqué par les départements, soit à s'aligner sur le département (ce qui entraînerait une perte de ressources pour la commune ou l'EPCI), ou à maintenir son régime d'abattement (ce qui se traduirait, pour certains contribuables, par une augmentation des cotisations). Un mécanisme sera ainsi mis en place pour garantir que le transfert de la taxe d'habitation n'ait d'incidences négatives ni sur les communes, ni sur les ménages.

2. La révision des valeurs locatives enfin lancée

Ces ajustements s'accompagneront du lancement d'un chantier crucial pour les collectivités : celui de la révision des valeurs locatives .

En effet, au cours du débat parlementaire sur la réforme de la taxe professionnelle, le gouvernement s'était engagé à initier une modernisation des valeurs locatives cadastrales, qui servent de base au calcul de nombreux impôts locaux (taxe d'habitation, taxe foncière sur les propriétés bâties, cotisation foncière des entreprises).

Ce chantier sera effectué par étapes et se limitera, dans un premier temps, aux locaux commerciaux (soit 3 millions de locaux) . Il aurait en effet été, en pratique, impossible de mener une réforme d'une telle ampleur en une seule fois -ce qui aurait impliqué de faire une enquête sur pas moins de 33 millions de locaux 21 ( * ) .

La révision des valeurs locatives des locaux commerciaux devrait ainsi être formellement lancée dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2010 ; pour ce faire, le ministère du budget a d'ores et déjà engagé une concertation avec les commissions des finances des deux Assemblées, les associations d'élus locaux et les fédérations représentant les entreprises. Une enquête générale de loyers, dont la durée est estimée à 2 à 3 ans, sera ensuite mise en oeuvre.

Dans ce cadre, le gouvernement a marqué son intention de refondre, en profondeur, le système d'évaluation des valeurs locatives : à l'avenir, celles-ci seraient déterminées en fonction de secteurs locatifs, où seraient appliqués des barèmes tarifaires. Il s'agirait donc de passer d'un système national à un système local. Ces secteurs et ces tarifs seraient fixés par une commission départementale des impôts, dont il pourrait être fait appel des décisions devant une autre commission départementale ; dans ces deux commissions, les élus locaux disposeraient d'ailleurs, selon les souhaits du gouvernement, de larges pouvoirs.

Les résultats auxquels ces commissions départementales seront parvenues seraient soumis pour avis aux commissions communales et intercommunales actuellement existantes -et dont la suppression ne semble pas envisagée, à ce stade, par le gouvernement.

Un observatoire des loyers permettrait enfin de suivre l'évolution d'ensemble des valeurs locatives afin de lisser les révisions et d'éviter, en tout état de cause, toute nouvelle réforme générale.

Une expérimentation de ce nouveau mécanisme d'évaluation des valeurs locatives sera mise en place dans six départements ; les résultats de cette expérimentation feront l'objet d'un compte-rendu au Parlement à la fin du premier semestre 2011.

Votre rapporteur soutient, sans réserve, cette initiative , qui aura pour effet de renforcer la justice fiscale entre les contribuables et de faire reposer les impôts locaux sur des bases solides et équitables. Cette réforme étant urgente et attendue depuis de nombreuses années, il appelle également le gouvernement à la mener à bien aussi rapidement que possible.

C. UN RENOUVEAU DE LA PÉRÉQUATION

Le PLF pour 2011 constitue une première étape vers le renforcement de la péréquation horizontale ; pour ce faire, il s'appuie sur les mécanismes mis en place l'année passée dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle.

1. La péréquation : un objectif constitutionnel dont l'importance demeure limitée

Consacrée par la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, l'exigence de péréquation doit concilier deux impératifs majeurs : d'une part, la réduction de l'écart de richesse fiscale entre les collectivités et, d'autre part, la nécessité de continuer à inciter ces mêmes collectivités à attirer, sur leur territoire, des activités économiques à fort potentiel. L'Observatoire des finances locales rappelait ainsi, dans son état des lieux de 2009, que « l'enjeu de la péréquation consiste [...] à soutenir les collectivités structurellement défavorisées tout en conservant l'incitation des collectivités à mener des politiques de développement local dynamiques ».

La péréquation demeure toutefois un impératif peu contraignant pour le législateur : dans deux décisions de 2003, le Conseil constitutionnel a jugé que cette exigence « n'impose pas que chaque type de ressources fasse l'objet d'une péréquation » 22 ( * ) , ni « que chaque transfert ou création de compétences donne lieu à péréquation » 23 ( * ) .

2. Le renforcement de la péréquation horizontale : une solution pour assurer l'égalité entre les collectivités ?

Reconduisant les efforts de l'État en matière de péréquation verticale, le PLF pour 2011 vise également à généraliser la péréquation horizontale.

Celle-ci se distingue de la péréquation verticale, assurée par l'État qui répartit ses dotations entre les collectivités en fonction de la richesse relative de ces dernières, en ce qu'elle est opérée directement par les collectivités .

Les formes de péréquation

Régions

Départements

EPCI

Communes

Péréquation verticale

Dotation de péréquation des régions

Dotation de fonctionnement minimal

Dotation de péréquation urbaine

Dotation d'intercommunalité

DSU

DSR

Dotation nationale de péréquation

Péréquation horizontale

Fonds de péréquation des recettes de CVAE

Fonds de péréquation des DMTO

Fonds de péréquation des recettes de CVAE

Dotation de solidarité communautaire (facultative)

Fonds de péréquation des recettes communales et intercommunales

Fonds de solidarité de la région Île-de-France

Fonds départemental de péréquation de la TP

Fonds de péréquation des recettes communales et intercommunales

Source : documents annexés au PLF pour 2011.

(1) Les conséquences du PLF pour 2010 sur les inégalités de richesse fiscale : des résultats contrastés

Le rapport Durieux-Subremon et les travaux des parlementaires en mission ont appelé à un renforcement de la péréquation, en constatant que la mise en place de la CET pouvait avoir pour conséquence d'accroître les inégalités de répartition de la richesse fiscale entre les collectivités .

Le rapport Durieux-Subremon a souligné que le remplacement de la taxe professionnelle par la CET aurait des conséquences différenciées sur la répartition de la richesse fiscale. Ainsi, si la réforme diminue les inégalités entre régions et entre communes (bien que, dans ce dernier cas, le surcroît de péréquation soit neutralisé par les mécanismes de garantie et de compensation mis en place par le PLF pour 2010), elle augmente les inégalités entre départements .

En outre, le fonctionnement des dispositifs de péréquation antérieurs à la réforme est bouleversé par la mise en place de la CET : tel est notamment le cas des fonds de péréquation de la taxe professionnelle et du fonds de solidarité pour les communes de la région Île-de-France (FSRIF).

Le rapport des inspections générales remarque également que les mécanismes de péréquation horizontale créés par la loi de finances pour 2010 n'auront, à court terme, qu'un effet limité dans la résorption des écarts de richesse fiscale. Plus structurellement, c'est la notion même de « potentiel fiscal » qui est affectée par la réforme, et qui devra être redéfinie.

Le rapport des parlementaires en mission arrive à des constats largement convergents . Nos collègues estiment en effet que des mesures vigoureuses en faveur de la péréquation doivent être prises, en raison de l'ampleur extrême des disparités de richesse fiscale entre les collectivités : ainsi, le potentiel fiscal par habitant varie du simple au double entre les régions, du simple au quadruple pour les départements et de un à mille entre les communes. Or, ces inégalités ne sont que très faiblement réduites, à l'horizon 2015, par les mécanismes de correction mis en place par la loi de finances pour 2010.

Le PLF pour 2011 apporte deux réponses à ce constat.

(2) Le maintien des efforts de l'État en matière de péréquation

En premier lieu, le PLF pour 2011 augmente le montant des dotations péréquatrices versées par l'État aux collectivités : la dotation de solidarité urbaine (DSU) et la dotation de solidarité rurale (DSR) croîtront ainsi de 6,2 % chacune (c'est-à-dire 50 millions d'euros pour la DSR et 77 millions d'euros pour la DSU), ce qui mérite d'être souligné dans un contexte de gel en valeur des concours de l'État.

Le fonctionnement de la DDU

Mise en place par l'article 172 de la loi de finances pour 2009, la DDU bénéficie à cent villes particulièrement défavorisées et vient compléter la logique de péréquation poursuivie par la dotation de solidarité urbaine (DSU).

Les crédits qui y sont rattachés font l'objet d'une contractualisation entre les communes éligibles (ou l'EPCI dont elles sont membres) et le préfet de département, une enveloppe départementale étant répartie en fonction des projets de développement local -et notamment de renforcement de l'accès à la culture- présentées par les élus locaux.

Le renforcement de la péréquation n'entre donc pas en contradiction avec les objectifs poursuivis par le projet de LPFP 2011-2014, bien qu'il impose de dégager des marges de manoeuvre au détriment des autres dotations « sous enveloppe ».

En outre, l'article 59 du PLF prévoit de modifier les modalités de calcul du potentiel financier des EPCI ; cette mesure est d'une importance capitale, dans la mesure où ce facteur détermine le montant de la DGF qui leur est allouée. Désormais, le potentiel financier des EPCI tiendra compte du potentiel fiscal par habitant de l'ensemble intégré incluant le groupement et ses communes membres, ce qui permettra de mieux évaluer la richesse réelle des EPCI, et donc de garantir que la péréquation bénéficie effectivement aux collectivités qui ont le plus besoin d'être soutenues.

Enfin, l'article 80 du PLF met en place un nouveau système pour l'écrêtement du complément de garantie des communes : auparavant écrêté de manière uniforme (2 % pour toutes les communes en 2010), le complément de garantie sera écrêté de façon différenciée, en tenant notamment compte du potentiel fiscal de la collectivité en cause.

(3) La généralisation de la péréquation horizontale : réforme ou révolution ?

Le PLF pour 2011 contient également de nombreuses mesures visant à étendre le champ de la péréquation horizontale.

Votre rapporteur se félicite de cette évolution, mais estime toutefois que la mise en place de systèmes de péréquation horizontale devra se faire de manière progressive, afin de garantir leur « acceptabilité » pour les collectivités les plus favorisées.

En premier lieu, le mécanisme de péréquation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) institué par la loi de finances pour 2010, à l'initiative de M. Marc Laffineur, et qui constituait déjà l'ébauche d'une péréquation horizontale entre les départements, sera ajusté.

Ce système prend la forme d'un fonds alimenté par les recettes fiscales des départements dont les DMTO progressent à un rythme supérieur à deux fois l'inflation, et dont le montant des DMTO par habitant est supérieur à 75 % de la moyenne nationale. Les montants accumulés par ce fonds sont ensuite répartis entre les départements en fonction de leur potentiel financier.

Bien que légitime dans son principe, ce fonds pose toutefois un problème pratique : un département peut à la fois être contributeur au titre du fonds et bénéficiaire de ce même fonds. En outre, le rapport Jamet d'avril 2010 a montré que ce dispositif n'aurait qu'un pouvoir péréquateur limité : en effet, « compte tenu des premières observations enregistrées sur l'évolution des droits de mutation à titre onéreux depuis septembre 2009, il y a tout lieu de penser que la péréquation ne sera pas à la hauteur des besoins ». Le rapport Durieux-Subremon tendait, de même, à montrer que le nombre de départements contributeurs était réduit, alors que le nombre de départements bénéficiaires était, quant à lui, très élevé, ce qui nuisait à l'efficacité globale du dispositif.

L'article 61 du PLF pour 2011 prévoit donc de modifier sensiblement le fonctionnement du fonds de péréquation des DMTO : le prélèvement serait, à l'avenir, égal à la moitié du surplus annuel des DMTO dans un département par rapport à la moyenne nationale, multipliée par deux fois le taux d'inflation prévisionnel ; il s'appliquerait à tous les départements dont le montant de DMTO est supérieur à 75 % de la moyenne nationale. Seules les modalités d'alimentation du fonds seraient donc revues.

En outre, l'article 62 réforme le mécanisme de péréquation de la CVAE créé en loi de finances pour 2010. Rappelons que ce dispositif reposait sur deux types de péréquation complémentaires :

- un mécanisme « sur stock », redistribuant chaque année le quart de la CVAE entre les régions et entre les départements selon des critères de charges locaux ;

- un mécanisme « sur flux », répartissant une part de la croissance de la CVAE en fonction du potentiel fiscal.

Suivant les préconisations du rapport Carrez-Thénault, l'article 62 du PLF pour 2011 fusionne ces deux fonds pour chaque niveau de collectivité. Une contribution correspondant à 50 % de la croissance des recettes de CVAE de l'année sera ainsi prélevée dans les départements et dans les régions dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur à la moyenne nationale ; les recettes du fonds seront ensuite redistribuées dans les départements dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur à la moyenne nationale, et dans les régions dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur à 0,85 fois la moyenne. Cette répartition sera effectuée, au cas par cas, entre les collectivités bénéficiaires en fonction des mêmes critères que ceux qui avaient été fixés par la loi de finances pour 2010 (population, superficie, écart au potentiel fiscal moyen ; s'y ajoutent des critères de charges spécifiques aux régions -effectifs des lycées et de la formation professionnelle- et aux départements -population âgée, bénéficiaires de minima sociaux, voirie-).

Selon le rapport Carrez-Thénault, cette fusion permettra de réduire les inégalités entre régions de 20 % sur la période 2010-2015, contre seulement 2 % avec le système issu de la loi de finances pour 2010, et de 13 % pour les départements (contre 6 % avec le mécanisme actuel).

Enfin, l'article 63 ébauche un dispositif de péréquation horizontale pour les communes et leurs groupements. Selon les déclarations de M. Alain Marleix, alors secrétaire d'État aux collectivités territoriales 24 ( * ) , cet article vise à permettre au gouvernement et au Parlement d'élaborer, collectivement, une « feuille de route » pour la mise en place d'une péréquation horizontale à l'échelle communale, et qui aura lieu au cours de l'année 2011.

Dans cette optique, le PLF pour 2011 fixe un objectif chiffré de péréquation à l'horizon 2015 (2 % des recettes fiscales des communes et des EPCI) et les modalités de fonctionnement du fonds à compter de 2012.

La définition des modalités de répartition des recettes de ce fonds devrait faire l'objet d'un rapport remis au Parlement par le gouvernement au cours du mois de septembre 2011.

IV. DES FINANCES LOCALES TOUJOURS FRAGILES, MALGRÉ LA SORTIE DE CRISE

L'année 2011 devrait marquer la sortie de crise pour les collectivités territoriales qui, comme votre rapporteur l'avait souligné l'année dernière, ont été lourdement impactées par la conjoncture économique en 2009.

L'année 2010 est, à cet égard, une année charnière : comme le notait l'Observatoire des finances locales, il s'agit d'« une année de transition et d'inquiétudes » pour les collectivités 25 ( * ) .

Cette échéance est l'occasion de faire le point sur les finances locales et sur leur évolution entre 2008 et 2009 , et de tirer les leçons de la crise économique, qui a révélé l'existence de déséquilibres structurels dans le budget de certaines catégories de collectivités, et notamment des départements, dont les ressources sont inadaptées aux charges induites par les compétences qu'elles exercent.

A. UNE AMÉLIORATION SENSIBLE DE LA SITUATION DES FINANCES LOCALES PAR RAPPORT À 2008

1. Une réduction globale des déficits des APUL en 2009

L'année 2009 a tout d'abord permis une réduction nette des déficits locaux par rapport à 2008, année où l'impact de la crise a été particulièrement sensible.

Globalement, votre rapporteur constate que le déficit des APUL s'est réduit de plus de 3 milliards d'euros, pour atteindre 5,6 milliards d'euros (soit 0,3 point de PIB). On rappellera, à cet égard, que le besoin de financements des collectivités était de 8,7 milliards d'euros en 2008 : il s'agit donc d'une baisse de 36 %.

Cette évolution a été permise par une augmentation des recettes de 4,5 %, c'est-à-dire supérieure à la hausse des dépenses, qui n'a été que de 3 %. Comme le note la Cour des comptes 26 ( * ) , cette conjoncture favorable à l'équilibre des comptes locaux est largement due au dispositif de versement anticipé du FCTVA (v. infra ) : en effet, sans les 3,85 milliards d'euros apportés aux budgets locaux par cette mesure, « les recettes n'auraient progressé que de 2,8 %, soit au rythme des dépenses ».

Sous le coup de cette évolution, la part de la dette des APUL dans la dette publique totale a légèrement diminué : elle représente désormais 10,5 % de la dette publique, contre 11,3 % en 2008.

On notera cependant que l'année 2009 a été contrastée pour les collectivités territoriales sur le plan fiscal : ainsi, si les impôts directs se sont avérés particulièrement dynamiques (avec une augmentation de 5,2 % pour les communes et de 9,6 % pour les départements), les impôts indirects ont été, quant à eux, en net reflux (le rendement de ces impôts a diminué à hauteur de 1,6 % dans les communes et de 7,9 % pour les départements).

2. Un recours à l'emprunt sécurisé

Votre rapporteur note avec satisfaction que les conditions d'emprunt des collectivités territoriales ont été sécurisées depuis le début de l'année.

Il rappelle que, en 2009, avait été constatée une multiplication des emprunts « à risque » dans le portefeuille de dette des collectivités ; il avait alors souligné que les emprunts structurés représentaient environ 10 % de l'encours de dette des acteurs locaux et que ces emprunts s'étaient banalisés, donnant parfois lieu à des prises de risque excessives que la crise financière a révélées avec brutalité.

Deux avancées majeures ont été opérées, en la matière, au cours de l'année écoulée :

- tout d'abord, une « charte de bonne conduite » a été conclue entre des représentants des collectivités territoriales et de nombreuses banques (à savoir le Crédit agricole, la Société générale, Dexia, les Caisses d'épargne et les Banques populaires). Entrée en vigueur au 1 er janvier 2010, cette charte stipule notamment que les banques renoncent à proposer aux collectivités des emprunts dont le taux évolue en fonction d'indices à risque élevé (cours des matières premières, marchés d'action, valeur relative des devises, etc.) et à leur proposer de souscrire des crédits dont les intérêts répondent à un système « cumulatif ». Si votre rapporteur se félicite de ce progrès, il note que les efforts accomplis demeurent insuffisants : seule une augmentation de la transparence en matière d'emprunt amenant les assemblées délibérantes des collectivités à être mieux informées sur les décisions prises par leurs organes exécutifs en matière d'endettement pourra permettre de lutter efficacement contre le recours aux emprunts « toxiques ». Il s'associe ainsi aux préconisations de la Cour des comptes, qui avait recommandé que soit rendue obligatoire l'organisation d'un débat annuel sur l'état de la dette et sa stratégie de gestion future. Votre rapporteur constate également qu'aucune entreprise de recensement de la dette des collectivités territoriales , seule solution pour connaître avec précision le degré de risque auquel elles sont exposées et d'en tirer les conséquences, n'a été engagée ;

- un médiateur pour les emprunts toxiques a été nommé : il s'agit de M. Eric Gissler, inspecteur général des finances, entré en fonctions au mois de novembre 2009. Votre rapporteur déplore toutefois que le champ d'action de ce dernier se limite aux produits financiers interdits par la « charte de bonne conduite », et n'inclue pas tous les emprunts susceptibles de menacer la viabilité financière des collectivités territoriales.

3. L'efficacité limitée des mesures de soutien à l'investissement mises en place pendant la crise

L'étude des finances locales en 2009 est également l'occasion de dresser le bilan des « conventions FCTVA » qui avaient été mises en place, dans le cadre du plan de relance, afin de favoriser l'investissement des collectivités territoriales.

Tout d'abord, votre rapporteur note que la contribution des collectivités territoriales à l'investissement public a reculé en 2009 : il se porte à 70 % du montant des investissements réalisés par la sphère publique dans notre pays, contre 73 % en 2008. L'effet de la crise sur le comportement économique des collectivités territoriales a donc, en tout état de cause, été palpable et réel.

Dans ce cadre, il convient de déterminer non pas si les conventions FCTVA ont permis de faire progresser les investissements des collectivités, mais plutôt de savoir à quel point elles ont limité la baisse de ces investissements .

Le fonctionnement des « conventions FCTVA »

La loi n° 2009-122 du 4 février 2009 de finances rectificative pour 2009 a permis aux collectivités territoriales de bénéficier d'attributions anticipées du FCTVA dès lors qu'elles s'engagent à faire progresser leurs dépenses réelles d'équipement par rapport à la moyenne constatée dans leurs comptes pour les exercices 2004 à 2007 (ce qui équivaut, en moyenne, à un montant d'investissement inférieur de 10 % à celui des investissements réalisés en 2008).

Les collectivités territoriales qui se sont engagées, avant le 15 mai 2009, à participer au plan de relance ont bénéficié en 2009 des attributions du FCTVA au titre des dépenses d'investissement réalisées en 2007 et correspondant aux dispositions de droit commun, mais aussi de celles réalisées en 2008. Ce système d'attribution anticipé sera pérennisé pour les collectivités qui auront effectivement réalisé le montant de dépenses d'investissement auquel elles s'étaient préalablement engagées.

Aucun critère qualitatif d'attribution de ce remboursement anticipé n'a été mis en place.

Ainsi, en 2009, les remboursements au titre du FCTVA se sont élevés à 9,6 milliards d'euros (5,8 milliards étant consacrés aux remboursements pour 2007, et 3,8 milliards, au plan de relance).

Cette initiative a été reconduite en 2010, représentant un surcroît de coût de 3,85 milliards d'euros.

Les conventions FCTVA a eu, en 2010, un indéniable succès : alors que le gouvernement avait évalué les surcoûts découlant du versement anticipé à 2,5 milliards, le montant effectivement constaté de ces « conventions » a été de 3,85 milliards.

Dans ce cadre, votre rapporteur rappelle que les collectivités bénéficiaires s'étaient interrogées sur les modalités de calcul du montant d'investissement effectivement réalisé, et avaient fait valoir que la non-finalisation d'un programme d'investissement au cours de l'année civile 2009 (entraînant une baisse « optique » des sommes investies) pouvait interdire à des collectivités pourtant « vertueuses » de bénéficier de la pérennisation du remboursement anticipé du FCTVA. Ces craintes ont été entendues par le législateur , puisque la loi de finances pour 2010 a prévu, dans son article 43, que les « restes-à-réaliser » issus des engagements juridiques intervenus avant le 31 décembre 2009 seraient pris en compte.

Au total, sur les 19 668 bénéficiaires du FCTVA ayant conclu une « convention » avec l'État dans le cadre du dispositif instauré en 2009, plus de 90 % (18 072 collectivités) ont été effectivement pérennisés, dont 2 850 grâce à la prise en compte des « restes-à-réaliser » (soit près de 16 % du total).

Les dépenses réelles d'investissement réalisées par les bénéficiaires, qu'ils aient été ou non pérennisés, s'élèvent à 44 milliards d'euros .

En creux, ceci signifie que 1 596 bénéficiaires retombent dans le droit commun : en conséquence, ils ne percevront pas de FCTVA en 2010 (ils ont en effet déjà perçu le FCTVA pour 2008 dès 2009, et ne toucheront le FCTVA pour 2009 qu'en 2011).

La prolongation des « conventions FCTVA » par la loi de finances pour 2010 a également suscité l'adhésion des acteurs locaux 27 ( * ) : ainsi, 2 884 collectivités sont bénéficiaires de ce dispositif, pour un montant prévisionnel d'investissements de 2,74 milliards d'euros.

Votre rapporteur constate toutefois que les « conventions FCTVA », malgré leur attractivité, ont substantiellement complexifié la gestion du FCTVA, tant pour les administrations centrales que pour les collectivités, en faisant coexister plusieurs types de versements (versement de droit commun, versement anticipé, celui-ci pouvant ensuite être supprimé au cas par cas...).

En outre, il souligne que, bien que les « conventions FCTVA » aient permis d'endiguer la baisse des investissements que la crise économique aurait dû provoquer, leur effet incitatif reste à démontrer . En d'autres termes, il est douteux que ces conventions aient créé des investissements : il semble qu'elles aient plutôt permis d'accélérer la réalisation d'investissements déjà prévus, et dont la crise aurait pu retarder la mise en oeuvre.

Les chiffres sont en effet éloquents : certes, l'investissement local est revenu, en 2009, à son niveau de 2007 (c'est-à-dire à l'un des points les plus hauts d'investissement que les collectivités aient connu sur les quinze dernières années), et les ressources d'investissement ont augmenté de manière très nette (+ 38 % pour les départements et + 12 % pour les communes).

Pour autant, on ne peut qu'être frappé de constater que cette évolution s'accompagne d'une baisse de l'investissement direct des collectivités au cours de l'année 2009 (- 0,6 %), la hausse « optique » de l'investissement correspondant, en réalité, à une augmentation des subventions d'équipement allouées à d'autres collectivités publiques (+ 5,5 %).

A cet égard, la Cour des comptes constatait, dans un rapport sur le plan de relance remis au Parlement en février 2010 28 ( * ) , que ces conventions ne constituaient qu'un simple « avantage de trésorerie » qui n'avait pas eu d'impact substantiel sur l'investissement des collectivités. Plus grave : elle jugeait que le versement anticipé du FCTVA avait eu pour principal effet de limiter le recours à l'emprunt, si bien que cette mesure aurait eu un impact sur les modalités de financement des investissements, mais non sur le niveau de ces investissements. Elle observait même que « de nombreux organismes se sont contentés de respecter cet objectif conventionnel a minima, tout en diminuant leurs dépenses par rapport à 2008 et même en révisant à la baisse leur programme prévisionnel d'investissement ».

La décision d'inciter les collectivités à investir en utilisant justement le FCTVA pouvait, en outre, entrer en contradiction avec le maintien de ce fonds au sein de l'enveloppe normée, ce qui signifiait que toute hausse des investissements viendrait inéluctablement peser sur les autres concours « sous enveloppe », et notamment sur les dotations de fonctionnement.

Enfin, comme l'année passée, votre rapporteur déplore qu'aucun critère qualitatif n'ait été mis en place pour juger de la pertinence des investissements réalisés par le biais des avances de FCTVA, alors qu'une telle mesure aurait dû être concentrée sur les investissements d'avenir , seul ce type d'investissements ayant logiquement vocation à être financé par le biais d'un « plan de relance de l'économie ».

Le bilan des « conventions FCTVA » est donc mitigé : si ce dispositif a permis d'accélérer des investissements que la crise aurait pu ralentir, voire menacer, il ne semble pas avoir eu d'effet structurel en faveur du redressement de la conjoncture économique.

En somme, votre rapporteur s'associe au constat dressé par la Cour des comptes, selon laquelle « le versement anticipé des dotations de FCTVA a été un concours de trésorerie circonstanciel qui n'a pas modifié durablement les conditions de [l']équilibre budgétaire [des collectivités territoriales]. Le fléchissement continu, certes plus modéré en 2009, de leur autofinancement est un indicateur structurel de la dégradation de leur situation financière ».

B. EN LONGUE PÉRIODE, UNE DÉGRADATION TENDANCIELLE DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER POUR TOUTES LES CATÉGORIES DE COLLECTIVITÉS

En effet, force est de constater que, en longue période, la tendance est à la dégradation de l'équilibre financier pour tous les niveaux de collectivités, et plus particulièrement pour les départements.

1. Une dégradation globale des capacités d'autofinancement

Votre rapporteur note d'abord que les capacités d'autofinancement des collectivités se sont réduites en 2008 et en 2009. Globalement, celles-ci ont diminué de 6,2 % en 2008 et de 1,8 % en 2009 , ce qui ne doit toutefois pas masquer des évolutions très variées en fonction du niveau de collectivités concerné :

- les capacités d'autofinancement des communes et des EPCI sont en augmentation (respectivement, de 6 et 14 %). Cette augmentation est d'autant plus étonnante que les coûts de fonctionnement des communes et de leurs groupements ne cessent de croître (près de 20 % pour les communes et pour les EPCI depuis 2002), alors même qu'une mutualisation des moyens aurait dû être engagée et qu'elle aurait dû provoquer des économies d'échelle ;

- les capacités d'autofinancement des régions connaissent un léger infléchissement (baisse de 5 %) ;

- celles des départements sont en chute libre (diminution de 18 % en 2009, qui succède à une baisse de 14 % en 2008).

Cette évolution est inquiétante, puisqu'elle confirme l'existence, sous l'effet de la réduction du montant des dotations de fonctionnement versées par l'État, d'un décalage durable entre les dépenses de fonctionnement (qui, malgré une décélération par rapport à 2008, augmentent pour toutes les catégories de collectivités) et les recettes de fonctionnement .

De même, l'épargne brute des départements et des régions continuera, selon toute vraisemblance, de diminuer en 2010 : selon l'Observatoire des finances locales, les capacités d'autofinancement des départements devraient ainsi baisser de 11,1 % en 2010 , celles des régions diminuant de 5,9 %.

Enfin, le niveau d'emprunt des collectivités n'a pas cessé, malgré les conventions FCTVA et malgré la relative amélioration de la conjoncture économique, d'augmenter : en 2009, l'encours de dette augmente ainsi, toutes catégories de collectivités confondues, de 4,5 %.

2. Un « effet de ciseaux » qui continue de mettre en danger la viabilité des finances départementales

Comme en 2008, le constat le plus préoccupant concerne les finances des départements.

(1) La dégradation continue des finances départementales : un déséquilibre qui s'est accru en 2009

L'effet de ciseaux (qui se définit comme une sensibilité divergente des ressources et des charges à la conjoncture économique, entraînant une hausse des dépenses concomitamment à une réduction des recettes) auquel les départements sont structurellement soumis s'est aggravé au cours de l'année 2009.

La crise a en effet provoqué une croissance sensible des dépenses sociales des départements : celles-ci ont augmenté de 4 % entre 2008 et 2009, si bien qu'elles représentent désormais 62 % des charges de fonctionnement. Au sein de ce total, on notera que les dépenses d'aide à la personne (RSA, aide personnalisée à l'autonomie des personnes âgées et PCH) ont augmenté de plus de 8 %. Ce constat est particulièrement problématique dans la mesure où les départements n'ont aucune maîtrise sur les prestations sociales qu'ils financent (ils ne peuvent en déterminer ni le montant, ni le nombre de bénéficiaires, ces décisions relevant uniquement de l'État).

Comme le résume Pierre Jamet dans son rapport précité : « Croît progressivement le sentiment, pour nombre d'élus décideurs, que comme leurs agents, ils deviennent des `guichets' agissant pour le compte d'autrui, en l'occurrence l'État. La montée en charge des dispositifs, les difficultés ou tensions budgétaires en découlant font naître un sentiment d'impuissance, voire une véritable angoisse collective des décideurs , apeurés de ne pouvoir, à terme, remplir leurs obligations. »

A cet égard, votre rapporteur souligne que, selon les données qui figurent dans le rapport précité de la Cour des comptes, le taux de couverture par l'État et les organismes sociaux a diminué entre 2008 et 2009, passant de 67 à 62 % ; cet écart entre les deux années représente, pour les départements, un surplus de financement de 5,3 milliards d'euros .

Parallèlement, les recettes des départements ont peu augmenté en 2009, notamment sous l'effet de la mauvaise conjoncture du marché de l'immobilier : celle-ci a eu un impact direct sur le rendement des DMTO, qui a chuté de 22,5 % entre 2008 et 2009 .

Dès lors, pour faire face à cette situation, les départements ont dû augmenter le taux de certains impôts locaux : en 2009, 73 départements ont voté des taux en hausse ; à l'échelle nationale, la hausse moyenne est nette, et s'établit à 6,2 % .

(2) Un phénomène structurel

De manière plus générale, on ne peut que constater que les ressources des départements sont en « décrochage » par rapport aux compétences qu'ils exercent et que la fragilisation des finances départementales, loin d'être un fait conjoncturel lié à la crise économique, est un phénomène structurel .

En effet, les dépenses et les ressources évoluent de manière inverse et ce, de manière inéluctable :

- les ressources des départements sont caractérisées par leur faible dynamisme. Le rapport précité de la Délégation aux collectivités territoriales a ainsi mis en évidence l'« atonie » de l'assiette de la TIPP, faisant passer le rendement de cette dernière de 24,3 milliards d'euros en 2000 à 14,5 milliards d'euros en 2010 (soit une chute de près de 60 % en dix ans ) ; quant aux dotations versées par l'État, elles sont en recul constant ;

- toutes les dépenses liées à la « décentralisation sociale » sont, au contraire, en augmentation continue : selon le rapport de l'Observatoire de la décentralisation, le total des dépenses d'aide sociale prises en charge par les départements a augmenté de 8,1 % entre 2009 et 2010 29 ( * ) .

En outre, selon M. Pierre Jamet, l'ampleur de cet effet de ciseaux risque de s'exacerber avec le temps . Il estime ainsi que, à long terme, le caractère contraint des ressources (lié notamment à la réforme de la taxe professionnelle, qui prive les collectivités d'une large partie de leur autonomie fiscale) 30 ( * ) , ainsi que le caractère obligatoire des dépenses (qui sont d'ailleurs fréquemment sous-estimées), devraient exercer une pression de plus en plus forte sur les finances départementales. Les compétences sociales dévolues aux départements après la loi du 13 août 2004 devraient d'ailleurs jouer un rôle non-négligeable dans cette évolution : en effet, ces transferts ont été effectués hors de tout mouvement global de décentralisation, si bien qu'elles ne font l'objet d'aucun contrôle de gestion .

Il convient, par ailleurs, de souligner que ce phénomène de « décrochage » n'a pas la même portée dans tous les départements : quatre critères permettent de caractériser les départements les plus vulnérables. Ainsi, sont particulièrement touchés par l'effet de ciseaux, les départements comptant un nombre important d'habitants de plus de 75 ans, dont le revenu moyen des ménages imposables est faible, qui connaissent un taux de chômage élevé et dont la densité démographique est limitée.

(3) Quelles solutions pour restaurer la viabilité des finances départementales ?

Plusieurs solutions ont été avancées pour répondre à la situation alarmante des départements.

A court terme, le gouvernement a tout d'abord repris l'une des propositions du rapport Jamet en créant, en septembre 2010, une « mission d'appui » pour les départements les plus en difficulté . Composée de fonctionnaires de l'Inspection générale des finances, de l'Inspection générale de l'administration et de l'Inspection générale des affaires sociales, cette mission est chargée de proposer aux départements les plus en difficulté, qui font appel à elle de manière volontaire, de conclure un « contrat de stabilité » grâce auquel ils pourront recevoir des avances 31 ( * ) ; en contrepartie, les conseils généraux en cause devront mettre en place un programme de stabilisation de leurs dépenses.

Selon les informations fournies par le gouvernement, à ce stade, quatre départements ont déjà sollicité la mission d'appui .

A plus long terme, le gouvernement a annoncé son intention de mener une réforme de la prise en charge de la dépendance ; examinée au cours de l'année 2011, celle-ci devrait notamment permettre de modifier les modalités de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA).

Votre rapporteur considère que cette initiative, pour opportune qu'elle soit, n'est pas suffisante pour répondre aux difficultés des départements. Une réflexion globale sur la « décentralisation sociale » est aujourd'hui nécessaire pour éviter que, pour reprendre l'expression du président Gérard Larcher, les départements ne soient mis en « dépôt de bilan ».

Ainsi, selon la Cour des comptes, c'est l'ensemble des dépenses sociales assumées par les départements qui doit être revu et repensé : « à terme, le financement des aides sociales décentralisées n'apparaît pas viable » 32 ( * ) . Dès lors, toujours selon la Cour, « il revient à l'État de revoir les conditions de financement de ces prestations » (et non des seules prestations relatives à la dépendance), « qu'il a transférées aux départements sans leur donner les moyens d'en maîtriser l'évolution ou de modifier les dispositifs sociaux eux-mêmes ».

Ce point de vue est d'ailleurs partagé par les élus départementaux, et notamment par l'Assemblée des départements de France, qui préconise que les dépenses résultant de l'APA, de la PCH et du RSA soient compensées à l'euro près , sous le contrôle de la CCEC, par l'État, ce qui imposerait une révision annuelle des modalités de compensation.

Votre rapporteur estime donc nécessaire que le Sénat se saisisse de cette question et que, a minima , un débat sur ce sujet puisse être rapidement organisé.

V. UNE PRISE EN COMPTE INÉGALE DES DÉPENSES LOCALES INDUITES PAR L'ACTION DE L'ÉTAT

Votre rapporteur constate que l'effort financier de l'État ne couvre pas l'intégralité des charges supportées par les collectivités territoriales en raison de son action . En effet, non seulement les acteurs locaux ont eu à faire face aux dépenses provoquées par l'activité normative de l'État, celles-ci ayant longtemps été ignorées et mal évaluées par les services centraux, mais ils sont également confrontés à la multiplication des « transferts rampants ».

A. LA MULTIPLICATION DES « TRANSFERTS RAMPANTS » : LE CAS DES COMPÉTENCES EXERCÉES PAR LES MAIRES EN TANT QU'AGENTS DE L'ÉTAT

L'expression « transfert rampant » désigne les cas où les collectivités territoriales se sont vues confier ou déléguer l'exercice d'une compétence par l'État mais où, en l'absence de transfert formel de ladite compétence, elles ne sont pas juridiquement fondées à réclamer une compensation financière à ce dernier .

Votre rapporteur observe que ces « transferts rampants » tendent à devenir, pour le pouvoir central, une manière de se délester à peu de frais des compétences dont l'exercice ne présente, à ses yeux, qu'un intérêt limité au regard de leur coût.

La question de l'exercice par les maires, agents de l'État, de compétences qui n'ont pourtant pas formellement été transférées aux communes , est particulièrement emblématique de ce mouvement.

L'une des premières compétences à avoir fait l'effet d'un « transfert rampant » sous cette forme est la compétence relative à l'établissement des contraventions et au recouvrement direct des amendements forfaitaires dues sur la base de ces mêmes contraventions, et qui a été confiée aux agents de police municipale par la loi du 15 avril 1999 33 ( * ) . La seule compensation perçue pour l'exercice de cette compétence est très incomplète, puisqu'elle a trait aux seuls régisseurs des polices municipales : la loi de finances rectificative pour 2004 a en effet obligé les communes et les groupements de communes auprès desquels le préfet a créé une régie de recettes pour percevoir le produit de certaines conventions à verser, au nom et pour le compte de l'État, une indemnité de responsabilité aux régisseurs des polices municipales, afin notamment de compenser leurs charges de fonctionnement. Cette indemnité est remboursée par l'État, avec un montant minimal de 110 euros par régie. Le reste des dépenses exposées par les communes ou leurs groupements ne fait, quant à lui, l'objet d'aucun remboursement .

De la même manière, les maires exercent, au nom de l'État, une partie des compétences relatives à la délivrance de certains titres d'identité . En effet, les décrets n° 99-973 du 25 novembre 1999 et n° 2001-185 du 26 février 2001 ont chargé les communes de recueillir les demandes de cartes nationales d'identité et de passeports et d'en assurer la délivrance. L'instruction des dossiers (y compris la lutte contre la fraude documentaire) et la fabrication des titres restent, à l'inverse, dans le champ de compétence direct de l'État.

Or, s'appuyant sur les dispositions de l'article L. 1611-1 du code général des collectivités territoriales, aux termes desquelles « aucune dépense à la charge de l'État ou d'un établissement public à caractère national ne peut être imposée directement ou indirectement aux collectivités territoriales ou à leurs groupements qu'en vertu de la loi », le Conseil d'État a jugé que non seulement le décret précité de 2001 était illégal 34 ( * ) , mais aussi que cette illégalité engageait la responsabilité pécuniaire de l'État 35 ( * ) , obligeant ce dernier à indemniser les communes requérantes.

Afin de clore ce contentieux, le Parlement a mis en place, dans la loi de finances rectificative pour 2008, un dispositif permettant à la fois de donner une base législative aux missions confiées aux communes et de leur attribuer une dotation exceptionnelle compensant leurs charges pour la délivrance de titres entre 2005 et 2008. Parallèlement, la même loi prévoyait, pour l'avenir, d'indemniser les communes accueillant, sur la base du volontariat, des stations d'enregistrement pour les demandes de passeports biométriques. Ceci étant, cette indemnisation est forfaitaire (5 000 euros par station) et n'est censée compenser que les seules demandes émanant de citoyens qui habitent à l'extérieur de la commune .

Ce dispositif a été validé par le Conseil constitutionnel dans une décision récente : saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, celui-ci a en effet considéré que « les compétences confiées aux maires au titre de la délivrance de cartes nationales d'identité et de passeports sont exercées au nom de l'État » et que, en conséquence, « le grief tiré de la violation des dispositions précitées de l'article 72-2 de la Constitution [sur la compensation des charges transférées] qui ne sont relatives qu'aux compétences exercées par les collectivités territoriales » était inopérant 36 ( * ) . En d'autres termes, hors du cadre strict du transfert de compétences , une collectivité territoriale n'a pas la capacité de demander l'application des dispositions constitutionnelles qui lui garantissent « l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à [l']exercice [des compétences en cause] ».

Le Conseil d'État a, de même, estimé que, dans le silence de la loi , les communes exerçant des compétences sur délégation de l'État ne pouvaient prétendre à aucune indemnisation 37 ( * ) .

Décision « Commune de Versailles » rendue par le Conseil d'État le 22 octobre 2010 (extraits)

Dans la décision « Commune de Versailles », le Conseil d'État a jugé que, en confiant une compétence à une commune au motif que le maire est un agent de l'État, le législateur a entendu indirectement mettre à la charge de celle-ci les frais afférents à l'exercice de cette compétence. Elles ne peuvent donc prétendre à aucune indemnisation pour les coûts ainsi créés, sauf lorsque ces coûts ne sont pas liés à la compétence en cause.

« Considérant que les frais d'établissement des avis de contravention et des cartes de paiement des amendes forfaitaires [...] qui sont remis aux contrevenants lors de la constatation des contraventions au code de la route, sont liés à cette constatation ; que les frais d'établissement des quittances [...] qui sont délivrées immédiatement par les agents verbalisateurs aux contrevenants qui s'acquittent des amendes forfaitaires entre leurs mains, sont liés à cette perception ; que ces frais constituent dès lors des dépenses nécessaires à l'exercice des missions confiées aux agents de police municipale par les dispositions [des lois du 15 novembre 2001, du 18 mars 2003 et du 12 juin 2003], lesquelles ont mis ces dépenses à la charge des communes [...] ;

« Considérant que [...], toutefois, [...] aucune disposition législative ne met directement ou indirectement à la charge des communes les frais de fonctionnement des régies de recettes mises en place par l'État auprès des communes pour l'encaissement, par les comptables publics de l'État, des amendes pouvant résulter des procès-verbaux établis par les agents de police municipale ; que la cour administrative d'appel n'a dès lors pas commis d'erreur de droit en jugeant que [ces] frais [...] devaient être mis à la charge de l'État... »

Votre rapporteur s'inquiète de ces transferts non-compensés , dont le nombre tend à croître avec le temps et qui ne peuvent que déséquilibrer les finances des collectivités territoriales. À cet égard, il rappelle que le gouvernement a fait état de son intention de déposer, dans le cadre de l'examen du second projet de loi de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (ou « LOPPSI 2 »), un amendement chargeant les maires, en tant qu'agents de l'État, d'établir des procurations de vote , cette mission étant actuellement assurée par les officiers de police judiciaire.

Votre rapporteur appelle donc le Sénat, si cet amendement devait être adopté, à faire preuve de vigilance et à porter une attention toute particulière aux compensations prévues pour tenir compte des nouveaux coûts ainsi mis à la charge des communes.

B. LA PRISE EN COMPTE RENFORCÉE DES INTÉRÊTS LOCAUX DANS LA CONDUITE DE L'ACTIVITÉ NORMATIVE DE L'ÉTAT

L'activité normative de l'État est également génératrice de coûts non-compensés pour les collectivités territoriales. Si des progrès importants ont été faits avec la création de la Commission consultative d'évaluation des normes, à la fin de l'année 2007, d'autres avancées restent nécessaires pour garantir la pleine association des acteurs locaux à l'élaboration des normes qui ont un impact sur l'exercice des compétences décentralisées.

1. L'activité de la commission consultative d'évaluation des normes
(1) La commission consultative d'évaluation des normes : une entité originale qui exerce ses compétences avec rigueur

Créée par l'article 97 de la loi de finances rectificative pour 2007, la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) est une émanation directe du CFL, dont elle constitue une formation restreinte ; sa composition et ses règles de fonctionnement ont été précisées par un décret du 22 septembre 2008.

Ainsi, aux termes de l'article L. 1211-4-2 du code général des collectivités territoriales, la CCEN est composée de vingt-deux membres désignés parmi les membres titulaires du CFL, et parmi lesquels on dénombre quinze représentants des collectivités territoriales .

Des experts peuvent également être conviés par la Commission en fonction de l'ordre du jour (il s'agit, dans la plupart des cas, de représentants du Secrétariat général du gouvernement ou des associations d'élus locaux), afin de renforcer la qualité technique et la pertinence de ses avis. Ces experts assistent aux séances, mais ne disposent pas d'une voix délibérative.

La CCEN reçoit communication de tous les projets ou propositions de réglementation et de législation nationale ou communautaire créant ou modifiant des normes imposées aux collectivités et à leurs établissements publics. Le décret relatif à la commission prévoit que ces textes sont accompagnés d'un rapport de présentation et, surtout, d'une fiche d'impact financier qui fait « apparaître les incidences financières directes ou indirectes des mesures proposées pour les collectivités territoriales ». Elle dispose alors d'un délai de cinq semaines, pouvant exceptionnellement être ramené à 72 heures sur demande du Premier ministre, pour rendre son avis sur le texte dont elle est saisie.

En outre, la commission peut être consultée sur tout projet de loi ou d'amendement du gouvernement concernant les collectivités territoriales ; cette consultation est laissée à la discrétion du pouvoir exécutif.

Ses avis, bien qu'obligatoires, ne sont pas des avis conformes : le gouvernement peut donc s'abstenir d'en tenir compte.

Au total, depuis sa création et jusqu'en juillet 2010, la CCEN s'est réunie à vingt-sept reprises et a examiné 337 textes réglementaires, dont 108 pour la seule année 2010 . Ceux-ci représentent :

- un coût d'environ 1,431 milliard d'euros en année pleine pour les collectivités. Pour le premier semestre 2010, 43 % de ces coûts résultent de la réglementation prise dans le domaine de la fonction publique ;

- une économie de 456 millions d'euros par rapport aux normes en vigueur au moment de la saisine de la CCEN ;

- des recettes potentielles d'environ 528,2 millions d'euros ; toutefois, ces recettes résultent principalement du projet de décret relatif à la taxe pour la collecte, le transport, le stockage et le traitement des eaux pluviales, dont l'institution est facultative.

Au total, les mesures soumises à la Commission ont donc généré un coût net de 447 millions d'euros .

En outre, votre rapporteur souligne que 107 des 108 projets de texte soumis à la Commission en 2010 ont reçu un avis favorable ; seul a reçu un avis défavorable, le projet de décret relatif au fonds national de financement de la protection de l'enfance.

Cette proportion très élevée d'avis favorables n'implique pas que la Commission n'exerce pas sa compétence de manière pleine et entière : en effet, non seulement de nombreux textes (11 %) ont reçu un avis favorable assorti de recommandations , mais surtout, le président de la CCEN a fait usage, dès lors qu'il estimait nécessaire d'obtenir des éléments d'information supplémentaires, de son pouvoir de report de l'examen d'un texte à la séance suivante : cette faculté de report a été utilisée trois fois en 2010.

La commission a donc réussi à faire valoir son point de vue, tout en privilégiant une culture de dialogue et de concertation .

Votre rapporteur considère que, au vu des excellents résultats obtenus par la Commission, qui a réussi à modifier en profondeur le comportement des administrations centrales et à apaiser leur « réflexe prescriptif », la portée de ses avis devrait être renforcée : il propose donc que la CCEN puisse, dans certains domaines particulièrement générateurs de coûts pour les collectivités territoriales, rendre des avis conformes sur les projets de décrets.

(2) La nécessité d'une meilleure prise en compte des normes facultatives

Comme l'année passée, votre rapporteur observe que les normes techniques professionnelles facultatives de type AFNOR ou ISO 38 ( * ) ont un fort impact sur les collectivités territoriales, que ce soit à travers les ouvrages et services publics qu'elles gèrent (déchets, voirie, équipements sportifs...) ou dans la mise en oeuvre de leurs compétences.

Bien que facultatives, ces normes sont souvent vécues comme de facto obligatoires par les collectivités, voire rendues obligatoires par contrat (notamment dans le cadre des contrats d'assurance souscrits par les acteurs locaux) ; or, elles sont exclues du champ de la saisine de la CCEN , dont la compétence se borne aux textes normatifs d'application obligatoire, si bien qu'elles ne font l'objet d'aucune évaluation financière préalable.

Dès lors, et même s'il note avec satisfaction que des mécanismes plus ou moins formels ont été mis en place afin de garantir la participation des collectivités à l'élaboration des normes techniques 39 ( * ) , votre rapporteur estime opportun que des outils permettant d'estimer précisément le coût de ces normes soient mis à la disposition des élus locaux, et que la CCEN puisse, dans des conditions qui restent à définir, être consultée sur certaines normes facultatives .

(3) Vers une réévaluation du « stock » de normes

Enfin, comme votre rapporteur l'avait annoncé lors de son avis sur le PLF pour 2010, la CCEN sera prochainement amenée à se prononcer non seulement sur les flux de textes, c'est-à-dire sur les projets de textes nouveaux, mais aussi sur les quelques 400 000 textes anciens qui forment le stock des normes opposables aux collectivités territoriales. Étant dans l'incapacité matérielle de connaître de l'ensemble de ces textes, elle procéderait par échantillonnage, selon des critères fixés conjointement par la DGCL et les associations d'élus locaux.

À ce stade, votre rapporteur note avec satisfaction que, dès le mois de juillet 2010, les associations d'élus ont été saisies par le Premier ministre afin qu'elles communiquent au gouvernement la liste des domaines dans lesquels une « révision générale des normes » devrait être engagée en priorité. Après une phase d'expertise technique effectuée par les services des ministères compétents, les normes identifiées comme problématiques seront examinées par la CCEN, qui pourra préconiser le maintien, l'aménagement ou la suppression des normes en cause.

Selon les informations communiquées par le gouvernement, les trois associations d'élus saisies (Association des maires de France, Assemblée des départements de France et Association des régions de France) ont mis en évidence les problèmes posés par les normes relatives aux services d'incendie et de secours et au secteur social et médico-social , ainsi que par les règles émanant des fédérations sportives ; celles-ci devraient donc être rapidement soumises à l'examen de la CCEN.

Votre rapporteur soutient sans réserve cette initiative, qui répond à une revendication constante de la CCEN et des élus locaux.

2. La mise en place d'un « moratoire » sur les normes nouvelles concernant les collectivités territoriales

En outre, à l'issue de la deuxième conférence sur les déficits de mai 2010 et afin de favoriser la réduction des déficits des collectivités territoriales, le gouvernement a décidé la mise en place d'un moratoire sur l'adoption de mesures réglementaires applicables aux acteurs locaux .

Ce moratoire a été concrétisé par une circulaire du 6 juillet , aux termes de laquelle :

- le moratoire s'applique à toutes les mesures réglementaires qui ont vocation à s'appliquer aux collectivités territoriales, à leurs groupements et à leurs établissements publics, dès lors que ces mesures ne sont pas rendues obligatoires par la mise en oeuvre d'engagements internationaux de la France (et notamment de ses engagements communautaires) ou par l'application des lois ;

- la consultation de la CCEN sur les projets de loi ayant un impact financier sur les collectivités territoriales, qui est aujourd'hui facultative, sera plus fréquemment mise en oeuvre ;

- le président de la CCEN, lorsqu'il fera usage de sa faculté de reporter l'examen d'un texte réglementaire, pourra charger un représentant des collectivités territoriales siégeant au sein de la Commission de procéder à un « contre-rapport » ; pour ce faire, il pourra faire appel à des experts « issus de l'encadrement des collectivités territoriales ».

Votre rapporteur s'associe pleinement à ce « moratoire », qui est, en outre, pleinement cohérent avec la « révision générale des normes » qui sera prochainement mise en chantier ; il gage, à cet égard, que cette participation accrue des collectivités territoriales au processus normatif contribuera à accroître la confiance des élus locaux en l'État et leur démontrera la volonté des pouvoirs publics de mieux prendre en compte les problèmes concrets auxquels ils sont confrontés, jour après jour, sur le « terrain ».

*

* *

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » figurant dans le projet de loi de finances pour 2011.

ANNEXE - LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Association des maires de France (AMF)

M. Philippe Laurent, maire de Sceaux, président de la Commission « finances » de l'AMF

M. Pascal Buchet, maire de Fontenay-aux-Roses, rapporteur de la commission « finances » de l'AMF

M. Alain Roby, responsable du service financier

Association des régions de France (ARF)

M. Pierre-Eric Massiot , vice-président de la commission « finances et affaires générales » de la région Bretagne

Direction générale des collectivités locales

M. Eric Jalon, directeur général

(Contribution écrite)


* 1 Ces montants sont égaux à la somme des crédits alloués à la DGE des communes et à la DDR en 2010.

* 2 Corrélativement, une commission unique, composée d'élus sur le modèle de la commission actuellement en fonction pour la DGE, devrait être mise en place pour veiller à ce que l'action de l'État soit adaptée aux besoins locaux.

* 3 On rappellera que cette dotation est divisée en deux fractions : la fraction principale, attribuée sur la base des investissements réalisés par les départements en matière d'aménagement foncier et d'équipement rural, et une fraction accessoire qui vient notamment soutenir les départements les plus défavorisés.

* 4 « Le compte d'avance aux collectivités territoriales », rapport déposé le 13 novembre 2007.

* 5 « La conduite par l'État de la décentralisation ».

* 6 L'article 73 de la loi du 13 août 2004 a en effet transféré aux régions, la compétence relative au financement du fonctionnement et de l'équipement des écoles et instituts de formation des sages-femmes et des professionnels paramédicaux.

* 7 Cette ordonnance a d'ailleurs été récemment ratifiée par le Sénat, dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif au Département de Mayotte.

* 8 Cette modalité de compensation est identique à celle qui avait été prévue lors du transfert du RMI à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin.

* 9 Rapport de la Cour des comptes sur les résultats et la gestion budgétaire de l'État pour l'exercice 2009, mai 2010.

* 10 C'est-à-dire, pour la période 2011-2014, à une norme « zéro valeur » hors charge de la dette et hors contributions aux pensions des fonctionnaires de l'État.

* 11 Avis de M. Philippe Valletoux, Fiscalité et finances publiques locales : à la recherche d'une nouvelle donne, décembre 2006.

* 12 Demeuraient notamment exclues de l'enveloppe normée les dotations suivantes : le FCTVA, le produit des amendes de police, le fonds de mobilisation départementale pour l'insertion.

* 13 Aux termes du CGCT, les dotations d'investissement évoluent au même rythme que la formation brute de capital fixe (FBCF) des administrations publiques, telle qu'elle est évaluée pour l'année à venir. Or, pour l'année 2010, ce taux était négatif : l'investissement des collectivités territoriales aurait donc été pénalisé. L'article 14 du PLF 2010 a donc prévu que les dotations d'investissement seraient indexées sur l'inflation prévisionnelle, permettant de maintenir, en valeur, l'investissement des collectivités territoriales à son niveau de 2009.

* 14 Rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'État pour l'année 2008, mai 2009.

* 15 On rappellera, à cet égard, que le produit des amendes forfaitaires de la circulation routière est réparti par le CFL, en fonction du nombre d'amendes dressées sur le territoire de la commune ou de l'EPCI en cause, afin de financer des opérations visant à améliorer les transports en commun et la circulation.

* 16 Ce prélèvement a augmenté de 27 % entre 2010 et 2007.

* 17 Le taux d'inflation pour 2011 est, lui aussi, évalué à 1,5 %.

* 18 Réponse au questionnaire budgétaire établi par votre rapporteur.

* 19 Rapport du groupe de travail présidé par Pierre Jamet, directeur général des services du département du Rhône, remis au Président de la République le 22 avril 2010.

* 20 Les parlementaires sollicités par le Premier ministre pour faire partie de cette mission sont nos collègues François-Noël Buffet, Alain Chatillon et Charles Guené, ainsi que les députés Marc Laffineur, Olivier Carre et Michel Diefenbacher.

* 21 On compte en effet, en France, 33 millions de locaux au total, voire 44 millions en incluant les dépendances.

* 22 Décision n° 2003-474 DC du 17 juillet 2003.

* 23 Décision n° 2004-487 DC du 18 décembre 2003.

* 24 Audition de M. Alain Marleix par la commission des lois de l'Assemblée nationale, 27 octobre 2010.

* 25 « Les finances des collectivités locales en 2010. État des lieux », rapport de l'Observatoire des finances locales, juillet 2010.

* 26 Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, juin 2010.

* 27 L'article 44 de la loi de finances pour 2010 prévoit en effet que les collectivités qui se sont engagées, avant le 15 mai 2010, à une augmentation de leurs dépenses d'investissement par rapport à la moyenne constatée pour les exercices 2005 à 2008 bénéficieront, en 2010, des versements du FCTVA pour 2008 (versement de droit commun) et pour 2009 (versement anticipé).

* 28 Rapport public annuel de la Cour des comptes, février 2010.

* 29 Pour des éléments précis sur cette question, votre rapporteur renvoie au rapport précité de la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, qui a fait de la décentralisation sociale l'exemple des « ambiguïtés du principe de compensation des créations/extensions de compétences » et a montré, en détail, les raisons de la divergence entre les ressources et les dépenses des départements.

* 30 Selon la Cour des comptes, la réforme de la taxe professionnelle risque de faire baisser la valeur du point fiscal de 38 % dans l'Essonne et de 44 % dans le Pas-de-Calais, par exemple.

* 31 Ces avances figureront dans le projet de loi de finances rectificative pour 2010.

* 32 Rapport précité de juin 2010.

* 33 Cette obligation est codifiée à l'article L. 2212-5 du code général des collectivités territoriales.

* 34 CE, « Commune de Versailles », 5 janvier 2005.

* 35 CE, « Commune de Villeurbanne », 14 septembre 2007.

* 36 Décision n° 2010-29/37 du 22 septembre 2010, « Commune de Besançon », considérant 7.

* 37 CE, « Commune de Versailles » (décision n° 328102) et « Commune de Strasbourg » (décision n° 339013), 22 octobre 2010. Ces décisions, qui ont été rendues en matière de répression des infractions au code de la route par la police municipale, ont une valeur générale.

* 38 Les normes techniques issues des processus de normalisation sont en effet, le plus souvent, d'application volontaire : ainsi, sur les 30 000 normes françaises homologuées, moins de 400 ont été rendues obligatoires par un texte réglementaire ou législatif.

* 39 Les collectivités territoriales sont en effet représentées au sein du conseil d'administration de l'AFNOR ; en outre, un comité de concertation « Normalisation et collectivités territoriales » a été mis en place en décembre 2000, et intervient à titre consultatif dans le processus de normalisation piloté par l'AFNOR.

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