EXAMEN DES ARTICLES

CHAPITRE III - Dispositions relatives aux communications électroniques
Article 11 - Habilitation à légiférer par voie d'ordonnance pour la transposition du troisième « paquet télécoms »

Commentaire : cet article autorise le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance pour insérer, principalement dans le CPCE, toute une série de dispositions visant essentiellement à assurer la transposition du troisième « paquet télécoms ».

I. Le texte du projet de loi

L'article 11 du projet de loi, seule disposition du texte d'origine à traiter des télécommunications, tend à habiliter le Gouvernement à prendre des ordonnances dans le domaine législatif afin :

- de transposer en droit national les deux directives modificatrices (2009/136/CE et 2009/140/CE) du troisième « paquet télécoms » (1° et 2° du I) ;

- de prendre des mesures complémentaires concernant la gestion des fréquences (3° du I), la sécurité des réseaux (4° du I) et diverses corrections d'erreurs matérielles et rectifications (5° du I).

L'avant-projet d'ordonnances, mis en consultation par le Gouvernement à la mi-2010, donne à voir les modifications envisagées par ce dernier à ces cinq titres respectifs.

A. La transposition du troisième « paquet télécoms » (1° et 2° du I)

L'habilitation à transposer le troisième « paquet télécoms » figure aux 1° et 2° du I de l'article 11 du projet de loi. Les dispositions législatives affectées par cette transposition peuvent être regroupées en cinq grands sujets.

1. Le renforcement de la régulation

C'est à travers les modifications des directives « cadre » - et notamment ses articles 3, 7, 7 bis , 8 et 12 -, « accès » - et notamment son article 13 bis - et « autorisation » - et notamment son article 10 - que sont renforcés les pouvoirs des autorités nationales de régulation. Ce renforcement passe par une réaffirmation de leur indépendance, mais s'accompagne également d'un contrôle accru par les pairs et la Commission européenne afin d'améliorer la cohérence des pratiques des autorités nationales de régulation et d'ainsi consolider le marché intérieur des communications électroniques.

Au niveau européen , est recherchée une plus grande cohérence des pratiques de régulation entre les différentes autorités compétentes . Un organe de coordination et de contrôle entre les autorités de régulation nationales (ARN) - l'ORECE - est créé à cet effet, et des mécanismes de coopération et de contrôle par les pairs entre régulateurs nationaux sont instaurés. L'ORECE doit jouer le rôle de forum exclusif entre la Commission européenne et les ARN, ainsi qu'entre les ARN elles-mêmes. Le nouveau cadre communautaire reconnaît par ailleurs à la Commission européenne le pouvoir d'adopter des mesures d'harmonisation sous forme de recommandations ou de décisions lorsque subsistent des divergences d'approche réglementaire entre les ARN dans l'Union européenne.

Au niveau national , l' indépendance des autorités de régulation du secteur des communications électroniques est consacrée . Il est ainsi expressément souligné, à l'article L. 131 du CPCE, que « les membres et agents de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes exercent leurs fonctions en toute impartialité, sans recevoir d'instruction du Gouvernement, ni d'aucune institution, personne, entreprise ou organisme ».

Sur le fond, le cadre normatif dans lequel s'inscrivent les autorités nationales de régulation évolue notablement.

Les objectifs que l'ARCEP et le ministère en charge des communications électroniques doivent prendre en compte dans leurs décisions, tout d'abord, sont élargis en vue d'éviter la réapparition de monopoles dans les nouveaux réseaux. Devront ainsi être désormais pris en compte par le régulateur :

- la diversité des situations en matière de concurrence, qui devrait contraindre l'autorité de régulation à préciser le cadre géographique retenu pour ses analyses de marché (3° bis de l'article L. 33-1 du CPCE) ;

- le risque encouru par les entreprises qui investissent, ce qui formalise une pratique de l'ARCEP jusqu'alors dépourvue de base légale (3° ter de l'article L. 32-1 du même code).

Par ailleurs, les pouvoirs de mutualisation des autorités de régulation nationale sont substantiellement renforcés, et ce s'agissant du droit d'accès imposé aux opérateurs :

- aux équipements et installations établis en application d'un droit de passage (article L. 34-8-4 [nouveau] du CPCE), ainsi qu'aux ressources associées (19° de l'article L. 32 du même code) ;

- aux lignes intérieures d'un immeuble lorsque leur duplication serait inenvisageable (article L. 34-8-4 précité), c'est-à-dire la partie terminale des réseaux.

Les pouvoirs de régulation de l'ARCEP sont aussi révisés à la hausse, le nouveau « paquet télécoms » permettant aux régulateurs nationaux :

- d'étendre à des marchés connexes des remèdes imposés à un opérateur exerçant une influence significative sur un marché donné, par un mécanisme dit « d'effet de levier » (article L. 37-2 du CPCE) ;

- d'imposer la séparation fonctionnelle à un opérateur intégré, le contraignant à séparer ses activités de réseau de ses activités de service en les confiant à deux entités distinctes (article L. 38-1 du même code). Cette disposition, dont l'application serait exceptionnelle, a déjà été transposée en France par la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle ;

- de prendre, en matière de téléphonie mobile, des décisions tendant à la fixation des tarifs maximums des numéros surtaxés (article L. 44 du même code) et au blocage par les opérateurs de certains numéros pour éviter ou faire cesser des comportements frauduleux ou abusifs (article L. 44-2 du même code). Les dernières évolutions de l'avant-projet d'ordonnances prévoient, dans ce dernier cas, que la décision soit prise par le juge, saisi par le régulateur compétent.

Le pouvoir de règlement des différends de l'ARCEP se trouve conforté. L'article 20 de la directive « cadre » prévoit que l'ARCEP pourrait dorénavant régler les différends entre opérateurs de réseaux et d'autres acteurs économiques, tels que les fournisseurs de contenu, portant sur les conditions techniques et tarifaires d'acheminement (article L. 36-8 du CPCE). Il importe que cette disposition soit bien interprétée - et appliquée - de façon parfaitement symétrique, à savoir qu'elle permette aux deux catégories d'acteurs principalement concernés - les fournisseurs d'accès et les éditeurs de contenus - de saisir pareillement le régulateur national.

Les pouvoirs de sanction de l'ARCEP sont en outre également consolidés, puisqu'il lui serait désormais permis :

- d'assortir une mise en demeure d'une astreinte (article L. 36-11 du CPCE), que seul un juge peut prononcer pour l'instant ;

- de décider la suspension ou l'arrêt de la commercialisation d'un service (idem).

2. La gestion du spectre radioélectrique

Ce sont les articles 9 et 9 bis de la directive « cadre » qui traitent de la gestion du spectre, modifiant en conséquence les articles L. 42, L. 42-1 et L. 43 du CPCE. L'objectif général est de rendre cette gestion plus souple et plus efficace, afin de permettre un accès facilité des utilisateurs aux fréquences. Toutefois, les dispositions finalement retenues dans le « paquet télécoms » sont, à la demande des États membres, bien moins ambitieuses que celles proposées initialement par la Commission européenne, qui souhaitait libéraliser notablement l'utilisation et la gestion du spectre.

La Commission européenne se voit chargée de proposer, sur une base pluriannuelle, un programme de politique du spectre définissant les orientations et les objectifs de la planification stratégique et de l'harmonisation de l'utilisation des fréquences. Adopté par le Conseil et le Parlement européen en procédure de codécision, ce dernier permettra d'associer les institutions en charge de cette ressource rare et d'approfondir leur coopération en matière de vision stratégique de l'utilisation du spectre radioélectrique.

Par ailleurs, trois grandes modifications sont apportées à cette politique de gestion du spectre :

- la substitution d'un régime d'autorisation générale , certes assorti de nombreuses dérogations visant au respect d'intérêts supérieurs, à un régime fondé sur l'attribution de licences ;

- l' application du principe de neutralité technologique pour la majeure partie des fréquences attribuées aux communications électroniques. En vertu de ce principe, tout type de technologies ou de services peut être utilisé par les opérateurs, ce qui est censé faciliter les évolutions techniques dans le temps. L'application de ce principe à la gestion du spectre pourrait toutefois s'avérer en partie inadaptée ou poser des difficultés, occasionnant des risques de brouillage des ondes dès lors que cohabitent sur les fréquences services de télévision, de radio, de la Défense nationale ... Par ailleurs, des bandes de fréquence spécifiques doivent nécessairement être déterminées pour que les équipementiers puissent standardiser la fabrication de leurs terminaux ;

- le développement du marché secondaire , qui consiste à autoriser la possibilité de louer ou revendre une partie ou la totalité des fréquences attribuées originairement.

Par ailleurs, l'habilitation prévoit un certain nombre de mesures complémentaires sur l'utilisation du spectre, commentées de ce fait dans le chapitre consacré aux dites mesures.

3. La neutralité des réseaux

Le concept de neutralité des réseaux, principe fondateur de l'Internet, renvoie à l'absence de pratiques de blocage dans la transmission de données, de dégradation ou de ralentissement du trafic, en fonction de la nature, de l'origine ou de la destination de ce trafic.

Apparu au début des années 2000 aux États-Unis, suite à des conflits entre câblo-opérateurs et fournisseurs de contenus, il n'a été soulevé qu'à partir de la fin 2007 seulement en Europe, à l'occasion justement de la discussion sur la révision du « paquet télécoms ».

Même si les exemples d'atteinte à ce principe sont encore limités, il a pris depuis une importance croissante, du fait de l'augmentation exponentielle du trafic et du risque de restriction de la liberté d'accès à certains contenus licites.

De nombreux travaux ont été réalisés - ou sont en cours de réalisation - sur le sujet. Le « paquet télécoms » , dont l'article 11 permet la transposition, contient une série de dispositions relatives à la neutralité des réseaux :

- la définition de « l'accès » , actuellement limitée aux « moyens, matériels ou logiciels » et aux « services en vue de permettre au bénéficiaire de fournir des services de communication électronique », est étendue à la fourniture de « services de communications au public par voie électronique », c'est-à-dire aux services sur Internet, quelque soit leur support d'accès [ordinateur, téléphone portable, tablette électronique (8° de l'article L. 32 du CPCE)] ;

- l' objectif d'une concurrence effective et loyale entre exploitants de réseaux et fournisseurs de services de communications électroniques est reconnu, « y compris pour la transmission de contenu » (2° de l'article L. 32-1 du même code) ;

- l'ARCEP et le ministre en charge des communications électroniques se voient chargés de « favoriser l'accès des utilisateurs finals à l'information et préserver leur capacité à diffuser ainsi qu'à utiliser les applications de leur choix » (15° du même article L. 32-1) ;

- l'ARCEP se voit reconnaître le pouvoir de « fixer (...) des exigences minimales en matière de qualité de service », afin d'empêcher la violation du principe de neutralité (article L. 36-15 du même code).

Cette faculté a bien pour objectif, ainsi qu'il est mentionné dans cet article, de « prévenir la dégradation du service et l'obstruction ou le ralentissement du trafic sur les réseaux ». Si l'Internet est visé en premier lieu par une telle disposition, l'absence de précision sur la nature des réseaux auxquels elle s'applique autorise son extension à tous types de réseau. Elle requiert de l'ARCEP qu'elle informe, préalablement à la prise de toute mesure, à la fois la Commission européenne et l'ORECE de sa démarche, et qu'elle prenne éminemment en compte les remarques adressées par ces institutions ;

- l'autorité de régulation voit par ailleurs, comme cela a été évoqué précédemment, étendre son pouvoir de règlement des différends à ceux opposant des fournisseurs d'accès à Internet à des prestataires de services sur le réseau ;

- l'information des consommateurs sur toute pratique de leur opérateur susceptible d'altérer leur accès aux réseaux est renforcée, à travers de nouvelles mentions obligatoires figurant dans les contrats de services de communications électroniques, qui doivent figurer « sous une forme claire, détaillée et aisément accessible » et concerner la procédure de gestion de trafic, les restrictions à l'accès à des services ou à des équipements, et les recours pour assurer la sécurité et l'intégrité du réseau (article L. 121-83 du code de la consommation).

4. La protection des consommateurs et des données personnelles

De nombreuses et importantes dispositions du nouveau « paquet télécoms » prennent en considération la nécessaire protection des utilisateurs des réseaux, qui se trouvent dans une position de faiblesse dans leurs relations avec les opérateurs privés et les autorités publiques qui les gèrent.

La protection des consommateurs , tout d'abord, est renforcée à plusieurs égards. C'est ici la directive « service universel », et plus précisément ses articles 7, 20 à 22, 23 bis , 26 et 30, qui sont affectés par les modifications du « paquet télécoms ».

Sont ainsi prévus :

- la consolidation de l'information des consommateurs ou au bénéfice des utilisateurs.

C'est ainsi que les services d'urgence se verront gratuitement fournir par les opérateurs des données relatives à la localisation des terminaux des appelants, l'exception liée à la faisabilité technique étant supprimée (article L. 33-1 du CPCE). Selon les éléments recueillis lors des auditions par votre rapporteur, cette disposition pourrait se heurter à des difficultés techniques, les opérateurs n'ayant pas systématiquement connaissance de ces données ni possibilité de les transmettre.

Par ailleurs, lesdits opérateurs devront mettre à disposition de leurs clients des « informations claires, actualisées et facilement accessibles » (articles L. 33-1 précité et L. 121-84-9 du code de la consommation).

Enfin, outre le renforcement de ces informations générales, de nouvelles mentions obligatoires devraient figurer dans les contrats de communications électroniques : outre celles précédemment évoquées au titre de la neutralité des réseaux, elles concerneront les frais de résiliation et de portabilité, les modalités de paiement, les services après-vente, l'annuaire, les tarifs promotionnels et les droits associés au suffrage universel (article L. 121-83 du code de la consommation) ;

- la facilitation du changement d'opérateur , à travers d'une part la portabilité du numéro en un jour, sur le fixe comme sur le mobile, certes assortie de possibilités de dérogation, et d'autre part l'indemnisation de l'abonné en cas de « retard ou d'abus dans la prestation de conservation du numéro » (I de l'article L  44 du CPCE). On rappellera que la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises (PME), précisée par le décret du 27 janvier 2006 relatif à la conservation du numéro, avait complété l'article L. 44 du CPCE en prévoyant que les clients peuvent changer d'opérateurs mobiles en conservant leur numéro d'appel en moins de dix jours et en n'ayant à s'adresser qu'au nouvel opérateur qu'ils auront choisi ;

- la facilitation de l'accès des personnes en situation de handicap aux services de communication électronique, les réseaux ouverts au public étant soumis au respect du cadre légal sur « l'accès des utilisateurs finals handicapés en vue de fournir à ces utilisateurs un accès (...) équivalent » [(o) de l'article L. 33-1 du même code].

En second lieu, et afin de répondre au caractère de plus en plus intrusif de l'activité des opérateurs dans la sphère privée des utilisateurs, la protection des données à caractère personnel est renforcée . Ainsi, les opérateurs vont être contraints désormais de mettre en place de véritables politiques de protection des données personnelles dont ils devront rendre compte auprès de l'autorité indépendante compétente, c'est à dire la CNIL.

La directive « vie privée », et plus précisément ses articles 4, 5, 6 et 13, est ici visée. Les évolutions découlant de sa révision sont les suivantes :

- les opérateurs doivent, d'une façon générale, prendre les mesures appropriées pour garantir la sécurité des services de communication électroniques accessibles au public (IV de l'article 32 bis de la loi du 6 janvier 1978 précitée) et notifier les failles de sécurité à la CNIL et aux utilisateurs (V du même article). Cette notification, dont le champ et les modalités restent à fixer, permettra à la CNIL de tenir un registre des carences en matière de protection des données personnelles, de prévenir et de sanctionner les opérateurs récalcitrants à y mettre fin ; elle donnera par la même occasion la possibilité aux utilisateurs de réagir contre l'atteinte potentielle ou effective à leurs données personnelles ;

- obligation est également faite aux opérateurs de mettre en oeuvre des procédures internes permettant de répondre aux demandes des autorités et de transmettre les informations sur ces procédures (III de l'article L. 34-1 du CPCE) ;

- le traitement de données par les opérateurs dans un but commercial doit être autorisé par les abonnés « expressément et pour une durée déterminée » (IV de l'article L. 34-1 du même code), les opérateurs étant contraints d'indiquer dans les courriels commerciaux une « adresse valable à laquelle le destinataire peut transmettre une demande visant à obtenir que ces publicités cessent » (article L. 121-15-1 du code de la consommation) ;

- la publicité non sollicitée , à travers la prospection directe au moyen d'un automate, est interdite , sauf si l'abonné a « exprimé son consentement préalable » (article L. 34-5 du CPCE), cet accord pouvant être « valablement exprimé par l'utilisation de paramètres permanents appropriés de son dispositif de connexion » (III de l'article 32 bis de la loi du 6 janvier 1978 précitée).

5. La sécurité des réseaux

L'extension, la complexification et le renforcement de l'interdépendance des réseaux de communication électronique ont fait de leur sabotage une arme de plus en plus utilisée par des « cyber criminels » cherchant à utiliser les vulnérabilités du système à des fins politiques, économiques ou idéologiques. Les récentes attaques dont ont été victimes des services gouvernementaux estoniens, ukrainiens, américains et même français ont montré l'importance de cette nouvelle forme de menaces terroristes susceptible de mettre en danger les intérêts étatiques et économiques des pays développés.

En l'état actuel de la législation nationale, l'ANSSI peut demander aux opérateurs, en cas de telles attaques cyber terroristes, de mettre en place des procédures de protection contre les réseaux et systèmes d'information et d'interception des données. Cependant, aucune norme ne permet d'imposer des normes de sécurité préventives de nature à garantir la « résilience » des réseaux, c'est-à-dire leur capacité à résister à des attaques.

La transposition du « paquet télécoms » est l'occasion de renforcer les prérogatives des pouvoirs publics en la matière sur deux points :

- en soumettant les opérateurs à des règles en matière de sécurité et d'intégrité du réseau et du service auxquelles ils ne sont pas astreints actuellement [(a) de l'article L. 33-1 du CPCE)] ;

- en permettant au ministre chargé des communications électroniques d'« imposer à l'opérateur de se soumettre, à ses frais, à un contrôle de sécurité effectué par un organisme qualifié indépendant désigné par le ministre et de lui communiquer les résultats » [article L. 33-10 (nouveau) du même code]. A cette fin, l'opérateur doit fournir toutes les informations nécessaires pour évaluer la sécurité et l'intégrité de ses services et réseaux, y compris les documents relatifs à sa politique de sécurité.

6. Le périmètre du service universel

Du fait que cette problématique avait été exclue des travaux de révision du « paquet télécoms », et devait faire l'objet d'un traitement séparé, les dispositions y ayant trait sont relativement mineures et concernent :

- l' obligation pour les États membres de distinguer , dans les appels d'offre pour l'attribution du service universel, le service téléphonique du raccordement au réseau (article L. 35-1 du CPCE) ;

- la suppression de la disposition fixant à 56 Kbits le débit minimum du service universel, à laquelle il est substitué la référence à un débit suffisant au regard des technologies les plus utilisées (même article).

B. Les mesures complémentaires (3° et 4° du I)

1. La gestion du spectre radioélectrique

En sus des dispositions projetées afin de transposer le « paquet télécoms », précédemment évoquées, le I de l'article 11 du projet de loi propose, dans son 3°, de prendre dans ce domaine des mesures complémentaires en vue « d'accroître l'efficacité de la gestion des fréquences radioélectriques notamment en encourageant le développement du marché secondaire des fréquences et en renforçant le dispositif de contrôle des brouillages et de lutte contre les brouillages préjudiciables ».

L'autorité chargée du contrôle et de la régulation des fréquences, l' ANFR , est dotée, au terme de l'avant-projet d'ordonnances, d'un certain nombre de nouveaux pouvoirs . L'objectif est de renforcer la sécurité et le contrôle des équipements mis en oeuvre par les opérateurs qui sont directement impliqués dans les interceptions des communications électroniques prévues par la loi.

En effet, ces équipements étant installés au coeur des réseaux des opérateurs, ils jouent un rôle majeur dans la sécurité des communications des abonnés . Leur vulnérabilité à des virus informatiques fait peser le risque d'une atteinte au secret des correspondances et à la vie privée. Afin de prévenir de tels risques, l'ANFR se voit confier :

- la réalisation de contrôles a priori chez les exploitants de réseau, lorsqu'une infraction est simplement présumée (article R. 20-44-11 du CPCE) ;

- la possibilité de céder des autorisations délivrées pour certains services de radio , à l'intérieur d'une même bande de fréquences, en vue de développer le marché secondaire des fréquences (article L. 43-3 du même code) ;

- la possibilité de suspension ou de retrait d'un accord sur l'implantation d'antennes de téléphonie mobile , dans le cadre de la libération des fréquences du dividende numérique et de leur utilisation pour des services de communication électronique mobile (article L. 43 du même code) ;

- de nouveaux pouvoirs de sanction , en incluant à la liste des pratiques punies de six mois d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende, certaines pratiques susceptibles d'entraîner des brouillages du signal (article L. 39-2 du même code).

2. La sécurité des réseaux

Aux mesures prévues dans les directives constituant le « paquet télécoms » en matière de sécurité des réseaux, s'ajoutent deux points supplémentaires concernant plus précisément l'ANSSI :

- l' encadrement des matériels d'interception .

C'est le 4° du I de l'article 11 du projet de loi qui propose de prendre des mesures non prévues dans le « paquet télécoms », mais de nature à « renforcer la lutte contre les faits susceptibles de porter atteinte à la vie privée et au secret des correspondances dans le domaine des communications électroniques, notamment en ce qui concerne la recherche, la constatation et la répression des infractions ».

Au terme de la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques, la détention, fabrication, commercialisation et publicité pour des matériels d'interception, tout comme le fait de procéder à des interceptions, sont en principe interdits . Ils sont néanmoins autorisés à titre dérogatoire par l'ANSSI au nom du Premier ministre, l'Autorité fixant alors des prescriptions d'utilisation aux opérateurs. Le non respect de ces dispositions est puni de lourdes peines d'amende et d'emprisonnement prévues aux articles L. 226-1 et L. 226-3 du code pénal.

Du fait de l'inadaptation de ce dispositif aux évolutions technologiques des attaques et à leur danger potentiel, le Gouvernement a souhaité élargir le champ de l'habilitation initiale de façon à pouvoir, par voie d'ordonnances, renforcer la lutte contre ces risques . Cette habilitation lui permettrait d'alourdir les sanctions prévues en cas de détention, fabrication, commercialisation et publicité pour des matériels d'interception ; de sanctionner le non respect par les opérateurs de prescriptions d'utilisation édictées par l'ANSSI et d'habiliter les agents de cette dernière à procéder à des contrôles in situ sur la bonne utilisation des matériels ;

- la protection des infrastructures critiques .

S'il est acquis que les opérateurs concernés prendraient, en cas d'attaque contre les systèmes-réseau, des mesures en assurant la protection, il n'existe pas de disposition normative permettant aux pouvoirs publics de les contraindre à mettre préventivement en place des moyens de nature à protéger les infrastructures majeures de production d'énergie, de transport ou de communication visées aux articles L. 1332-1 et 1332-2 du code de la défense.

La question se pose avec d'autant plus d'acuité alors que se développent les systèmes dits de « réseau intelligents », ou smart grids qui, s'ils permettent d'optimiser notablement les performances des réseaux énergétiques, les fragilisent également et accroissent leur vulnérabilité.

En vue de remédier à cette carence, le 4° de l'article 11 du projet de loi propose d'habiliter le Gouvernement à prendre des mesures législatives complémentaires à celles prévues pour la transposition du « paquet télécoms » pour répondre à ce type de menaces.

C. La correction d'erreur et les clarifications (5° du I)

Le 5° du I de l'article 11 du projet de loi propose d'habiliter le Gouvernement à prendre « toutes dispositions modifiant la partie législative du code des postes et des communications électroniques afin de remédier aux éventuelles erreurs et en clarifier en tant que de besoin les dispositions ».

Cette habilitation générale permettra aux services juridiques des ministères concernés d'améliorer formellement la rédaction de dispositions législatives du CPCE en partie erronées ou obscures.

D. Le cadre d'application (II et III)

1. Les conditions d'application dans l'espace

Les dispositions du II de l'article 11 ont pour but, selon les termes de l'étude d'impact, de rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna les modifications portant sur les dispositions des articles L. 34-1, L. 39-3 et L. 43 du CPCE, sur les dispositions des articles 32 et 32 bis de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, ainsi que sur les dispositions des articles 12 et 34-2 de la loi n° 86-107 du 30 septembre 1986 précitée, dans la mesure où celles-ci étaient d'ores et déjà applicables dans ces collectivités. Des dispositions identiques sont prévues pour les Terres australes et antarctiques françaises à l'exception de celles concernant les articles L. 34-1 et L. 39-3 du CPCE, qui ne sont pas applicables dans ce territoire.

Seule l'application de la modification insérant un II nouveau, relatif aux pouvoirs de contrôle de l'ANFR, à l'article L. 43 du même code, n'a pas été retenue car elle nécessite, au préalable, de coordonner les pouvoirs de l'ANFR et celles des collectivités de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française.

2. Les modalités d'application dans le temps

Les modalités d'application de l'article 11 du présent projet de loi dans le temps sont les suivantes :

- l' habilitation prévue par son I au profit du Gouvernement vaut pour une période de six mois à compter de la promulgation de la présente loi ;

- le projet de loi de ratification des ordonnances ainsi prises doit être déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant la publication de l'ordonnance.

En pratique, les délais de prise d'ordonnance et de ratification sont strictement contraints par les exigences communautaires de transposition imposant que l'essentiel des dispositions soit applicable au plus tard le 25 mai 2011 . Une période plus longue est toutefois prévue par les directives pour quelques dispositions relatives à la gestion du spectre.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

La commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a adopté, sur cet article 11, un amendement du Gouvernement visant à modifier la rédaction du 4° du I, en restreignant plus explicitement le champ de l'habilitation . Ceci afin de répondre aux remarques formulées quant au caractère excessivement large de ce champ, sur des sujets aussi sensibles que la vie privée et le secret des correspondances, ou encore la sécurité des réseaux.

Il est ainsi précisé que les infractions et les peines qu'il est prévu d'adapter et de compléter afin de lutter contre les faits susceptibles de porter atteinte à la vie privée et au secret professionnel sont celles prévues par l'article 226-3 du code pénal. Il s'agit de renforcer les peines pour défaut d'autorisation et de publicité de matériels très sensibles - en matière de brouillage et d'interception, par exemple -, de créer une sanction pénale en cas de non-respect des conditions fixées par l'autorisation, et d'habiliter les agents des services de l'État à contrôler l'application de la loi.

Une seconde modification précise que la réponse aux menaces ainsi que la prévention et la réparation des atteintes à la sécurité des systèmes d'information tant des autorités publiques que des opérateurs passent par la soumission de l'établissement et de l'exploitation des réseaux ouverts au public au respect de règles prescriptives. Elle précise par ailleurs que l'article L. 33-1 du CPCE sera complété et adapté pour prescrire des mesures exceptionnelles de sécurité aux opérateurs.

Aucun amendement n'a été adopté, en revanche, en séance publique.

III. La position de votre commission

Votre commission accueille favorablement, dès lors qu'il intègre les précisions de son champ d'application apportées par l'Assemblée nationale, le contenu de cet article 11, tant en ce qui concerne la transposition des directives du « paquet télécoms » (1° et 2° du I) que les mesures complémentaires envisagées (3 et 4° du I).

Outre qu'elle permettra à notre pays de se mettre en conformité avec le droit européen dans le délai lui étant imparti à cet effet, la transposition du « paquet télécoms » permettra d' adapter utilement les outils de réglementation et de régulation existants au profit des institutions nationales compétentes, et d' en apporter de nouveaux adaptés aux évolutions des technologies et des pratiques constatées.

Votre commission prendra toutefois garde, lorsqu'il lui sera donné d'examiner le texte de ratification de ces ordonnances, que ces dernières ne s'écartent pas des projets qui lui ont été communiqués et qui ont été soumis à consultation. Elle sera, à cet égard, particulièrement vigilante sur les points sur lesquels son attention a été attirée.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

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