Article additionnel après l'article 24 (art. L. 321-2, art. L. 321-3, art. L. 321-4, art. L. 321-5, L. 321-6, L. 321-7, L. 321-8, L. 321-9 et L. 321-10 du code de justice militaire) - Clarification et harmonisation de la définition de la désertion sur le territoire national et à l'étranger

Cet article additionnel, introduit par voie d' amendement à l'initiative de votre rapporteur pour avis, vise à simplifier et à harmoniser les définitions de la désertion , qu'elle intervienne à l'intérieur du territoire de la République ou bien à l'étranger, en temps de paix comme en temps de guerre. Il reprend les articles 5, 6 et 7 de la proposition de loi n° 303 relative à l'aménagement des compétences juridictionnelles en matière militaire et à la simplification de plusieurs dispositions du code de justice militaire, déposée au Sénat par votre rapporteur pour avis le 11 février 2011.

1. La désertion : un phénomène en forte augmentation ces dernières années mais dont le cadre législatif paraît aujourd'hui inadapté

Contrairement à ce qu'on aurait pu penser, la suspension du service national et la professionnalisation des armées, de même que la diminution sensible des effectifs, n'ont pas entraîné une diminution des cas de désertion, bien au contraire.

En effet, d'après les données du ministère de la défense, depuis 2000, les cas de désertion ont augmenté de 500 % en dix ans . En 2006, on recensait près de 2 400 actes de désertion, contre moins de 500 en 1997.

Ce phénomène touche essentiellement les militaires du rang, mais commence également à concerner les sous-officiers.

Toutefois, les cas de désertions d'un militaire en opération extérieure à partir du théâtre d'affectation sont très rares.

La désertion, autrefois considérée comme infamante par les générations antérieures de conscrits, ne semble plus du tout perçue de la même manière par les jeunes ayant, de surcroît, fait acte de candidature pour servir sous les drapeaux dans le cadre d'un contrat et contre rémunération.

Depuis quelques années, les juridictions sont donc inondées de cas de désertions, alors qu'elles n'en avaient que très rarement auparavant.

Or, le cadre législatif actuel paraît inadapté car il a été bâti pour la conscription.

Le code de justice militaire définit la désertion, qui est une infraction d'ordre militaire, de manière différente selon qu'elle intervient à l'intérieur du territoire ou à l'étranger.

Par ailleurs, la désertion est punie plus sévèrement lorsqu'elle intervient à l'étranger, avec complot ou en temps de guerre.

Or, les définitions actuelles de la désertion à l'intérieur et à l'étranger dans le code de justice militaire, qui date de 1965, sont complexes et ambigües. Cette complexité a été accrue par la jurisprudence qui a interprété les notions de désertion à l'intérieur et à l'étranger selon le lieu de découverte et non, comme les textes auraient pu pourtant y inciter, selon le régime auquel les militaires appartiennent (service en France ou en opération extérieure).

Ainsi, un militaire, dont le corps ou la formation de rattachement est basé sur le territoire national, mais qui s'absente et franchit sans autorisation les frontières et demeure à l'étranger sera considéré comme déserteur à l'étranger. En revanche, un militaire, dont la formation de rattachement est basée sur le territoire, qui bénéficie d'une permission pour l'étranger mais qui y demeure, sera considéré comme un déserteur à l'intérieur 33 ( * ) .

De même, un militaire engagé en opération extérieure ou dont la formation est basée à l'étranger, qui s'absente sans autorisation, même s'il revient ensuite sur le territoire national, sera considéré comme un déserteur à l'étranger. En revanche, un militaire engagé en opération extérieure ou dont la formation est basée à l'étranger, qui revient avec autorisation (par exemple une permission) sur le territoire national et qui y demeure sera considéré comme un déserteur à l'intérieur.

Or, les peines applicables sont plus sévères pour le déserteur à l'étranger que pour le déserteur à l'intérieur.

En outre, la juridiction compétente est différente selon la qualification de l'infraction de désertion, puisque, si elle intervient à l'intérieur du territoire, la juridiction compétente sera la juridiction de droit commun du ressort de son corps de rattachement ou du port de rattachement de son bâtiment, alors que si elle intervient à l'étranger elle sera de la compétence du tribunal aux armées de Paris (ou bien de la formation spécialisée du Tribunal de Grande instance de Paris lorsque le présent projet de loi entrera en vigueur).

Ainsi, sans modifier les grands principes et les peines qui s'y attachent, il semble nécessaire de clarifier les éléments constitutifs de ces deux infractions dans le code de justice militaire, dans un souci de simplification et de sécurité juridique.

2. Malgré des peines relativement sévères, peu de déserteurs font aujourd'hui l'objet de poursuites et de condamnations à une peine d'emprisonnement

En temps de paix, la désertion est passible d'une peine maximale d'emprisonnement de trois ans lorsqu'elle survient à l'intérieur et de cinq ans si elle intervient à l'étranger ou de manière concertée.

Cette peine peut toutefois aller jusqu'à dix ans si la désertion intervient en temps de guerre, et même vingt ans de réclusion criminelle si la désertion a lieu avec complot et en temps de guerre.

Toutefois, en pratique, les sanctions prononcées par les juridictions sont beaucoup moins répressives que celles prévues par les textes.

D'après une enquête du ministère de la défense portant sur les jugements prononcés par les tribunaux pour les cas de désertions dénoncés par les régions terre et les régions aériennes en 2003 et 2004, dans leur grande majorité (63 %), les actes de désertion se concluent par une absence de peine, avec un classement sans suite, éventuellement assorti d'un simple rappel à la loi, sans inscription au casier judiciaire.

La plupart des sanctions prononcées par les juges sont des peines d'amendes ou des travaux d'intérêt général, qui ne sont pas prévues par le code de justice militaire et qui ne sont pas inscrites au casier judiciaire.

Les peines d'emprisonnement ferme sont assez rares et, dans 90 % des cas, sont prononcées par défaut. Moins de 1 % des affaires jugées en 2003 et 2004 ont conduit le déserteur en prison immédiatement après l'audience et pour une peine toujours inférieure à une année.

En définitive, on constate qu'une grande majorité des déserteurs ne souffre d'aucune punition et ne garde même aucune trace dans leur casier judiciaire.

Par ailleurs, l'analyse des jugements par tribunal montre que la sévérité est surtout concentrée sur quelques juridictions. Ainsi, six juridictions spécialisées (Nîmes, Bastia, Marseille, Orléans et Chambéry) regroupent 90 % de l'ensemble des condamnations à une peine de prison ferme, 73 % d'entre elles ayant été prononcées par le seul tribunal de Nîmes 34 ( * ) . A l'inverse, de nombreux parquets ont systématiquement classé sans suite les cas de désertion qui leur ont été présentés 35 ( * ) .

Il semblerait que certains magistrats aient tendance à considérer la désertion comme une simple absence injustifiée sur le lieu de travail et, lorsque la désertion est le seul délit reproché au militaire, à refuser de le considérer comme un véritable délinquant.

Or, cette banalisation de la désertion présente, aux yeux de votre rapporteur pour avis, un risque au regard du maintien de la discipline militaire sans laquelle il n'y a pas d'armée.

Votre rapporteur pour avis est donc opposé à une réduction des peines applicables à la désertion pour ne pas encourager la tendance actuelle de certains magistrats à « banaliser » ce type d'infraction.

3. Les modifications proposées par cet article additionnel

Le 1° de cet article vise à introduire une nouvelle définition de la désertion à l'intérieur du territoire de la République.

La définition actuelle de la désertion à l'intérieur, contenue à l'article L. 321-2 du code de justice militaire, est complexe et ambigüe puisqu'elle fait intervenir des éléments matériels (comme l'absence sans autorisation), mais aussi des délais et la localisation géographique.

Il existe, en effet, trois cas de désertion à l'intérieur prévus par l'article L. 321-2 du code de justice militaire :

- l'absence non autorisée au-delà d'un délai de six jours du militaire de son corps ou détachement, de sa base ou formation, de son bâtiment ou d'un hôpital militaire ou civil où il est en traitement, ou qui s'évade d'un établissement pénitentiaire où il était détenu provisoirement ;

- la non présentation du militaire voyageant isolément dont la mission, le congé ou la permission est expiré, dans les quinze jours suivant celui fixé pour son arrivée ou son retour, à un corps de détachement, à sa base ou formation ou à son bâtiment ;

- l'absence de tout militaire sur le territoire de la République au moment du départ pour une destination hors de ce territoire, du bâtiment ou de l'aéronef militaire auquel il appartient ou à bord duquel il est embarqué.

Il en résulte de nombreuses difficultés d'interprétation et des conflits potentiels de compétence.

Ainsi, à titre d'illustrations, sont notamment considérées actuellement comme des désertions à l'intérieur les cas suivants :

- la non présentation d'un militaire appartenant à une formation stationnée sur le territoire de la République, à l'unité stationnée à l'étranger à laquelle il est muté, s'il est demeuré sur le territoire de la République ;

- le non retour à la formation stationnée hors du territoire de la République à l'issue d'une permission pour la France, si le militaire reste en France ;

- le non retour à la formation stationnée sur le territoire de la République à l'issue d'une permission pour l'étranger si le militaire reste à l'étranger.

Le présent article vise donc à introduire une nouvelle définition de la désertion à l'intérieur du territoire, en remplaçant les cinq premiers alinéas de l'article L. 321-2 du code de justice militaire par huit nouveaux alinéas.

D'après cette nouvelle définition, une désertion sera considérée comme survenant à l'intérieur du territoire lorsque la formation de rattachement du militaire sera située sur le territoire de la République.

Cette formation de rattachement pourra être un corps, un détachement, une base, une formation, un bâtiment ou aéronef militaire, un établissement civil ou militaire de santé ou bien un établissement pénitentiaire.

Un militaire sera considéré comme déserteur dans trois cas de figure :

- s'il s'évade, s'absente sans autorisation, refuse de rejoindre sa formation de rattachement ou ne s'y présente pas à l'issue d'une mission, d'une permission ou d'un congé ;

- si, mis en route pour rejoindre une formation située hors du territoire national, il ne s'y présente pas ;

- s'il se trouve absent sans autorisation au moment du départ pour une destination hors du territoire du bâtiment ou de l'aéronef auquel il appartient ou à bord duquel il est embarqué.

La nouvelle rédaction proposée par cet article apporte également des changements en matière de délais de grâce.

Actuellement, l'article L. 321-2 du code de justice militaire prévoit un délai de grâce avant que l'infraction de « désertion » ne soit consommée. Pendant ce délai de grâce, le militaire est en absence irrégulière. Il ne risque qu'une sanction disciplinaire. Passé ce délai, il se trouve en absence illégale et devient un déserteur pouvant être l'objet de poursuites pénales.

Le délai de grâce accordé dans le cas de la désertion à l'intérieur et en temps de paix est de six jours en cas d'absence sans autorisation de son affectation et de quinze jours à l'issue d'une mission d'un congé ou d'une permission. Ce délai de grâce est d'un mois pour le militaire ayant moins de trois mois de service. En revanche, aucun délai de grâce n'est prévu en cas d'absence au moment du départ d'un bâtiment ou d'un aéronef.

Ainsi, un militaire sera déclaré déserteur à l'expiration d'un délai de six jours à compter du lendemain du jour où l'absence sans autorisation est constatée.

En temps de guerre, tous ces délais sont réduits des deux tiers.

DÉLAI DE GRÂCE LORS D'UNE DÉSERTION À L'INTÉRIEUR

Situation du militaire

Délai de grâce (en nombre de jours) en temps de paix

Délai de grâce (en nombre de jours) en temps de guerre

Absence sans autorisation de son affectation

6

2

Absence à l'issue d'une mission, d'un congé ou d'une permission

15

5

Absence sans permission au moment du départ d'un bâtiment ou d'un aéronef

0

0

Militaire ayant moins de trois mois de service

30

15

L'origine de ce délai de grâce résulte de plusieurs facteurs :

- on peut supposer que le délai de grâce a été institué par le législateur en raison de la gravité de l'acte de désertion et de ses conséquences pénales, tout en tenant compte des moyens de communication et de transport de l'époque ;

- des possibilités de répression sévères et immédiates - tels les arrêts de rigueur - étaient à la disposition des autorités militaires pour sanctionner les absences irrégulières, et la désertion était jugée par des tribunaux militaires ;

- les militaires du rang étaient essentiellement des appelés et ils étaient non rémunérés.

Aujourd'hui, la situation a sensiblement évolué :

- l'acte de désertion, jugé par le tribunal civil territorialement compétent est, en règle générale, peu sanctionné pénalement ;

- les moyens modernes de communication et de transport permettent aux militaires de prendre contact aisément avec la hiérarchie et de rejoindre rapidement leur garnison ;

- les militaires du rang sont des professionnels rémunérés.

Dès lors, le délai de grâce n'apparaît plus justifié aujourd'hui.

Tel que proposé par cet article additionnel, le nouvel article L. 321-2 maintiendrait uniquement un délai de grâce de six jours en cas d'absence sans autorisation ou de non présentation à l'issue d'une mission, d'un congé ou d'une permission. Ainsi, le délai de grâce de quinze jours en cas de non présentation du militaire à l'issue d'une mission, d'un congé ou d'une permission serait réduit et aligné sur le délai qui s'applique actuellement en cas d'absence sans autorisation.

Cette uniformisation du délai de grâce se justifie par le fait que les circonstances de commission de l'infraction sont, en pratique, très proches Il n'existe pas de différence notable entre celui qui profite de la permission du week-end pour déserter et celui qui décide, en cours de semaine de s'absenter du corps pour diverses raisons.

En outre, la disposition prévoyant l'allongement du délai de grâce à un mois pour le militaire n'ayant pas trois mois de service serait supprimée, compte tenu de la professionnalisation des armées et de la possibilité reconnue à tout militaire de résilier à tout moment son contrat d'engagement durant la période probatoire de six mois, en vertu de l'article 8 du décret n°2008-961 du 12 septembre 2008 relatif aux militaires engagés.

En cas de désertion à l'intérieur, la juridiction compétente sera celle dans le ressort de laquelle est située la formation de rattachement.

Le dernier alinéa de l'article L. 321-2, qui précise qu'en temps de guerre tous les délais sont réduits des deux tiers, resterait inchangé.

Le 2° de cet article porte sur les sanctions pénales relatives à l'infraction de désertion à l'intérieur du territoire . Il modifie la rédaction de l'article L. 321-3 du code de justice militaire, uniquement dans un souci de clarification rédactionnelle et de simplification. Il ne vise pas à changer la nature des peines applicables à la désertion.

Comme actuellement, la désertion à l'intérieur du territoire en temps de paix sera passible d'une peine maximale de trois ans d'emprisonnement.

Selon la nouvelle rédaction proposée par cet article, le fait de déserter à l'intérieur et de franchir les limites du territoire de la République ou de rester hors de ces limites sera passible d'une peine de cinq ans d'emprisonnement.

Même si cette aggravation de peine ne figure pas actuellement à l'article L. 321-3, il ne s'agit pas réellement d'une nouveauté. En effet, aujourd'hui, lorsqu'un militaire, dont le corps ou le bâtiment de rattachement se trouve sur le territoire, se rend à l'étranger et y demeure sans autorisation, il est considéré comme déserteur à l'étranger, et donc passible d'une peine de cinq ans d'emprisonnement.

Compte tenu de la nouvelle définition de la désertion à l'intérieur du territoire, introduite au I. de cet article, ce militaire sera considéré dorénavant comme déserteur à l'intérieur.

Toutefois, il sera passible de la même peine, car le fait de franchir les limites du territoire ou de rester à l'étranger, sera considéré comme une circonstance aggravante, passible d'une peine de cinq ans d'emprisonnement.

Cette aggravation de peine est justifiée par le fait qu'il est plus difficile d'appréhender le déserteur qui se trouve à l'étranger que celui qui demeure sur le territoire national.

Comme actuellement, si la désertion a lieu en temps de guerre ou bien sur un territoire sur lequel l'état de siège ou l'état d'urgence a été proclamé, la peine pourra être portée à dix ans d'emprisonnement.

En outre, selon l'article L. 321-4, la désertion avec complot, c'est-à dire effectuée de concert par plus de deux individus, est passible d'une peine de cinq ans d'emprisonnement si elle survient en temps de paix et de dix ans d'emprisonnement si elle intervient en temps de guerre. Ces dispositions demeurent inchangées.

Le 3° de cet article modifie en revanche la peine complémentaire applicable au déserteur lorsque celui-ci est officier. Il remplace, en effet, la destitution par la perte de grade.

Actuellement, les articles L. 321-3 et L. 321-4 du code de justice militaire prévoient que si le coupable de désertion est officier, la destitution peut également être prononcée.

La destitution, qui est une peine militaire complémentaire applicable aux officiers et aux sous-officiers de carrière, est définie à l'article L. 311-4 du code de justice militaire. La destitution entraîne la perte du grade et du droit d'en porter les insignes et l'uniforme.

D'après l'article L. 311-4, elle a également, sur le droit à l'obtention et à la jouissance d'une pension, les effets prévus par la législation des pensions. Cette dernière mention se référait à l'ancien article L. 59 du code des pensions civiles et militaires, en vigueur avant le 1 er janvier 2004. Celui-ci prévoyait que le droit à l'obtention ou à la jouissance de la pension et de la rente viagère d'invalidité pouvait être suspendu à l'égard de tout bénéficiaire qui aura été révoqué ou mis à la retraite d'office. Il s'agissait d'une peine qualifiée de « peine afflictive et infamante ». Lors de la réforme du code pénal, la notion de peines « afflictives et infamantes » a été supprimée et consécutivement l'article L. 59 du code des pensions civiles et militaires a été abrogé. Ainsi, la destitution entraîne uniquement aujourd'hui la perte de grade.

L'objet du présent article est donc de remplacer la destitution, qui apparaît désuète à l'image de l'ancienne peine de dégradation, par la perte de grade.

Le 4° de cet article établit une nouvelle définition de la désertion à l'extérieur du territoire et clarifie la rédaction du régime des sanctions pénales relatif à cette infraction.

Aujourd'hui, la définition de l'infraction de désertion à l'extérieur du territoire et le régime des sanctions pénales applicable à cette infraction sont contenus aux articles L. 321-5 à L. 321-11 du code de justice militaire.

Ainsi, il existe actuellement trois cas de désertion à l'étranger, prévus par les articles L. 321-5, L. 321-6 et L. 321-7 du code de justice militaire :

- le franchissement sans autorisation des limites du territoire de la République ou hors du territoire l'abandon du corps, du détachement, de la base ou de la formation à laquelle il appartient ou au bâtiment ou l'aéronef à bord duquel il est embarqué, à l'issue d'un délai de trois jours après l'absence constatée ;

- la non présentation, hors du territoire de la République, à l'expiration d'un délai de six jours, du militaire dont la permission, le congé, la mission ou le déplacement est expiré, à son corps, détachement, base ou formation à laquelle il appartient ou au bâtiment ou l'aéronef à bord duquel il est embarqué ;

- l'absence hors du territoire de la République du militaire sans permission au moment du départ du bâtiment ou de l'aéronef militaire à bord duquel il est embarqué.

A la différence de la désertion à l'intérieur, qui fait l'objet de trois articles de ce code, l'un pour la définition de l'infraction, l'autre pour les sanctions pénales et le troisième qui concerne la circonstance aggravante de la désertion avec complot, la désertion à l'étranger fait ainsi l'objet de pas moins de sept articles, dont quatre portant sur la définition de l'infraction et trois sur le régime des sanctions pénales.

Par ailleurs, à l'image de la désertion à l'intérieur, la définition de la désertion à l'extérieur est complexe, car elle fait également intervenir des éléments matériels, mais aussi des délais et une localisation géographique. Il en résulte des ambigüités et des conflits de compétence pour savoir si l'on se trouve face à un cas de désertion à l'intérieur ou bien de désertion à l'extérieur du territoire.

A titre d'illustrations, sont actuellement considérés comme des désertions à l'étranger :

- le franchissement sans autorisation par le déserteur des limites du territoire de la République ;

- l'abandon de la formation à laquelle appartient le déserteur lorsque cet abandon a lieu hors du territoire de la République ;

- le non retour à la formation à l'issue d'une permission, d'un congé, d'une mission ou d'un déplacement à l'étranger, lorsque cette formation est stationnée hors du territoire de la République.

Par ailleurs, la circulaire du ministre de la défense du 8 juin 1971 a défini de manière restrictive la notion de désertion à l'étranger dans le cas prévu à l'article L. 321-6 du code de justice militaire, l'admettant uniquement lorsque le titre de permission, de congé, de mission ou de déplacement a été accordé pour le pays étranger dans lequel stationne l'unité ou pour un autre pays étranger exclusivement.

Enfin, comme pour la désertion à l'intérieur, les délais de grâce n'apparaissent plus aujourd'hui réellement adaptés.

DÉLAI DE GRÂCE LORS D'UNE DÉSERTION À L'ÉTRANGER

Situation du militaire

Délai de grâce (en nombre de jours) en temps de paix

Délai de grâce (en nombre de jours) en temps de guerre

Absence sans autorisation de son affectation

3

1

Absence à l'issue d'une mission, d'un congé ou d'une permission

6

2

Absence sans permission au moment du départ d'un bâtiment ou d'un aéronef

0

0

Militaire ayant moins de trois mois de service

15

5

Dans un souci de clarification et de sécurité juridique, cet article additionnel propose donc de remplacer les articles L. 321-5 à L.321-10 par trois nouveaux articles L. 321-5 à L. 321-7, dont la rédaction est calquée sur celle des articles L. 321-2 à L. 321-3, qui sont relatifs à la désertion à l'intérieur.

Ainsi, la désertion sera considérée comme intervenant à l'étranger lorsque la formation de rattachement sera située hors du territoire de la République.

Comme pour la désertion à l'intérieur, la formation de rattachement pourra être un corps, un détachement, une base, une formation, un bâtiment ou aéronef militaire, un établissement civil ou militaire de santé ou bien un établissement pénitentiaire.

Un militaire sera considéré comme déserteur dans les mêmes trois cas de figure que pour ceux de la désertion à l'intérieur, c'est-à-dire :

- s'il s'évade, s'absente sans autorisation, refuse de rejoindre sa formation de rattachement ou ne s'y présente pas à l'issue d'une mission, d'une permission ou d'un congé ;

- si, mis en route pour rejoindre une autre formation de rattachement située sur tout territoire, y compris le territoire national, il ne s'y présente pas ;

- s'il se trouve absent sans autorisation au moment du départ pour une destination hors du territoire du bâtiment ou de l'aéronef auquel il appartient ou à bord duquel il est embarqué.

Dans ce premier cas de figure, le militaire sera déclaré déserteur à l'expiration d'un délai de trois jours à compter du lendemain du jour où l'absence sans autorisation est constatée ou du lendemain du terme prévu de la mission, de la permission ou du congé. Ce délai sera même réduit à un jour en temps de guerre.

Par ailleurs, à l'image de la désertion à l'intérieur, le délai de grâce de six jours en cas d'absence sans autorisation à l'issue d'une mission, d'une permission ou d'un congé serait réduit de moitié et harmonisé avec le délai qui s'applique en cas d'absence injustifiée, et l'allongement du délai de grâce à quinze jours pour le militaire n'ayant pas trois mois de service en temps de paix, serait supprimé.

Comme pour la désertion à l'intérieur, cette réduction du délai de grâce par rapport à la situation actuelle s'explique, d'une part, par les moyens modernes de communication et de transport, et, d'autre part, par la professionnalisation des armées et la possibilité reconnue à tout militaire de résilier à tout moment son contrat d'engagement durant la période probatoire de six mois, en vertu de l'article 8 du décret n°2008-961 du 12 septembre 2008 relatif aux militaires engagés.

En cas de désertion à l'étranger, la juridiction compétente sera la juridiction prévue à l'article 697-4 du code de procédure pénale, c'est-à-dire la formation spécialisée du Tribunal de Grande instance de Paris.

Comme actuellement, la désertion à l'étranger sera punie plus sévèrement que la désertion à l'intérieur, puisqu'elle sera passible d'une peine maximale de cinq ans d'emprisonnement, qui pourra être portée à dix ans si le militaire concerné est officier.

Toutefois, une nouvelle circonstance atténuante est prévue lorsque le militaire déserte à l'étranger et se maintient ou revient sur le territoire de la République. Dans ce cas, la peine encourue est réduite à trois ans d'emprisonnement. Il s'agit là encore de tenir compte du fait que ce type d'infraction est considéré aujourd'hui par la jurisprudence comme de la désertion à l'intérieur du territoire et donc passible d'une peine de trois ans d'emprisonnement.

Cette circonstance atténuante se justifie par le fait qu'il est plus aisé d'appréhender un déserteur qui se trouve sur le territoire national qu'un déserteur qui se trouve à l'étranger.

Enfin, comme actuellement, il est prévu plusieurs circonstances aggravantes. Ainsi la peine d'emprisonnement pourra être portée à dix ans, lorsque le militaire a déserté à l'étranger :

- en emportant son arme ou du matériel de l'Etat ;

- en étant de service ;

- avec complot.

L'article L. 321-11, qui prévoit que la peine est portée à dix ans d'emprisonnement lorsque la désertion à l'étranger survient en temps de guerre ou sur le territoire sur lequel l'état de siège ou l'état d'urgence a été proclamé, et que la peine est portée à vingt ans de réclusion criminelle si la désertion à l'étranger a lieu avec complot et en temps de guerre, resterait inchangé.

Il est légitime, en effet, de prévoir des sanctions plus sévères pour la désertion, en particulier en cas de conflit à l'étranger ou en cas d'action concertée, à la fois pour sanctionner mais aussi pour prévenir ce type de comportement et maintenir la discipline des armées.

En conséquence, le 5° de cet article prévoit d'abroger les articles L. 321-8 à L. 321-10.

Votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel.


* 33 Cour de cassation, 24 novembre 1910, B 578 p.1081.

* 34 La sévérité des tribunaux de Nîmes, Bastia et Marseille n'est peut être pas sans rapport avec la présence d'unités de la légion étrangère dans leur zone de compétence

* 35 Il s'agit des juridictions de Pau, Montpellier, Bourges, Agen, Caen, Dijon, Rouen et Besançon

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