Avis n° 591 (2010-2011) de MM. Jean ARTHUIS et Philippe MARINI , fait au nom de la commission des finances, déposé le 8 juin 2011

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N° 591

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 juin 2011

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi constitutionnelle , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , relatif à l' équilibre des finances publiques ,

Par M. Jean ARTHUIS et Philippe MARINI,

Sénateurs,

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Serge Dassault , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Yvon Collin, Philippe Dallier, Jean-Pierre Demerliat, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Hubert Falco, André Ferrand, François Fortassin, Jean-Pierre Fourcade, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Roland du Luart, Philippe Marini, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

3253 , 3329 , 3330 , 3333 et T.A. 655

Sénat :

499 , 568 et 578 (2010-2011)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

PREMIÈRE PARTIE : POURQUOI UNE RÉVISION CONSTITUTIONNELLE ?

I. UNE POLITIQUE DE FINANCES PUBLIQUES DÉSORMAIS ÉLABORÉE DANS UN CADRE EUROPÉEN, PLURIANNUEL ET CONSOLIDÉ

A. TROIS TYPES DE PROGRAMMATIONS, QUI COUVRENT LA TOTALITÉ DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

1. Le programme de stabilité : la norme supérieure, en fait sinon en droit

Les Etats doivent présenter leurs programmes de stabilité à la Commission européenne. Depuis 2011, cette transmission doit avoir lieu au mois d'avril de chaque année (et non au mois de décembre comme précédemment), dans le cadre du « semestre européen ».

Les programmes de stabilité ont pour base juridique :

- l'article 121 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), relatif à la coordination des politiques économiques ;

- le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques.

Il résulte de ces dispositions que les Etats membres présentent annuellement à la Commission européenne des « programmes de stabilité » (pour les Etats appartenant à la zone euro) ou des « programmes de convergence » (pour les Etats n'appartenant pas à la zone euro), qui constituent la programmation à moyen terme de leurs finances publiques.

Le programme de stabilité est une programmation couvrant l'année en cours et les trois années suivantes. Dès lors qu'il porte sur l'ensemble des administrations publiques, il constitue désormais le document relatif aux finances publiques de la France qui fait l'objet du plus grand intérêt de la part de nos partenaires et des différents observateurs, tant au stade des prévisions que de l'exécution.

Par conséquent, alors qu'il a longtemps été considéré comme un document administratif élaboré pour la forme, il représente désormais le document qui engage la France et qui fixe les objectifs, à charge pour les différents dispositifs internes (et en particulier les deux lois financières) de permettre de les atteindre.

2. La programmation pluriannuelle annexée au projet de loi de finances : un acquis de la LOLF

L'article 50 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), introduit à l'initiative du Sénat, prévoit que le rapport sur la situation et les perspectives économiques, sociales et financières de la nation (RESF) « présente et explicite les perspectives d'évolution, pour au moins les quatre années suivant celle du dépôt du projet de loi de finances, des recettes, des dépenses et du solde de l'ensemble des administrations publiques détaillées par sous-secteurs et exprimées selon les conventions de la comptabilité nationale, au regard des engagements européens de la France, ainsi que, le cas échéant, des recommandations adressées à elle sur le fondement du traité instituant la Communauté européenne ».

Ainsi, pour la première fois, un exercice de programmation pluriannuelle a été annexé au projet de loi de finances pour 2003, dans le rapport économique, social et financier.

3. La loi de programmation des finances publiques : un apport de la révision constitutionnelle de 2008

A ces deux types de document s'ajoutent les lois de programmation des finances publiques, également indicatives.

Elles ont pour base l'avant-dernier alinéa de l'article 34 de la Constitution, qui dispose, depuis la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 : « Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques ».

Deux lois de programmation des finances publiques ont été adoptées :

- la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 ;

- la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

4. Des documents redondants

Les trois types de documents sont très proches et présentent de nombreuses redondances.

En règle générale, les programmes de stabilité constituent une version détaillée des programmations pluriannuelles annexées aux projets de lois de finances.

Les deux seules véritables exceptions sont celles :

- du programme de stabilité 2007-2009, qui prévoyait le retour à l'équilibre en 2010, et pour 2009 un déficit public de 1 point de produit intérieur brut (PIB), contre 1,4 point de PIB pour la programmation pluriannuelle des finances publiques 2007-2009 annexée au projet de loi de finances pour 2006. Cela s'explique par le fait que le programme de stabilité 2007-2009 cherchait à afficher un objectif aussi ambitieux que celui du « rapport Pébereau », ce qui était irréaliste, comme votre rapporteur général l'a souligné dans son rapport d'information relatif à ce programme ;

- du programme de stabilité 2010-2013, adressé le 1 er février 2010 à la Commission européenne. En effet, le 2 décembre 2009, le Conseil européen avait seulement repoussé à 2013 l'année fixée pour la fin du déficit excessif (alors que la programmation annexée au projet de loi de finances pour 2010 prévoyait un déficit de 5 points de PIB en 2013, le retour sous le seuil de 3 points de PIB étant prévu au-delà de la période de programmation).

Le programme de stabilité 2011-2014 - sur le projet duquel, pour la première fois, le Parlement s'est prononcé cette année par un vote de chacune des assemblées - se contente d'actualiser la programmation pluriannuelle annexée au projet de loi de finances pour 2011 (dont la loi de programmation des finances publiques 2011-2014 donne une version détaillée). Si les prévisions de solde public pour 2010 et 2011 ont été améliorées, et l'hypothèse de croissance pour 2012 revue à la baisse, les objectifs de dépenses et les mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires ont été maintenus inchangés.

Les lois de programmation des finances publiques ont quant à elles un contenu très proche de celui des programmes de stabilité. En particulier, elles se réfèrent à un rapport annexé de longueur et de contenu analogues à ceux des programmes de stabilité. Par ailleurs, elles ont une faible portée normative.

B. TROIS TYPES DE RÈGLES ET D'OBJECTIFS

1. Un objectif constitutionnel : l'équilibre des comptes publics

Depuis la révision de 2008, l'article 34 de la Constitution, à l'alinéa relatif aux lois de programmation des finances publiques, mentionne « l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques ».

Ce nouveau principe constitutionnel n'a pas encore démontré sa portée pratique, puisque les comptes des administrations publiques se sont plutôt dégradés depuis 2008, en raison notamment de la crise.

2. Des règles européennes à respecter sous peine de sanctions : les ratios de solde et d'endettement publics rapportés au PIB

Le pacte de stabilité et de croissance fixe aux Etats membres deux seuils à ne pas dépasser :

- dans le cas du déficit public, celui de 3 points de PIB, au-delà duquel les Etats font normalement l'objet d'une procédure de déficit excessif ;

- dans le cas de la dette publique, celui de 60 points de PIB, actuellement dénué de valeur contraignante.

Les volets préventifs et répressifs du pacte sont en cours de réforme, les propositions de la Commission européenne devant être définitivement adoptées par le Conseil européen le 24 juin 2010.

La Commission européenne a rendu publiques le 29 septembre 2010 cinq propositions de règlements et une proposition de directive, qu'elle présente comme « le plus important renforcement de la gouvernance économique de l'UE et de la zone euro depuis le lancement de l'union économique et monétaire ».

a) Les propositions de la Commission européenne

La réforme du pacte de stabilité serait réalisée par trois règlements, qui reviendraient à instaurer un véritable fédéralisme en matière de politique budgétaire, pour les Etats de la zone euro. En effet, s'appuyant sur l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), qui permet aux Etats de la zone euro de « renforcer la coordination et la surveillance de leur discipline budgétaire », ils prévoient notamment l'obligation de constituer un dépôt égal à 0,2 % du PIB, selon une procédure dite de « vote inversé » : le dépôt deviendrait exigible sur proposition de la Commission, à moins que le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, ne décide du contraire dans les dix jours. La Commission n'aurait elle-même pas compétence liée, mais disposerait d'une importante faculté d'appréciation.

Cette procédure de dépôt et de vote inversé s'appliquerait non seulement pour le volet répressif, mais aussi pour le volet préventif. D'autres sanctions seraient également possibles. En particulier, le dépôt pourrait être transformé en amende.

Le principal renforcement des règles serait la réforme du volet répressif. En effet, le seuil de déficit de 3 points de PIB ne serait plus le seul à faire l'objet de sanctions, mais tel serait également le cas du seuil de dette de 60 points de PIB. Selon les termes retenus par le Conseil le 15 mars 2011, « le ratio de la dette au PIB, lorsqu'il est excessif, serait ainsi considéré comme diminuant à un rythme satisfaisant si son écart par rapport à la valeur de référence de 60 % du PIB s'est réduit d'un vingtième par an au cours des trois années précédentes ». On peut naturellement s'interroger sur le réalisme d'un tel dispositif, qui rendrait encore plus difficiles et douloureux les ajustements des Etats qui ont le plus besoin de reconstituer leurs marges de manoeuvre.

b) Le rôle du couple franco-allemand

La France et l'Allemagne ont pesé pour que les propositions initiales de la commission évoluent.

Ainsi, la déclaration franco-allemande publiée le 18 octobre 2010 à l'occasion de la rencontre tripartite Allemagne-France-Russie était nettement en retrait par rapport aux propositions de la Commission. Certes, contrairement à la Commission européenne, la France et l'Allemagne proposaient, de manière très volontariste (et peut-être peu réaliste), une révision du traité avant 2013, afin, « dans le cas d'une violation grave des principes de base de l'Union Économique et Monétaire », de permettre « la suspension des droits de vote de l'État concerné ». Cependant, il n'était plus question de majorité inversée.

c) La position du Conseil européen : l'adoption de sanctions par vote inversé impliquerait l'adoption préalable d'une recommandation à la majorité qualifiée

Le Conseil européen d'octobre 2010 a « fait sien le rapport du groupe de travail sur la gouvernance économique » présidé par Herman Van Rompuy. Ce rapport reprend les grandes lignes des propositions de la Commission, et en particulier chacun des éléments indiqués ci-avant.

Cependant, ce rapport propose de manière plus ou moins explicite diverses modifications qui reviendraient à faire perdre à la règle de « majorité inversée » une grande partie de son impact.

Interrogé par le rapporteur général sur les principales différences, s'agissant de la surveillance budgétaire des Etats membres, entre les propositions initiales de la Commission européenne et les positions du Conseil européen, le Gouvernement a fait parvenir la réponse suivante :

« L'orientation générale du Conseil (et donc les conclusions du groupe de travail présidé par Herman Van Rompuy) s'écarte toutefois légèrement des propositions législatives que la Commission a adoptées le 29 septembre dernier. Concernant la procédure de surveillance budgétaire, les différences essentielles concernent (i) l'étape de la procédure à laquelle les sanctions seront imposées (la Commission proposait que les sanctions soient imposées immédiatement, dès l'ouverture de la phase de procédure correspondante, par le biais d'un vote à la majorité qualifiée inversée ; l'orientation générale prévoit de conserver l'adoption par vote à la majorité qualifiée inversée, mais prévoit que la sanction financière sera infligée quand le Conseil constatera que les recommandations qu'il a précédemment émises n'ont pas été suivies d'effet). Par ailleurs, (ii) dans le cadre du volet préventif du Pacte, les propositions de la Commission prévoyaient la possibilité de déclencher une procédure en cas de manquement aux principes d'une politique budgétaire « prudente », fondée sur le niveau de dépenses publiques nettes des recettes discrétionnaires. Le rapport du groupe de travail présidé par Herman van Rompuy rajoute un deuxième critère, le solde structurel, qui était déjà présent dans le volet préventif issu de la réforme de 2005 ».

Par ailleurs, cette réforme ne serait pas rétroactive. Elle pourrait concerner les seuls déficits excessifs constatés à compter de 2013 - année fixée par le Conseil pour la fin des déficits excessifs dans tous les Etats de la zone euro (Grèce et Irlande exceptées).

3. Des règles de gouvernance nationales, en dépenses comme en recettes

Dans son rapport en vue du débat d'orientation des finances publiques pour 2011, votre commission des finances avait dressé un bilan des règles dont la France s'est dotée pour améliorer la gouvernance de ses finances publiques :

- norme d'évolution des dépenses de l'Etat au sens large, en incluant les prélèvements sur recettes (« zéro volume » ou « zéro valeur hors pensions et charge de la dette ») ;

- programmation triennale des plafonds de dépenses ;

- programmation pluriannuelle des dépenses sociales ;

- objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) et procédure d'alerte en cas de risque de dérapage ;

- règle de « gage » des niches fiscales issue de la loi de programmation des finances publiques 2009-2012 ;

- règle de gage global de l'ensemble des mesures nouvelles en matière de prélèvements fiscaux ou sociaux, issue de la même loi de programmation des finances publiques 2009-2012.

Son sentiment, au terme de l'analyse des différents dispositifs, était celui d' « intentions louables » mais d'un « bilan peu flatteur » conduisant à la nécessité d'ouvrir un « chantier institutionnel » devant conduire à une révision de la Constitution.

C. DES RÈGLES QUI NE PERMETTENT PAS DE RESPECTER LES PROGRAMMATIONS ET D'ATTEINDRE LES OBJECTIFS

1. Des programmations jusqu'à récemment jamais respectées

L'évolution du solde public a été jusqu'à récemment largement indépendante des programmations, qui se sont jusqu'à 2010 contentées de décaler, chaque année ou presque, l'objectif de retour à l'équilibre, comme l'indiquent le graphique et le tableau ci-après.

La programmation du solde public : prévision et exécution

(en points de PIB)

(voir tableau page suivante)

Sources : Insee, documents mentionnés

(suite de la page précédente)

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Solde public effectif

-1,8

-1,5

-1,6

-3,3

-4,1

-3,6

-2,9

-2,3

-2,7

-3,3

-7,5

-7,1

Programme de stabilité 2000-2002

-2,3

1,2

Programme de stabilité 2001-2003

-1,7

-0,5

Programme de stabilité 2002-2004

-1

-0,5

Programme de stabilité 2003-2005

-1,4

-1,3

-0,5

0

Programme de stabilité 2004-2006

-2,6

-2,1

-1,6

-1

Programme de stabilité 2005-2007

-3,55

-2,9

-2,2

-1,5

Programme de stabilité 2006-2008

-2,9

-2,2

-1,6

-0,9

Programme de stabilité 2007-2009

-2,9

-2,6

-1,9

-1

Programme de stabilité 2008-2010

-2,5

-1,8

-0,9

0

Programme de stabilité 2009-2012 I*

-1,7

-1,2

-0,6

0

Programme de stabilité 2009-2012 II*

-3,9

-2,7

-1,9

-1,1

Loi de prog. des finances publiques 2009-2012

-4,4

-3,1

-2,3

-1,5

Programme de stabilité 2010-2013

-8,2

-6

-4,6

-3

Loi de prog. des finances publiques 2011-2014

-7,7

-6

-4,6

-3

-2

Programme de stabilité 2011-2014

-5,7

-4,6

-3

-2

* Deux programmes de stabilité sont intitulés « programme de stabilité 2009-2012 », datant respectivement de décembre 2007 et décembre 2008. Cela vient du fait que le premier a été prolongé d'une année pour couvrir l'année 2012. La terminologie des programmes suivants a en conséquence été modifiée, la période indiquée dans le titre incluant désormais l'année couverte par la loi de finances.

Sources : Insee, documents mentionnés

2. Des lois de programmation des finances publiques insuffisantes car non contraignantes

La première loi de programmation des finances publiques - loi n° 2009-135 du 9 février 2009 portant sur les années 2009 à 2012 - a été un échec relatif d'abord parce qu'elle reposait sur des hypothèses économiques dépassées avant même son entrée en vigueur. Par ailleurs, les différentes règles de gestion des finances publiques qu'elle prévoyait, telle que la règle de « gage » des niches, n'ont pas été respectées ou ont été interprétées d'une manière leur faisant perdre l'essentiel de leur portée.

Lors de son examen de la deuxième loi de programmation (n° 2010-1645 du 28 décembre 2010), le Sénat a tenté de tirer les leçons de cet échec et ses amendements ont conduit à modifier profondément le texte adopté par l'Assemblée nationale. Les apports du Sénat ont notamment consisté à prévoir :

- la définition des objectifs de dépenses en montants en milliards d'euros définis année par année, afin qu'il soit possible de déterminer chaque année dans quelle mesure la norme est respectée ;

- l'obligation du Gouvernement de rendre des comptes précis sur l'exécution des lois de programmation et des programmes de stabilité ;

- une disposition, insérée au rapport annexé (par un amendement du Gouvernement mais à l'initiative de la commission des finances), selon laquelle si la croissance était de 2 % par an au lieu de 2,5 %, cela impliquerait un effort supplémentaire de 4 à 6 milliards d'euros par an au moins, qui reposerait sur « des mesures d'économies supplémentaires sur les dépenses et les niches fiscales ou sociales ».

Comme vos rapporteurs le développeront plus loin, cette disposition constitue un premier pas, certes limité, en direction de l'acceptation par le pouvoir exécutif de la nécessité de faire reposer les trajectoires pluriannuelles sur des hypothèses économiques prudentes.

La loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 :
les principales modifications apportées par le Sénat

Article

Objet

Principales modifications apportées par le Sénat

1

Période de programmation

2

Approbation du rapport annexé

Amendement du Gouvernement au rapport annexé, adopté en séance publique, prévoyant que si la croissance était de seulement 2 % (au lieu de 2,5 %), le Gouvernement prendrait les mesures nécessaires sur les dépenses et les niches fiscales et sociales pour respecter sa trajectoire de solde. Avis favorable de la commission, qui a également donné un avis favorable à l'amendement du Gouvernement (en séance publique) supprimant le scénario alternatif qu'elle avait inséré à l'article 3.

3

Trajectoire de solde et de dette

4

Dépenses des administrations publiques

Expression différente de la norme de croissance des dépenses de l'ensemble des administrations publiques, afin de la rendre plus applicable :
- le texte initial prévoyait une croissance moyenne sur la période (il était donc impossible de savoir avant 2015 si la norme était respectée) ;
- le texte adopté par le Sénat remplace cette norme par une augmentation cumulée par rapport à 2010, définie année par année, par des montants en milliards d'euros constants.

5

Dépenses de l'Etat

Expression différente de la norme de croissance des dépenses de l'Etat, afin de la rendre plus applicable :
- le texte initial fixait une règle de stabilité par rapport aux dépenses de l'année précédente, ce qui suggérait qu'un dérapage éventuel une année ne devait pas être compensé les années suivantes ;
- le texte adopté par le Sénat remplace cette norme par un plafond de dépenses exprimé par un montant en milliards d'euros constants, devant être vérifié chaque année.

6

Plafonds de crédits triennaux de l'Etat

7

Dotations de l'Etat aux collectivités territoriales

Précision que la règle de stabilisation en valeur des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales s'entend :
- chaque année (et non globalement sur la période) ;
- jusqu'en 2014 (l'article pouvant donner l'impression, dans sa rédaction initiale, qu'il ne s'applique que jusqu'en 2013).

8

Dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (I) ; ONDAM (II) ; mise en réserve de dotations relevant de l'ONDAM (III)

Précision que la norme de dépenses des régimes obligatoires de base s'entend à périmètre constant (comme pour les autres dépenses).
Précision que la part de l'ONDAM mise en réserve ne peut être inférieure à 0,3 %.

9

Mesures nouvelles sur les PO (I)

Montant des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires en 2011 porté à 11 Mds € (contre 10 Mds € selon le texte initial), par coordination avec le PLF et le PLFSS.

Stabilisation en valeur des dépenses fiscales (II) et niches sociales (III)*

10

Durée limitée à 4 ans des dépenses fiscales et niches sociales*

Disposition selon laquelle la règle de durée limitée des niches à 4 ans continue de s'appliquer aux niches créées ou étendues en 2009 ou en 2010.

11

Affectation à la réduction du déficit des surplus du produit des impositions de toute nature

12

Interdiction pour les ODAC d'emprunter à plus de 12 mois

Pérennisation de l'interdiction faite aux ODAC d'emprunter à plus de 12 mois

13

Information du Parlement sur les dépenses fiscales et les niches sociales

Maintien dans le corps de la LPFP (comme dans celui de la LPFP 2009-2012) de la disposition selon laquelle le Gouvernement remet au plus tard le 30 juin 2011 un rapport d'évaluation sur le « stock » de niches (le texte initial maintenait la référence à ce rapport, mais seulement dans le rapport annexé)

14

Transmission du projet de programme de stabilité au Parlement

Rétablissement de l'article, avec des modalités différentes (comme le vote du Parlement)

15

Possibilité de fongibilité entre dépenses et mesures nouvelles sur les PO (I)

Disposition insérée par le Sénat

Bilan de la LPFP (II)

Précisions sur le contenu du rapport

Indication des modalités de mise en oeuvre des II et III de l'article 8 (III)

Chiffrage des mesures nouvelles sur les PO (IV)

Précisions sur le contenu du rapport

16

Abrogation de la LPFP 2009-2012

Remarques : Les modifications rédactionnelles et corrections d'erreurs matérielles ne sont pas prises en compte. Sauf indication contraire, les modifications résultent d'amendements du rapporteur général en commission ou d'amendements de la commission des finances en séance publique.

* Dispositions insérées par l'Assemblée nationale.

Source : commission des finances

Cependant, la principale faiblesse de la loi de programmation des finances publiques 2011-2014, comme de celle qui l'a précédée, est de ne présenter, par nature, aucun caractère contraignant. En effet, il s'agit d'une loi ordinaire, qui par conséquent ne s'impose pas aux lois ultérieures, en particulier la loi de finances initiale et la loi de financement de la sécurité sociale.

II. LA NÉCESSITÉ D'UNE RÉVISION CONSTITUTIONNELLE

A. UNE EXIGENCE ÉCONOMIQUE ET POLITIQUE

1. Une exigence économique : convaincre de la détermination à rompre avec le double langage et à équilibrer les comptes publics

Le niveau des dettes publiques hérité de la crise économique et financière et l'accroissement des doutes sur la capacité des Etats à les rembourser rendent indispensables des mesures susceptibles de d'assurer le respect des engagements pris en matière de retour à des niveaux de déficit et de dette plus soutenables.

Tout Etat ayant une dette publique de l'ordre de 100 points de PIB peut faire défaut, dès lors que les marchés anticipent ce risque. A fortiori , tout Etat dans cette situation peut voir ses taux d'intérêt considérablement augmenter en cas de défiance.

Or, la confiance actuelle dans la capacité de la France à rétablir la soutenabilité de ses finances publiques ne va pas de soi et ne peut être tenue pour acquise. La décision, le 18 avril 2011, de l'agence de notation Standard & Poor's de placer « sous perspective négative » la capacité des Etats-Unis à rembourser leur dette publique montre qu'aucun Etat ne peut s'estimer à l'abri d'une dégradation de sa notation, qui s'accompagnerait sans doute d'un renchérissement de ses coûts de financement.

En outre, les perspectives à moyen terme des finances publiques françaises, telles que les évalue la Commission européenne, sont préoccupantes. Ainsi, dans ses prévisions du printemps 2011, la Commission anticipe pour 2012 un déficit public de 5,3 points de PIB (contre 4,6 points de PIB selon le Gouvernement). Le déficit de la France serait alors supérieur non seulement à celui de la zone euro (3,5 points de PIB), mais aussi à celui des autres principaux Etats - Allemagne (1,2 point de PIB), Italie (3,2 points de PIB) - et équivalent à celui de l'Espagne (5,3 points de PIB).

Les prévisions de solde public de la Commission européenne

(en points de PIB)

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Grèce

-5,7

-6,4

-9,8

-15,4

-10,5

-9,5

-9,3

Irlande

2,9

0,1

-7,3

-14,3

-32,4

-10,5

-8,8

Espagne

2

1,9

-4,2

-11,1

-9,2

-6,3

-5,3

France

-2,3

-2,7

-3,3

-7,5

-7

-5,8

-5,3

Slovénie

-1,4

-0,1

-1,8

-6

-5,6

-5,8

-5

Chypre

-1,2

3,4

0,9

-6

-5,3

-5,1

-4,9

Slovaquie

-3,2

-1,8

-2,1

-8

-7,9

-5,1

-4,6

Portugal

-4,1

-3,1

-3,5

-10,1

-9,1

-5,9

-4,5

Belgique

0,1

-0,3

-1,3

-5,9

-4,1

-3,7

-4,2

Autriche

-1,6

-0,9

-0,9

-4,1

-4,6

-3,7

-3,3

Italie

-3,4

-1,5

-2,7

-5,4

-4,6

-4

-3,2

Malte

-2,8

-2,4

-4,5

-3,7

-3,6

-3

-3

Estonie

2,4

2,5

-2,8

-1,7

0,1

-0,6

-2,4

Pays-Bas

0,5

0,2

0,6

-5,5

-5,4

-3,7

-2,3

Allemagne

-1,6

0,3

0,1

-3

-3,3

-2

-1,2

Luxembourg

1,4

3,7

3

-0,9

-1,7

-1

-1,1

Finlande

4

5,2

4,2

-2,6

-2,5

-1

-0,7

Zone euro

-1,4

-0,7

-2

-6,3

-6

-4,3

-3,5

Source : commission européenne, prévisions économiques du printemps 2011

Dans ces conditions, le risque que la France se retrouve classée par les marchés parmi les « mauvais élèves » de la zone euro ne peut être écarté a priori .

Il convient de trouver une voie entre une rigueur excessive qui casserait la croissance et en laquelle ne croiraient pas les marchés, et l'aisance à laquelle notre pays est habitué. Ce juste milieu passe par un retour progressif à l'équilibre qui, parce qu'il doit se faire dans la durée, ne sera jugé crédible que s'il s'appuie sur une trajectoire précise dont la mise en oeuvre serait confirmée chaque année.

2. Un engagement politique : respecter le  « Pacte euro + »

A l'initiative de la France et de l'Allemagne, les Etats membres de la zone euro, ainsi que six autres Etats membres de l'Union européenne, ont souscrit lors du Conseil européen des 24 et 25 mars 2011 un « pacte euro + », selon lequel les « États membres participants s'engagent à traduire dans leur législation nationale les règles budgétaires de l'UE figurant dans le pacte de stabilité et de croissance. Les États membres conserveront le choix de l'instrument juridique à utiliser au niveau national mais veilleront à ce qu'il soit par nature suffisamment contraignant et durable (par exemple, la Constitution ou une législation cadre). La formulation exacte de la règle sera également arrêtée par chaque pays (il pourrait par exemple s'agir d'un "frein à l'endettement", d'une règle liée au solde primaire ou d'une règle portant sur les dépenses), mais elle devrait garantir la discipline budgétaire tant au niveau national qu'aux niveaux inférieurs. La Commission aura la possibilité, tout en respectant pleinement les compétences des parlements nationaux, d'être consultée, avant son adoption, sur la formulation précise de la règle budgétaire, afin de s'assurer qu'elle est compatible avec les dispositions européennes et contribue à leur réalisation. »

Compte tenu de la règle que le Gouvernement a choisi de proposer, une révision de la Constitution constitue, dans notre droit, le seul instrument susceptible de permettre la création d'une catégorie de lois dont la valeur serait supérieure, dans la hiérarchie des normes, à celle des lois financières annuelles.

La traduction en droit interne des règles du pacte de stabilité

A votre commission des finances qui l'interrogeait sur les conditions dans lesquelles, comme le prévoit le « Pacte euro + », les règles du pacte de stabilité pourraient être introduites dans notre législation nationale, le Gouvernement a apporté la réponse suivante :

« Le protocole n°12 sur la procédure concernant les déficits excessifs prévoit déjà que « les Etats membres veillent à ce que les procédures nationales en matière budgétaire leur permettent de remplir les obligations qui leur incombent dans ce domaine en vertu des traités ». La déclaration du 11 mars renouvelle l'engagement des Etats participant à mettre en oeuvre leurs engagements.

« La proposition de directive communautaire sur les cadres budgétaires nationaux constitue également une traduction de ces obligations.

« En ce qui concerne la France, la négociation a permis de faire ressortir que l'état du droit actuel, ainsi que la pratique, est d'ores et déjà en ligne avec les prescriptions de cette proposition de texte. La Commission a notamment précisé que la directive n'exige pas de rapport de subordination juridique entre les lois pluriannuelles et les lois budgétaires, ce qui place la pratique actuelle des LPFP, à droit constant, en conformité avec la proposition de texte. Certains points techniques (tels que la périodicité de publication des données de comptabilité de caisse) nécessiteront quelques aménagements. La Commission a par ailleurs confirmé son intention d'adopter une déclaration unilatérale confirmant que, pour les besoins de la bonne transposition de cette directive, elle prendra en compte non seulement le droit positif des Etats membres, mais aussi la pratique, dès lors qu'elle fournit un cadre transparent et stable d'application du texte . »

Source : Gouvernement, en réponse à un questionnaire de votre commission des finances

3. L'exemple du « frein à la dette » de l'Allemagne

a) De la « règle d'or » au « frein à la dette »

De la fin des années 1960 à la récente révision de sa Loi fondamentale, l'Allemagne a appliqué la « règle d'or » inscrite à l'article 115 de sa Loi fondamentale, consistant en ce que le déficit public n'excède pas le montant de l'investissement public brut. Il était toutefois explicitement prévu que cette règle ne s'applique pas en cas de perturbation de l'équilibre macroéconomique. Faute de définition suffisamment restrictive de cette notion, cette règle ne s'est pas appliquée en bas de cycle. Par ailleurs, en haut de cycle, elle était peu rigoureuse puisqu'elle permettait une aggravation du déficit structurel, « masquée » par la forte croissance. Ainsi, l'endettement de l'Etat fédéral est passé de 17,5 points de PIB en 1970 à 67,9 points de PIB en 2006.

L'Allemagne a donc à nouveau révisé sa Loi fondamentale, en août 2009. Elle a pour cela modifié, outre son article 115 précité, ses articles 109, 109a et 143d. La règle instituée est dénommée « frein à la dette » ( Schuldenbremse ).

L'encadré ci-après reproduit les dispositions concernées. On voit qu'il s'agit de clauses très précises, qui auraient en France plutôt leur place dans une loi organique.

La Loi fondamentale allemande : extraits

Article 109 [Politique budgétaire de la Fédération et des Länder]

(1) La Fédération et les Länder sont autonomes et indépendants les uns des autres dans leur gestion budgétaire.

(2) La Fédération et les Länder accomplissent ensemble les obligations de la République fédérale d'Allemagne qui résultent des actes juridiques de la Communauté européenne pris sur le fondement de l'article 104 du traité créant la Communauté européenne en vue de respecter la discipline budgétaire et dans ce cadre ils tiennent compte des exigences de l'équilibre de l'ensemble de l'économie.

(3) Les budgets de la Fédération et des Länder doivent être par principe équilibrés sans les recettes provenant des emprunts . La Fédération et les Länder peuvent prévoir des règles tendant à prendre en compte de façon symétrique en période de croissance et de récession les effets d'une évolution anormale de la conjoncture ainsi que des règles exceptionnelles en cas de catastrophe naturelle ou de situations exceptionnelles d'urgence qui échappent au contrôle de l'État et qui compromettent considérablement les finances publiques. Pour les règles exceptionnelles, des règles corrélatives de remboursement doivent être prévues. Pour le budget fédéral, l'article 115 fixe les modalités de ces règles, étant entendu qu'il est satisfait à la phrase 1 lorsque les recettes provenant des emprunts ne dépassent pas 0,35 pour cent du produit national brut . Pour les budgets des Länder, ceux-ci fixent les règles dans le cadre de leurs compétences constitutionnelles, étant entendu qu'il n'est satisfait à la phrase 1 que si aucune recette provenant d'emprunts n'est admise.

(4) Une loi fédérale requérant l'approbation du Bundesrat peut établir pour la Fédération et les Länder des principes communs de droit budgétaire, de politique budgétaire conjoncturelle et de planification financière pluriannuelle.

(5) Les mesures de sanction de la Communauté européenne, prises dans le cadre de l'article 104 du traité créant la Communauté européenne pour assurer le respect de la discipline budgétaire, sont supportées par la Fédération et les Länder dans la proportion de 65 à 35. L'ensemble des Länder supporte solidairement 35 pour cent des charges incombant aux Länder, en proportion du nombre de leurs habitants ; 65 pour cent des charges incombant aux Länder sont supportés par les Länder au prorata de leur contribution aux actes sanctionnés. Une loi fédérale requérant l'approbation du Bundesrat fixe les modalités.

Article 109 a [Conseil de stabilité]

Pour prévenir des situations de crise budgétaire, une loi fédérale requérant l'approbation du Bundesrat fixe :

1. Le contrôle permanent de la gestion (ou politique) budgétaire de la Fédération et des Länder par un organisme collégial commun (Conseil de stabilité),

2. Les conditions et la procédure de déclaration d'une menace de crise budgétaire,

3. Les principes d'établissement et d'exécution des programmes d'assainissement en vue de prévenir les situations de crise budgétaire.

Les décisions du Conseil de stabilité et les expertises qui sont à leur base doivent être publiées.

Article 115 [Recours à l'emprunt]

(1) La souscription d'emprunts ainsi que les engagements sous forme de cautions, de garanties ou de sûretés de toute nature, qui pourraient engendrer des dépenses pour les exercices futurs, doivent être autorisés par une loi fédérale qui en fixe ou permet d'en fixer le montant.

(2) Recettes et dépenses doivent être équilibrées sans recettes provenant d'emprunts. Ce principe est satisfait si les recettes provenant d'emprunts ne dépassent pas 0,35 pour cent du produit national brut nominal. De plus, en cas d'évolution de la conjoncture s'écartant de la situation normale, les effets sur le budget en période de croissance et de récession doivent être traités de façon symétrique. Lorsque les opérations effectives d'emprunt s'écartent de la limite maximale fixée par les phrases 1 à 3, elles doivent être inscrites sur un compte de contrôle ; les endettements qui dépassent le seuil de 1,5 pour cent du produit national brut nominal doivent être réduits conformément à la conjoncture. La loi fédérale fixe les modalités, en particulier l'apurement des recettes et des dépenses relatives aux transactions financières et la procédure de calcul de la limite supérieure du montant net des emprunts annuels à la lumière de l'évolution de la conjoncture sur la base d'une procédure d'apurement conjoncturel ainsi que le contrôle et la réduction des écarts entre les opérations effectives d'emprunt et la limite fixée. En cas de catastrophe naturelle ou de situation d'urgence exceptionnelle qui échappent au contrôle de l'État et compromettent considérablement les finances publiques, ces limites supérieures de l'emprunt peuvent être dépassées sur décision de la majorité des membres du Bundestag . La décision doit être liée à l'établissement d'un plan d'amortissement . Le remboursement des emprunts contractés en application de la phrase 6 doit intervenir dans un délai raisonnable .

Article 143 d [Dispositions transitoires relatives aux emprunts]

(1) Les articles 109 et 115 dans leur rédaction en vigueur jusqu'au 31 juillet 2009 doivent être appliqués pour la dernière fois à l'année budgétaire 2010. Les articles 109 et 115 dans leur rédaction valable à partir du 1er août 2010 seront appliqués pour la première fois à l'année budgétaire 2011 ; les autorisations d'emprunt existant au 31 décembre 2010 pour des patrimoines spéciaux déjà constitués ne sont pas concernées. Les Länder peuvent dans la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2019 déroger aux exigences de l'article 109, al. 3, en se conformant aux règles en vigueur dans les Länder. Les budgets des Länder doivent être établis de telle façon que les exigences de l'article 115, al. 2, phrase 2 soient satisfaites durant l'année budgétaire 2020. La Fédération peut déroger du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2015 aux exigences de l'article 115, al.2, phrase 2. La suppression du déficit existant doit commencer avec l'année budgétaire 2011. Les budgets annuels doivent être établis de telle façon que les exigences de l'article 115, al. 2, phrase 2 soient satisfaites en l'année budgétaire 2016 ; la loi fédérale fixe les modalités.

(2) Comme aide au respect des exigences de l'article 109, al. 1 à partir du 1er janvier 2020, les Länder de Berlin, Brême, la Sarre, de la Saxe-Anhalt et du Schleswig-Holstein peuvent, pour la période 2011-2019, recevoir du budget de la Fédération des aides au rééquilibrage d'un montant de 800 millions d'euros par an. De cette somme il revient à Brême 300 millions d'euros, à la Sarre 260 millions d'euros et à Berlin, à la Saxe-Anhalt et au Schleswig-Holstein chacun 80 millions d'euros. Les aides sont versées sur la base d'un accord administratif conformément à une loi fédérale requérant l'approbation du Bundesrat. L'attribution d'aides suppose une suppression complète des déficits financiers avant la fin de l'année 2020. Une loi fédérale requérant l'approbation du Bundesrat et un accord administratif fixent les modalités, notamment les étapes de réduction annuelle des déficits financiers jusqu'à la fin de l'année 2020, la surveillance de la suppression des déficits financiers par le Conseil de stabilité ainsi que les conséquences en cas de non-respect des étapes de la suppression des déficits. Il est exclu d'attribuer simultanément des aides au rééquilibrage et des aides d'assainissement fondées sur une situation de crise financière extrême.

(3) La charge financière résultant de l'attribution d'aides au rééquilibrage est supportée par moitié par la Fédération et les Länder, ces derniers par prélèvement sur leur part d'impôts sur le chiffre d'affaires. Une loi fédérale requérant l'approbation du Bundesrat fixe les modalités.

Source : traduction de la Loi fondamentale par le Bundestag

La révision de l'article 109a instaure un conseil de stabilité, composé du ministre fédéral des finances, du ministre fédéral de l'économie et des 22 ministres des finances des Länder, chargé de suivre l'exécution des budgets de l'Etat fédéral et de chaque Land, et de jouer un rôle de comité d'alerte.

b) Une règle constitutionnelle définie en termes de solde structurel et fixant des objectifs chiffrés

Comme la règle envisagée en France, le frein à la dette ne concerne pas l'ensemble des administrations publiques, mais seulement celles qui représentent un enjeu suffisamment important. Elle se limite en effet à l'Etat fédéral et aux Länder, mais ne concerne ni les communes ni les organismes de sécurité sociale, dont la capacité d'endettement est faible.

Le frein à la dette repose sur les deux obligations suivantes :

- à compter de 2016, le déficit structurel de l'Etat fédéral devra être inférieur ou égal à 0,35 point de PIB ;

- à compter de 2020, les comptes des Länder devront être à l'équilibre structurel.

Comme cela devra également être le cas en France, l'application de la règle peut être suspendue en cas de circonstances exceptionnelles (catastrophes naturelles, situations d'urgence).

L'Allemagne ayant, contrairement à la France, un déficit public déjà faible (3,3 points de PIB en 2010), le problème qui se pose pour elle est moins de savoir comment atteindre ses objectifs - bien que ce sujet soit polémique, comme on le verra ci-après - que d'assurer le respect de la règle en « régime de croisière ». Pour cela, il est prévu qu'à compter de 2016, les écarts constatés, pour le budget de l'Etat fédéral, entre le déficit structurel plafond (0,35 point de PIB) et le déficit structurel réalisé sont enregistrés sur un compte notionnel de contrôle. Dès lors que l'excédent de déficit structurel cumulé atteindrait un certain seuil, des mesures d'apurement des écarts ainsi stockés devraient être prises, dans la limite de 0,35 point de PIB par an et seulement si l'économie est en phase haute du cycle (afin d'éviter un resserrement budgétaire procyclique).

Le recours à un objectif de solde structurel implique que la méthodologie de calcul de celui-ci soit précisément définie. Contrairement à ce qui serait vraisemblablement le cas en France, il ne paraît pas y avoir de polémique en Allemagne à ce sujet. Concrètement, l'Allemagne a retenu une méthodologie s'alignant autant que possible sur les pratiques communautaires, en particulier en ce qui concerne l'estimation de la production potentielle.

Comme votre commission des finances l'a souvent souligné, la notion de solde structurel présente en outre l'inconvénient - contrairement à celle de l'effort structurel - de ne pas corriger le solde effectif des fluctuations spontanées de l'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB. Cela semble accepté en Allemagne. Ainsi, comme l'indique le rapport Camdessus, « le compte de contrôle enregistrera également des fluctuations d'élasticité du budget à la croissance, qui sont de nature cyclique et n'auraient donc pas vocation à y figurer ».

c) Le sujet de polémique actuel : la trajectoire de réduction du déficit structurel de l'Etat fédéral d'ici 2016

Ainsi que le bureau de la commission des finances a pu le constater lors de sa mission d'information réalisée à Berlin du 10 au 12 avril 2011, les polémiques portent en Allemagne sur la question de la trajectoire de réduction du déficit structurel de l'Etat fédéral d'ici 2016.

Le Gouvernement allemand a déterminé cette trajectoire alors qu'il prévoyait que le déficit structurel fédéral de 2010 serait de 2,21 points de PIB. La trajectoire a été calculée en appliquant une réduction de 0,31 point de PIB par an à compter de 2011, ce qui permet bien de ramener le déficit structurel fédéral à 0,35 point de PIB en 2016. Dans le cas de l'année 2011, cela correspondait à un déficit structurel fédéral de 1,9 point de PIB.

Or, le déficit structurel fédéral n'a pas été en 2010 de 2,21 points de PIB, mais nettement inférieur.

Le Gouvernement allemand a décidé de ne pas prendre pour point de départ le déficit structurel constaté en 2010. En effet, cela l'aurait amené à programmer un moindre déficit en 2011. Il en découle le paradoxe que le déficit structurel fédéral de 2011 sera supérieur à celui de 2010.

Ce choix a été critiqué par le SPD et par la Bundesbank, dans son rapport mensuel de février 2011.

B. UNE DÉMARCHE ENGAGÉE PAR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE QUI ABOUTIT À DES PROPOSITIONS CONVERGENTES DE LA COMMISSION DES FINANCES ET DU « GROUPE CAMDESSUS »

Pour tirer les leçons des outils existants, et notamment de l'échec relatif de la première loi de programmation des finances publiques, le Président de la République a, à l'issue de la première session de la conférence sur le déficit, le 28 janvier 2010, annoncé la mise en place de quatre groupes de travail, dont l'un chargé de réfléchir aux modalités de la mise en oeuvre d'une règle constitutionnelle d'équilibre des finances publiques.

Michel Camdessus, gouverneur honoraire de la Banque de France, a été chargé de présider ce groupe de travail, par une lettre du Premier ministre en date du 1 er mars 2010. Ce groupe comprenait 16 membres, dont les présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances des deux assemblées. Il a adopté son rapport le 21 juin 2010.

L'objectif est de donner un contenu opérationnel et contraignant à « l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques », dont l'inscription à l'article 34 de la Constitution en 2008 n'a pas eu de conséquence pratique.

Sans attendre la constitution de ce groupe de travail, votre commission des finances, dès le 9 février 2010, préconisait la mise en place d'une règle exprimée « en termes d'effort structurel ».

Dans le cadre des travaux du groupe chargé de réfléchir aux modalités de la mise en oeuvre d'une règle constitutionnelle d'équilibre des finances publiques, le président et le rapporteur général de la commission des finances ont adressé le 17 mai 2010 une note (reproduite en annexe au présent rapport pour avis), dans laquelle ils formulaient un certain nombre de propositions. Ces propositions, détaillées dans le rapport de votre commission en vue du débat d'orientation des finances publiques pour 2011, ont en quasi-totalité été retenues par le groupe de travail.

Les propositions du président et du rapporteur général de votre commission des finances, ainsi que celles du groupe de travail présidé par Michel Camdessus, sont synthétisées par le tableau ci-après.

Les propositions de règles destinées à favoriser le retour des finances publiques à l'équilibre

Propositions du président et du rapporteur général de votre commission des finances (1)

Propositions du groupe de travail présidé par Michel Camdessus (2)

Cadre général

Prépondérance de la programmation pluriannuelle sur les lois annuelles

Instituer une loi-cadre de programmation des finances publiques (LCPFP), s'imposant aux LFI et LFSS

Les règles de procédure

Monopole des lois financières sur les dispositions ayant un impact sur le solde des administrations publiques (crédits budgétaires, dépenses fiscales et sociales)

Compétence exclusive des lois financières en matière de prélèvements obligatoires

Fusion des parties « recettes » des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale

Rapprochement des PLF et PLFSS

Confirmation de la règle de gage des dépenses fiscales définie par l'article 11 de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012

Règle de gage lors de la création d'une mesure fiscale nouvelle instaurée par l'article 11 de la loi de programmation des finances publiques du 9 février 2009

Confirmation de la durée limitée des nouvelles dépenses fiscales et sociales

Extension de la norme de dépense de l'Etat à la dépense fiscale

Association des collectivités territoriales à l'effort de maîtrise des comptes des administrations publiques

Les règles de fond

« Règle de sincérité » : retenir des hypothèses économiques prudentes

Mise en place d'un groupe d'experts, dont « les missions (...) consisteraient d'abord à rendre un avis public sur la pertinence des prévisions retenues dans les projets de lois-cadre de programmation des finances publiques et tout projet de loi financière » et dont les membres « pourraient aussi exprimer un avis sur la conformité et la crédibilité de ces textes et des efforts envisagés pour respecter la trajectoire retenue afin de parvenir à l'équilibre et respecter une trajectoire d'endettement conforme à nos engagements » (3).

« Règle de responsabilité » : définir les engagements du Gouvernement en termes de mesures nouvelles en recettes et en dépenses, exprimées en milliards d'euros, de façon à rendre les gouvernements effectivement responsables, mais uniquement de ce qu'ils contrôlent réellement.

La LCPFP « fixerait, en euros constants, pour chaque année de la période de programmation considérée : - le plafond du niveau des dépenses de l'État entrant dans le champ de la loi de finances (LF) et le plafond du niveau des dépenses de la sécurité sociale entrant dans le champ de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) ; - le plancher des recettes de l'État et de la sécurité sociale (dans le champ de la LFSS) résultant de facteurs autres que l'évolution spontanée des produits, notamment les mesures nouvelles concernant les prélèvements obligatoires au sens de l'évaluation des voies et moyens annexée à la loi de finances » ; « fongibilité entre plafonds des dépenses et mesures nouvelles en recettes ».

Se doter d'outils permettant un pilotage quasiment en temps réel

Instaurer un dispositif d'alerte rapide devant le Parlement

Contrôle de constitutionnalité : au niveau de l'ensemble LFI+LFSS, mais en cas de dérapage des dépenses publiques dans leur ensemble ou du coût des mesures nouvelles sur les PO, des mesures devraient être prises dans la loi financière la plus proche.

Saisine obligatoire du Conseil constitutionnel sur les lois financières.

« Lors de l'adoption des LCPFP, le Conseil constitutionnel vérifierait de plein droit qu'elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques figurant au 21ème alinéa de l'article 34 de la Constitution et, éventuellement, sur la trajectoire vers la cible d'équilibre fixée par le législateur. »

Limiter le recours à l'emprunt des opérateurs et l'affectation à leur profit de recettes non renouvelables

Déterminer par la loi organique la date du retour à l'équilibre des finances publiques (3)

Cadre européen

Création d'une Autorité européenne des comptes publics

Promotion d'un consensus macro-économique européen

(1) Note adressée le 17 mai 2010 à Michel Camdessus par le président et le rapporteur général de votre commission des finances (reproduite en annexe au présent rapport pour avis).

(2) Groupe de travail présidé par Michel Camdessus, Réaliser l'objectif constitutionnel d'équilibre des finances publiques , 21 juin 2010.

(3) Absence de consensus au sein du groupe Camdessus au sujet du groupe d'experts.

Source : commission des finances, d'après les textes indiqués

1. Etablir une nouvelle « hiérarchie des normes financières » pour rendre juridiquement contraignants les efforts discrétionnaires de réduction du déficit

La commission des finances, comme le « rapport Camdessus », sont très clairs sur le fait que la norme destinée à se substituer aux lois de programmation des finances publiques doit s'imposer aux lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale.

Ainsi, selon le rapport de votre commission des finances sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, « L'expérience des douze programmes de stabilité adressés à la Commission européenne depuis la fin des années 1990, dans une sorte de jeu formel sans la moindre conséquence pratique, montre la nécessité d'en finir avec le double langage.

« Il n'est plus possible, d'un côté, de continuer à adresser à la Commission européenne des programmations affichant une amélioration rapide du solde public, grâce à des hypothèses de croissance du PIB et de dépenses publiques dépourvues de crédibilité, et, de l'autre, de ne pas véritablement engager de politique de réduction du déficit structurel.

« La poursuite d'une telle « stratégie » aurait à terme des conséquences désastreuses en termes de crédibilité.

« Pour en finir avec le double langage, il faut instaurer une nouvelle « hiérarchie des normes financières ».

« Les lois financières de l'année (loi de finances, loi de financement de la sécurité sociale) doivent être subordonnées à une norme supérieure . Dans son rapport en vue du débat d'orientation des finances publiques pour 2011, votre commission préconisait « une trajectoire pluriannuelle des finances publiques qui s'impose aux lois financières » ».

De même, selon le « rapport Camdessus », « l'engagement fixé par le législateur dans la LCPFP [loi-cadre de programmation des finances publiques] s'imposerait aux LF et aux LFSS votées annuellement pendant la durée de la programmation. Cette primauté de la LCPFP sur les LF et les LFSS, dans la hiérarchie des normes, ferait l'objet d'une révision constitutionnelle. Les lois-cadre de programmation des finances publiques seraient ainsi érigées en une nouvelle catégorie de lois qui, de même que les lois organiques, s'imposeraient aux lois financières annuelles ».

2. D'importantes autres règles, dont le monopole des lois de finances sur les dispositions relatives aux prélèvements obligatoires

A cette règle d'équilibre s'ajoutaient d'autres propositions de la commission des finances et du « rapport Camdessus » :

- monopole des lois financières sur les dispositions ayant un impact sur les prélèvements obligatoires ;

- fusion des parties « recettes » des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale ;

- encadrement des dépenses fiscales.

DEUXIÈME PARTIE : LE PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Le présent projet de loi constitutionnelle comporte seize articles (dont trois insérés par l'Assemblée nationale). Il modifie douze articles de la Constitution, et en insère trois.

Le tableau ci-après en donne une présentation synthétique, en indiquant les principales préconisations de la commission des finances.

Les articles du présent projet de loi constitutionnelle

Articles de la Constitution

Articles du présent projet de loi constitutionnelle

Numéro

Objet

Numéro

Objet

Modifications apportées par l'AN

Remarques

34

Domaine de la loi

1

Monopole des LF et LFSS pour l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature et les principes fondamentaux des autres ressources de la sécurité sociale ; institution des lois-cadres d'équilibre des finances publiques (LCEFP)

• Précision selon laquelle les lois-cadres couvrent une période d'au moins 3 années ;

• Inscription (avec une imprécision rédactionnelle) de la « règle » d'effort structurel proposée par le rapport Camdessus et la commission des finances du Sénat, et figurant dans la LPFP 2011-2014 ;

• Précision que les lois-cadres comprennent les « règles de gestion des finances publiques » ;

• Précision qu'une LCEFP peut être modifiée en cours d'exécution dans les conditions et sous les réserves fixées par la LO.

• Précision que les « écarts constatés lors de l'exécution des lois de finances et de l'application des lois de financement de la sécurité sociale sont compensés dans les conditions prévues par une loi organique ».

• L'amendement de la commission des finances de l'AN tendant à instaurer des « lois de PO » n'a pas été adopté.

• La « règle » d'effort structurel doit être précisée (propositions en ce sens des commissions des lois et des finances).

• La commission des lois propose de remplacer le monopole strict par une obligation de validation des dispositions relatives aux PO en LF ou en LFSS.

• Les « règles de gestion » doivent être interprétées comme comprenant l'ensemble des règles relatives à la politique de finances publiques ou à l'information du Parlement.

Le texte ne prévoit pas :

- que la LO comprend des dispositions garantissant que les LCEFP reposent sur des hypothèses économiques non biaisées ;

- que le monopole est étendu à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des ressources non fiscales de la sécurité sociale (le texte proposé ne concerne que les principes fondamentaux) ;

- que pour accroître la cohérence des débats, des dispositions portant sur un même sujet peuvent être réunies dans un même texte (LFI ou LFSS).

Il est également prévu d'aligner sur l'orthographe de la LOLF celle du texte actuel, qui se réfère aux « impositions de toute s nature s ».

39

Initiative législative

2

Précision que la première lecture des LCEFP se fait à l'Assemblée nationale

Additionnel après 2

Article additionnel proposé par la commission des finances (dépôt d'un PLF ou d'un PLFSS conjointement avec le projet de loi dont il est le volet financier).

41

Irrecevabilité en cas de non respect du domaine de la loi

2 bis

Extension de l'article 41 de la Constitution au respect du monopole des LF et LFSS

Les commissions des lois et des finances proposent la suppression de l'article.

42

Première lecture des projets et propositions de loi

3

Dérogation des LCEFP à la règle selon laquelle la discussion porte sur le texte de la commission

46-1 (nouveau)

4

Modalités de discussion des LCEFP

47

Discussion des projets de lois de finances

5

Impossibilité d'adoption d'une LFI en l'absence de LCEFP

Anticipation au 15 septembre du dépôt du PLF

Cette remontée des dates de dépôt des projets de lois financières ne peut se comprendre que si les règles habituelles de computation des délais d'examen des textes ne sont pas modifiées.

47-1

Discussion des projets de lois de financement de la sécurité sociale

6

Impossibilité d'adoption d'une LFSS en l'absence de LCEFP

Anticipation au 1 er octobre du dépôt du PLFSS

47-2

6 bis

Assistance de la Cour des comptes pour le contrôle de l'exécution des lois-cadres

48

Ordre du jour

7

Inscription des projets de LCEFP par priorité, à la demande du Gouvernement

49

Engagement de la responsabilité du Gouvernement

8

Possibilité d'engager la responsabilité du Gouvernement sur un projet de LCEFP

61

Saisine du Conseil constitutionnel

9

Soumission automatique des LCEFP au Conseil constitutionnel

Contrôle automatique par le Conseil constitutionnel de la conformité des LF et LFSS à la loi-cadre

• La commission des lois propose d'étendre cette saisine automatique à l'ensemble LF+LFSS, pour ne pas faire porter le risque de censure sur la seule loi de finances.

• La commission des finances propose de préciser les conséquences d'une non-conformité à la loi-cadre.

61-2 (nouveau)

9 bis

Contrôle du respect du monopole par le Conseil constitutionnel (si saisi sur le texte)

• Les commissions des lois et des finances proposent la suppression de l'article.

• Si maintien de l'article, nécessité d'un amendement rédactionnel.

70

Consultation du Conseil économique, social et environnemental

10

Possibilité de consulter le CESE sur les projets de LCEFP

72-2

Autonomie financière des collectivités territoriales

11

Monopole des LF pour l'habilitation des collectivités territoriales à fixer l'assiette et le taux des impositions de toute nature (1°), et pour la compensation des créations ou extensions de compétences (2°)

• La commission des lois supprime le monopole de la loi de finances et remplace cet article (1° et 2°) par une simple modification rédactionnelle.

• Le 2° du présent article ne modifie vraisemblablement pas le droit actuel et introduit une ambiguïté (cf. infra).

88-8 (nouveau)

12

Transmission au Parlement des projets de programme de stabilité, avant transmission aux institutions européennes

Précision que le projet de programme de stabilité doit être transmis au Parlement au moins 2 semaines avant sa transmission à la Commission européenne ; vote du Parlement sur les programmes de stabilité (avec explicitement soumission pour avis à l'une des commissions permanentes).

• La commission des finances propose de prévoir le vote d'une résolution.

• La commission des lois propose de préciser la rédaction, qui pourrait être interprétée comme impliquant qu'une seule commission peut rendre un avis.

34, 39, 42, 46-1, 47, 47-1, 48, 49, 61 et 70

-

13

Fixation par la LO de la date d'entrée en vigueur de l'ensemble des dispositions, à l'exception de celles ne concernant pas les LCEFP : monopole des LF et LFSS prévu par les articles 1 er (impositions de toute nature et principes fondamentaux des autres ressources de la sécurité sociale) et 12 (autonomie financière des collectivités territoriales), et transmission du projet de programme de stabilité prévue par l'article 88-8

Modifications rédactionnelles et de coordination.

La commission des finances propose une modification de coordination.

Sources : textes concernés, commission des finances

Le tableau ci-après permet de mettre en évidence l'architecture du présent projet de loi constitutionnelle.

L'architecture du présent projet de loi constitutionnelle

Règles destinées à assurer le respect des futurs engagements du Gouvernement en termes d'effort discrétionnaire de réduction du déficit

Vote du Parlement sur les
projets de programme de stabilité

Monopole des LF et LFSS

Article

« Règle » d'équilibre

Lois-cadres d'équilibre des finances publiques

1

Inscription par l'AN (avec une imprécision rédactionnelle) de la « règle » proposée par le « rapport Camdessus »

Institution des lois-cadres

Instauration du monopole

2

Première lecture à l'Assemblée nationale

2 bis

Irrecevabilité en cas de non respect du monopole des LF et LFSS

3

Dérogation des LCEFP à la règle selon laquelle la discussion porte sur le texte de la commission

4

Modalités de discussion des LCEFP

5

Impossibilité d'adoption d'une LFI en l'absence de LCEFP. Anticipation au 15 septembre du dépôt du PLF

6

Impossibilité d'adoption d'une LFSS en l'absence de LCEFP. Anticipation au 1 er octobre du dépôt du PLFSS

6 bis

Assistance de la Cour des comptes pour le contrôle de l'exécution des LCEFP

7

Inscription des projets de LCEFP par priorité, à la demande du Gouvernement

8

Possibilité d'engager la responsabilité du Gouvernement sur les projets de LCEFP

9

Soumission automatique au Conseil constitutionnel, qui contrôle en outre la conformité des LF et LFSS à la loi-cadre

9 bis

Contrôle du respect du monopole par le Conseil constitutionnel (si saisi sur le texte)

10

Possibilité de consulter le CESE sur les projets de LCEFP

11

Coordination pour les dispositions relatives aux collectivités territoriales

12

Vote du Parlement sur les projets de programme de stabilité

NB : l'article 13 concerne les modalités d'entrée en vigueur.

Source : commission des finances

I. RENFORCER LA LÉGITIMITÉ DÉMOCRATIQUE DES ENGAGEMENTS EUROPÉENS DE LA FRANCE

A. LE PRINCIPE DU VOTE DU PARLEMENT SUR LE PROJET DE PROGRAMME DE STABILITÉ

1. Une initiative du Sénat ...

Rendant compte à votre commission des finances d'un récent déplacement au Portugal, votre rapporteur général relevait, le 24 mars 2010, que « le gouvernement portugais est contraint de rompre avec la pratique, constatée dans tous les pays européens, du « double langage », qui conduit à tenir un discours différent devant les électeurs et devant les instances européennes. La surveillance des marchés et des agences de notation ne le permet plus. Dans ces conditions, de nouvelles méthodes ont été mises au point et le programme de stabilité a été soumis, pour consultation, aux partis politiques et aux partenaires sociaux. Il est discuté au Parlement, ce qui pourrait constituer une source d'inspiration pour le Parlement et le gouvernement français ».

Au cours du printemps de l'année dernière, cette idée à fait son chemin et, après avoir pesé les mérites respectifs de l'adoption d'une résolution selon la procédure de l'article 34-1 de la Constitution ou d'une déclaration du Gouvernement suivie d'un vote en application de l'article 50-1 de la Constitution, le Gouvernement et les assemblées sont convenus que la présentation des orientations pluriannuelles des finances publiques, dans le cadre du débat d'orientation des finances publiques, s'achèverait par un vote en application de l'article 50-1.

Dans son rapport en vue du débat d'orientation des finances publiques pour 2011, votre commission des finances se prononçait en faveur d'un vote annuel sur le programme de stabilité.

Lors de l'examen du projet de loi de programmation des finances publiques 2011-2014, la commission des finances de l'Assemblée nationale avait prévu l'obligation pour le Gouvernement de déposer un nouveau projet de loi de programmation avant le 1 er juin 2011. L'objectif était que le Parlement puisse adopter la trajectoire des finances publiques préalablement à son inscription dans un document européen qui engage la France.

Le Gouvernement a obtenu le retrait de cet amendement en échange de l'engagement de soumettre aux assemblées le projet de programme de stabilité avant le 15 avril de chaque année, de façon à ce qu'elles puissent formuler des observations avant sa transmission aux institutions de l'Union européenne, au plus tard le 30 avril.

A l'initiative de sa commission des finances, le Sénat a inscrit cet engagement du Gouvernement dans la loi, en précisant que le projet de programme de stabilité devrait faire l'objet d'un débat et d'un vote . Le texte du Sénat est devenu l'article 14 de la loi de programmation des finances publiques 2011-2014.

A l'occasion de son séminaire annuel tenu à Bruxelles, votre commission des finances s'est entretenue avec le commissaire en charge des affaires économiques et monétaires, Olli Rehn, qui s'est déclaré très partisan de la solution mise en oeuvre en France.

2. ... élevée au rang d'obligation constitutionnelle par l'Assemblée nationale

L'article 12 du présent projet de loi constitutionnelle prévoit qu'« à la demande du Gouvernement ou d'un groupe parlementaire au sens de l'article 51-1, [le projet de programme de stabilité] donne lieu à un débat en séance, puis fait l'objet d'un vote sans engager la responsabilité du Gouvernement ».

Un amendement adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de sa commission des finances, précise que le projet de programme de stabilité doit être transmis au Parlement au moins deux semaines avant sa transmission à la Commission européenne.

Il s'agit de la reprise d'une disposition figurant déjà à l'article 14 de la loi de programmation des finances publiques 2011-2014.

En outre, une précision adoptée à l'initiative de la commission des lois de l'Assemblée nationale prévoit qu'à la demande du Gouvernement ou d'un groupe parlementaire, le projet de programme de stabilité donne lieu à un débat en séance, puis fait l'objet d'un vote sans engager la responsabilité du Gouvernement.

Il s'agit donc d'une procédure inspirée de l'actuel article 50-1 de la Constitution.

B. LES MODALITÉS DU VOTE DU PARLEMENT

1. Une déclaration du Gouvernement suivie d'un vote ne permet pas une expression nuancée

La rédaction proposée par l'article 12 du présent projet de loi constitutionnelle pour le nouvel article 88-8 de la Constitution est celle d'un projet « soumis pour avis à l'une des commissions permanentes » qui, « à la demande du Gouvernement ou d'un groupe parlementaire », « donne lieu à un débat en séance, puis fait l'objet d'un vote sans engager la responsabilité du Gouvernement ».

Il s'agit donc d'une procédure de même esprit que celle de l'article 50-1 de la Constitution, qui dispose que « devant l'une ou l'autre des assemblées, le Gouvernement peut, de sa propre initiative ou à la demande d'un groupe parlementaire au sens de l'article 51-1, faire, sur un sujet déterminé, une déclaration qui donne lieu à débat et peut, s'il le décide, faire l'objet d'un vote sans engager sa responsabilité ».

2. Mieux vaudrait lui substituer une procédure de résolution

Comme le Sénat a pu le constater lors de la première mise en oeuvre des dispositions de l'article 14 de la loi de programmation des finances publiques 2011-2014, le 27 avril 2011, la solution d'un débat suivi d'un vote ne permet pas une expression nuancée puisqu'elle contraint à se prononcer en faveur ou en défaveur de la déclaration du Gouvernement.

Un vote qui se traduirait par l'adoption d'une résolution serait plus opérationnel. Il aurait par exemple permis, dans le cas du programme de stabilité 2011-2014, d'approuver la trajectoire proposée par le Gouvernement tout en émettant des réserves sur les hypothèses macroéconomiques retenues et en invitant le Gouvernement à détailler davantage les mesures qu'il entend prendre pour respecter ses objectifs en termes de maîtrise des dépenses publiques.

Votre commission des finances vous propose à l'article 12 du présent projet de loi constitutionnelle un amendement permettant le vote de résolution, selon une procédure inspirée de celle prévue à l'article 88-4 de la Constitution pour les résolutions européennes.

II. METTRE EN PLACE UNE VÉRITABLE RÈGLE D'ÉQUILIBRE

L'objet essentiel de la réforme est de se doter d'un dispositif institutionnel contraignant, qui permette de s'assurer que les lois financières annuelles comportent bien les mesures de nature à permettre d'atteindre les objectifs de déficit et de dette inscrits dans le programme de stabilité.

Ce dispositif institutionnel est celui préconisé par le rapport Camdessus et votre commission des finances au printemps 2010.

A. LA CONFIRMATION DE LA RÈGLE PRÉCONISÉE PAR LE GROUPE CAMDESSUS ET LA COMMISSION DES FINANCES DU SÉNAT

1. L'inscription de la règle elle-même dans la Constitution : un apport de l'Assemblée nationale

Le présent projet de loi constitutionnelle, dans sa rédaction initiale, créait l'instrument susceptible de permettre la mise en oeuvre de la règle d'équilibre (les lois-cadres d'équilibre des finances publiques), mais ne précisait pas en quoi consistait la règle censée devoir être appliquée.

Deux amendements identiques à l'article premier, adoptés à l'initiative de la commission des lois et de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, inscrivent dans la Constitution une « règle » d'effort structurel inspirée de celle préconisée, notamment, par le rapport Camdessus.

Le texte transmis au Sénat prévoit ainsi que les lois-cadres « fixent, pour chaque année, un objectif constitué d'un maximum de dépenses et d'un minimum de recettes qui s'impose aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale ».

Si les rapporteurs pour avis ont employé ci-dessus le mot « règle » entre guillemets, c'est parce qu'en réalité cette disposition ne contraint à aucun effort ou rythme particulier de réduction du déficit. Elle se contente de fixer la nature de l'engagement que le législateur financier devra prendre, en recettes comme en dépenses. Elle ne préjuge donc pas des choix qui seront faits en matière de politique budgétaire.

2. Le rejet d'une règle exprimée en termes de solde, même structurel

a) Une disposition qui n'oblige pas à faire des efforts d'autant plus importants que la croissance est faible

A la connaissance des rapporteurs, aucun expert ou économiste ne recommande que la France se dote d'une règle de solde l'obligeant à une certaine trajectoire de déficit effectif.

Tout d'abord, à moins de se doter de marges de sécurité considérables, cela serait concrètement inapplicable. Certes, parce qu'ils sont « au pied du mur », les Etats « périphériques » de la zone euro incapables de se financer sur les marchés prennent des engagements de ce type afin de rassurer les investisseurs. Mais, outre le fait que le Gouvernement ne maîtrise pas l'ensemble des dépenses publiques, il existe un fort aléa du côté de la croissance et des recettes, que l'on ne peut que constater a posteriori . Par exemple, une croissance inférieure de 1 point augmente le déficit de 0,5 à 1 point de PIB.

Surtout, une telle règle obligerait les gouvernements à mener une politique budgétaire d'autant plus restrictive (c'est-à-dire à réduire leurs dépenses et à prendre des mesures nouvelles tendant à alourdir les prélèvements obligatoires) que la croissance serait faible, ce qui « ajouterait la crise à la crise » et serait, d'un point de vue économique, absurde. Politiquement intenable, une telle règle ne serait donc pas crédible.

Il faut donc écarter d'emblée l'idée, parfois avancée, que le présent projet de loi constitutionnelle préconiserait de mener une politique budgétaire d'autant plus rigoureuse que la croissance serait faible. Cela n'aurait pas de sens, et ce n'est pas de cela qu'il est question.

Le dispositif proposé consiste au contraire à faire porter les futurs engagements de la politique des finances publiques sur le déficit corrigé des effets de la conjoncture. Autrement dit, avec la nouvelle règle, il sera toujours possible de laisser jouer ce que l'on appelle les « stabilisateurs automatiques », c'est-à-dire de laisser le déficit fluctuer spontanément au gré de la conjoncture. En outre, la loi organique pourra comporter une clause de circonstances exceptionnelles.

b) Un dispositif qui écarte la notion de déficit structurel, difficile à utiliser en France et dans le contexte économique actuel

Pour définir une politique budgétaire qui « neutralise » les effets de la conjoncture, les économistes, suivis sur ce point par l'Allemagne, tendent généralement à privilégier une règle consistant à ce que le gouvernement s'engage sur un objectif annuel de solde structurel.

Le pacte de stabilité prévoit d'ailleurs qu'un Etat en situation de déficit excessif (c'est-à-dire supérieur à 3 points de PIB) doit réduire son déficit structurel d'au moins 0,5 point de PIB par an. Dans le cas de la France, le Conseil a demandé à la France, notamment le 26 avril 2010, de réduire son déficit structurel d'au moins 1 point de PIB par an.

Il n'aurait pas été absurde de choisir une règle définie en termes de solde structurel, d'autant plus que si, au niveau européen, le seuil de 3 points de PIB retenu pour engager les procédures pour déficit excessif concerne bien le déficit effectif, les obligations concrètes que le Conseil européen impose aux Etats sont exprimées en termes d'évolution du solde structurel.

Cependant, une telle règle n'est pas politiquement possible en France. En effet, le déficit structurel n'est pas une notion objective, mais le résultat de calculs économétriques reposant sur des hypothèses qui, si elles peuvent correspondre aux « techniques standard » de la profession des économistes à un moment donné, n'en sont pas moins en partie arbitraires. Une telle situation ne pose pas de problème dans des pays, comme l'Allemagne, habitués à s'en remettre à l'expertise des économistes (notamment en matière de prévisions de croissance). Cependant en France, où la tradition est différente, et où les économistes tendent à adopter des positions très tranchées et idéologiquement marquées, une telle règle aurait été difficile à appliquer. Tel est d'autant plus le cas que la récession de 2008-2009 rend de fait impossible pour les prochaines années toute évaluation raisonnablement fiable du déficit structurel et de son évolution. Une règle définie en termes de solde structurel aurait donc risqué de susciter des polémiques sans fin, incompréhensibles par le citoyen.

Pourquoi la récession de 2008-2009 rend impossible pour les prochaines années toute évaluation raisonnablement fiable du déficit structurel et de son évolution

Le déficit structurel se calcule en faisant des hypothèses en matière de PIB potentiel (c'est-à-dire corrigé de la conjoncture). Schématiquement, le PIB est actuellement inférieur d'environ 7 points à ce qu'il aurait été sans la crise, ce qui augmente le déficit d'environ 3,5 points de PIB.

Les incertitudes concernent tout d'abord le niveau du déficit structurel. Si l'on considère que la totalité de la perte de PIB est devenue structurelle (autrement dit qu'elle ne sera jamais rattrapée), ce qui est malheureusement crédible après une crise financière, le déficit structurel est passé d'environ 3 points de PIB (correspondant à son niveau moyen avant la crise) à 6,5 points de PIB. Si l'on considère que la perte de PIB est totalement conjoncturelle (c'est-à-dire qu'elle sera rattrapée sur le long terme), le déficit structurel est toujours de l'ordre de 3 points de PIB, et il suffirait d'attendre suffisamment longtemps pour que (si les dépenses publiques continuent d'augmenter à la vitesse du PIB d'avant la crise) le déficit retrouve ce niveau de lui-même.

Ces incertitudes concernent également l'évolution du déficit structurel. Supposons que la croissance du PIB et des dépenses publiques soit de 1,5 % par an ces prochaines années. Sans mesures sur les recettes, le solde public demeurerait inchangé. Si l'on retient l'hypothèse que la croissance potentielle de l'économie est de 1,5 %, une croissance de 1,5 % maintient inchangé l'écart du PIB par rapport à son niveau potentiel, et donc le déficit structurel n'évolue pas. En revanche, si l'on suppose que la croissance potentielle est de 2 %, une croissance de 1,5 % aggrave le déficit conjoncturel de 0,25 point de PIB par an, et donc, pour un niveau de déficit donné, correspond à une amélioration du déficit structurel de 0,25 point de PIB.

A cela s'ajoute le fait que le déficit structurel évolue non seulement en fonction de la croissance des dépenses, de celle du PIB potentiel, et des mesures que le Gouvernement prend sur les recettes, mais aussi des fluctuations spontanées de l'élasticité (c'est-à-dire de la sensibilité) des recettes publiques au PIB. Schématiquement, les recettes publiques tendent à augmenter plus rapidement que le PIB quand la croissance est forte, et plus lentement quand elle est faible. De manière paradoxale, le déficit structurel n'est donc pas corrigé de la totalité de la composante conjoncturelle du déficit. L'impact sur le déficit peut être considérable : par exemple, pour une politique identique, entre un Gouvernement qui « n'a pas de chance » et constate une élasticité de 0,8 et un Gouvernement qui « a de la chance » et connaît une élasticité de 1,2, l'écart en termes de déficit public est de l'ordre de 0,7 point de PIB. Cela réduit fortement l'intérêt du déficit structurel comme instrument de mesure de la politique budgétaire.

3. Une règle qui porte sur les efforts discrétionnaires de réduction du déficit, en recettes comme en dépenses

Les limites des règles exprimées en termes de solde (que celui-ci soit effectif ou structurel) expliquent que le rapport Camdessus propose, conformément aux préconisations de votre commission des finances, que le Gouvernement et le Parlement s'engagent sur un « vote par le Parlement de plafonds globaux des dépenses et de planchers des mesures nouvelles en recettes, dans une perspective pluriannuelle, ce qu'il est convenu de qualifier d' effort structurel ».

La référence à des « plafonds globaux de dépenses » n'appelle pas de commentaire particulier. On rappelle toutefois qu'elle ne concernerait (comme d'ailleurs la disposition relative aux recettes) que l'Etat et les régimes obligatoires de base de sécurité sociale, c'est-à-dire les administrations de sécurité sociale couvertes par les lois de financement de la sécurité sociale (ce qui exclut essentiellement l'assurance chômage et les régimes complémentaires de retraites).

La référence à des « planchers des mesures nouvelles en recettes » est souvent plus mal comprise.

Les mesures nouvelles sont une notion utilisée dans le tome I du fascicule des « Voies et moyens » et dans le rapport relatif aux prélèvements obligatoires annexé au projet de loi de finances. Le code de la sécurité sociale (dans son article LO 111-4) et la loi de programmation des finances publiques 2011-2014 (dans ses articles 9 et 15) s'y réfèrent explicitement. Il s'agit de la somme des mesures sur les recettes, positives ou négatives (c'est-à-dire tendant à augmenter ou à réduire les recettes), entrant en vigueur une année donnée. Par exemple, si le taux normal de TVA augmente de 1 point au 1 er janvier d'une année donnée, cela correspond, pour l'année concernée, à une « mesure nouvelle » de l'ordre de 6 milliards d'euros. L'année suivante, cette mesure ne correspond en revanche à aucune mesure nouvelle.

Les mesures nouvelles sont utilisées pour prévoir l'évolution des recettes publiques. Le calcul consiste à évaluer ce que serait l'évolution « spontanée » des recettes (qui dépend de la prévision de croissance du PIB en valeur et de l'élasticité, c'est-à-dire de la sensibilité, des recettes publiques au PIB), et à ajouter à ce résultat le montant des mesures nouvelles.

La préconisation du rapport Camdessus revient donc à demander au Gouvernement et au Parlement de s'engager à prendre des mesures d'augmentation des recettes pour au moins un certain montant. C'est déjà ce que prévoit l'article 9 de la loi de programmation des finances publiques pour la période 2011-2014, selon lequel le Gouvernement doit prendre des mesures nouvelles d'au moins 11 milliards d'euros en 2011 et 3 milliards d'euros chacune des années suivantes.

Bien entendu, cela ne signifie pas que les recettes doivent effectivement augmenter à hauteur de ces montants. Leur évolution dépend en effet de facteurs économiques, qui échappent pour l'essentiel à l'action du Gouvernement, et ne sont pas prévisibles à court terme. Le rapport Camdessus ne propose donc pas un « plancher de recettes », mais bien un « plancher de mesures nouvelles sur les recettes ».

En pratique un engagement sur un niveau de dépenses publiques et de mesures nouvelles sur les recettes correspond quasiment à un engagement sur une évolution du solde structurel, comme le montre le tableau ci-après. La seule différence est que le Gouvernement et le Parlement s'engagent uniquement sur ce qu'ils contrôlent, et donc pas sur les fluctuations spontanées de l'élasticité (c'est-à-dire de la sensibilité) des recettes publiques au PIB. Comme sur le long terme cette élasticité est égale à 1 (c'est-à-dire que les recettes publiques tendent spontanément à évoluer à la même vitesse que le PIB), à long terme il n'y a pas de différence significative en pratique.

Malgré son caractère « rustique », la « règle » proposée par le rapport Camdessus est donc mûrement réfléchie. Elle équivaut quasiment à une règle d'évolution du solde structurel, tout en utilisant des notions simples et non contestables.

Les facteurs d'évolution du solde public : décomposition indicative dans un cas particulier

(en points de PIB)

Solde effectif

Solde structurel

A

Evolution du solde dépendant de l'action du Gouvernement (« effort structurel »)

1,0

1,0

La règle proposée par le rapport Camdessus et le Gouvernement porte sur ceci

Une règle de solde structurel porterait sur ceci

B

Maîtrise de la dépense (1)

0,5

0,5

C

Mesures nouvelles sur les recettes

0,5

0,5

D

Evolution du solde ne dépendant pas de l'action du Gouvernement

-0,4

-0,15

E

Evolution du solde résultant d'une l'élasticité des recettes publiques au PIB différente de 1 (2)

-0,15

-0,15

F

Evolution du solde conjoncturel

-0,25

G

Evolution totale du solde

0,6

0,85

(1) Evolution du ratio dépenses/PIB potentiel.

(2) Sur le long terme, cette élasticité est égale à 1. La règle proposée par le rapport Camdessus et une règle exprimée en termes d'évolution du solde structurel sont donc équivalentes sur le long terme.

Hypothèses : Croissance des dépenses publiques de 1 % en volume, croissance potentielle de 2 % en volume, croissance du PIB de 1,5 % en volume, élasticité des recettes publiques au PIB de 0,9, mesures nouvelles sur les recettes de 10 milliards d'euros, inflation de 1,5 %.

Source : commission des finances

(explication des chiffres page suivante)

Explication des chiffres du tableau de la page précédente

Ce tableau a un objet purement didactique et ne correspond à aucune année réelle. Les hypothèses ont été choisies de manière à simplifier les calculs.

Il résulte des hypothèses retenues que l'année concernée le solde public effectif s'améliore de 0,6 point de PIB, et le solde public structurel de 0,85 point de PIB.

Ce résultat s'explique, de manière simplifiée, de la façon suivante.

La ligne B correspond à la part de la réduction du déficit résultant du différentiel de croissance entre les dépenses et le PIB « potentiel » (c'est-à-dire corrigé des effets de la conjoncture). Autrement dit, il s'agit de calculer la diminution, en points de PIB, du ratio dépenses/PIB potentiel. Comme, selon les hypothèses retenues, la croissance des dépenses est de 1 % et celle du PIB potentiel de 2 %, et comme les dépenses publiques correspondent à environ la moitié du PIB, le solde public s'améliore d'environ (2-1) / 2= 0,5 point de PIB.

La ligne C correspond aux mesures nouvelles sur les recettes, par hypothèse égales à 10 milliards d'euros, soit 0,5 point de PIB.

La ligne E correspond à l'évolution du solde résultant d'une l'élasticité des recettes publiques au PIB différente de 1 (c'est-à-dire du fait que les recettes n'augmentent pas à la même vitesse que le PIB). Dans l'exemple retenu cette élasticité est de 0,9, ce qui signifie qu'alors que le PIB augmente de 3 % en valeur (1,5 % en volume + 1,5 % d'inflation), les recettes augmentent de seulement 0,9 3 = 2,7 %. Les recettes publiques étant à peu près égales à la moitié du PIB, l'écart, de 0,3 point de recettes, correspond à environ 0,15 point de PIB.

La ligne F correspond à l'évolution du solde conjoncturel, c'est-à-dire à l'évolution du solde résultant de la conjoncture (hors fluctuation de l'élasticité des recettes au PIB), c'est-à-dire de l'écart entre la croissance effective (ici 1,5 %) et la croissance potentielle (ici 2 %). Si la croissance était effectivement de 2 %, le ratio dépenses/PIB s'améliorerait de 0,5 point de PIB (cf. explication de la ligne B). Mais comme elle est de seulement 1,5 %, elle s'améliore seulement, selon le même raisonnement, de 0,25 point de PIB. L'écart, soit 0,25 point de PIB, correspond à l'impact sur le solde public du différentiel entre la croissance effective et la croissance potentielle. En effet, comme on ne prend pas ici en compte le fait que l'élasticité des recettes au PIB s'écarte de l'unité (pris en compte par la ligne E), les recettes demeurent constantes en points de PIB.

Les lignes A, D et G résultent par addition des autres lignes (A = B+C, D = E+F et G = A+D).

4. Une règle qui doit être contraignante et dont le non respect doit être sanctionné

La règle ainsi énoncée existe déjà dans notre droit, depuis l'entrée en vigueur de la deuxième loi de programmation des finances publiques.

Cependant, celle-ci est une loi ordinaire dont la valeur n'est pas supérieure à celle des lois financières annuelles et il n'est pas possible de sanctionner d'éventuels manquements à ses prescriptions.

Pour que la trajectoire pluriannuelle soit respectée et devienne donc contraignante, il importe non seulement qu'elle figure dans un texte de valeur supérieure à celle des lois financières, mais aussi de mettre en place à la fois un dispositif de contrôle du respect des engagements et un dispositif de sanction d'un éventuel non respect.

On verra plus loin que les modalités du contrôle doivent encore être précisées et que les sanctions restent à inventer.

5. Un dispositif qui remplit les critères de la « bonne règle »

Dans leur note adressée aux membres du groupe de travail présidé par Michel Camdessus, vos rapporteurs considéraient que « la règle doit imposer au gouvernement des contraintes quantitatives claires en matière d'action à mener pour réduire le déficit, qu'elle doit être suffisamment souple pour ne pas enfermer l'action politique dans un chemin unique (ce qui risquerait de conduire rapidement à sa remise en cause), qu'elle ne doit pas susciter le risque de polémiques entre un comité d'experts indépendants (comme un panel d'économistes ou la Cour des comptes) et le Gouvernement (ce qui ruinerait sa légitimité), qu'elle doit être non manipulable par les gouvernements et qu'elle doit être compréhensible par l'opinion ».

Le dispositif proposé par le présent projet de loi constitutionnelle remplit l'ensemble de ces critères.

B. L'INSTRUMENT RETENU : DES LOIS-CADRES D'ÉQUILIBRE DES FINANCES PUBLIQUES FIXANT UNE TRAJECTOIRE QUI S'IMPOSE AUX LOIS FINANCIÈRES ANNUELLES

La majorité des articles du présent projet de loi constitutionnelle (11 sur 16) concernent la mise en place de lois-cadres d'équilibre des finances publiques (LCEFP).

Schématiquement, le dispositif est le suivant :

- l'article premier institue les LCEFP, dont le contenu sera précisé par une loi organique (et sera proche de celui de la loi de programmation des finances publiques 2011-2014) ;

- les articles 5 et 6 prévoient qu'il n'est pas possible d'adopter une loi de finances initiale ou une loi de financement de la sécurité sociale  en l'absence de LCEFP ;

- l'article 9 prévoit que, comme une loi organique, la LCEFP est automatiquement déférée au Conseil constitutionnel ;

- les articles suivants sont pour l'essentiel des dispositions de coordination, précisant que la première lecture des LCEFP se fait par l'Assemblée nationale, que les LCEFP dérogent à la règle selon laquelle la discussion porte sur le texte de la commission, que certaines modalités de discussion sont les mêmes que pour les lois de finances, que les projets de LCEFP sont inscrits par priorité à la demande du Gouvernement, que le Gouvernement peut engager sa responsabilité sur un projet de LCEFP, enfin que le Conseil économique, social et environnemental (CESE) peut être consulté sur les projets de LCEFP.

1. Des lois-cadres « glissantes » qui, comme les LPFP, pourront comporter des dispositions normatives - qui s'imposeront dans certains cas aux lois financières - et des dispositions non normatives

L'article premier du présent projet de loi constitutionnelle modifie l'article 34 de la Constitution pour définir l'objet et le champ des lois-cadres d'équilibre des finances publiques.

Comme les actuelles lois de programmation des finances publiques, elles détermineront la trajectoire des finances publiques et leurs « orientations pluriannuelles ». Les dispositions de ce type (évolution du solde des administrations publiques et de la dette publique, norme de progression des dépenses des administrations publiques) ont vocation à avoir une valeur indicative (ou « programmatique » pour reprendre le terme employé par l'exposé des motifs du présent projet de loi constitutionnelle). Elles montrent la trajectoire globale que l'on souhaite pour les finances publiques.

Les lois-cadres peuvent ensuite comporter des dispositions relatives aux règles de gouvernance des finances publiques, que le texte désigne comme des « règles de gestion ». Des dispositifs de ce type figuraient déjà dans les lois de programmation des finances publiques (règle de gage des niches dans la loi de programmation des finances publiques 2009-2012, durée de vie limitée des niches par exemple).

Les lois-cadres contiennent enfin les dispositions qui constituent le coeur de la règle d'équilibre des finances publiques : les plafonds de dépenses de l'Etat et de la sécurité sociale, ainsi que le plancher de mesures nouvelles sur les recettes.

On peut souhaiter que, dans les lois-cadres, les plafonds de dépenses soient exprimés selon des modalités identiques à celles prévues aujourd'hui par les articles 5 et 8 de la loi de programmation des finances publiques 2011-2014, et que le plancher de mesures nouvelles en recettes soit exprimé en montant annuel cumulé depuis le début de la période de programmation.

Le dispositif issu de l'Assemblée nationale prévoit que les plafonds de dépenses et le plancher de mesures nouvelles sur les recettes s'imposent en tout état de cause aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale. En revanche, il reviendra à la loi organique de définir celles des autres dispositions des lois-cadres qui s'imposeront aux lois financières.

Le dispositif issu de l'Assemblée nationale, pas plus que le texte initial présenté par le Gouvernement, ne se prononce sur la périodicité du vote des lois-cadres.

L'Assemblée nationale a modifié l'article 1 er du présent projet de loi constitutionnelle pour prévoir que les dispositions de la loi-cadre portent sur une période d' « au moins trois années ». Le rapport de notre collègue député Jean-Luc Warsmann, rapporteur au fond au nom de la commission des lois, précise que, par cet ajout, « la Constitution préciserait elle-même que la période minimale couverte par les lois-cadres d'équilibre des finances publiques est de trois ans. S'agissant d'un minimum, les pouvoirs publics pourraient préférer retenir une durée plus longue, par exemple celle de la législature. Quelle que soit cette durée, la loi-cadre demeurerait susceptible de modification en cours d'exécution - comme elle l'est déjà dans la version initiale du présent projet de loi constitutionnelle ». Cette précision sur la période couverte par la programmation pluriannuelle n'est pas de nature à remettre en cause la pratique actuelle, puisque les programmes de stabilité comme les lois de programmation portent sur une période de quatre années (l'année en cours et les trois années suivantes).

En revanche, cette précision ne tranche pas la question, qui a fait débat au sein du groupe Camdessus, de la périodicité des votes sur la loi-cadre. Deux options sont concevables. La première reviendrait à poursuivre la pratique actuelle des lois de programmation des finances publiques et à adopter la programmation en début de période et pour l'ensemble de celle-ci (qui sera d'au moins trois ans, conformément au texte adopté par les députés). Il faudrait alors prévoir que si les plafonds de dépenses et planchers de mesures nouvelles sur les recettes sont (sauf circonstances exceptionnelles) maintenus inchangés (ou rendus plus contraignants) tout au long de la période, les objectifs de solde effectif (non contraignants) sont quant à eux actualisés chaque année en fonction de la situation économique (comme le souhaite notre collègue député Gilles Carrez).

Cette solution présenterait cependant l'inconvénient, selon vos rapporteurs, d'impliquer une période de programmation trop longue, qui pourrait inciter les gouvernements à rejeter en fin de période l'effort d'ajustement. Pour cette raison, ils considèrent que la loi organique devra prévoir que la loi-cadre sera « glissante » et prolongée d'une année (et actualisée en ce qui concerne le solde effectif) chaque année, éventuellement après le vote du programme de stabilité.

2. Un début d'approche consolidée des finances publiques, malgré le maintien de deux lois financières annuelles

La France se singularise par le fait qu'elle vote chaque année deux lois de finances, l'une relative à l'Etat et l'autre à la sécurité sociale.

La LOLF, en demandant au Gouvernement de remettre, avant le début de la discussion de ces deux textes, un rapport portant sur l'ensemble des prélèvements obligatoires, a créé un instrument de pilotage consolidé, mais qui est resté très formel.

La règle d'équilibre, telle qu'elle est formulée dans la loi de programmation des finances publiques 2011-2014 et qu'elle le sera vraisemblablement en application de la présente révision constitutionnelle, permet de franchir un pas de plus en direction de la consolidation des finances publiques, en exprimant de manière globale la trajectoire de mesures nouvelles en recettes, à charge pour le Gouvernement et le Parlement de répartir les mesures nécessaires à son respect entre les lois de finances et les lois de financement.

En outre, l'exposé des motifs du présent projet de loi constitutionnelle confirme que « la fongibilité entre plafonds de dépenses et mesures nouvelles en recettes pourra être autorisée afin de garantir au législateur une certaine marge de manoeuvre, tout en préservant l'effort global de redressement des finances publiques ». Une telle fongibilité est aujourd'hui prévue, à la suite de l'adoption d'un amendement proposé par votre commission des finances, par la loi de programmation des finances publiques 2011-2014. L'article 15 de cette loi, tel que modifié par le Sénat, dispose que la fongibilité joue non seulement entre mesures de recettes et de dépenses, mais également entre mesures relevant du périmètre de l'Etat ou de celui de la sécurité sociale.

En conséquence de cette expression globalisée de la trajectoire de mesures nouvelles en recettes, la commission des lois du Sénat a opportunément adopté un amendement à l'article 9 du présent projet de loi constitutionnelle, modifiant l'article 61 de la Constitution, prévoyant que le Conseil constitutionnel devrait nécessairement examiner de manière conjointe la conformité globale des deux lois annuelles à la loi-cadre.

3. Une conformité à la loi-cadre contrôlée par le juge constitutionnel

Le présent projet de loi constitutionnelle choisit de confier au Conseil constitutionnel le rôle de juge de la conformité des lois financières annuelles aux prescriptions de la loi-cadre. Ce contrôle, prévu à l'article 9, constitue une condition de l'effectivité de la règle.

L'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des finances, a prévu que ce contrôle serait automatique .

La commission des lois du Sénat a adopté un amendement prévoyant que, pour les lois financières « initiales », le contrôle de conformité exercé par le Conseil constitutionnel porterait conjointement sur le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le contrôle conjoint est important, dès lors que le plafond de dépenses et le plancher de mesures nouvelles sur les recettes portent de manière indifférenciée sur l'Etat ou la sécurité sociale. Faute de contrôle conjoint, c'est le texte examiné en second (c'est-à-dire la loi de finances) qui, le cas échéant, devrait supporter l'ajustement.

Vos rapporteurs approuvent ces deux orientations. Leur note adressée en mai 2010 aux membres du groupe Camdessus estimait en effet qu' « une saisine automatique sur l'ensemble LFI+LFSS serait nécessaire ».

4. Un dispositif indifférent aux alternances politiques et prévoyant des circonstances exceptionnelles

La « règle » proposée par le rapport Camdessus, mise en oeuvre par la loi de programmation des finances publiques 2011-2014 et reprise par le présent projet de loi constitutionnelle, est conçue pour permettre aux gouvernements successifs de décider de l'ampleur de leurs engagements de réduction du déficit.

a) L'absence dans le présent projet de loi constitutionnelle de disposition chiffrée ou de date de retour à l'équilibre

Le rapport Camdessus ne préconise pas d'insérer dans la Constitution ou dans la loi organique une disposition prévoyant que la France devra être revenue à l'équilibre, ou avoir réalisé un certain effort de réduction discrétionnaire du déficit, dans un délai qu'il fixerait. En particulier, il indique que le consensus au sein du groupe de travail « ne s'étend (...) pas (...) au chapitre VII portant sur l'inscription dans une loi organique de la date du retour à l'équilibre des finances publiques ».

De même, dans l'exposé des motifs du présent projet de loi constitutionnelle, le Gouvernement considère que la date de retour à l'équilibre devra figurer non dans la loi organique, mais dans les lois-cadres.

La « règle » proposée par le rapport Camdessus se contente, comme on l'a indiqué, de définir les termes dans lesquels les gouvernements devront prendre leurs engagements.

Ainsi, la disposition insérée par l'Assemblée nationale - tout comme la règle proposée par le rapport Camdessus - ne comprend aucun objectif chiffré. La France se distinguerait donc de l'Allemagne, qui a inscrit ses échéances et ses objectifs chiffrés directement dans sa Loi fondamentale.

L'inconvénient de ce choix réside dans le fait que, à moins que la future loi organique prévoie le contraire, les gouvernements pourraient hélas toujours, comme c'est presque systématiquement le cas depuis la fin des années 1990, retenir une hypothèse de croissance de 2,5 %, voire 3 %. Cela leur permettrait de « sous-calibrer » l'effort nécessaire pour atteindre leurs objectifs (non contraignants) de solde effectif, et donc d'affirmer qu'ils respectent la loi-cadre, alors même que le solde effectif ne s'améliorerait pas comme prévu.

Dans l'exposé des motifs du présent projet de loi constitutionnelle, le Gouvernement renvoie la question de la date de retour à la loi-cadre elle-même : « Ces dispositions, combinées à des prévisions d'évolution des comptes des autres secteurs des administrations publiques ainsi qu'à des hypothèses économiques soumises au principe de sincérité, permettront de voter une date de retour à l'équilibre des finances publiques et, en cohérence, d'établir l'effort à réaliser sur une période fixe d'au moins trois ans, effort qui s'imposera aux lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale ».

Il est entendu que la période d'au moins trois ans à laquelle fait référence le gouvernement est fixe dans la mesure où la loi organique déterminera la durée des différentes programmations (qui pourront être de trois, quatre ou cinq années), mais qu'elle devra également être « glissante » (c'est-à-dire actualisée chaque année, en fonction du programme de stabilité le plus récent si l'on aligne la durée de la programmation nationale sur celle de la programmation européenne).

b) La possibilité de modifier les lois-cadres en cours d'exécution

Par ailleurs, un amendement à l'article premier adopté par l'Assemblée nationale précise que « les lois-cadres d'équilibre des finances publiques peuvent être modifiées en cours d'exécution dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ».

Selon notre collègue député Gilles Carrez, à l'origine de cette disposition, il s'agirait, dans la future loi organique, de rendre possible la révision des dispositions non contraignantes des lois-cadres, pour tenir compte notamment de l'évolution des prévisions économiques, sans pour autant autoriser la modification des dispositions contraignantes des lois-cadres (le plafond de dépenses et le plancher relatif aux recettes).

Par ailleurs, selon vos rapporteurs, les lois-cadres devront chaque année être prolongées d'une année supplémentaire.

Par conséquent, le présent projet de loi constitutionnelle ne constitue en rien un « carcan » pour le législateur financier, qui resterait libre à la fois de décider de la trajectoire pluriannuelle (dans la loi-cadre, selon les orientations du programme de stabilité) et des modalités permettant de la respecter (dans les lois annuelles). La seule contrainte qui lui est imposée est celle de la cohérence entre la loi-cadre et les lois annuelles.

c) La possibilité de prévoir, dans la loi organique, une clause de circonstances exceptionnelles

Il importe de souligner que le présent projet de loi constitutionnelle n'empêche pas d'inscrire dans la future loi organique une clause spécifique relative aux circonstances exceptionnelles qui permettrait, en cas de situation particulièrement grave (comme en 2008-2009), de mener une politique de relance, c'est-à-dire non seulement de faire jouer les stabilisateurs automatiques, mais aussi de prendre des mesures discrétionnaires augmentant le déficit.

On a vu que le « frein à la dette » allemand comprend une clause de ce type. Tel est également le cas, au niveau européen, du pacte de stabilité.

5. Une lacune : l'absence de précisions sur les conséquences d'une éventuelle non-conformité à la loi-cadre

La principale incertitude concerne les modalités concrètes et les conséquences du contrôle par le Conseil constitutionnel de la conformité des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale à la loi-cadre.

Dans l'état actuel du texte, rien ne « guide » la future jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les conséquences d'une éventuelle déclaration de non conformité à la loi cadre, dont on ne sait d'ailleurs s'il faudrait la qualifier « d'inconstitutionnalité ».

Les conséquences d'une non-conformité n'ont pas été envisagées. Le Conseil censurerait-il la totalité de la loi de finances (auquel cas les dispositions de l'article 45 de la LOLF s'appliqueraient) ou de la loi de financement ? Censurerait-il les seuls articles relatifs aux mesures nouvelles en recettes au motif qu'ils seraient insuffisants (ce qui paradoxalement dégraderait encore plus le solde) ? Censurerait-il les autorisations de dépenses au motif qu'elles dépasseraient les plafonds ?

Compte tenu des enjeux qui s'attacheraient aux conséquences d'une éventuelles non-conformité, tant du point de vue juridique que des conditions de financement de la dette française sur les marchés, il sera indispensable d'inscrire dans la Constitution une « accroche » prévoyant que la loi organique précise ce qui se passe en cas de non-conformité de la loi de finances (ou de l'ensemble loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale) à la loi-cadre.

Votre commission des finances vous proposera un amendement en ce sens, à l'article 9 du présent projet de loi constitutionnelle.

C. UNE CONDITION DU SUCCÈS DE LA RÈGLE : LE CALCUL DES OBJECTIFS EN FONCTION D'HYPOTHÈSES ÉCONOMIQUES PRUDENTES

En ce qui concerne le fond, le présent projet de loi constitutionnelle, qui, schématiquement, se contente de conférer un caractère contraignant au dispositif des actuelles lois de programmation des finances publiques, sans rien imposer en matière d'effort de réduction du déficit. Pour que ce dispositif soit efficace sur ce point, l'enjeu est celui de la fiabilité des hypothèses économiques qui fondent les choix budgétaires du Gouvernement.

Par le passé, pratiquement aucune programmation n'a été respectée en ce qui concerne le solde effectif, en raison d'hypothèses optimistes en matière d'évolution des dépenses publiques (environ 1 % en volume, contre 2 % en volume en exécution) et de croissance du PIB (2,5 % ou 3 % en volume, contre 2 % en exécution sans la crise).

Or, les dispositions du présent projet de loi constitutionnelle ne suffiront pas à résoudre ce double problème :

- dans le cas des dépenses , si le dispositif proposé sera de nature à permettre le respect de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), il ne permettra pas de mieux maîtriser les dépenses échappant actuellement à son contrôle : régimes complémentaires de retraites, assurance chômage, administrations publiques locales ;

- dans le cas de la croissance du PIB , le présent projet de loi constitutionnelle permettra toujours au Gouvernement de « sous-calibrer » son effort sur les dépenses et les recettes en retenant des hypothèses de croissance systématiquement optimistes. La pratique des gouvernements successifs est bien connue, et est restée la même pendant à peu près dix ans. Il s'agit de retenir, pour la première année de programmation, une hypothèse de croissance légèrement supérieure à celle du consensus des conjoncturistes, et, pour les années suivantes, une hypothèse de croissance de 2,5 % ou 3 %, nettement supérieure à la croissance potentielle (de l'ordre de 2 %). Cela permet d'afficher en programmation des améliorations du solde public que l'on n'observe pas en exécution.

1. Une règle crédible seulement si elle permet de réduire le déficit et la dette

Comme dans le cas de la loi de programmation des finances publiques 2011-2014, un enjeu essentiel de ces lois-cadres sera l'hypothèse de croissance retenue.

Il s'agira en effet de savoir si l'on continue de retenir des scénarios délibérément très optimistes, quitte à les revoir à la baisse lors de la discussion des textes financiers à l'automne, et à prévoir alors un effort supplémentaire ; ou si l'on se décide à rompre avec la pratique de la dernière décennie et à adopter des hypothèses de croissance prudentes, par exemple en s'inspirant des pratiques de certains autres Etats européens.

La position de la commission des finances, telle qu'exprimée notamment dans le courrier adressé le 17 mai 2010 par son président et son rapporteur général à Michel Camdessus, est qu'il convient de se doter de ce qu'elle appelle une « règle de sincérité et de responsabilité », consistant à prévoir, comme la loi de programmation des finances publiques 2011-2014, que le Gouvernement s'engage sur ce qu'il contrôle, c'est-à-dire les dépenses et les mesures nouvelles sur les recettes (c'est la « règle de responsabilité »), mais aussi - contrairement à la loi de programmation des finances publiques 2011-2014 - à retenir des hypothèses économiques prudentes (c'est la « règle de sincérité »).

La prudence des hypothèses économiques est l'une des conditions de l'effectivité de la règle d'équilibre proposée par le projet de loi constitutionnelle. En effet, une trajectoire construite sur des hypothèses optimistes pourrait conduire à la situation paradoxale dans laquelle les lois financières annuelles seraient bien conformes formellement aux dispositions contraignantes de la loi-cadre (les plafond de dépenses et plancher de mesures nouvelles en recettes seraient respectés) tout en ne permettant pas de respecter la trajectoire de solde figurant dans la même loi-cadre, au titre des dispositions non contraignantes.

En d'autres termes, des hypothèses économiques trop optimistes conduiraient à sous-calibrer les efforts nécessaires en recettes et en dépenses, rendant ainsi la règle inopérante. Or une règle qui ne permettrait pas de respecter la trajectoire de solde effectif ne serait pas considérée comme un « frein à la dette » efficace par les observateurs, et perdrait donc sa crédibilité.

La question des hypothèses économiques devra être au coeur des débats sur le projet de loi organique.

2. Un handicap en termes d'effectivité : une règle qui ne porte pas sur l'ensemble du champ des administrations publiques

Il importe de ne pas sous-estimer le risque que la règle ne permette pas d'atteindre les objectifs en termes de solde public et de dette. En effet, outre l'aléa lié aux prévisions de croissance trop optimistes, il faut avoir à l'esprit que la règle s'applique aux seules administrations publiques entrant dans le champ de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale, c'est-à-dire l'Etat et les régimes de base de la sécurité sociale.

Cela signifie que les collectivités territoriales, l'assurance chômage et les régimes de retraites complémentaires restent en dehors du champ de la règle, pour des raisons constitutionnelles (principe de libre administration des collectivités territoriales) ou historiques (gestion par les partenaires sociaux).

Pour ces catégories d'administrations publiques, le pilotage ne peut qu'être indirect (par le niveau des concours financiers aux collectivités territoriales par exemple). Tout dérapage constaté ou anticipé devra être pris en charge par un effort supplémentaire de l'Etat ou de la sécurité sociale.

3. La définition des hypothèses économiques : un sujet tabou en France mais traité dans d'autres Etats européens

La fixation des hypothèses économiques en fonction desquelles sont construites les lois financières comme les programmations pluriannuelles reste en France une prérogative du Gouvernement, qui répugne par ailleurs à recourir à une pluralité d'hypothèses.

L'encadré ci-après montre que d'autres pays fonctionnent d'une manière différente.

La détermination des hypothèses de croissance : quelques exemples étrangers

L'Allemagne : le rôle déterminant des principaux instituts

En Allemagne, huit instituts de conjoncture (dont un suisse et un autrichien) réalisent des prévisions économiques conjointes. Le groupe de prévision économique conjointe comprend :

- l'institut de recherche économique de Halle (IWH), qui coopère avec Kiel Economics ;

- l'institut de recherche économique de l'université de Munich (Ifo), qui coopère avec le Konjunkturforschungsstelle (KOF) de Zurich ;

- l'institut de Kiel pour l'économie mondiale (IKW), qui coopère avec le centre de recherche économique européenne (ZEW) de Mannheim ;

- RWI Essen, en coopération avec l'institut de recherches avancées de Vienne (IHS).

Ces instituts réalisent deux fois par an des prévisions économiques conjointes. Ainsi, en avril 2011, ils ont revu la prévision de croissance pour 2011 à 2,8 %, contre 2 % selon leurs prévisions d'octobre 2010.

En pratique les prévisions de croissance du gouvernement allemand s'écartent peu de celles de ces instituts.

Les Pays-Bas : le choix ancien de s'en remettre à un organisme indépendant

Aux Pays-Bas, l'ensemble des prévisions macroéconomiques sur lesquelles repose la politique budgétaire est élaboré par le Bureau central de planification ( Centraal Planbureau - CPB), créé en 1945 par Jan Tinbergen. Toutes les formations politiques s'en remettent à ses analyses, à tel point que le CPB procède, sans que ses chiffres soient contestés, au chiffrage de tous les programmes électoraux.

Le CPB dispose de moyens importants (125 personnes environ) et ne se limite pas aux prévisions macroéconomiques. Il effectue également des analyses économiques à la demande du Gouvernement, des partenaires sociaux ou de la Commission européenne.

Cet organisme fait partie du ministère des finances, mais son indépendance de jugement paraît totalement préservée.

Le Royaume-Uni : le choix récent de créer une autorité indépendante

Au Royaume-Uni, le gouvernement de coalition issu des urnes le 6 mai 2010 a mis en place, dès le 17 mai, une autorité indépendante sur les questions budgétaires ( Office for Budget Responsibility ). Cette autorité est chargée du cadrage macro-économique des lois de finances, ainsi que de l'évaluation des déterminants du solde structurel ( output gap et croissance potentielle). Il s'agit d'une structure légère.

A ce stade, l'OBR ne semble pas avoir rompu avec la tradition britannique de prévisions optimistes. Certes, il a revu à la baisse l'estimation de la croissance potentielle, passée de 2,75 % selon les prévisions du budget de mars 2010 et 2,5 % selon les hypothèses sous-tendant les projections de finances publiques, à 2,25 %. Cependant les prévisions de croissance, bien que revues à la baisse, demeuraient élevées, à 2,7 % en moyenne de 2011 à 2015. La prévision pour 2011, de 2,3 %, était toutefois conforme au consensus des conjoncturistes.

Le principe même de créer une autorité nouvelle chargée de déterminer les hypothèses de croissance suscite certaines interrogations, alors qu'il existe de nombreux organismes publics et privés à l'indépendance éprouvée, qui publient des prévisions de croissance. Il faudra que l'OBR démontre qu'il n'est pas moins indépendant que ces organismes. Ainsi, s'il est présidé par un professeur d'économie, Sir Alan Budd, il est situé dans les locaux du Treasury , et emploie une dizaine d'experts de la principale direction concernée.

Le graphique ci-dessous illustre le biais optimiste des programmations de la France, notamment en comparaison avec les scénarios de croissance retenus par des pays tels que l'Allemagne ou les Pays-Bas, qui se basent sur une hypothèse de croissance de 1,5 % après 2012.

En revanche, on constate que, au Royaume-Uni, la création de l'OBR ne s'est pas traduite par l'abandon de la tradition britannique de prévisions très optimistes.

Evolution des prévisions de croissance du PIB figurant dans les programmes de stabilité transmis aux autorités communautaires en avril 2011

(en %)

Source : commission des finances, d'après les programmes de stabilité

4. La LPFP 2011-2014 : un premier pas vers la prudence, à l'initiative du Sénat

La discussion au Sénat de la loi de programmation des finances publiques 2011-2014 a essentiellement porté sur le caractère plus ou moins prudent et réaliste du scénario de croissance retenu pour élaborer la trajectoire pluriannuelle.

Le Sénat n'a pas convaincu le Gouvernement de se rallier à l'inscription dans la loi d'un scénario alternatif, fondé sur des hypothèses moins optimistes que les siennes. Il a en revanche obtenu que soit inscrite dans le rapport annexé l'ampleur des efforts complémentaires à accomplir en cas de croissance moins importante que prévu.

a) En principe, l'obligation de prendre des mesures supplémentaires si la croissance s'établit 2 % au lieu de 2,5 %

Malgré la crise, le Gouvernement n'a rompu que partiellement avec la pratique consistant à construire les programmations sur des hypothèses de croissance délibérément optimistes, jugeant sans doute politiquement difficile d'annoncer des mesures de consolidation trop importantes sur les recettes ou les dépenses. Ainsi, la loi de programmation des finances publiques 2011-2014 et le programme de stabilité 2011-2014 reposent, pour les années 2012 à 2014, sur l'hypothèse d'une croissance du PIB de 2,5 % (2,25 % en 2012 pour le programme de stabilité), ce qui permet d'afficher des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires de seulement 3 milliards d'euros chaque année de 2012 à 2014.

Afin que la loi de programmation des finances publiques 2011-2014 ne soit pas faussée par des hypothèses économiques irréalistes, la commission des finances a adopté un amendement insérant à l'article 3 un scénario alternatif, dont il ressortait qu'avec une croissance de 2 % de 2012 à 2014 le déficit serait encore de 3,8 points de PIB en 2013 et 3 points de PIB en 2014 (contre respectivement 3 et 2 points de PIB selon le Gouvernement).

Le Gouvernement a cependant souhaité affirmer que son intention était de respecter la trajectoire de solde, même si la croissance du PIB était inférieure à son hypothèse de 2,5 %. Il a donc présenté deux amendements, auxquels la commission a donné un avis favorable, supprimant le scénario alternatif, et insérant dans le rapport annexé le passage suivant :

« Dans un scénario alternatif où la croissance de l'activité n'atteindrait que 2 % par an sur 2012-2014, les recettes publiques connaîtraient une croissance spontanée moins dynamique et cela affecterait la trajectoire de déficit public sur la période.

« Bien que l'impact de la croissance sur le solde public ne soit pas automatique, il est possible d'évaluer l'ordre de grandeur de l'effort supplémentaire nécessaire pour conserver la même trajectoire de déficit en points de PIB. Toutes choses égales par ailleurs, cet effort serait compris entre 4 Md€ et 6 Md€ chaque année. Il pourrait toutefois être accru par une évolution moins favorable du taux de chômage, ou une élasticité des prélèvements obligatoires au PIB moins élevée. Le Gouvernement y ferait face par des mesures d'économies supplémentaires sur les dépenses et les niches fiscales ou sociales pour assurer le respect de la trajectoire de déficit fixée dans la présente loi de programmation. »

b) Une disposition insuffisante

On aurait donc pu s'attendre à ce qu'en avril dernier, le Gouvernement annonce pour 2012 une hypothèse de croissance de 2 %. Il en aurait découlé la nécessité de prendre en 2012 des mesures supplémentaires pour un montant d'au moins 4 à 6 milliards d'euros selon les estimations a minima du Gouvernement figurant dans le rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques.

Cette éventualité, envisagée par le Gouvernement, a été écartée, celui-ci ayant manifestement choisi d'attendre l'automne 2011 pour déterminer si un effort supplémentaire est nécessaire en 2012.

Pour autant, la situation est pour le moins paradoxale :

- on peut supposer que si la croissance était faible et les recettes peu dynamiques, le Gouvernement s'estimerait tenu, sinon de respecter sa trajectoire de solde, du moins de réaliser un effort structurel plus important, qui lui permettrait d'affirmer qu'il respecterait sa trajectoire de solde si la croissance était égale à son potentiel et si les recettes tendaient spontanément à augmenter à la même vitesse que le PIB ;

- mais comme le Gouvernement anticipe une croissance égale ou supérieure à son potentiel et des recettes augmentant plus rapidement que le PIB, il prévoit des mesures moins importantes que celles qui seraient nécessaires dans une situation plus « normale ».

La politique suivie par le Gouvernement ne correspond donc pas à celle préconisée par la commission Camdessus, puisqu'elle se rapproche de fait en haut de cycle d'une règle de solde effectif.

5. L'incidence positive de la proposition de directive sur les cadres budgétaires nationaux

La proposition de directive sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres présentée par la Commission européenne dans son « paquet législatif » du 29 septembre 2010 impose aux Etats de retenir des hypothèses économiques probables ou prudentes et d'inclure des scénarios alternatifs.

Ainsi, l'article 4 de la proposition de directive dispose :

« 1. Les États membres veillent à baser leur planification budgétaire sur des prévisions macroéconomiques et budgétaires réalistes, en utilisant les informations les plus actuelles. La planification budgétaire repose sur le scénario macrobudgétaire le plus probable ou sur un scénario plus prudent qui met en évidence, de manière détaillée, les écarts par rapport au scénario le plus probable. Les prévisions macroéconomiques et budgétaires sont établies compte tenu, en tant que de besoin, des prévisions de la Commission. Les différences entre le scénario macro-budgétaire retenu et les prévisions de la Commission font l'objet d'une explication.

« 2. Les prévisions macroéconomiques et budgétaires établies aux fins de la planification budgétaire incluent des scénarios macroéconomiques alternatifs permettant d'étudier la trajectoire des variables budgétaires dans différentes conditions économiques. La performance des prévisions passées oriente la gamme des scénarios alternatifs utilisés dans les prévisions macroéconomiques et budgétaires.

« 3. Les États membres publient les prévisions macroéconomiques et budgétaires officielles qu'ils ont établies aux fins de leur planification budgétaire, y compris les méthodes, hypothèses et paramètres qu'ils ont utilisés à cet effet.

« 4. Les États membres soumettent les prévisions macroéconomiques et budgétaires qu'ils ont établies aux fins de leur planification budgétaire à un audit régulier , y compris une évaluation ex post. Le résultat de cet audit est rendu public. »

Dans ces conditions, on peut s'interroger sur la légalité d'une poursuite, après l'entrée en vigueur de cette directive, de la pratique actuelle consistant à retenir systématiquement une hypothèse de croissance de 2,5 %.

La France courrait peut-être le risque d'un recours contentieux de la Commission européenne devant le juge communautaire. En droit interne, si le Conseil constitutionnel ne vérifie pas la conformité des textes législatifs au droit communautaire, certains actes réglementaires pourraient en principe s'en trouver fragilisés.

En tout état de cause, l'examen des programmes de stabilité transmis à la commission européenne en avril 2011 montre que la France est l'un des rares pays à ne présenter qu'un seul scénario, beaucoup d'autres en proposant trois (un scénario de base, un scénario optimiste, un scénario prudent).

III. LE MONOPOLE DES LOIS FINANCIÈRES SUR LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

Les dispositions du présent projet de loi constitutionnelle ayant suscité le plus de débats sont celles relatives au monopole des lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale sur les dispositions relatives aux prélèvements obligatoires de l'Etat et des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale.

Le principe de ce monopole est fixé par l'article premier du présent projet de loi constitutionnelle.

A. UNE SOLUTION NOUVELLE À UN PROBLÈME ANCIEN

1. Un dispositif qui reprend par ses objectifs (sinon par ses modalités) une proposition déjà adoptée par le Sénat

Dans son rapport n° 163 (2007-2008) sur la proposition de loi organique tendant à prévoir l'approbation par les lois de financement de la sécurité sociale des mesures de réduction et d'exonération de cotisations et de contributions de sécurité sociale adoptées en cours d'exercice, fait au nom de la commission des affaires sociales, notre collègue Alain Vasselle relève que la Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale « a souligné l'insuffisance préoccupante du contrôle que devraient exercer les ministères sociaux et les commissions des affaires sociales des deux assemblées sur les créations d'exonérations de cotisations et de contributions sociales ainsi que sur les modifications qui leur sont apportées.

« Dans la mesure où ces exonérations ne figurent pas nécessairement en loi de financement et peuvent être insérées dans n'importe quel texte législatif, il est fréquent en effet qu'elles soient adoptées par le Parlement sans avoir été préalablement expertisées par la direction de la sécurité sociale (DSS) et les commissions des affaires sociales, ni soumises à l'avis du gestionnaire (l'Acoss et les Urssaf) ou des caisses initialement bénéficiaires de la ressource dont elles seront ensuite privées.

« Ainsi, d'après une étude menée par la DSS, sur la cinquantaine de mesures d'exonération ou de réduction d'assiette de cotisations sociales votées entre le début 2005 et le début 2007, 40 % ne résultaient pas d'un arbitrage interministériel impliquant le ministère des affaires sociales.

« Or, l'impact de ces mesures sur les comptes sociaux est, comme on l'a vu, de plus en plus lourd. »

Pour remédier à cette situation, la proposition de loi organique, adoptée par le Sénat le 22 janvier 2008, « propose que la création ou la modification d'exonérations ainsi que les changements apportés aux règles d'assiette puissent continuer d'intervenir dans le cadre des lois ordinaires, mais en n'accordant à ces mesures qu'un caractère provisoire .

« En effet, toute prorogation au-delà de l'exercice en cours nécessitera une approbation en loi de financement . Cela permettra d'accompagner les dispositifs concernés d'une première étude d'impact. Cela donnera aussi au Parlement la possibilité de s'assurer d'un niveau adéquat de compensation. »

A cadre constitutionnel inchangé, un dispositif de ce type constitue ce qui s'approche le plus d'un monopole des lois de financement de la sécurité sociale sur les mesures relatives aux recettes de la sécurité sociale.

Elle n'a cependant pas été perçue comme la meilleure solution au problème réel qu'elle soulevait car on imagine aisément les effets déstabilisateurs sur les agents économiques d'une législation provisoire. En outre, il serait sans doute, en pratique, extrêmement difficile de revenir, en loi de financement, sur une mesure adoptée quelques mois plus tôt par la même assemblée.

Avec un système de ce type, les lois financières seraient probablement devenues des instruments de validation formelle de décisions prises ailleurs.

Malgré les inconvénients d'un dispositif de ce type, la commission des lois a estimé qu'il était celui le plus susceptible de concilier la satisfaction des objectifs poursuivis par le monopole avec les atteintes à l'initiative parlementaires qui résulteraient de son institution. Elle ainsi adopté un amendement à l'article premier du présent projet de loi constitutionnelle ayant pour objet, d'une part, de supprimer le monopole et, d'autre part, de subordonner l'entrée en vigueur des mesures relative aux prélèvements obligatoires adoptées au cours de l'année à leur approbation par une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale. Vos rapporteurs ne peuvent que réaffirmer leur opposition totale à cette attitude, qui serait perçue par tous nos interlocuteurs comme un vrai recul et, en d'autres termes, comme un signal de laxisme budgétaire contraire aux intérêts de notre pays.

2. Une discipline que le Gouvernement s'impose déjà à lui-même

Le 4 juin 2010, sans attendre l'issue des travaux du groupe de travail animé par Michel Camdessus, le Premier ministre a pris une circulaire « relative à l'édiction de mesures fiscales et de mesures affectant les recettes de la sécurité sociale ».

Le Premier ministre annonce que la révision constitutionnelle à venir a notamment pour objet de « renforcer la cohérence de notre politique de prélèvements obligatoires en mettant un terme à la dispersion des dispositions régissant ces prélèvements entre lois de finances, lois de financement de la sécurité sociale et lois ordinaires. Cette dispersion peut en effet conduire à un contournement des procédures budgétaires et à une insuffisante protection des recettes fiscales et sociales. Elle est aussi génératrice d'instabilité et de complexité pour les acteurs économiques. C'est pourquoi le projet de loi constitutionnelle prévoira que seules les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale peuvent respectivement comporter des dispositions fiscales et des dispositions affectant les recettes de la sécurité sociale ».

En conséquence, il demande donc à ses ministres :

« - de ne plus insérer de dispositions fiscales ou qui affectent les recettes de la sécurité sociale dans les projets de lois ordinaires préparés par [leur] département ; ces dispositions s'appliquent à tous les projets de lois n'ayant pas encore été déposés sur le bureau d'une assemblée ;

« - pour les textes déjà déposés et les propositions de loi qui n'ont pas encore été examinés par la commission compétente de la première assemblée saisie, de présenter des amendements tendant à la suppression des dispositions de cette nature et d'opposer un avis négatif du Gouvernement à tout amendement qui tendrait à en introduire ».

Depuis lors, aucun projet de loi n'a dérogé à ces instructions.

Le programme de stabilité 2011-2014, transmis aux autorités communautaires après avoir été soumis au Parlement et fait l'objet d'un débat à l'issue duquel, en application de l'article 50-1 de la Constitution, les deux assemblées ont approuvé une déclaration du Gouvernement, rappelle qu'une « circulaire du Premier ministre en date du 4 juin 2010 a mis en place le monopole des lois de finances et des lois de financement de la Sécurité sociale pour régir le domaine de la fiscalité et celui des recettes de la sécurité sociale s'agissant des textes d'initiative gouvernementale, permettant d'éviter la dispersion des dispositions fiscales et sociales dans l'ensemble des textes législatifs et de renforcer la cohérence d'ensemble de la stratégie de prélèvements obligatoires et de finances publiques ».

3. Un dispositif qui constitue un engagement européen du Président de la République

Le 11 mars 2011, les Etats de la zone euro ont adopté le pacte pour l'euro (devenu depuis le « Pacte euro + ») et se sont engagés à annoncer les premières mesures concrètes de mise en oeuvre de ce document avant le Conseil européen des 24 et 25 mars 2011.

Dans cette perspective, le Président de la République a adressé le 23 mars 2011 au Président du Conseil européen une lettre dans laquelle il annonce le dépôt d'un « projet de loi révisant la Constitution afin d'y inscrire une règle d'équilibre des finances publiques ». Il précise que cette révision « permettra également d'instituer le monopole des lois de finances et des lois de financement pour tout ce qui concerne les impôts et plus largement les prélèvements obligatoires ».

B. UN DISPOSITIF INDISPENSABLE

1. Une condition de la cohérence de la politique de prélèvements obligatoires

Pour justifier sa recommandation d'instituer le monopole des lois financières sur les dispositions relatives aux prélèvements obligatoires, le rapport Camdessus reprend à son compte un extrait de la note que lui ont adressée vos rapporteurs :

« Une révision en ce sens de la Constitution est une condition de la cohérence des orientations en matière de finances publiques, puisque chaque mesure coûteuse serait appréciée non seulement au regard de ses effets sectoriels mais également sur le solde des administrations publiques.

« Elle serait également facteur de hiérarchisation des priorités de l'action publique puisque les mesures sectorielles se feraient concurrence entre elles, toutes ne pouvant être retenues ».

2. Une nécessité si l'on veut éviter que le contrôle par le Conseil constitutionnel de la conformité des LF et LFSS à la loi-cadre perde une grande partie de sa portée pratique

Par ailleurs, l'institution du monopole contribuerait à l'effectivité de la règle d'équilibre proposée par le présent projet de loi constitutionnelle puisque, les lois financières étant les seules dont la conformité à la loi-cadre sera contrôlée de manière automatique par le Conseil constitutionnel, la possibilité d'inscrire des dispositions relatives aux prélèvements obligatoires rendrait de fait non exhaustif le contrôle exercé par le Conseil sur les dispositions susceptibles d'avoir une incidence sur la trajectoire de mesures nouvelles en recettes figurant dans la loi-cadre.

S'il était possible d'alléger les prélèvements obligatoires dans des lois dont la conformité à la loi-cadre ne serait pas contrôlée par le Conseil constitutionnel, il serait à craindre que les gouvernements s'en servent pour contourner la règle. Celle-ci ne serait donc plus crédible.

3. Une discipline supplémentaire imposée au Gouvernement et aux ministres, davantage qu'aux parlementaires

Le Gouvernement, et en particulier les ministres dits « dépensiers », sont les principales « victimes » de l'institution du monopole.

Pour le Gouvernement, le monopole vient s'ajouter à la contrainte que constituera la nécessité, dans chaque texte financier, de « gager » les allègements de prélèvements obligatoires par des recettes nouvelles ou des réductions de dépenses de même montant, de façon à respecter la trajectoire de mesures nouvelles en recettes figurant dans la loi cadre.

Pour les ministres dépensiers, la possibilité de promouvoir des mesures fiscales se réduit puisque ce sont les seuls ministres chargés de l'économie et du budget qui pilotent la préparation des lois financières et que, sauf arbitrage contraire du Premier ministre, ils seront enclins à apprécier les considérations sectorielles en regard des considérations budgétaires.

Pour les parlementaires, en revanche, la situation est meilleure, en droit comme en fait. En droit parce que la possibilité de déposer des amendements aux lois financières n'est pas réservée aux seuls membres des commissions des finances et que, s'il se trouve une majorité pour les adopter, leurs initiatives sont tout à fait susceptibles de prospérer. L'exemple de l'instauration du taux de TVA à 5,5 % sur les livres numériques à compter du 1 er janvier 2012, par l'article 25 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, contre l'avis de la commission des finances et du Gouvernement (en raison de sa non compatibilité avec le droit communautaire), en est un exemple récent.

En fait parce que, compte tenu du cycle budgétaire permanent qui semble se mettre en place et que le monopole renforcera, il est probable que la pratique du collectif budgétaire de printemps sera systématisée. Les occasions de déposer des amendements fiscaux seront donc fréquentes.

4. Une discipline qui ne remplacera jamais la volonté politique de préserver les recettes publiques

Le monopole sera un outil essentiel pour canaliser les initiatives en matière d'allègements des recettes publiques. En revanche, il ne permettra jamais d'empêcher le vote de telles dispositions.

En effet, si des allégements de faible ampleur peuvent être adoptés dans des lois « sectorielles », les allégements qui ont un fort impact sur le solde public sont en pratique instaurés à l'initiative du Gouvernement.

Ainsi, depuis 2007, les mesures nouvelles relatives aux prélèvements obligatoires ont été de l'ordre de - 15,6 milliards d'euros, issues en quasi-totalité de deux lois « non financières » :

- la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite « TEPA » (- 10,5 milliards d'euros) ;

- la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques, qui a abaissé à 5,5 % le taux de TVA applicable au secteur de la restauration (- 3,1 milliards d'euros).

Les mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires depuis 2007

(en milliards d'euros)

2007

2008

2009

2010

2011

Cumulé

Mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires

-9,9

-9,4

-15,2

1,2

17,7

-15,6

dont :

Loi TEPA (1)

-1,3

-6,2

-2,1

-0,5

-0,4

-10,5

TVA restauration (2)

0

0

-1,5

-1,6

0

-3,1

(1) Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

(2) Loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques.

Source : d'après les rapports sur les prélèvements obligatoires et leur évolution annexés aux projets de loi de finances pour 2010 et 2011

C. UN DISPOSITIF DONT L'ASSEMBLÉE NATIONALE A SOUHAITÉ QU'IL SOIT STRICTEMENT APPLIQUÉ PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

1. Des positions initiales a priori difficilement conciliables

a) Les commissions des lois et des affaires sociales de l'Assemblée nationale : supprimer le monopole

Deux amendements identiques des commissions des lois et des affaires sociales de l'Assemblée nationale visaient à supprimer les dispositions de l'article 1 er tendant à instaurer le monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale sur les dispositions relatives aux prélèvements obligatoires. Ce choix les conduisait à supprimer, par coordination, l'article 11, qui étendait le monopole aux dispositions relatives aux finances locales.

L'argumentation des auteurs de ces amendements était que dès lors qu'on inscrivait, comme ils le proposaient, la règle budgétaire directement dans la Constitution (et non dans une loi organique à venir), il n'était pas utile d'instituer la « garantie » que constituait le monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, qu'ils considéraient comme une source de complications.

b) La commission des finances de l'Assemblée nationale : réduire le risque d' « embouteillage législatif » lié au monopole

Contrairement aux commissions des lois et des affaires sociales, notre collègue député Gilles Carrez ne souhaitait pas inscrire la règle d'équilibre directement dans la Constitution.

Ce choix conduisait la commission des finances de l'Assemblée nationale à maintenir le monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, qui était la seule mesure « tangible » du projet de révision constitutionnelle. Il en découlait plusieurs amendements, tendant à rendre ce monopole effectivement applicable :

- création de « lois de prélèvements obligatoires », pour éviter un « embouteillage législatif » à l'automne ;

- dans le même esprit, anticipation au 15 septembre du dépôt du projet de loi de finances et au 25 septembre de celui du projet de loi de financement de la sécurité sociale ;

- par coordination, prise en compte par l'article 11 (relatif au monopole applicable aux finances locales) des nouvelles lois de prélèvements obligatoires, et modification de l'article 13, relatif aux modalités d'entrée en vigueur.

2. Le compromis à l'Assemblée nationale : la création d'une nouvelle irrecevabilité et un contrôle strict par le Conseil constitutionnel

L'Assemblée nationale a finalement légèrement assoupli le monopole.

L'article 2 bis du présent projet de loi constitutionnelle, inséré à l'initiative de sa commission des lois, étend l'irrecevabilité de l'article 41 de la Constitution au respect des monopoles des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale. On rappelle que cet article prévoit actuellement que s'il apparaît au cours de la procédure législative qu'une proposition ou un amendement n'est pas du domaine de la loi ou est contraire à une délégation accordée en vertu de l'article 38, le Gouvernement ou le président de l'assemblée saisie peut opposer l'irrecevabilité.

L'objet de l'amendement suggère qu'il s'agissait de prévoir explicitement la possibilité du dépôt de propositions de loi ou d'amendements ne respectant pas le monopole. En ce sens, il s'agissait bien d'un assouplissement de la règle.

Cependant, le Conseil constitutionnel aurait pu appliquer à la protection du monopole sa jurisprudence « libérale » relative à la protection du domaine réglementaire. En effet, le Conseil constitutionnel considère qu'il résulte de l'article 41 de la Constitution que l'empiètement de la loi sur le domaine réglementaire n'est pas en soi un motif d'inconstitutionnalité. L'article 41 constitue un « outil » dont l'utilisation est laissée à l'appréciation du Gouvernement pour faire respecter les domaines respectifs de la loi et du règlement.

Aussi, à l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a inséré un article 9 bis , qui prévoit que lorsqu'il est saisi d'une loi autre qu'une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale, « le Conseil constitutionnel examine la conformité à la Constitution des dispositions qui méconnaissent le domaine réservé à la loi de finances et à la loi de financement de la sécurité sociale ».

Dans ce dispositif, une entorse au monopole reste possible, dans le cas d'une disposition insérée par amendement, sans que l'irrecevabilité ait été invoquée, dans un texte non déféré au Conseil constitutionnel.

3. Un corollaire du monopole : l'anticipation du dépôt des projets de lois financières

L'Assemblée nationale a considéré que l'institution du monopole alourdirait les volets des lois financières consacrés aux recettes. En conséquence, elle a adopté des amendements inscrivant les dates limites de dépôt des projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale dans la Constitution et anticipant ces dates par rapport à celles qui existent aujourd'hui dans les textes organiques.

Ainsi, la Constitution fixerait désormais au 15 septembre et au 1 er octobre le dépôt du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

D. LA SOLUTION PROPOSÉE PAR VOTRE COMMISSION DES FINANCES : LA POSSIBILITÉ D'UN EXAMEN CONCOMITANT D'UN PROJET DE LOI ET D'UN PROJET DE LOI FINANCIÈRE COMPORTANT LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES JUGEES NÉCESSAIRES À SA MISE EN OEUVRE

Compte tenu des réactions suscitées par le texte issu de l'Assemblée nationale, au sein de trois commissions permanentes du Sénat, en ce qui concerne le monopole des lois financières, vos rapporteurs estiment qu'il serait plus souple et plus sage d'en revenir au texte initial du Gouvernement, en lui apportant toutefois une précision : il doit demeurer possible de prendre des mesures relatives aux prélèvements obligatoires en cours d'année et indépendamment du débat sur les lois financières initiales ; on procédera dès lors en « couplant », dans tel ou tel domaine particulier, un texte définissant le dispositif dans son contexte sectoriel, et une loi financière rectificative qui en tirera les conséquences en matière, par exemple, de dépenses fiscales ou d'allègements de charges sociales.

Un amendement vous sera proposé en ce sens. On assurera ainsi la possibilité pour les différentes commissions de travailler de concert, sans « suprématie » des uns ou des autres, puisque les rapporteurs des textes « couplés » seraient appelés à travailler ensemble, et que les discussions générales devraient être communes.

EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE PREMIER (article 34 de la Constitution) - Monopole des lois de finances (LF) et des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) et institution des lois-cadres d'équilibre des finances publiques (LCEFP)

Commentaire : le présent article instaure un monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale sur les principales dispositions relatives aux prélèvements obligatoires. Il crée des lois-cadres d'équilibre des finances publiques.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose de modifier l'article 34 de la Constitution.

A. LE MONOPOLE DES LOIS DE FINANCES ET DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Le 1° et le 2°, ainsi que le premier alinéa du texte proposé par le 3° du présent article instaurent un monopole des lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale sur les principales dispositions relatives aux prélèvements obligatoires.

Le 1° et le 2° suppriment la possibilité actuellement reconnue à la loi ordinaire de fixer l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des « impositions de toute nature » (c'est-à-dire des impôts), ainsi que les principes fondamentaux des autres ressources de la sécurité sociale (c'est-à-dire des cotisations sociales).

Le premier alinéa du texte proposé par le 3° prévoit que « les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale fixent les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature et les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les principes fondamentaux concernant les autres ressources de la sécurité sociale ».

Il résulte de la combinaison de ces dispositions que seules les lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale pourraient désormais comprendre les dispositions concernées.

B. L'INSTAURATION DES LOIS-CADRES D'ÉQUILIBRE DES FINANCES PUBLIQUES

Le dernier alinéa du 3° et le 4° du présent article concernent les lois-cadres d'équilibre des finances publiques.

Le dernier alinéa du 3° instaure ces lois-cadres, qui « déterminent les normes d'évolution et les orientations pluriannuelles des finances publiques, en vue d'assurer l'équilibre des comptes des administrations publiques ». Dans sa rédaction initiale, il renvoyait en totalité, pour le contenu de ces lois-cadres, à la loi organique. L'Assemblée nationale a ensuite considérablement précisé le contenu de ces lois-cadres, comme on le verra au II du présent commentaire.

Le 4° du présent article supprime quant à lui, par coordination, les actuelles lois de programmation des finances publiques.

On remarque que le présent article tend en outre à aligner sur l'orthographe de la LOLF celle du texte actuel, qui se réfère aux « impositions de toute s nature s ».

L'article 34 de la Constitution

Rédaction actuelle

Rédaction résultant du texte initial du présent article

Rédaction résultant du texte adopté par l'Assemblée nationale

1° du présent article

Art. 34. - La loi fixe les règles concernant :

(...)

* l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ; le régime d'émission de la monnaie.

(...)

Art. 34. - La loi fixe les règles concernant :

(...)

* le régime d'émission de la monnaie.

(...)

2° du présent article

La loi détermine les principes fondamentaux :

(...)

- du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale.

(...)

- du droit du travail, du droit syndical et, sous réserve du vingtième alinéa, de la sécurité sociale.

(...)

Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.

Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.

3° du présent article

Les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale fixent les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature et les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les principes fondamentaux concernant les autres ressources de la sécurité sociale.

Les lois-cadres d'équilibre des finances publiques déterminent les normes d'évolution et les orientations pluriannuelles des finances publiques, en vue d'assurer l'équilibre des comptes des administrations publiques.

Une loi organique précise le contenu des lois-cadres d'équilibre des finances publiques, la période minimale qu'elles couvrent et celles de leurs dispositions qui s'imposent aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale.

Les lois-cadres d'équilibre des finances publiques déterminent, pour au moins trois années, les orientations pluriannuelles, les normes d'évolution et les règles de gestion des finances publiques, en vue d'assurer l'équilibre des comptes des administrations publiques. Ces lois-cadres fixent, pour chaque année, un objectif constitué d'un maximum de dépenses et d'un minimum de recettes qui s'impose aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Les écarts constatés lors de l'exécution des lois de finances et de l'application des lois de financement de la sécurité sociale sont compensés dans les conditions prévues par une loi organique. Les lois-cadres d'équilibre des finances publiques peuvent être modifiées en cours d'exécution dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. Une loi organique précise le contenu des lois-cadres d'équilibre des finances publiques et peut fixer celles de leurs dispositions, autres que celles prévues à la deuxième phrase du présent alinéa, qui s'imposent aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale.

Des lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'État.

4° du présent article

Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques.

(...)

[supprimé]

II. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A. LES DISPOSITIONS ADOPTÉES

Le tableau ci-après synthétise les modifications apportées par l'Assemblée nationale.

Les modifications à l'article premier adoptées par l'Assemblée nationale

Amendement

Auteur

Commission

Objet

15

Bur

Affaires sociales

Précision selon laquelle les lois-cadres couvrent une période d'au moins 3 années

2

Warsmann

Lois

4

Warsmann

Lois

• Inscription dans la Constitution (avec une imprécision rédactionnelle) de la règle d'effort structurel proposée par le rapport Camdessus et la commission des finances du Sénat, et figurant dans la LPFP 2011-2014

• Compensation des écarts relatifs à l'effort structurel constatés lors de l'exécution

• Précision que les lois-cadres d'équilibre des finances publiques peuvent être modifiées en cours d'exécution

17

Bur

Affaires sociales

83 (sous-amdt à amdt 17)

Carrez

Finances

Précision que les conditions et les réserves dans lesquelles une LCEFP peut être modifiée en cours d'exécution sont fixées par la loi organique

85 (sous-amdt à amdt 4)

Carrez

Finances

3

Warsmann

Lois

Précision que les lois-cadres comprennent les « règles de gestion des finances publiques »

24

Carrez

Finances

16

Bur

Affaires sociales

Source : commission des finances

1. Des lois-cadres qui couvrent une période d'au moins trois années, mais qui devront être actualisées chaque année

A l'initiative de ses commissions des lois et des affaires sociales, l'Assemblée nationale a précisé que les lois-cadres couvrent une période d'au moins trois années.

Ces amendements ont été préférés à l'amendement de la commission des finances, qui prévoyait que les lois-cadres couvraient une période de quatre années , conformément à la pratique actuelle des programmes de stabilité et des lois de programmation des finances publiques. Les deux solutions ne présentent pas toutefois de différence significative.

En revanche, le dispositif issu de l'Assemblée nationale, pas plus que le texte initial présenté par le Gouvernement, ne se prononce sur la périodicité du vote des lois-cadres.

L'Assemblée nationale a modifié l'article 1 er du présent projet de loi constitutionnelle pour prévoir que les dispositions de la loi-cadre portent sur une période d' « au moins trois années ». Le rapport de notre collègue député Jean-Luc Warsmann, rapporteur au fond au nom de la commission des lois, précise que, par cet ajout, « la Constitution préciserait elle-même que la période minimale couverte par les lois-cadres d'équilibre des finances publiques est de trois ans. S'agissant d'un minimum, les pouvoirs publics pourraient préférer retenir une durée plus longue, par exemple celle de la législature. Quelle que soit cette durée, la loi-cadre demeurerait susceptible de modification en cours d'exécution - comme elle l'est déjà dans la version initiale du présent projet de loi constitutionnelle ». Cette précision sur la période couverte par la programmation pluriannuelle n'est pas de nature à remettre en cause la pratique actuelle, puisque les programmes de stabilité comme les lois de programmation portent sur une période de quatre années (l'année en cours et les trois années suivantes).

En revanche, cette précision ne tranche pas la question, qui a fait débat au sein du groupe Camdessus, de la périodicité des votes sur la loi-cadre. Deux options sont concevables. La première reviendrait à poursuivre la pratique actuelle des lois de programmation des finances publiques et à adopter la programmation en début de période et pour l'ensemble de celle-ci (qui sera d'au moins trois ans, conformément au texte adopté par les députés). Il faudrait alors prévoir que si les plafonds de dépenses et planchers de mesures nouvelles sur les recettes sont (sauf circonstances exceptionnelles) maintenus inchangés (ou rendus plus contraignants) tout au long de la période, les objectifs de solde effectif (non contraignants) sont quant à eux actualisés chaque année en fonction de la situation économique (comme le souhaite notre collègue député Gilles Carrez).

Cette solution présenterait cependant l'inconvénient, selon vos rapporteurs, d'impliquer une période de programmation trop longue, qui pourrait inciter les gouvernements à rejeter en fin de période l'effort d'ajustement. Pour cette raison, ils considèrent que la loi organique devra prévoir que la loi-cadre sera « glissante » et prolongée d'une année (et actualisée en ce qui concerne le solde effectif) chaque année, éventuellement après le vote du programme de stabilité.

2. L'inscription dans la Constitution d'une règle d'équilibre présentée comme équivalant à celle du rapport Camdessus

Deux amendements identiques, adoptés à l'initiative de la commission des lois et de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, inscrivent dans la Constitution une règle d'effort structurel analogue à celle préconisée par la commission des finances du Sénat et le rapport Camdessus, et retenue par la loi de programmation des finances publiques 2011-2014.

Cependant, le texte adopté par l'Assemblée nationale aboutit à une règle radicalement différente de celle proposée par le rapport Camdessus.

En effet, elle prévoit que « [L]es lois-cadres fixent, pour chaque année, un objectif constitué d'un maximum de dépenses et d'un minimum de recettes qui s'impose aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale ».

Dans le cas des recettes, cette règle s'écarte de celle préconisée par le rapport Camdessus, qui consiste à prévoir un minimum de mesures nouvelles sur les recettes.

Dans un tel schéma, le législateur financier s'engage, comme dans la loi de programmation des finances publiques 2011-2014, à prendre des mesures nouvelles sur les recettes, pour un certain montant. Cette loi dispose que prévoit que l'entrée en vigueur de mesures nouvelles pour un montant d'au moins 11 milliards d'euros en 2011 et d'ai moins 3 milliards d'euros chacune des trois années suivantes. Cet engagement porte sur les seules mesures nouvelles, c'est-à-dire sur les modifications législatives et réglementaires ayant un impact sur les recettes, et non sur les fluctuations des recettes résultant de la conjoncture économique.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit quant à lui de faire porter l'engagement sur les recettes effectives . Autrement dit, selon une interprétation littérale du texte adopté par l'Assemblée nationale, en situation de croissance forte le Gouvernement pourrait, de manière paradoxale, prendre des mesures nouvelles négatives, tendant à réduire les recettes, tandis qu'en croissance faible il devrait prendre des mesures nouvelles tendant à les alourdir, « ajoutant la crise à la crise ».

La référence à un « minimum de recettes » n'est donc pas opérationnelle : combinée à celle à un « maximum de dépenses », elle résulterait en une pure règle de solde effectif, qui ne pourrait pas fonctionner et ne serait pas crédible.

Il faudrait se référer, comme le propose les amendements au présent article proposés par la commission des lois du Sénat et votre commission des finances, à un « minimum de mesures nouvelles afférentes aux recettes ».

Manifestement, nos collègues députés n'ont pas avoir eu l'intention de proposer une règle différente de celle proposée par le rapport Camdessus. En effet, l'exposé des motifs de l'amendement de notre collègue député Jean-Luc Warsmann, rapporteur au nom de la commission des lois, considère que la détermination « d'un maximum de dépenses et d'un minimum de recettes » est « conform[e] aux intentions du Gouvernement », car « l'exposé des motifs du projet évoque une « fongibilité entre plafonds de dépenses et mesures nouvelles en recettes » ». De même, l'amendement de notre collègue député Yves Bur évoque le fait d'« inscrire dans la Constitution le principe d'un plafond de dépenses et d'un plancher de recettes, déjà annoncé par le Gouvernement ».

3. La compensation des écarts par la mise en place d'un compte de contrôle

L'Assemblée nationale a prévu que les « écarts constatés lors de l'exécution des lois de finances et de l'application des lois de financement de la sécurité sociale sont compensés dans les conditions prévues par une loi organique ».

Cette disposition est ambiguë (mais il est vrai qu'elle renvoie à la loi organique). En effet - même en supposant que l'imprécision rédactionnelle précitée est corrigée -, que veut-on compenser ?

Selon une première interprétation, il s'agirait simplement de faire en sorte qu'un dérapage une année donnée ne soit pas, par « rebasage », inclus dans la norme des années suivantes. Il suffirait pour cela d'exprimer les dépenses et les mesures nouvelles sur les recettes année par année, en augmentation cumulée depuis le début de la période (comme le fait la loi de programmation des finances publiques 2011-2014 dans le cas des dépenses).

Selon une seconde interprétation, il s'agirait de neutraliser le supplément de dette suscité par un dérapage une année donnée par une réduction à due concurrence du déficit de l'année suivante. La règle serait alors plus contraignante.

Le ministre du budget a déclaré, lors de son audition au Sénat du 24 mai 2011 reproduite en annexe au présent rapport pour avis, que « la correction des écarts passe par la mise en place d'un compte de contrôle ». Le Gouvernement retient donc la seconde interprétation, la plus contraignante, et qui correspond à la solution retenue par l'Allemagne.

4. La possibilité de modifier une loi-cadre en cours d'exécution

Toujours à l'initiative de sa commission des lois et de sa commission des affaires sociales, l'Assemblée nationale a également modifié le présent article de manière à préciser qu'une loi-cadre pourra être modifiée en cours d'exécution dans les conditions et sous les réserves fixées par la loi organique (la référence à la loi organique résultant d'un sous-amendement de la commission des finances).

Cette précision ne modifie pas le droit proposé. En effet, le texte initial permettait déjà d'inscrire de telles dispositions dans la future loi organique.

Selon notre collègue député Gilles Carrez, à l'origine de cet amendement, il s'agirait, dans la future loi organique, de rendre possible la révision des dispositions non contraignantes des lois-cadres, pour tenir compte notamment de l'évolution des prévisions économiques, sans pour autant autoriser la modification des dispositions contraignantes des lois-cadres (le plafond de dépenses et le plancher relatif aux mesures nouvelles sur les recettes).

Par ailleurs, selon vos rapporteurs, les lois-cadres devront chaque année être prolongées d'une année supplémentaire.

5. La possibilité pour les lois-cadres de prévoir des « règles de gestion des finances publiques »

Enfin, trois amendements identiques des trois commissions saisies à l'Assemblée nationale précisent que les lois-cadres comprennent les « règles de gestion des finances publiques ».

Comme on le verra ci-après, la portée de cette disposition doit être explicitée.

B. LE REJET DES DIFFÉRENTS AMENDEMENTS RELATIFS AU MONOPOLE

La discussion du présent article par l'Assemblée nationale, qui a essentiellement porté sur le monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, a été présentée dans l'exposé général du présent rapport pour avis.

En particulier, la proposition de la commission des finances de l'Assemblée nationale tendant à instaurer des « lois de prélèvements obligatoires », afin d'éviter que le monopole suscite un « embouteillage législatif », n'a pas été adoptée.

Les commissions des lois et des affaires sociales ne sont quant à elles pas parvenues à supprimer le monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. DES TAUX DES RESSOURCES SOCIALES QUI CONTINUERONT D'ÊTRE FIXÉS PAR VOIE RÉGLEMENTAIRE

Le présent article aurait pu être l'occasion de mettre fin à la situation contestable selon laquelle la loi fixe seulement les « principes fondamentaux » des ressources de la sécurité sociale autres que les « impositions de toute nature », c'est-à-dire que les impôts (y compris la CSG et la CRDS).

Tel n'est pas le cas. Par conséquent, les taux des cotisations sociales continueront d'être fixés par voie réglementaire.

Sur ce point, le projet de loi constitutionnelle est en retrait par rapport aux orientations du rapport Camdessus, selon lequel, « sous réserve d'un examen plus approfondi des conditions et des implications de cette extension, cette compétence exclusive pourrait englober l'ensemble des prélèvements obligatoires destinés au financement des politiques publiques entrant dans le champ des LF et des LFSS. Seraient donc incluses les cotisations de sécurité sociale, dont les taux sont aujourd'hui fixés par la voie réglementaire . Ne seraient bien entendu concernées que les cotisations entrant dans le champ de la LFSS, et non les cotisations relevant de l'UNEDIC ou des régimes complémentaires. Cette modification de la ligne de partage entre pouvoir législatif et pouvoir réglementaire soumettrait au vote du Parlement - qui fixe déjà le taux des composantes de la contribution sociale généralisée (CSG) et le taux de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) - des dispositions aujourd'hui laissées à la seule discrétion du Gouvernement . Ce changement devrait évidemment faire l'objet d'une concertation avec les partenaires sociaux ».

B. PRÉCISER LE CONTENU DES LOIS-CADRES

1. Rétablir la cohérence entre le présent article et la règle telle que proposée par le « rapport Camdessus » et votre commission des finances

Pour les raisons évoquées supra , votre commission des finances, rejoignant en cela l'analyse de la commission des lois du Sénat, vous propose un amendement tendant à mettre le texte en conformité avec les intentions de nos collègues députés, et à se référer à un « minimum de mesures nouvelles afférentes aux recettes ».

Cet amendement propose en outre diverses améliorations rédactionnelles.

2. Comprendre que les  « règles de gestion des finances publiques » englobent l'ensemble des règles relatives à la politique de finances publiques ou à l'information du Parlement

On a vu qu'à l'initiative des trois commissions saisies, l'Assemblée nationale a précisé que les lois-cadres « déterminent (...) les règles de gestion des finances publiques ».

Cet élargissement du champ des futures lois-cadres est naturellement bienvenu.

Cependant, le champ couvert pourrait paraître encore insuffisant (la « gestion » au sens strict s'arrêtant là où commence la politique), et le texte adopté par l'Assemblée nationale n'est pas explicite en ce qui concerne l'information du Parlement.

Bien entendu, il importe de considérer l'expression « règle de gestion » retenue par l'Assemblée nationale, dans son acception la plus large possible et autorisant que puissent figurer dans les futures lois-cadres, comme dans les actuelles loi de programmation des finances publiques, des dispositions relatives à la gouvernance des finances publiques, telles que la règle de « durée limitée des niches » ou, comme le propose votre commission des finances dans un récent rapport d'information de son rapporteur général, la définition et les modalités de chiffrage des allégements de prélèvements obligatoires.

Décision de la commission : votre commission a donné un avis favorable à cet article, sous réserve de l'adoption de l'amendement qu'elle vous soumet.

ARTICLE 2 (article 39 de la Constitution) - Première lecture des LCEFP

Commentaire : le présent article prévoit que les projets de loi-cadre d'équilibre des finances publiques sont soumis en premier lieu à l'Assemblée nationale.

Le présent article prévoit que, comme les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale, les futurs projets de loi-cadre d'équilibre des finances publiques sont soumis en premier lieu à l'Assemblée nationale.

Le deuxième alinéa de l'article 39 de la Constitution

Texte actuel

Texte résultant du présent article

Les projets de loi sont délibérés en Conseil des Ministres après avis du Conseil d'État et déposés sur le bureau de l'une des deux assemblées. Les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale sont soumis en premier lieu à l'Assemblée nationale.

Sans préjudice du premier alinéa de l'article 44, les projets de loi ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat.

Les projets de loi sont délibérés en Conseil des Ministres après avis du Conseil d'État et déposés sur le bureau de l'une des deux assemblées. Les projets de loi-cadre d'équilibre des finances publiques, les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale sont soumis en premier lieu à l'Assemblée nationale . Sans préjudice du premier alinéa de l'article 44, les projets de loi ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat.

Source : commission des finances

L'Assemblée nationale a adopté sans modification le présent article, qui constitue l'une des nombreuses dispositions de coordination relatives aux lois-cadres d'équilibre des finances publiques.

Décision de la commission : votre commission a donné un avis favorable à cet article.

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 2 (article 39 de la Constitution) - Dépôt concomitant des projets de loi et des projets de loi financière comportant les dispositions relatives aux prélèvements obligatoires nécessaires à leur mise en oeuvre

Commentaire : le présent article additionnel propose de prévoir que, dès lors que les dispositions d'un projet de loi nécessitent, pour leur mise en oeuvre, d'être accompagnées par des mesures relatives aux prélèvements obligatoires, le Gouvernement dépose simultanément un projet de loi de finances ou un projet de loi de financement de la sécurité sociale comportant ces mesures.

Le principe du monopole des lois financières sur les dispositions relatives aux prélèvements obligatoires a pu être critiqué en raison de ses effets sur la possibilité pour les assemblées d'appréhender dans leur globalité les réformes comportant un volet financier.

Cette crainte est exagérée car, dans la plupart des cas, les dispositions relatives aux prélèvements obligatoires ne sont pas nécessaires à l'équilibre d'ensemble des lois dans lesquelles elles figurent. L'objet du monopole est précisément que ces « cadeaux fiscaux » puissent continuer d'être débattus et, le cas échéant, décidés par le Parlement, mais dans le cadre d'une loi financière, dont la structure permet de mettre en balance l'opportunité de la mesure et l'équilibre global des finances publiques. L'exemple le plus fréquemment donné de mesure de ce type est celui du vote de la réduction du taux de TVA applicable au secteur de la restauration dans un projet de loi relatif au tourisme.

En revanche, dans le cas de réformes plus structurelles, le volet financier des réformes, voire leurs mesures de financement, sont indissociables de la réforme elle-même. La récente réforme des retraites en a été une claire illustration.

Dans ces cas-là, le présent article additionnel propose une procédure nouvelle, selon laquelle « lorsqu'un projet de loi nécessite, pour sa mise en oeuvre, des dispositions relevant du vingtième alinéa de l'article 34, le Gouvernement dépose simultanément un projet de loi de finances ou un projet de loi de financement de la sécurité sociale ».

On assurera ainsi la possibilité pour les différentes commissions parlementaires de travailler de concert, sans « suprématie » des uns ou des autres, puisque les rapporteurs des textes « couplés » seraient appelés à travailler ensemble, et que les discussions générales devraient être communes.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel.

ARTICLE 2 bis nouveau (article 41 de la Constitution) - Irrecevabilité en cas de non respect du monopole des LF et LFSS

Commentaire : le présent article prévoit d'étendre au respect du monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale la procédure d'irrecevabilité actuellement applicable pour la préservation du domaine réglementaire.

I. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article résulte d'un amendement de notre collègue député Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois et rapporteur au nom de celle-ci.

Il propose d'étendre le champ de l'actuel article 41 de la Constitution (irrecevabilité en cas de non respect du domaine de la loi) au respect du monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale.

La procédure est indiquée par le tableau ci-après.

L'article 41 de la Constitution

Texte actuel

Texte résultant du présent article

S'il apparaît au cours de la procédure législative qu'une proposition ou un amendement n'est pas du domaine de la loi ou est contraire à une délégation accordée en vertu de l'article 38, le Gouvernement ou le président de l'assemblée saisie peut opposer l'irrecevabilité.

S'il apparaît au cours de la procédure législative qu'une proposition ou un amendement n'est pas du domaine de la loi , est contraire à une délégation accordée en vertu de l'article 38 ou est contraire au vingtième alinéa de l'article 34 ou au deuxième ou au quatrième alinéa de l'article 72-2 , le Gouvernement ou le président de l'assemblée saisie peut opposer l'irrecevabilité.

En cas de désaccord entre le Gouvernement et le Président de l'assemblée intéressée, le Conseil Constitutionnel, à la demande de l'un ou de l'autre, statue dans un délai de huit jours.

NB : l'article 38 concerne l'habilitation à légiférer par ordonnance.

Les autres références concernent le texte résultant du présent projet de loi constitutionnelle :

- le vingtième alinéa de l'article 34, inséré par l'article premier, est le monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale ;

- les deuxième et quatrième alinéas de l'article 72-2, modifiés par l'article 11, concernent respectivement la possibilité actuellement reconnue à la loi d'autoriser les collectivités territoriales à fixer l'assiette et le taux de leurs impositions de toute nature, et la compensation des transferts, créations et extensions de compétences des collectivités territoriales.

Source : commission des finances

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UNE SOUPLESSE APPARENTE, DÉMENTIE PAR L'ARTICLE 9 BIS

1. Une souplesse apparente

Le présent article n'implique pas d'inconstitutionnalité en cas de non respect du monopole.

Ainsi, les parlementaires auraient la faculté de continuer à déposer des propositions et amendements relatifs aux prélèvements obligatoires même en dehors des lois financières, sous réserve que le Gouvernement ou les présidents des assemblées n'invoquent pas l'irrecevabilité de l'article 41 de la Constitution.

S'il devait être mis en oeuvre dans les mêmes conditions que l'actuel article 41, le dispositif proposé ne serait pas véritablement contraignant. En effet, la procédure actuelle de l'article 41 n'est pas souvent mise en oeuvre. et la dernière décision du Conseil constitutionnel sur l'application de l'article 41 de la Constitution date de 1979, et il n'y a eu que onze décisions au total.

Si cette disposition subsistait dans le texte définitif, il conviendrait d'adapter le règlement du Sénat pour prévoir que le Président du Sénat pourrait consulter le président de la commission des finances, de la même façon qu'il est prévu qu'il consulte le président de la commission des lois sur les amendements litigieux du point de vue du partage entre le domaine de la loi et celui du règlement.

2. Une disposition indissociable de l'article 9 bis du présent projet de loi constitutionnelle

La souplesse introduite au présent article est toutefois fortement atténuée par l'insertion dans la Constitution, par l'article 9 bis du projet de loi constitutionnelle, d'un nouvel article 61-2 qui prévoit que le Conseil constitutionnel, dès lors qu'il est saisi d'une loi « non financière », se prononce automatiquement sur sa conformité à la règle du monopole. Autrement dit, toute disposition fiscale issue d'un amendement parlementaire ou d'une proposition de loi qui figurerait dans une loi adoptée dans les mêmes termes par les deux assemblées serait néanmoins automatiquement censurée par le Conseil constitutionnel si elle cette loi lui était déférée.

Pour autant, il restera possible, par accord entre le Gouvernement, les présidents des assemblées (qui n'invoqueraient pas l'irrecevabilité) et les groupes politiques (qui ne déféreraient pas le texte), de faire adopter des dispositions relatives aux prélèvements obligatoires en dehors des lois financières. Ceci reposerait sur une hypocrisie particulièrement critiquable selon vos rapporteurs.

B. UNE DISPOSITION DONT L'OBJECTIF PEUT ÊTRE ATTEINT PAR D'AUTRES MOYENS

Le présent article a été présenté par nos collègues députés comme l'une des dispositions de conséquence du monopole instauré par l'article premier.

Si, comme le proposent les commissions des lois et des affaires sociales du Sénat, ce monopole était remplacé par une obligation de validation en loi financière des dispositions relatives aux prélèvements obligatoires adoptées dans une loi  »non financière », le présent article devrait être supprimé.

Si, comme le souhaite votre commission des finances, le monopole était préservé et complété par la possibilité de « coupler » la présentation d'une loi sectorielle avec, si nécessaire, celle d'une loi financière rectificative, le dispositif proposé par le présent article ne serait plus nécessaire, dès lors que l'initiative parlementaire en matière de prélèvements obligatoires pourrait pleinement s'exercer dans le cadre du texte financier présenté en parallèle du texte sectoriel.

Décision de la commission : votre commission a donné un avis défavorable à cet article et vous soumet un amendement tendant à sa suppression.

ARTICLE 3 (article 42 de la Constitution) - Dérogation des LCEFP à la règle selon laquelle la discussion porte sur le texte de la commission

Commentaire : le présent article prévoit que les futures lois-cadres d'équilibre des finances publiques dérogent à la règle selon laquelle la discussion porte sur le texte de la commission.

Le présent article prévoit que, comme dans le cas des projets de révision constitutionnelle, des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale, la discussion en séance publique des futures lois-cadres d'équilibre des finances publiques déroge à la règle selon laquelle la discussion porte sur le texte de la commission.

L'article 42 de la Constitution

Texte actuel

Texte résultant du présent article

La discussion des projets et des propositions de loi porte, en séance, sur le texte adopté par la commission saisie en application de l'article 43 ou, à défaut, sur le texte dont l'assemblée a été saisie.

Toutefois, la discussion en séance des projets de révision constitutionnelle, des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale porte, en première lecture devant la première assemblée saisie, sur le texte présenté par le Gouvernement et, pour les autres lectures, sur le texte transmis par l'autre assemblée.

Toutefois, la discussion en séance des projets de révision constitutionnelle, des projets de loi-cadre d'équilibre des finances publiques, des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale porte, en première lecture devant la première assemblée saisie, sur le texte présenté par le Gouvernement et, pour les autres lectures, sur le texte transmis par l'autre assemblée.

La discussion en séance, en première lecture, d'un projet ou d'une proposition de loi ne peut intervenir, devant la première assemblée saisie, qu'à l'expiration d'un délai de six semaines après son dépôt. Elle ne peut intervenir, devant la seconde assemblée saisie, qu'à l'expiration d'un délai de quatre semaines à compter de sa transmission.

L'alinéa précédent ne s'applique pas si la procédure accélérée a été engagée dans les conditions prévues à l'article 45. Il ne s'applique pas non plus aux projets de loi de finances, aux projets de loi de financement de la sécurité sociale et aux projets relatifs aux états de crise.

L'alinéa précédent ne s'applique pas si la procédure accélérée a été engagée dans les conditions prévues à l'article 45. Il ne s'applique pas non plus aux projets de loi-cadre d'équilibre des finances publiques, aux projets de loi de finances, aux projets de loi de financement de la sécurité sociale et aux projets relatifs aux états de crise.

L'Assemblée nationale a adopté sans modification le présent article, qui constitue l'une des nombreuses dispositions de coordination relatives aux lois-cadres d'équilibre des finances publiques.

Décision de la commission : votre commission a donné un avis favorable à cet article.

ARTICLE 4 (article 46-1 nouveau de la Constitution) - Modalités de discussion des LCEFP

Commentaire : le présent article précise les modalités de discussion des LCEFP.

Le présent article propose d'insérer à la constitution un article 46-1, prévoyant : « Le Parlement vote les projets de loi-cadre d'équilibre des finances publiques dans les conditions prévues par une loi organique. Si le Gouvernement le décide, il est fait application de la procédure prévue au deuxième alinéa de l'article 47. »

La « procédure prévue au deuxième alinéa de l'article 47 » est celle, actuellement applicable dans le seul cas des lois de finances, selon laquelle « si l'Assemblée Nationale ne s'est pas prononcée en première lecture dans le délai de quarante jours après le dépôt d'un projet, le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours », après quoi est réunie la commission mixte paritaire.

Par conséquent, les délais accordés à chaque Assemblée pour examiner les lois-cadres seront fixés par la future loi organique. Toutefois, comme pour les lois de finances, si la procédure devait prendre du retard à l'Assemblée nationale et excéder quarante jours, le Gouvernement aurait l'obligation de transmettre le texte au Sénat, qui disposerait alors de seulement quinze jours pour l'examiner.

L'Assemblée nationale a adopté sans modification le présent article, qui constitue l'une des nombreuses dispositions de coordination relatives aux lois-cadres d'équilibre des finances publiques.

Décision de la commission : votre commission a donné un avis favorable à cet article.

ARTICLE 5 (article 47 de la Constitution) - Impossibilité d'adoption d'une loi de finances en l'absence de LCEFP

Commentaire : le présent article prévoit l'impossibilité d'adopter une loi de finances en l'absence de loi-cadre d'équilibre des finances publiques (LCEFP) et avance au 15 septembre la date limite du dépôt du projet de loi de finances.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article poursuit un double objet :

- il prévoit l'impossibilité d'adopter une loi de finances en l'absence de loi-cadre d'équilibre des finances publiques (LCEFP) ;

- à l'initiative de la commission des finances de l'Assemblée nationale, il anticipe au 15 septembre, dans ce qui deviendrait le deuxième alinéa de l'article 47 de la Constitution, la date limite de dépôt du projet de loi de finances.

Il s'agit de tirer les conséquences du fait que, selon nos collègues députés, le monopole des dispositions relatives aux prélèvements obligatoires prévu pour les lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale risque de susciter un « embouteillage » au Parlement à l'automne, en particulier à l'Assemblée nationale.

L'article 47 de la Constitution

Texte actuel

Texte résultant du présent article

Art. 47. - Le Parlement vote les projets de loi de finances dans les conditions prévues par une loi organique.

Art. 47. - Le Parlement vote les projets de loi de finances dans les conditions prévues par une loi organique. Il ne peut être adopté définitivement de loi de finances en l'absence de loi-cadre d'équilibre des finances publiques applicable à l'exercice concerné.

Le projet de loi de finances fixant les ressources et les charges d'un exercice est déposé au plus tard le 15 septembre de l'année qui précède cet exercice.

Si l'Assemblée Nationale ne s'est pas prononcée en première lecture dans le délai de quarante jours après le dépôt d'un projet, le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours. Il est ensuite procédé dans les conditions prévues à l'article 45.

Si l'Assemblée Nationale ne s'est pas prononcée en première lecture dans le délai de quarante jours après le dépôt d'un projet de loi de finances , le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours. Il est ensuite procédé dans les conditions prévues à l'article 45.

Si le Parlement ne s'est pas prononcé dans un délai de soixante-dix jours, les dispositions du projet peuvent être mises en vigueur par ordonnance.

Si la loi de finances fixant les ressources et les charges d'un exercice n'a pas été déposée en temps utile pour être promulguée avant le début de cet exercice, le Gouvernement demande d'urgence au Parlement l'autorisation de percevoir les impôts et ouvre par décret les crédits se rapportant aux services votés.

Si la loi de finances fixant les ressources et les charges d'un exercice n'a pas été déposée en temps utile pour être promulguée avant le début de cet exercice, le Gouvernement demande d'urgence au Parlement l'autorisation de percevoir les impôts et ouvre par décret les crédits se rapportant aux services votés. Il est procédé de même en l'absence de loi-cadre d'équilibre des finances publiques applicable à l'exercice concerné.

Les délais prévus au présent article sont suspendus lorsque le Parlement n'est pas en session.

Source : commission des finances

II. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté deux amendements :

- l'amendement précité de sa commission des finances, tendant à fixer au 15 septembre la date limite pour le dépôt du projet de loi de finances ;

- un amendement rédactionnel de sa commission des lois.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. L'IMPOSSIBILITÉ DE VOTER UNE LOI DE FINANCES EN L'ABSENCE DE LOI-CADRE, UN ÉLÉMENT ESSENTIEL DE LA RÈGLE D'ÉQUILIBRE

Le présent article est un élément essentiel de l'architecture du présent projet de loi constitutionnelle.

En effet, s'il était possible d'adopter une loi de finances sans avoir préalablement adopté une loi-cadre, la majeure partie de l'édifice s'effondrerait, puisque le Conseil constitutionnel ne pourrait plus vérifier la conformité des lois de finances à la trajectoire pluriannuelle. La règle d'équilibre ne serait donc plus appliquée.

B. LE DÉPÔT À LA MI-SEPTEMBRE DES PROJETS DE LOI DE FINANCES, UNE CONTREPARTIE DU MONOPOLE

1. L'obligation de déposer le projet de loi de finances le 15 septembre au plus tard, une contrainte relative pour le Gouvernement, une nécessité pour les députés

La présentation par notre collègue député Gilles Carrez, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de son amendement dont l'adoption est à l'origine de la présente disposition, illustre le prix que les députés attachent à sa mise en oeuvre :

« Que s'est-il passé depuis 2007 ? Nos lois de finances ont doublé de volume ! En 2007, la loi de finances initiale tenait dans quarante-huit pages du Journal officiel ; en 2011, il en a fallu quatre-vingt-quinze... Dans le même temps, les délais pour les examiner se sont réduits de quinze jours. En effet, jusqu'à cette époque, le conseil des ministres se tenait vers le 15 septembre, au plus tard vers le 20 ; désormais, il se tient le dernier mercredi de septembre.

« Nous travaillons par conséquent dans les pires conditions. Comment voulez-vous que nous, parlementaires, examinions un texte correctement quand nous sommes contraints par un délai de deux semaines ?

« De surcroît, comme on sait, les lois de finances sont examinées dans un premier temps par l'Assemblée ; si nos collègues sénateurs ont tout le loisir de les étudier, nous sommes pour notre part enserrés dans un véritable tunnel, et obligés de travailler à la va-vite.

« Les membres de la commission des finances, plus ou moins au courant du contenu du texte en amont, font de leur mieux ; mais prenez bien conscience, chers collègues, que vous ne pourrez plus déposer d'amendements de recettes lors de l'examen de textes ordinaires ; et comme vous ne pourrez plus faire de propositions de lois, il ne vous restera plus qu'un seul vecteur : la loi de finances. Si vous ne disposez d'aucun délai pour travailler, que va-t-il se passer ?

« Notre amendement consiste à imiter les autres pays, les vraies démocraties qui respectent le Parlement. En Allemagne, le projet de loi de finances est déposé immédiatement après le 1er septembre ; en Suède, un dispositif a récemment été voté aux termes duquel le projet est déposé au plus tard le 20 septembre ; quant au Royaume Uni, où il n'y a pas de règle écrite, la pratique veut que le Gouvernement dépose le projet devant le Parlement au plus tard le 15 septembre. »

Pour le Gouvernement, un dépôt du projet de loi de finances avant le 15 septembre représenterait une anticipation importante par rapport à la pratique des dernières années, puisque le dépôt est intervenu le 29 septembre en 2011 et en 2010, le 30 septembre en 2009 ou encore le 26 septembre en 2006 et 2007.

Pourtant, jusqu'au projet de loi de finances pour 2002, les projets de loi de finances étaient généralement déposés autour du 20 septembre, parfois encore plus tôt (le 15 septembre en 1999 et même le 9 septembre en 1998).

Un retour aux pratiques d'avant 2002 ne présenterait pas seulement des avantages pour le Parlement, et singulièrement l'Assemblée nationale saisie en premier lieu, mais serait également de nature à peser sur les conditions dans lesquelles l'exécutif prépare les projets de loi de finances . Dans la situation actuelle, les dépenses sont, de manière contre-intuitive, arrêtées avant les mesures nouvelles sur les recettes. L'anticipation du délai de dépôt des projets de loi de finances pourrait contribuer à ce que les arbitrages relatifs aux recettes interviennent moins tardivement qu'aujourd'hui.

Le Gouvernement s'en est remis à la sagesse de l'Assemblée nationale sur ce dispositif. Il a cependant, pour expliquer les retards pris dans le dépôt des projets de loi de finances depuis quelques années, utilisé un argument qui ne saurait intégralement être retenu : celui des contraintes imposées à l'exécutif par les dispositions de la LOLF. Le ministre du budget a notamment indiqué que « cette dégradation calendaire est liée à la loi organique pour les lois de finances que nous avions souhaitée les uns et les autres à l'époque. La LOLF a fixé de nombreux impératifs, précis, quant à la présentation des objectifs de la politique du Gouvernement, des indicateurs de performance, de la programmation des dépenses, du développement par les opérateurs, etc.

« Ainsi, le nombre de bleus annexés en 2001 était de 26 ; il est de 40 en 2011, soit une augmentation de 54 %. Le nombre de pages bleues était de 4 145 en 2001 et, dix ans plus tard, de 7 489, soit une augmentation de 80 %. Les jaunes annexés ont augmenté de 43 % et le nombre de pages de ces jaunes de plus de 170 %. Ce sont les grandes vertus de la LOLF qui ont justifié un travail approfondi de la part des services de Bercy afin que les parlementaires puissent procéder à un examen de plus grande qualité ».

S'il ne faut pas négliger ces contraintes supplémentaires imposées au Gouvernement, il faut également relever que, depuis 1958, les annexes ne sont jamais toutes transmises au Parlement à la date de dépôt du projet de loi de finances à proprement parler, c'est-à-dire du « bleu général » dans lequel figurent les articles de première et de deuxième parties.

C'est d'ailleurs en raison de la transmission étalée dans le temps des différentes annexes que la date de dépôt diffère de la date à compter de laquelle sont computés les délais d'examen des projets de loi de finances tels qu'ils résultent de la Constitution, de la loi organique relative aux lois de finances et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

2. Une inscription dans la Constitution de la date de dépôt des projets de loi de finances sans incidence sur les délais d'examen par les assemblées

L'article 47 de la Constitution dispose que « le Parlement vote les lois de finances dans les conditions prévues par une loi organique », tout en encadrant, du point de vue des délais d'examen, la marge de manoeuvre du législateur organique sur deux points :

- l'Assemblée nationale dispose d'un délai limité à quarante jours. Si elle ne respecte pas ce délai, le Gouvernement doit transmettre le texte au Sénat, qui dispose alors de quinze jours ;

- si l'examen par le Parlement excède soixante-dix jours, le Gouvernement peut mettre en vigueur les dispositions du projet par ordonnance.

Le législateur organique a complété les dispositions constitutionnelles sur deux points :

- l'article 39 de la LOLF prévoit que le projet de loi de finances est déposé au plus tard le premier mardi d'octobre , reprenant en cela les stipulations de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 ;

- l'article 40 du même texte fixe le délai de droit commun de la discussion au Sénat (c'est-à-dire hors les cas où l'Assemblée nationale ne respecterait pas son délai de quarante jours) à vingt jours, comme le prévoyait déjà l'ordonnance organique précitée.

Il ressort de la jurisprudence constitutionnelle que ces délais sont conçus pour faire en sorte que la loi de finances soit votée avant la fin de l'année calendaire , de manière à assurer « la continuité de la vie nationale » pour reprendre l'expression utilisée par le Conseil constitutionnel dans sa décision 2001-448 DC du 25 juillet 2001. Par conséquent :

- le Conseil a admis que le délai de droit commun accordé au Sénat soit fixé à vingt jours, dès lors que ce délai n'était pas de nature à mettre en cause la capacité du parlement à achever l'examen du texte dans le délai global de soixante-dix jours ;

- le Conseil a considéré qu'il pouvait être dérogé au délai de quarante jours accordé à l'Assemblée nationale dans la mesure où ce dépassement ne portait pas préjudice aux délais d'examen du Sénat, et ce alors même que le délai de quarante jours est présenté comme impératif à la fois par la Constitution et par la loi organique ;

- surtout, le Conseil constitutionnel n'a jamais remis en cause les conditions dans lesquelles sont computés les délais d'examen.

En effet, dans la mesure où l'ensemble des annexes au projet de loi de finances n'est jamais entièrement disponible à la date du dépôt (le texte du « bleu général » étant lui-même parfois distribué plusieurs jours seulement après le dépôt), l'impératif de continuité de la vie nationale qui justifie l'enserrement de la discussion parlementaire dans des délais est mis en balance avec « la nécessaire sincérité qui s'attache à l'examen des lois de finances » .

Cela conduit le Gouvernement et l'Assemblée nationale à s'accorder sur la date à laquelle il est possible de considérer que le Parlement est suffisamment informé pour que puisse commencer le décompte des délais. Cet accord est matérialisé par une lettre adressée au président de l'Assemblée nationale par le secrétaire général du Gouvernement, généralement entre le 11 et le 15 octobre. Le décompte des délais commence le lendemain de la réception de cette lettre.

Il est raisonnable de penser que l'avancement au 15 septembre du délai limite de dépôt du projet de loi de finances ne se traduira pas par une accélération dans les mêmes proportions des délais de parution des annexes au projet de loi de finances. Dans ces conditions, la seule conséquence des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale devrait être un allongement du temps dont dispose le Parlement pour préparer la discussion des lois de finances, le reste du calendrier n'étant pas modifié.

Compte tenu du fait que le date limite de dépôt des projets de loi de finances figure aujourd'hui dans la loi organique et donc dans le bloc de constitutionnalité, son élévation au rang de norme de niveau constitutionnel n'est pas susceptible d'emporter de conséquence sur l'appréciation portée par le Conseil constitutionnel sur ses conditions de mise en oeuvre.

Décision de la commission : votre commission a donné un avis favorable à cet article.

ARTICLE 6 (article 47-1 de la Constitution) - Impossibilité d'adoption d'une loi de financement de la sécurité sociale en l'absence de LCEFP

Commentaire : le présent article prévoit l'impossibilité d'adopter une loi de financement de la sécurité sociale en l'absence de loi-cadre d'équilibre des finances publiques (LCEFP), et avance au 1 er octobre le dépôt du projet de loi de finances.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article est le symétrique de l'article 5, dans le cas des lois de financement de la sécurité sociale.

Comme l'article 5 dans le cas des lois de finances, il poursuit un double objet :

- il prévoit l'impossibilité d'adopter une loi de finances en l'absence de loi-cadre d'équilibre des finances publiques (LCEFP) ;

- à l'initiative de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, il anticipe au 1 er octobre la date limite de dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

On rappelle qu'actuellement la date de dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale est fixée au plus tard le 15 octobre par l'article LO 111-6 du code de la Sécurité sociale (ou, si cette date est un jour férié, le premier jour ouvrable qui suit).

L'article 47-1 de la Constitution

Texte actuel

Texte résultant du présent article

Art. 47-1. - Le Parlement vote les projets de loi de financement de la sécurité sociale dans les conditions prévues par une loi organique.

Art. 47-1. - Le Parlement vote les projets de loi de financement de la sécurité sociale dans les conditions prévues par une loi organique. Il ne peut être adopté définitivement de loi de financement de la sécurité sociale en l'absence de loi-cadre d'équilibre des finances publiques applicable à l'exercice concerné.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui détermine les conditions générales de son équilibre financier pour un exercice est déposé au plus tard le 1 er octobre de l'année qui précède cet exercice.

Si l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée en première lecture dans le délai de vingt jours après le dépôt d'un projet, le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours. Il est ensuite procédé dans les conditions prévues à l'article 45.

Si l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée en première lecture dans le délai de vingt jours après le dépôt d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours. Il est ensuite procédé dans les conditions prévues à l'article 45.

Si le Parlement ne s'est pas prononcé dans un délai de cinquante jours, les dispositions du projet peuvent être mises en oeuvre par ordonnance.

Les délais prévus au présent article sont suspendus lorsque le Parlement n'est pas en session et, pour chaque assemblée, au cours des semaines où elle a décidé de ne pas tenir séance, conformément au deuxième alinéa de l'article 28.

Source : commission des finances

II. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté deux amendements au présent article :

- l'amendement précité, relatif à la date de dépôt des projets de loi de financement de la sécurité sociale ;

- un amendement rédactionnel de sa commission des lois.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Comme l'article 5 dans le cas des lois de finances, le présent article est un élément essentiel de l'architecture du présent projet de loi constitutionnelle. En effet, s'il était possible d'adopter une loi de financement de la sécurité sociale sans avoir préalablement adopté une loi-cadre, la majeure partie de l'édifice s'effondrerait.

De même, et pour les raisons évoquées dans le commentaire de l'article 5 du présent projet de loi constitutionnelle, l'inscription dans la Constitution de la date limite de dépôt des projets de loi de financement de la sécurité sociale sera sans incidence sur l'organisation des discussions au Parlement. Elle permettra en revanche à la première assemblée saisie de bénéficier d'un délai supplémentaire pour ses travaux préparatoires.

Décision de la commission : votre commission a donné un avis favorable à cet article.

ARTICLE 6 bis nouveau (article 47-2 de la Constitution) - Assistance de la Cour des comptes

Commentaire : le présent article prévoit l'assistance de la Cour des comptes pour le contrôle de l'exécution des lois-cadres.

Le présent article résulte d'un amendement de la commission des finances de l'Assemblée nationale. Il prévoit l'assistance de la Cour des comptes pour le contrôle de l'exécution des lois-cadres.

L'article 47-2 de la Constitution

Texte actuel

Texte résultant du présent article

Art. 47-2.- La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l'action du Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances et de l'application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que dans l'évaluation des politiques publiques. Par ses rapports publics, elle contribue à l'information des citoyens.

Art. 47-2.- La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l'action du Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de la mise en oeuvre des lois-cadres d'équilibre des finances publiques, de l'exécution des lois de finances et de l'application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que dans l'évaluation des politiques publiques. Par ses rapports publics, elle contribue à l'information des citoyens.

Les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière.

Source : commission des finances

Le droit existant permettrait sans doute déjà à la Cour des comptes d'assister le Parlement dans le contrôle de l'exécution des lois-cadres.

Toutefois, la modification ainsi proposée permet d'illustrer l'apparition des lois-cadres d'équilibre des finances publiques dans la hiérarchie des normes financières.

L'article 58 de la LOLF

La mission d'assistance du Parlement confiée à la Cour des comptes par le dernier alinéa de l'article 47 [en fait par le 1 er alinéa de l'article 47-2] de la Constitution comporte notamment :

1° L'obligation de répondre aux demandes d'assistance formulées par le président et le rapporteur général de la commission chargée des finances de chaque assemblée dans le cadre des missions de contrôle et d'évaluation prévues à l'article 57 ;

2° La réalisation de toute enquête demandée par les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances sur la gestion des services ou organismes qu'elle contrôle. Les conclusions de ces enquêtes sont obligatoirement communiquées dans un délai de huit mois après la formulation de la demande à la commission dont elle émane, qui statue sur leur publication ;

3° Le dépôt d'un rapport préliminaire conjoint au dépôt du rapport mentionné à l'article 48 relatif aux résultats de l'exécution de l'exercice antérieur ;

4° Le dépôt d'un rapport conjoint au dépôt du projet de loi de règlement, relatif aux résultats de l'exécution de l'exercice antérieur et aux comptes associés, qui, en particulier, analyse par mission et par programme l'exécution des crédits ;

5° La certification de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes de l'Etat. Cette certification est annexée au projet de loi de règlement et accompagnée du compte rendu des vérifications opérées ;

6° Le dépôt d'un rapport conjoint au dépôt de tout projet de loi de finances sur les mouvements de crédits opérés par voie administrative dont la ratification est demandée dans ledit projet de loi de finances.

Les rapports visés aux 3°, 4° et 6° sont, le cas échéant, accompagnés des réponses des ministres concernés.

Le rapport annuel de la Cour des comptes peut faire l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Décision de la commission : votre commission a donné un avis favorable à cet article.

ARTICLE 7 (article 48 de la Constitution) - Inscription des projets de LCEFP par priorité

Commentaire : le présent article prévoit que les projets de lois-cadres d'équilibre des finances publiques (LCEFP) sont, à la demande du Gouvernement, inscrits à l'ordre du jour par priorité.

Le présent article prévoit que - comme les projets de loi de finances, les projets de loi de financement de la sécurité sociale et les textes transmis par l'autre assemblée depuis six semaines au moins - les projets de lois-cadres d'équilibre des finances publiques (LCEFP) sont, à la demande du Gouvernement, inscrits à l'ordre du jour par priorité.

L'article 48 de la Constitution

Texte actuel

Texte résultant du présent article

Art. 48. - Sans préjudice de l'application des trois derniers alinéas de l'article 28, l'ordre du jour est fixé par chaque assemblée.

Deux semaines de séance sur quatre sont réservées par priorité, et dans l'ordre que le Gouvernement a fixé, à l'examen des textes et aux débats dont il demande l'inscription à l'ordre du jour.

En outre, l'examen des projets de loi de finances, des projets de loi de financement de la sécurité sociale et, sous réserve des dispositions de l'alinéa suivant, des textes transmis par l'autre assemblée depuis six semaines au moins, des projets relatifs aux états de crise et des demandes d'autorisation visées à l'article 35 est, à la demande du Gouvernement, inscrit à l'ordre du jour par priorité.

En outre, l'examen des projets de loi-cadre d'équilibre des finances publiques, des projets de loi de finances, des projets de loi de financement de la sécurité sociale et, sous réserve des dispositions de l'alinéa suivant, des textes transmis par l'autre assemblée depuis six semaines au moins, des projets relatifs aux états de crise et des demandes d'autorisation visées à l'article 35 est, à la demande du Gouvernement, inscrit à l'ordre du jour par priorité.

(...)

Source : commission des finances

L'Assemblée nationale a adopté sans modification le présent article, qui constitue l'une des nombreuses dispositions de coordination relatives aux lois-cadres d'équilibre des finances publiques.

Décision de la commission : votre commission a donné un avis favorable à cet article.

ARTICLE 8 (article 49 de la Constitution) - Engagement de la responsabilité du Gouvernement sur un projet de LCEFP

Commentaire : le présent article permet au Gouvernement d'engager la responsabilité du Gouvernement sur un projet de loi-cadre d'équilibre des finances publiques (LCEFP).

Le présent article permet au Gouvernement d'engager la responsabilité du Gouvernement sur un projet de loi-cadre d'équilibre des finances publiques (LCEFP), dans le cadre de la procédure prévue par le troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution.

L'article 49 de la Constitution (troisième alinéa)

Texte actuel

Texte résultant du présent article

Le Premier Ministre peut, après délibération du Conseil des Ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée Nationale sur le vote d'un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l'alinéa précédent. Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session.

Le Premier Ministre peut, après délibération du Conseil des Ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée Nationale sur le vote d'un projet de loi-cadre d'équilibre des finances publiques, de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l'alinéa précédent. Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session.

Source : commission des finances

L'Assemblée nationale a adopté le présent article sans modification le présent article, qui constitue l'une des nombreuses dispositions de coordination relatives aux lois-cadres d'équilibre des finances publiques.

Décision de la commission : votre commission a donné un avis favorable à cet article.

ARTICLE 9 (article 61 de la Constitution) - Soumission automatique des LCEFP au Conseil constitutionnel et contrôle par celui-ci de la conformité des LF et LFSS à la loi-cadre

Commentaire : le présent article prévoit la soumission automatique des lois-cadres d'équilibre des finances publiques (LCEFP) au Conseil constitutionnel, ainsi que le contrôle automatique par le Conseil constitutionnel de la conformité des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale à la loi-cadre.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article est l'un des plus importants du présent projet de loi constitutionnelle.

Il prévoit :

- la soumission automatique des lois-cadres d'équilibre des finances publiques (LCEFP) au Conseil constitutionnel ;

- à la suite d'un amendement de la commission des finances de l'Assemblée nationale, le contrôle automatique par le Conseil constitutionnel de la conformité des lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale à la loi-cadre.

L'article 61 de la Constitution

Texte actuel

Texte résultant du présent article après son examen par l'Assemblée nationale

Art. 61. - Les lois organiques, avant leur promulgation, les propositions de loi mentionnées à l'article 11 avant qu'elles ne soient soumises au référendum, et les règlements des assemblées parlementaires, avant leur mise en application, doivent être soumis au Conseil Constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à la Constitution.

Art. 61. - Les lois organiques et les lois-cadres d'équilibre des finances publiques , avant leur promulgation, les propositions de loi mentionnées à l'article 11 avant qu'elles ne soient soumises au référendum, et les règlements des assemblées parlementaires, avant leur mise en application, doivent être soumis au Conseil Constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à la Constitution.

Aux mêmes fins, les lois peuvent être déférées au Conseil Constitutionnel, avant leur promulgation, par le Président de la République, le Premier Ministre, le Président de l'Assemblée Nationale, le Président du Sénat ou soixante députés ou soixante sénateurs.

Les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale, avant leur promulgation, doivent être soumises au Conseil constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à la loi-cadre d'équilibre des finances publiques.

Dans les cas prévus aux deux alinéas précédents, le Conseil Constitutionnel doit statuer dans le délai d'un mois. Toutefois, à la demande du Gouvernement, s'il y a urgence, ce délai est ramené à huit jours.

[ ] L e Conseil Constitutionnel doit statuer dans le délai d'un mois. Toutefois, à la demande du Gouvernement, s'il y a urgence, ce délai est ramené à huit jours.

Dans ces mêmes cas, la saisine du Conseil Constitutionnel suspend le délai de promulgation.

[ ] L a saisine du Conseil Constitutionnel suspend le délai de promulgation.

Source : commission des finances

II. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

1. Un contrôle automatique de la conformité des lois financières annuelles à la loi-cadre

L'Assemblée nationale a adopté un amendement de sa commission des finances, instaurant un contrôle automatique par le Conseil constitutionnel de la conformité des lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale à la loi-cadre.

L'objet de la saisine automatique du Conseil constitutionnel est limité au contrôle de conformité à la loi-cadre. Dès lors, pour un examen complet d'une loi financière par le Conseil constitutionnel, il faudra deux saisines, l'une automatique et l'autre facultative :

- le Conseil constitutionnel sera automatiquement saisi des lois financières pour apprécier leur conformité à la loi-cadre ;

- cependant, s'il n'est pas par ailleurs saisi dans les conditions de droit commun par soixante députés ou sénateurs, il devra s'abstenir de censurer les éventuelles inconstitutionnalités qu'il aura pu identifier.

2. L'absence, dans le texte de l'Assemblée nationale, de contrôle conjoint par le Conseil constitutionnel de la loi de finances et de la loi de financement

L'Assemblée nationale n'a en revanche pas adopté l'amendement de sa commission des finances, tendant à allonger à deux mois le délai dont le Conseil constitutionnel dispose pour les lois-cadres, lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale. L'objet de cet amendement était de permettre au Conseil constitutionnel de se prononcer conjointement sur la loi de financement de la sécurité sociale et la loi de finances.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

L'Assemblée nationale a amélioré de façon décisive le présent article, en prévoyant un contrôle automatique, par le Conseil constitutionnel, de la conformité des lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale à la loi-cadre.

En l'absence d'un tel contrôle automatique, la règle d'équilibre proposée par le présent projet de loi constitutionnelle n'aurait pu être présentée comme contraignante.

Le présent article présente cependant encore certaines ambiguïtés, qu'il convient de lever.

A. LE CHAMP DU CONTRÔLE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

1. Les points ne posant pas de difficulté

a) Il est pertinent de prévoir que le contrôle concerne toutes les lois de finances ou de financement de la sécurité sociale

Dans l'état actuel du texte, toutes les lois financières (initiales et rectificatives ) doivent être examinées par le Conseil constitutionnel pour examen de la conformité à la loi-cadre.

On pourrait craindre a priori que cela signifie que chaque loi financière, y compris les lois rectificatives, devra être équilibrée sur le plan des recettes. Si tel était le cas, cela pourrait aboutir à un « saucissonnage » de la politique fiscale, toute mesure nouvelle réduisant les prélèvements obligatoires devant être compensée dans le même texte par une mesure nouvelle les augmentant à due concurrence, aussi faibles que soient les montants concernés.

Cependant, en pratique, la loi organique permettra que des mesures nouvelles négatives (tendant à réduire les recettes) soient compensées par des économies supplémentaires sur les dépenses. C'est ce que le Gouvernement indique dans l'exposé des motifs du présent projet de loi constitutionnelle : « La fongibilité entre plafonds de dépenses et mesures nouvelles en recettes pourra être autorisée afin de garantir au législateur une certaine marge de manoeuvre, tout en préservant l'effort global de redressement des finances publiques ». C'est aussi ce que préconise le rapport Camdessus, de même que le I de l'article 15 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011-2014, tel que modifié à l'initiative de votre commission des finances.

Si le contrôle de conformité était limité aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale initiales , on courrait le risque d'un décalage entre les mesures nouvelles cumulées prévues par la loi-cadre et celles effectivement prises. On pourrait par exemple imaginer qu'un Gouvernement fasse adopter chaque année des lois de financement initiales conformes à la loi-cadre, puis adopte en cours d'année des dispositions coûteuses relatives aux dépenses ou aux recettes.

b) La loi organique devra prévoir que la correction des dérapages constatés en exécution incombera aux plus prochaines lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale initiales

L'Assemblée nationale a prévu que les « écarts constatés lors de l'exécution des lois de finances et de l'application des lois de financement de la sécurité sociale sont compensés dans les conditions prévues par une loi organique ».

Le ministre du budget a déclaré, lors de son audition du 24 mai 2011 reproduite en annexe au présent rapport pour avis, que « la correction des écarts passe par la mise en place d'un compte de contrôle », ce qui correspond à la solution retenue par l'Allemagne.

En pratique, il conviendra, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, d'inscrire dans la loi organique que l'apurement de ce compte de contrôle se fait dans les prochaines lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale initiales.

c) Dans le cas des taux des cotisations sociales, un contrôle qui par nature ne portera que sur des promesses

(1) Les taux des cotisations sociales sont du domaine réglementaire

L'article 34 de la Constitution, que ce soit dans sa rédaction actuelle ou dans celle résultant de l'article premier du présent projet de loi constitutionnelle, prévoit que les taux des cotisations sociales ne sont pas du domaine de la loi , mais du domaine réglementaire.

Ainsi, paradoxalement, le contrôle de conformité à la loi-cadre portera notamment sur de simples « engagements politiques » du Gouvernement. En effet, l'annexe 9 aux projets de loi de financement de la sécurité sociale, qui comporte les mesures nouvelles, ne modifie pas le droit en elle-même. L'article LO 111-4 du code de la sécurité sociale prévoit que « sont jointes au projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année des annexes (...) présentant les mesures nouvelles introduites au cours de l'année précédente et de l'année en cours ainsi que celles envisagées pour l'année à venir et évaluant l'impact financier de l'ensemble de ces mesures », mais il ne s'agit que de prévisions.

A titre d'exemple, le tableau ci-après récapitule les mesures nouvelles sur les recettes prévues pour 2011. Si une seule d'entre elles relevait du domaine réglementaire (la hausse du taux des cotisations relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, pour le montant peu significatif de 0,4 milliard d'euros), la situation ne sera pas forcément toujours celle-là dans les années à venir.

La répartition des mesures nouvelles entre projet de loi de finances et projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011

(en milliards d'euros)

2011

2012

Cumul

Total

PLF

PLFSS

Domaine réglementaire

Sous total réforme des retraites

3

0,2

3,2

1

2,2

Mesures portant sur les stock-options et les retraites chapeau

0,2

0

0,2

0,2

Imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières au 1 er euro

0

0,2

0,2

0,2

Annualisation des allégements généraux de cotisations sociales

2

0

2

2

Suppression du crédit d'impôt sur les dividendes

0,6

0

0,6

0,6

Suppression du plafonnement de la quote-part pour frais et charges sur les dividendes

0,2

0

0,2

0,2

Sous total financement de la dette sociale

3,8

-0,2

3,6

3,6

0

Taxation des sommes placées dans la réserve de capitalisation par les sociétés d'assurance*

1,1

0

1,1

1,1

Imposition aux contributions sociales des compartiments euros des contrats d'assurance vie multisupport au fil de l'eau

1,6

-0,2

1,4

1,4

Imposition à la TSCA à taux réduit des contrats d'assurance maladie solidaires et responsables

1,1

0

1,1

1,1

Sous total autres mesures niches PLF 2011

2,2

2

4,2

4,1

0

Suppression du taux réduit de TVA sur les offres composites triple play

1,1

0

1,1

1,1

Aménagement des dispositifs d'aide à l'investissement dans des équipements photovoltaïques

0

0,7

0,8

0,8

Révision des modalités de déclarations de revenus (mariage, PACS, divorce)

0

0,5

0,5

0,5

Recentrage des dispositifs d'aide à l'investissement dans les PME

0

0,1

0,1

0,1

Application de la taxe sur le véhicule de tourisme de société aux véhicules immatriculés N1

0,9

0

0

0

Suppression ou réduction d'exonérations de cotisations employeurs

0

0,3

1,2

1,2

Réductions de 10 % d'un ensemble de crédits et réductions d'impôt sur le revenu

0

0,4

0,4

0,4

Sous total autres mesures niches PLFSS 2011

0,4

0

0,4

0

0,5

Hausse du forfait social

0,4

0

0,4

0,4

Limitation du champ de la déduction de 3 % de CSG pour frais professionnels

0

0

0

0

Assujettissement aux cotisations sociales des rémunérations versées par des tiers

0,1

0

0,1

0,1

TOTAL NICHES FISCALES ET SOCIALES

9,4

2

11,4

8,7

2,7

Contribution supplémentaire de 1 % sur les hauts revenus et sur les revenus du capital**

0,5

0

0,5

0,5

Hausse du taux de cotisations ATMP**

0,4

0

0,4

0,4

Taxe systémique sur les banques

0,5

0,1

0,6

0,6

Réforme de l'accession à la propriété

0

0,6

0,6

0,6

TOTAL RECETTES NOUVELLES

10,9

2,6

13,5

10,4

2,7

0,4

(*) La mesure comporte deux volets : taxation du stock des sommes mise en réserve (affectée à la CADES) et taxation des flux futurs (affectés au budget général).

(**) Affectée au financement de la réforme des retraites.

Sources : rapport du Gouvernement sur les prélèvements obligatoires et leur évolution, commission des finances

(2) Une situation insatisfaisante qu'il ne paraît pas possible de faire évoluer à ce stade

Cette situation est, de toute évidence, insatisfaisante.

En effet, le présent projet de loi constitutionnelle pourrait inciter les futurs gouvernements à proposer, dans les annexes 9 aux projets de lois de financement de la sécurité sociale, des augmentations de taux de cotisations sociales qu'ils ne mettraient pas en oeuvre.

Indépendamment du présent projet de loi constitutionnelle, on pourrait s'interroger sur la compatibilité de la situation actuelle avec le principe de consentement à l'impôt. Si une telle exclusion du domaine de la loi avait un sens en 1958, elle est aujourd'hui plus contestable, alors que le montant des recettes des administrations de sécurité sociale est supérieur à celui des recettes de l'Etat.

2. Une modification à apporter : prévoir que le contrôle porte conjointement sur l'ensemble constitué par la loi de finances et la loi de financement initiales

a) Une préconisation formulée il y a un an par la commission des finances du Sénat

La note adressée le 17 mai 2010 par le président et le rapporteur général de la commission des finances, reproduite en annexe au présent rapport pour avis, considérait que, pour que le contrôle soit effectif, le contrôle du Conseil constitutionnel sur les lois financières devait être obligatoire et, s'agissant du « bloc » composé de la loi de finances initiale et de la loi de financement de la sécurité sociale,  conjoint (c'est-à-dire que le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale devaient être examinés ensemble par le Conseil constitutionnel).

Le contrôle conjoint est une nécessité dès lors, notamment, que les planchers de mesures nouvelles sur les recettes sont exprimés de manière consolidée et peuvent être déclinés indifféremment en loi de finances et en loi de financement. Dans le schéma actuel, le Conseil constitutionnel, lorsqu'il examine le projet de loi de financement de la sécurité sociale, ne connaît pas le contenu de la loi de finances initiale. En l'absence de contrôle conjoint, puisqu'il n'aurait qu'une vision partielle des choix du Parlement, le Conseil constitutionnel ne pourrait donc pas, en examinant le projet de loi de financement de la sécurité sociale, déterminer si le plancher de mesures nouvelles en recettes est respecté (ou si son non respect est compensé par des mesures en dépenses, conformément au principe de fongibilité). Seul un contrôle conjoint, ou simultané, des deux textes peut procurer la nécessaire vision d'ensemble.

La commission des finances de l'Assemblée nationale avait perçu cette nécessité et avait déposé deux amendements. L'un, adopté, prévoyait le contrôle obligatoire par le Conseil constitutionnel de la conformité des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale à la loi-cadre. L'autre, non adopté, allongeait les délais dans lesquels le Conseil constitutionnel peut examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale, de manière à lui permettre de se prononcer en même temps que sur le projet de loi de finances.

b) Un ajustement en cas de non-conformité à la loi-cadre qui, dans le texte issu de l'Assemblée nationale, repose sur le budget de l'Etat

Dans le texte issu de l'Assemblée nationale, le volet relatif aux recettes du projet de loi de financement de la sécurité sociale n'encourt, du point de vue de sa conformité à la loi-cadre, aucun risque de censure par le Conseil constitutionnel puisque par définition, ne connaissant pas le contenu du projet de loi de finances, la juridiction ne pourra pas apprécier sa conformité au plancher de mesures nouvelles en recettes.

Par conséquent, en cas d'insuffisance de mesures nouvelles constaté sur l'ensemble agrégé « PLFSS-PLF », c'est le projet de loi de finances qui sera automatiquement censuré et c'est le budget de l'Etat qui devra supporter l'ajustement, quand bien même ce serait déjà l'Etat qui supporterait l'essentiel des efforts.

c) La commission des lois du Sénat propose opportunément un contrôle conjoint des deux lois financières

La commission des lois du Sénat a adopté un amendement selon lequel « le Conseil constitutionnel examine conjointement, avant le 31 décembre de l'année au cours de laquelle elles ont été adoptées, la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale fixant les ressources et les charges d'un exercice ».

Il s'agit d'un apport essentiel au présent projet de loi constitutionnelle, que votre commission des finances soutient vivement.

B. PRÉCISER LES CONSÉQUENCES D'UNE NON-CONFORMITÉ À LA LOI-CADRE

Les conséquences d'une éventuelle non-conformité de la loi de finances (ou, en cas de contrôle conjoint, de l'ensemble constitué par loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale) à la loi-cadre ne vont pas de soi.

1. Une non-conformité à la loi-cadre est-elle une inconstitutionnalité ?

Certes, selon le premier alinéa de l'article 62 de la Constitution, « une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61 ne peut être promulguée ni mise en application ». Mais la non-conformité à la loi-cadre constitue-t-elle nécessairement une inconstitutionnalité ?

Ce point n'est pas évident. En effet, le présent article se contente de prévoir que le Conseil constitutionnel « se prononce sur l[a] conformité [des lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale] à la loi-cadre d'équilibre des finances publiques ».

Dans ces conditions, on ne peut exclure a priori que la non-conformité à la loi-cadre n'ait aucune conséquence juridique.

On pourrait d'ailleurs imaginer que le Conseil constitutionnel s'abstienne de se prononcer à ce sujet, se contentant d'indiquer que la loi de finances n'est pas conforme à la loi-cadre. Il faudrait alors choisir comment interpréter sa décision. En effet, actuellement le Conseil constitutionnel n'indique pas qu'il « censure » telle ou telle disposition, mais seulement qu'elle n'est pas conforme à la Constitution. Si ces dispositions ne sont pas promulguées, c'est parce que l'article 62 de la Constitution prévoit explicitement qu'elles ne peuvent pas l'être.

2. Si c'est une inconstitutionnalité : des conséquences probablement difficiles à mesurer

En supposant que le contrôle de conformité à la loi-cadre est bien un contrôle de constitutionnalité, on peut se demander quelles dispositions le Conseil constitutionnel déclarerait contraires à la Constitution.

Il pourrait considérer non-conforme la totalité de la loi de finances (ou, en cas de contrôle conjoint, de l'ensemble constitué de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale). Mais il pourrait tout autant décider que seules les dispositions relatives aux recettes et aux dépenses, ou même seules les dispositions augmentant les dépenses ou diminuant les recettes, ne sont pas conformes à la loi-cadre.

Les conséquences des différents choix possibles pour le Conseil constitutionnel sont difficilement prévisibles. Elles pourraient autant, paradoxalement, impliquer un effort supplémentaire trop modeste pour être dissuasives, ou au contraire avoir des conséquences potentiellement catastrophiques, en empêchant le Gouvernement de réduire le déficit.

a) En cas de censure de la loi de finances : des conséquences prévues par l'article 45 de la LOLF

Une non promulgation de la loi de finances à la suite d'une censure du Conseil constitutionnel entraînerait la demande d'urgence par le Gouvernement au Parlement de l'autorisation de percevoir les impôts, et l'ouverture par décret les crédits se rapportant aux « services votés ».

Certes, l'article 47 de la Constitution n'envisage que les cas de figure où le Parlement ne s'est pas prononcé dans un délai de 70 jours (auquel cas les dispositions du projet peuvent être mises en vigueur par ordonnance) et où le Gouvernement dépose le projet de loi de finances trop tard (auquel cas il demande d'urgence au Parlement l'autorisation de percevoir les impôts et ouvre par décret les crédits se rapportant aux « services votés »).

Cependant, la censure de la totalité de la loi de finances pour 1980, en raison du non respect de la disposition selon laquelle la seconde partie de la loi de finances de l'année ne peut être mise en discussion devant une assemblée avant le vote de la première partie, s'est traduite par l'application de cette seconde disposition.

Surtout, l'article 45 de la LOLF prévoit explicitement qu'en cas de censure de la totalité de la loi de finances, c'est cette seconde disposition qui s'applique. Cet article précise en particulier le contenu de la notion de « services votés », qui n'est plus d'usage aujourd'hui. Ceux-ci correspondent au maximum à l'application de la règle du « zéro valeur », vraisemblablement appliqué à l'ensemble des dépenses de l'Etat (donc y compris charge de la dette et pensions).

L'article 45 de la LOLF : extraits

« Si la loi de finances de l'année ne peut être promulguée ni mise en application en vertu du premier alinéa de l'article 62 de la Constitution, le Gouvernement dépose immédiatement devant l'Assemblée nationale un projet de loi spéciale l'autorisant à continuer à percevoir les impôts existants jusqu'au vote de la loi de finances de l'année. Ce projet est discuté selon la procédure d'urgence.

« Après avoir reçu l'autorisation de continuer à percevoir les impôts soit par la promulgation de la première partie de la loi de finances de l'année, soit par la promulgation d'une loi spéciale, le Gouvernement prend des décrets ouvrant les crédits applicables aux seuls services votés.

« La publication de ces décrets n'interrompt pas la procédure de discussion du projet de loi de finances de l'année, qui se poursuit dans les conditions prévues par les articles 45 et 47 de la Constitution et par les articles 40, 42, 43 et 47 de la présente loi organique.

« Les services votés, au sens du quatrième alinéa de l'article 47 de la Constitution, représentent le minimum de crédits que le Gouvernement juge indispensable pour poursuivre l'exécution des services publics dans les conditions qui ont été approuvées l'année précédente par le Parlement. Ils ne peuvent excéder le montant des crédits ouverts par la dernière loi de finances de l'année. »

? La censure de l'ensemble de la loi de finances : un impact faiblement positif, voire négatif, sur le solde

Une censure de l'ensemble de la loi de finances aurait un impact faiblement positif, voire négatif, sur le solde.

Certes, les dépenses de l'Etat augmenteraient un peu moins vite, si on considère que la reconduction des « services votés » oblige à respecter le « zéro valeur » au niveau de l'ensemble des dépenses de l'Etat, au lieu du « zéro volume » aujourd'hui. L'amélioration du solde résultant de la censure serait alors de l'ordre de 6 milliards d'euros (soit l'équivalent de l'augmentation des dépenses de l'Etat résultant de l'inflation).

En sens inverse, dans le contexte actuel, il est vraisemblable que les mesures nouvelles sur les recettes seraient nettement positives (c'est-à-dire tendraient nettement à les accroître). On rappelle que la loi de programmation des finances publiques 2011-2014 prévoit, sur l'ensemble Etat et régimes obligatoires de base de sécurité sociale, des mesures nouvelles d'au moins 11 milliards d'euros en 2011, et 3 milliards d'euros chacune des trois années suivantes.

Par conséquent, dans un contexte d'augmentation des prélèvements obligatoires, il n'est pas exclu qu'une censure du Conseil constitutionnel ait pour résultat paradoxal de dégrader fortement le solde.

Dans certains cas de figure, les conséquences pourraient être catastrophiques. On peut imaginer le cas d'un Gouvernement qui - par exemple parce qu'il ferait le choix de préserver les dépenses des administrations de sécurité sociale - prévoirait de faire porter la totalité de l'effort de réduction du déficit public sur l'Etat, par le respect du « zéro valeur » sur les dépenses de celui-ci, et des mesures nouvelles de 10 milliards d'euros sur ses recettes. En cas de censure du Conseil constitutionnel, l'ouverture des seuls « services votés » ne représenterait aucune économie supplémentaire, et l'annulation des mesures relatives aux recettes aggraverait le déficit de 10 milliards d'euros par rapport à l'absence de censure.

Compte tenu de l'extrême sensibilité des marchés financiers, il s'agit d'un scénario que l'on ne peut se permettre de rendre possible. L'objectif du présent projet de loi constitutionnelle n'est pas d'enclencher une hausse des taux d'intérêt qui, une fois qu'elle aurait commencé, pourrait être très difficile à arrêter.

Tel est d'autant plus le cas que si une telle censure suscitait une crise politique empêchant le Gouvernement de prendre les mesures nécessaires avant six mois, celui-ci se trouverait dans la situation de devoir choisir entre réviser la loi-cadre et prendre des mesures pour des montants deux fois plus élevés en « régime de croisière » (par exemple, en augmentant la TVA de 2 points au lieu d'1 point), puisque les mesures ne s'appliqueraient plus que sur une demi-année.

Il ne faut donc pas se désintéresser des conséquences d'une non-conformité à la loi-cadre, en considérant qu'il appartient au Conseil constitutionnel de « faire au mieux ». Le Conseil constitutionnel sera tenu par sa jurisprudence antérieure, et ne pourra décider, une année donnée, de ne pas appliquer son interprétation du présent article, au motif que cela serait économiquement dommageable. Le sujet est trop important pour que le constituant s'en désintéresse.

? La censure des seules dispositions augmentant les dépenses ou réduisant les recettes : une solution « de bon sens » ?

Une solution a priori « de bon sens » serait que le Conseil constitutionnel se contente de déclarer non-conformes à la Constitution les dispositions augmentant les dépenses (c'est-à-dire, si tel est leur cas, les dispositions de l'article d'équilibre relatives aux dépenses) ou réduisant les recettes.

Dans ces conditions, on peut supposer que, faute d'autre disposition, l'article 45 de la LOLF s'appliquerait partiellement, le Gouvernement prenant des décrets ouvrant les crédits applicables aux seuls services votés. Les dispositions augmentant les recettes continueraient quant à elles de s'appliquer.

Cependant, il n'est pas certain que le Conseil constitutionnel estime disposer d'une telle « liberté jurisprudentielle ».

? Dans tous les cas de figure, un respect de la loi-cadre qui risque de ne pas être assuré

Quelle que soit la solution retenue, le respect de la loi-cadre ne serait pas assuré.

En effet, une censure ne permettrait pas une « rigueur » supérieure à celle résultant du « zéro valeur » sur l'ensemble des dépenses de l'Etat et de l'absence de mesures nouvelles sur les recettes.

Si, par exemple, le projet de loi de finances prévoit le respect du « zéro volume » et ne comprend pas de mesures sur les recettes, le Conseil constitutionnel peut réduire le déficit budgétaire de 6 milliards d'euros au maximum. Mais si, par ailleurs, la loi de financement de la sécurité sociale prévoit un déficit tel que l'ensemble constitué par l'Etat et les régimes obligatoires de base présente, avant la censure de la loi de finances, un déficit supérieur de, par exemple, 10 milliards d'euros à celui prévu par la loi-cadre, le Conseil constitutionnel ne pourra pas imposer le respect de cette dernière.

b) En cas de censure de la loi de financement de la sécurité sociale : la reconduction du droit existant

Contrairement de la censure d'une loi de finances, qui nécessite la mise en oeuvre de dispositions particulières, prévues par la LOLF, une censure de la loi de financement de la sécurité sociale ne ferait pas obstacle à la poursuite des dépenses des régimes de base et à la perception des recettes, selon le droit en vigueur.

Par conséquent, l'impact sur le solde d'une censure de la loi de financement, dans le contexte actuel d'accroissement des prélèvements obligatoires et de maîtrise de la dépense, serait nécessairement négatif puisqu'aucune économie ne serait à attendre du côté des dépenses, et que les éventuelles mesures nouvelles sur les recettes ne pourraient pas entrer en vigueur.

Compte tenu du fait qu'une censure totale de la loi de finances aurait un effet incertain sur le solde, et qu'une censure de la loi de financement se traduirait vraisemblablement par une dégradation de ce solde, il convient d'envisager, pour des raisons de crédibilité de la politique des finances publiques, qu'une éventuelle non-conformité des lois financières annuelles à la loi-cadre ait d'autres conséquences que l'impossibilité pour ces deux textes d'entrer en vigueur.

3. Préciser dans la Constitution que les conséquences d'une non-conformité à la loi-cadre seraient déterminées dans la future loi organique

Il n'est pas possible de se satisfaire d'un dispositif imprécis s'agissant des conséquences de la non-conformité à la loi-cadre de la loi de finances (ou de l'ensemble constitué de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale).

Par conséquent, votre commission vous soumet un amendement aux termes duquel la Constitution renverrait à la loi organique la détermination des conséquences d'une éventuelle non-conformité à la loi-cadre.

Ce texte pourrait, par exemple, préciser qu'en cas de non-conformité à la loi-cadre :

- la disposition du quatrième alinéa de l'article 47 de la Constitution selon laquelle le Gouvernement ouvre par décret les crédits se rapportant aux « services votés » s'applique ;

- les mesures nouvelles tendant à réduire les recettes sont annulées ;

- les mesures nouvelles tendant à les accroître sont maintenues ;

- le solde nécessaire pour compenser l'effort manquant est financé par une augmentation prédéterminée d'un certain prélèvement, par exemple du taux normal de la TVA, sauf si le Gouvernement prend les mesures nécessaires dans un certain délai.

En l'absence de dispositions de ce type, le contrôle par le Conseil constitutionnel ne pourrait pas efficacement assurer le respect de la loi-cadre, et donc jouer un rôle « dissuasif », faute de conséquences pratiques suffisantes et connues à l'avance.

Décision de la commission : votre commission a donné un avis favorable à cet article, sous réserve de l'adoption de l'amendement qu'elle vous soumet.

ARTICLE 9 bis nouveau (article 61-2 nouveau de la Constitution) - Contrôle constitutionnel du respect du monopole

Commentaire : le présent article prévoit que le non respect du monopole des lois financières s'agissant des dispositions relatives aux prélèvements obligatoires est un motif d'inconstitutionnalité, dans le cadre du contrôle de constitutionnalité de droit commun.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article a été inséré par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement.

Il tend à insérer dans la Constitution un article 61-2 prévoyant que « lorsqu'il est saisi d'une loi autre que celles mentionnées au vingtième alinéa de l'article 34 [c'est-à-dire autre qu'une loi de finances ou qu'une loi de financement de la sécurité sociale] , dans les conditions prévues à l'article 61 [c'est-à-dire dans le cadre du contrôle de constitutionnalité « de droit commun »] , le Conseil constitutionnel examine la conformité à la Constitution des dispositions qui méconnaissent le domaine réservé à la loi de finances et à la loi de financement de la sécurité sociale tel qu'il est défini en application des articles 34 [domaine de la loi] , 47 et 47-1 ».

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UN ARTICLE QUI VA AU-DELÀ DE L'IRRECEVABILITÉ PRÉVUE PAR L'ARTICLE 2 BIS

L'article 2 bis du présent projet de loi constitutionnelle, inséré à l'initiative de la commission des lois de l'Assemblée nationale, étend l'irrecevabilité de l'article 41 de la Constitution au respect des monopoles des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale. Ce dernier article prévoit actuellement que, s'il apparaît au cours de la procédure législative qu'une proposition ou un amendement n'est pas du domaine de la loi ou est contraire à une délégation accordée en vertu de l'article 38, le Gouvernement ou le président de l'assemblée saisie peut opposer l'irrecevabilité.

Cependant, les dispositions de l'article 2 bis , combinées à celles relatives au monopole, créent une ambiguïté sur le fait de savoir si une disposition ne respectant pas le monopole mais figurant malgré tout dans la loi « non financière » serait ou non conforme à la Constitution.

Le présent article tend à lever cette ambiguïté, en précisant que le non respect du monopole est bien une inconstitutionnalité.

B. UN ARTICLE QUI, S'IL ÉTAIT MAINTENU, DEVRAIT VOIR SA RÉDACTION AMÉLIORÉE

Le présent article présente plusieurs défauts rédactionnels.

Tout d'abord, il prévoit que le Conseil constitutionnel « examine la conformité à la Constitution des dispositions qui méconnaissent le domaine réservé à la loi de finances et à la loi de financement de la sécurité sociale ». Il est étrange de préjuger de la méconnaissance du monopole, alors même que c'est le respect de ce monopole que le Conseil constitutionnel est censé vérifier.

Cette rédaction paradoxale provient d'un sous-amendement à l'amendement du Gouvernement, adopté à l'initiative de notre collègue député Charles de Courson. En effet, dans sa rédaction initiale l'amendement du Gouvernement prévoyait que « lorsqu'il est saisi d'une loi autre que celles mentionnées au vingtième alinéa de l'article 34, dans les conditions prévues à l'article 61 de la Constitution, le Conseil constitutionnel déclare contraires à la Constitution les dispositions qui méconnaissent le domaine réservé à la loi de finances et à la loi de financement de la sécurité sociale ».

Par ailleurs, on ne voit pas l'utilité de la référence aux articles 47 et 47-1 de la Constitution. Ces dispositions ne concernent en effet pas le monopole, comme le montre l'encadré ci-après.

Les articles 47 et 47-1 de la Constitution, dans la rédaction résultant du présent projet de loi constitutionnelle

Art. 47. - Le Parlement vote les projets de loi de finances dans les conditions prévues par une loi organique. Il ne peut être adopté définitivement de loi de finances en l'absence de loi-cadre d'équilibre des finances publiques applicable à l'exercice concerné.

Le projet de loi de finances fixant les ressources et les charges d'un exercice est déposé au plus tard le 15 septembre de l'année qui précède cet exercice.

Si l'Assemblée Nationale ne s'est pas prononcée en première lecture dans le délai de quarante jours après le dépôt d'un projet de loi de finances, le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours. Il est ensuite procédé dans les conditions prévues à l'article 45.

Si le Parlement ne s'est pas prononcé dans un délai de soixante-dix jours, les dispositions du projet peuvent être mises en vigueur par ordonnance.

Si la loi de finances fixant les ressources et les charges d'un exercice n'a pas été déposée en temps utile pour être promulguée avant le début de cet exercice, le Gouvernement demande d'urgence au Parlement l'autorisation de percevoir les impôts et ouvre par décret les crédits se rapportant aux services votés. Il est procédé de même en l'absence de loi-cadre d'équilibre des finances publiques applicable à l'exercice concerné.

Les délais prévus au présent article sont suspendus lorsque le Parlement n'est pas en session.

Art. 47-1. - Le Parlement vote les projets de loi de financement de la sécurité sociale dans les conditions prévues par une loi organique. Il ne peut être adopté définitivement de loi de financement de la sécurité sociale en l'absence de loi-cadre d'équilibre des finances publiques applicable à l'exercice concerné.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui détermine les conditions générales de son équilibre financier pour un exercice est déposé au plus tard le 1 er octobre de l'année qui précède cet exercice.

Si l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée en première lecture dans le délai de vingt jours après le dépôt d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours. Il est ensuite procédé dans les conditions prévues à l'article 45.

Si le Parlement ne s'est pas prononcé dans un délai de cinquante jours, les dispositions du projet peuvent être mises en oeuvre par ordonnance.

Les délais prévus au présent article sont suspendus lorsque le Parlement n'est pas en session et, pour chaque assemblée, au cours des semaines où elle a décidé de ne pas tenir séance, conformément au deuxième alinéa de l'article 28.

C. UNE DISPOSITION DONT L'OBJECTIF PEUT ÊTRE ATTEINT PAR D'AUTRES MOYENS

Le présent article a été présenté comme l'une des dispositions de conséquence du monopole instauré par l'article premier.

Si, comme le propose la commission des lois du Sénat, ce monopole était remplacé par une obligation de validation en loi financière des dispositions relatives aux prélèvements obligatoires adoptées dans une loi ordinaire, le présent article devrait être supprimé.

Si, comme le souhaite votre commission des finances, le monopole était préservé et complété par la possibilité de « coupler » la présentation d'une loi sectorielle avec, si nécessaire, celle d'une loi financière rectificative, le dispositif proposé par l'article 2 bis ne serait plus nécessaire. Par coordination, son corollaire, proposé par le présent article, devrait être également supprimé.

Décision de la commission : votre commission a donné un avis défavorable à cet article et vous soumet un amendement tendant à sa suppression.

ARTICLE 10 (article 70 de la Constitution) - Consultation du Conseil économique, social et environnemental

Commentaire : le présent article propose de prévoir que le Conseil économique, social et environnemental peut être consulté sur les projets de loi-cadre d'équilibre des finances publiques.

Le présent article propose de prévoir que le Conseil économique, social et environnemental (CESE) peut être consulté par le Gouvernement non sur les « projets de loi de programmation définissant les orientations pluriannuelles des finances publiques » (c'est-à-dire les lois de programmation des finances publiques), comme actuellement, mais sur les « projets de loi-cadre d'équilibre des finances publiques ».

L'article 70 de la Constitution

Texte actuel

Texte résultant du présent article

Le Conseil économique, social et environnemental peut être consulté par le Gouvernement et le Parlement sur tout problème de caractère économique, social ou environnemental. Le Gouvernement peut également le consulter sur les projets de loi de programmation définissant les orientations pluriannuelles des finances publiques. Tout plan ou tout projet de loi de programmation à caractère économique, social ou environnemental lui est soumis pour avis.

Le Conseil économique, social et environnemental peut être consulté par le Gouvernement et le Parlement sur tout problème de caractère économique, social ou environnemental. Le Gouvernement peut également le consulter sur les projets de loi-cadre d'équilibre des finances publiques. Tout plan ou tout projet de loi de programmation à caractère économique, social ou environnemental lui est soumis pour avis.

Source : commission des finances

L'Assemblée nationale a adopté sans modification le présent article, qui constitue l'une des nombreuses dispositions de coordination relatives aux lois-cadres d'équilibre des finances publiques.

Décision de la commission : votre commission a donné un avis favorable à cet article.

ARTICLE 11 (article 72-2 de la Constitution) - Monopole des lois de finances pour l'habilitation des collectivités territoriales à fixer l'assiette et le taux des impositions de toute nature, et pour la compensation des créations ou extensions de compétences

Commentaire : le présent article propose de prévoir le monopole des lois de finances pour l'habilitation des collectivités territoriales à fixer l'assiette et le taux des impositions de toute nature, et pour la compensation des créations ou extensions de compétences.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose de prévoir le monopole des lois de finances :

- pour l'habilitation des collectivités territoriales à fixer l'assiette et le taux des impositions de toute nature, c'est-à-dire des impôts (dans son 1°) ;

- pour la compensation des créations ou extensions de compétences (dans son 2°).

En outre, le 1° procède, au deuxième alinéa de l'article 72-2, au remplacement, purement formel, de l'expression « impositions de toutes natures » par l'expression « impositions de toute nature ».

L'article 72-2 de la Constitution

Texte actuel

Texte résultant du présent article

Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi.

1° du présent article

Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine.

Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toute nature . La loi de finances peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine.

Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en oeuvre.

2° du présent article

Tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi.

Tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi de finances .

Source : commission des finances

*

L'Assemblée nationale a adopté le présent article sans modification.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article est l'une des nombreuses dispositions de coordination relatives aux lois-cadres d'équilibre des finances publiques.

Le tableau ci-après permet en effet de comparer la rédaction actuelle de l'article 72-2 de la Constitution et celle résultant du 2° du présent article.

L'article 72-2 de la Constitution : la modification apportée au quatrième alinéa par le 2° du présent article

Texte actuel

Texte résultant du présent article

Tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi.

Tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi de finances .

Source : commission des finances

On rappelle que la Constitution distingue plusieurs notions en matière de décentralisation :

- les transferts de compétences (qui concernent des compétences jusqu'alors exercées par l'Etat) doivent être compensés à l'euro près ;

- les créations ou extensions de compétences (qui concernent des dépenses exercées par les collectivités territoriales) doivent être compensées d'une manière déterminée par la loi, qui peut ne pas être à l'euro près.

Bien que l'article 72-2 de la Constitution ne le précise pas, c'est d'ores et déjà la loi de finances qui compense les transferts, créations ou extensions de compétences. En effet, l'article 36 de la LOLF prévoit que « l'affectation, totale ou partielle, à une autre personne morale d'une ressource établie au profit de l'Etat ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances ». Par ailleurs, les crédits budgétaires et prélèvements sur les recettes de l'Etat sont également du domaine exclusif de la loi de finances.

Si le 2° du présent article ne modifie donc pas le droit existant, il introduit une ambiguïté .

En effet, dès lors que seule la seconde phrase de l'alinéa concerné (celle relative aux créations et transferts de compétences) se réfère à « la loi », le 2° du présent article se contente de modifier cette phrase, qui serait donc la seule à se référer aux lois de finances. L'asymétrie entre la première et la deuxième phrase de l'alinéa serait accentuée, et pourrait donner l'impression que le constituant a souhaité un monopole limité aux et créations et extensions de compétences.

C'est pourtant l'interprétation inverse qui doit prévaloir, celle d'un parallélisme entre les règles applicables aux créations, extensions et transferts de compétence.

Décision de la commission : votre commission a donné un avis favorable à cet article.

ARTICLE 12 (article 88-8 nouveau de la Constitution) - Transmission au Parlement des projets de programme de stabilité, avant transmission aux institutions européennes

Commentaire : le présent article prévoit la transmission au Parlement des projets de programme de stabilité, et la possibilité d'un vote n'engageant pas la responsabilité du Gouvernement.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

L'article 14 de la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, tel qu'il résulte de la rédaction adoptée à l'initiative de la commission des finances du Sénat, prévoit qu' « à compter de 2011, le Gouvernement adresse au Parlement, au moins deux semaines avant sa transmission à la Commission européenne en application de l'article 121 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le projet de programme de stabilité. Le Parlement débat de ce projet et se prononce par un vote ».

En s'inspirant de ce dispositif, le présent article, dans sa rédaction issue de l'Assemblée nationale, prévoit qu'« à la demande du Gouvernement ou d'un groupe parlementaire au sens de l'article 51-1, [le projet de programme de stabilité] donne lieu à un débat en séance, puis fait l'objet d'un vote sans engager la responsabilité du Gouvernement ».

Il s'agit donc d'une procédure inspirée de l'actuel article 50-1 de la Constitution.

Le dispositif proposé a été modifié sur quatre points par l'Assemblée nationale :

- à l'initiative de sa commission des finances, elle a inséré la disposition prévoyant que le projet de programme de stabilité doit être transmis au Parlement au moins deux semaines avant sa transmission à la Commission européenne ;

- à l'initiative de sa commission des lois, elle a prévu le vote du Parlement sur les programmes de stabilité et une référence explicite à l'avis de l'une des commissions permanentes ;

- à l'initiative de sa commission des lois, elle a adopté deux amendements rédactionnels.

L'article 88-8 (nouveau) de la Constitution proposé par le présent article

L'article 88-8 (nouveau) de la Constitution

Pour mémoire : dispositifs existants

Rédaction initiale

Rédaction adoptée par l'Assemblée nationale

Article 50-1 de la Constitution

Article 14 de la LPFP 2011-2014

Art. 88-8. - Le Gouvernement adresse à l'Assemblée nationale et au Sénat, avant leur transmission aux institutions de l'Union européenne, les projets de programme de stabilité établis au titre de la coordination des politiques économiques des États membres de l'Union européenne.

Art. 88-8. - Le Gouvernement transmet chaque année à l'Assemblée nationale et au Sénat, au moins deux semaines avant sa transmission aux institutions de l'Union européenne, le projet de programme de stabilité établi au titre de la coordination des politiques économiques des États membres de l'Union européenne.

Ce projet est soumis pour avis à l'une des commissions permanentes.

À la demande du Gouvernement ou d'un groupe parlementaire au sens de l'article 51-1, ce projet donne lieu à un débat en séance, puis fait l'objet d'un vote sans engager la responsabilité du Gouvernement.

Art. 50-1. - Devant l'une ou l'autre des assemblées, le Gouvernement peut, de sa propre initiative ou à la demande d'un groupe parlementaire au sens de l'article 51-1, faire, sur un sujet déterminé, une déclaration qui donne lieu à débat et peut, s'il le décide, faire l'objet d'un vote sans engager sa responsabilité.

A compter de 2011, le Gouvernement adresse au Parlement, au moins deux semaines avant sa transmission à la Commission européenne en application de l'article 121 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le projet de programme de stabilité. Le Parlement débat de ce projet et se prononce par un vote.

Source : commission des finances

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. DES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE DONT IL FAUT SE FÉLICITER

La précision apportée par les députés selon laquelle le projet de programme de stabilité est transmis au Parlement au moins deux semaines avant son envoi à la Commission européenne, de même que le principe d'un vote du Parlement, figurent d'ores et déjà à l'article 14 de la loi de programmation des finances publiques 2011-2014. Il aurait été paradoxal que le présent projet de loi constitutionnelle marque un recul en la matière.

Ce délai de deux semaines s'explique par le fait que, alors que le projet doit être transmis à la Commission européenne fin avril, l'Insee publie les résultats de l'année précédente seulement à la fin du mois de mars. Le Gouvernement devra donc transmettre le projet au Parlement à la mi-avril, ce qui lui laisse seulement deux semaines pour l'élaborer.

Le débat et le vote en séance publique seront organisés sur demande du Gouvernement ou d'un groupe politique. Cette souplesse par rapport à un débat et à un vote totalement automatiques permet d'envisager les cas dans lesquels, en année d'élection présidentielle par exemple, il ne sera pas forcément possible de réunir l'une ou l'autre des assemblées.

B. PRÉVOIR LA POSSIBILITÉ D'UNE RÉSOLUTION

Comme le Sénat a pu le constater lors de la première mise en oeuvre des dispositions de l'article 14 de la loi de programmation des finances publiques 2011-2014, le 27 avril 2011, la solution d'un débat suivi d'un vote ne permet une expression nuancée puisqu'elle contraint à se prononcer en faveur ou en défaveur de la déclaration du Gouvernement.

Un vote qui se traduirait par l'adoption d'une résolution serait plus opérationnel. Il aurait par exemple permis, dans le cas du programme de stabilité 2011-2014, d'approuver la trajectoire proposée par le Gouvernement tout en émettant des réserves sur les hypothèses macroéconomiques retenues et en invitant le Gouvernement à détailler davantage les mesures qu'il entend prendre pour respecter ses objectifs en termes de maîtrise des dépenses publiques.

Dès lors que le dispositif proposé par le présent article pour le vote du Parlement sur le projet de programme de stabilité prévoit la possibilité d'un avis des commissions permanentes, votre commission des finances vous soumet un amendement qui propose que cet avis puisse déboucher sur une proposition de résolution.

De même que pour les résolutions européennes mentionnées à l'article 88-4 de la Constitution, dont elles se rapprochent par leur objet et dont elles pourront s'inspirer s'agissant de la procédure, les conditions d'élaboration de ces résolutions d'un type nouveau relèveraient du règlement de chaque assemblée, qui serait libre de s'organiser selon ses souhaits.

C. PRÉVOIR EXPLICITEMENT LA POSSIBILITÉ D'UN AVIS DE PLUSIEURS COMMISSIONS SUR LE PROGRAMME DE STABILITÉ

Le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit que le projet de programme de stabilité « est soumis pour avis à l'une des commissions permanentes ».

Bien que la rédaction soit identique à celle actuellement retenue par l'article 43 de la Constitution, et que l'objet de l'amendement de la commission des lois de l'Assemblée nationale, à l'origine de cette disposition, précise que plusieurs commissions pourront émettre un avis, la commission des lois du Sénat propose à juste titre de lever cette ambiguïté en écrivant explicitement qu' « une ou plusieurs commissions permanentes » pourront donner un avis sur le projet de programme.

Décision de la commission : votre commission a donné un avis favorable à cet article, sous réserve de l'adoption de l'amendement qu'elle vous soumet.

ARTICLE 13 - Entrée en vigueur des dispositions du présent projet de loi constitutionnelle

Commentaire : le présent article concerne les modalités d'entrée en vigueur des différents articles du présent projet de loi constitutionnelle.

Il résulte du présent article que les dispositions relatives aux lois-cadres d'équilibre des finances publiques (LCEFP) n'entreraient en vigueur qu'à la date fixée par la future loi organique.

Les autres dispositions seraient en revanche d'application immédiate. Cela concerne :

- le monopole des lois de finances initiales et lois de financement de la sécurité sociale prévu par les articles premier (impositions de toute nature et principes fondamentaux des autres ressources de la sécurité sociale) et 11 (autonomie financière des collectivités territoriales) ;

- la transmission du projet de programme de stabilité prévue par l'article 88-8 (nouveau) de la Constitution proposé par l'article 12.

L'Assemblée nationale a adopté deux amendements rédactionnels et un amendement de coordination.

Votre commission des finances vous soumet un amendement de coordination avec son amendement portant article additionnel après l'article 2.

Décision de la commission : votre commission a donné un avis favorable à cet article, sous réserve de l'adoption de l'amendement qu'elle vous soumet.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

AUDITION DU GARDE DES SCEAUX ET DU MINISTRE DU BUDGET (24 MAI 2011)

Réunie le mardi 24 mai 2011 sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à une audition commune avec les commissions des lois et des affaires sociales, de MM. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés , et François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, sur le projet de loi constitutionnelle n° 499 (2010-2011), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'équilibre des finances publiques.

M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur de la commission des lois. - Je remercie MM. les ministres de venir nous exposer leurs vues sur le projet de loi constitutionnel relatif à l'équilibre des finances publiques, pour lequel - je le rappelle - l'ancienne procédure législative s'appliquera : nous discuterons en séance le texte transmis par l'Assemblée nationale. La commission des lois l'examinera la semaine prochaine, celles des finances et des affaires sociales dans la semaine du 7 juin.

M. Michel Mercier, garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés. - Le Sénat et ses commissions permanentes ont à coeur de préserver l'équilibre des finances publiques : je le sais pour avoir siégé pendant des années à la commission des finances. Or M. le rapporteur général Philippe Marini considère qu'il n'est plus possible de tolérer « l'insoutenable légèreté de la dette » : depuis trente ans, les déficits et la dette publics n'ont cessé de se creuser. A la suite de la crise économique et financière des années 2008-2010, tous les pays développés ont connu des difficultés pour financer leur dette souveraine. En 2009, vous appeliez de vos voeux des décisions fortes pour réduire les dépenses et préserver les recettes, et des règles de bonne gouvernance budgétaire.

Dans une récente étude économique sur la France, l'OCDE reconnaissait la pertinence de la trajectoire d'assainissement prévue par le Gouvernement jusqu'en 2014 - trajectoire dont les derniers chiffres montrent la soutenabilité et la cohérence. Mais l'OCDE a aussi souligné que la France « aurait intérêt à se doter d'un cadre budgétaire renforcé à valeur constitutionnelle » : c'est l'objet du présent projet de loi.

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a déjà posé quelques jalons : l'article 34 de la Constitution prévoit désormais que les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation répondant à l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques. Le Gouvernement vous propose de franchir une étape supplémentaire en inscrivant dans la Constitution le principe et les modalités institutionnelles d'un retour durable à l'équilibre des finances publiques. Car la Constitution ne se limite pas à organiser le fonctionnement de nos institutions, elle est aussi l'expression du pacte social. Vivre ensemble, c'est adopter un comportement responsable vis-à-vis des générations futures, dont la dette accumulée compromet la liberté de choix et l'indépendance financière et économique. Ce risque n'est en rien hypothétique : plusieurs pays européens ont dû récemment faire appel à l'aide internationale.

Une réflexion approfondie, menée depuis plus d'un an avec la collaboration de MM. Champsaur et Cotis et de M. Camdessus, nous a permis d'aboutir à ce projet de loi. L'Assemblée nationale y a apporté plusieurs modifications, tout en souscrivant pour l'essentiel aux objectifs et à la méthode. Celle-ci suppose la mobilisation du Gouvernement, qui prépare le budget et l'exécute, comme celle du Parlement, qui le vote et le contrôle.

Je me contenterai de dessiner les grandes lignes du projet ; M. Baroin y reviendra plus en détail. Il s'agit, en premier lieu, de réserver les dispositions relatives aux prélèvements fiscaux et aux recettes sociales aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale. Le projet de loi modifie l'article 34 de la Constitution, pour éviter la dispersion des dispositions fiscales et sociales dans l'ensemble des textes législatifs, dispersion qui nuit à la cohérence globale de la stratégie budgétaire. Les parlementaires qui souhaiteront créer de nouveaux prélèvements obligatoires pourront le proposer par voie d'amendement à la loi de finances ou de financement de la sécurité sociale ; le Gouvernement, de son côté, ne pourra plus prendre par voie d'ordonnance des mesures relatives à la fiscalité ou aux ressources de la sécurité sociale.

L'Assemblée nationale a approuvé le principe du monopole des lois financières pour créer des prélèvements obligatoires ; pour ce qui est du contrôle de cette règle, elle s'est inspirée de l'article 41 de la Constitution qui concerne la frontière entre la loi et le règlement. Le dépôt de propositions de loi ou d'amendements contenant des dispositions fiscales ou relatives à d'autres ressources de la sécurité sociale restera possible, mais le Gouvernement et le président de l'assemblée concernée auront désormais, non pas certes l'obligation, mais la faculté d'opposer l'irrecevabilité à tout moment de la procédure législative. En cas de désaccord, il reviendra au Conseil constitutionnel de trancher ; lorsque le Conseil sera saisi sur le fondement de l'article 61 de la Constitution, il devra censurer les dispositions en cause, même si l'irrecevabilité n'a pas été soulevée. C'est, il me semble, un bon compromis.

En deuxième lieu, le projet de loi crée des lois-cadres d'équilibre des finances publiques. Ces lois-cadres, dont la durée d'application a été fixée à au moins trois ans par l'Assemblée nationale, fixeront pour chaque année un objectif constitué d'un maximum de dépenses et d'un minimum de recettes ; elles s'imposeront annuellement aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. A l'initiative de l'Assemblée nationale, le texte prévoit expressément une obligation de rattrapage : les écarts constatés lors de l'exécution des lois de finances et de l'application des lois de financement de la sécurité sociale devront être compensés d'une année sur l'autre. Grâce à ce cadre budgétaire renforcé, à valeur constitutionnelle, nous nous donnerons les moyens d'atteindre l'objectif d'équilibre des comptes publics.

Les députés ont précisé qu'une loi-cadre pourrait être modifiée en cours d'exécution pour s'adapter à l'évolution de la conjoncture économique. C'est ce qu'il a fallu faire lors de la récente crise pour mettre en oeuvre le plan de relance. Cette faculté doit cependant être strictement encadrée, si l'on veut que la programmation garde un sens. L'Assemblée nationale a donc prévu que les modalités de modification des lois-cadres seront inscrites dans la loi organique.

Elle a souhaité que les lois de finances et de financement de la sécurité sociale soient désormais soumises de plein droit au Conseil constitutionnel afin que celui-ci puisse examiner leur conformité à la loi-cadre, qui elle-même aura fait l'objet d'un contrôle de plein droit. Cette solution assez complexe - qui fait coexister, pour les lois financières annuelles, un contrôle systématique par rapport aux lois-cadres et un contrôle sur saisine par rapport aux autres éléments du bloc de constitutionnalité - a le mérite de garantir un contrôle constitutionnel complet et d'assurer ainsi la crédibilité de notre démarche de retour à l'équilibre.

En troisième lieu, le texte oblige le Gouvernement à adresser au Parlement le projet de programme de stabilité européen avant de le transmettre aux institutions de l'Union européenne. L'Assemblée nationale a souhaité que le Parlement dispose d'au moins deux semaines pour examiner le projet de programme, que ce dernier soit systématiquement soumis à une commission permanente, et qu'à la demande du Gouvernement ou d'un groupe parlementaire il puisse faire l'objet d'un débat en séance, suivi d'un vote qui n'engagera pas la responsabilité du Gouvernement. C'est une approche souple et cohérente.

L'Allemagne a inscrit dans sa Constitution un calendrier de retour à l'équilibre budgétaire ; le Gouvernement vous propose une méthode différente, mais le but est le même. Ce projet de loi n'est pas un texte de circonstance : il s'inscrit dans une démarche de long terme, qui vise à garantir notre modèle social et notre souveraineté, dans le souci des générations futures. Nous sommes tous conscients que l'on ne peut plus obérer l'avenir en vivant à crédit ; je suis sûr que nous tomberons d'accord sur les principes de ce projet de loi et les mécanismes qu'il institue.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. - Ce projet de loi constitutionnelle marque une étape décisive dans un processus engagé depuis un an et demi. A l'issue de la première conférence sur le déficit, le Président de la République a voulu rénover radicalement la gouvernance de nos finances publiques : car selon MM. Champsaur et Cotis, l'encours de notre dette a été multiplié par 18 entre 1978 et 2008. La récession mondiale de 2008-2009 et l'effet des stabilisateurs automatiques en recettes ont joué un rôle non négligeable dans l'évolution récente de notre endettement, mais, au cours des trente dernières années, c'est surtout l'insuffisante maîtrise de nos comptes qui est à l'origine de cette dérive. Le Président de la République a donc souhaité que l'ensemble des administrations publiques se dotent d'une règle d'équilibre, et demandé à M. Camdessus de présider un groupe de travail à ce sujet. Dès l'été 2010, nous avons appliqué toutes les recommandations de la commission Camdessus qui pouvaient l'être à cadre constitutionnel inchangé. La loi de programmation des finances publiques préfigure ce que pourraient être les lois-cadres d'équilibre des finances publiques : elle fixe, sur une période triennale, les plafonds globaux par mission de dépenses de l'État ainsi que l'impact annuel minimal des mesures nouvelles en recettes. Inscrire dans la Constitution le principe de lois-cadres permettrait de mieux gérer les échéances auxquelles le Gouvernement doit faire face vis-à-vis du Parlement, et la France vis-à-vis de ses partenaires européens. En outre, le Gouvernement s'est déjà contraint, par une circulaire adoptée en juin dernier, à ne prévoir aucune mesure fiscale ou relative aux finances sociales en dehors des lois de finances et de financement de la sécurité sociale. Notre objectif est à présent de consolider ces avancées.

Nous proposons d'abord de créer des « lois-cadres d'équilibre des finances publiques », contraignantes pour le pouvoir exécutif comme pour le législatif. Cela nous obligera à mesurer l'impact budgétaire des politiques publiques. Le Conseil constitutionnel contrôlera systématiquement la constitutionnalité des lois-cadres et vérifiera chaque année que les lois de finances et de financement y sont conformes. Toute majorité devra donc prendre ses responsabilités pour atteindre les objectifs de moyen terme qu'elle se sera fixés.

Ensuite, nous voulons éviter la dispersion des dispositions fiscales et sociales, en les réservant aux lois de finances et de financement : le Gouvernement, je l'ai dit, s'impose déjà cette discipline. L'ensemble des mesures fiscales dérogatoires représente aujourd'hui un manque à gagner de 75 milliards d'euros ; quant aux mesures dérogatoires portant sur les cotisations sociales, elles nous font perdre 45 milliards d'euros. Les « niches » n'ont cessé de s'accumuler depuis vingt-cinq ou trente ans : c'est une source de complexité et d'incohérence, et surtout cela nous fait perdre des recettes. Il faut mettre fin à ce « mitage », si nous voulons tenir nos engagements européens.

Cependant, le Gouvernement est soucieux de respecter l'initiative parlementaire. La nouvelle rédaction de l'article 34 ne la restreindra que de manière formelle, non matérielle : les parlementaires pourront continuer à proposer des mesures fiscales à tout sujet, mais pas à tout moment. L'irrespect du monopole serait un motif d'inconstitutionnalité et pas nécessairement d'irrecevabilité : le dépôt de propositions de loi ou d'amendements contenant des dispositions fiscales ou sociales concernant les recettes resterait possible, mais le Gouvernement ou le président de l'assemblée concernée pourrait, à tout moment de la procédure législative, soulever l'irrecevabilité pour méconnaissance du domaine des lois de finances et de financement de la sécurité sociale. Nous avons donc opté pour une application souple du monopole, qui consiste à admettre la mise en discussion des articles et amendements parlementaires à caractère fiscal ; la charge incomberait au Conseil constitutionnel, en cas de recours, de censurer les dispositions non conformes au nouvel article 34. D'ailleurs, les lois de finances rectificatives en cours d'année sont devenues monnaie courante : il ne faudrait pas attendre trop longtemps pour déposer à nouveau un amendement déclaré irrecevable ou inconstitutionnel à ce titre.

Enfin, nous voulons inscrire dans la Constitution le principe d'une meilleure association du Parlement, dans le cadre de la nouvelle procédure dite du « semestre européen » : les programmes de stabilité seraient systématiquement transmis au Parlement avant d'être adressés à la Commission européenne. Les travaux menés cette année étaient d'une grande qualité. Il est bon, à nos yeux, que les pouvoirs publics français se montrent ensemble mobilisés pour tenir les engagements pris. Rares sont les pays européens qui ont adopté une telle procédure, mais le Gouvernement veut marquer l'importance qu'il accorde aux parlementaires dans la maîtrise des finances publiques ; gageons que cet exemple sera imité.

M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur de la commission des lois. - Je note que les articles 2 bis et 9 bis , relatifs au contrôle du respect du monopole des lois de finances et de financement, ne figuraient pas dans le projet initial du Gouvernement. Le non-respect du monopole sera un motif d'inconstitutionnalité - la discussion à l'Assemblée nationale a beaucoup porté sur la question de la recevabilité, mais l'important est que le Conseil constitutionnel soit chargé de censurer toute disposition fiscale ou sociale non comprise dans une loi de finances ou de financement. Les règles d'irrecevabilité prévues à l'article 41 - qui concernent pour l'heure le non-respect des domaines de la loi et du règlement, et que l'on veut étendre au non-respect du domaine des lois de finances et de financement - ne trouvent que très rarement à s'appliquer, et elles sont très complexes, puisqu'en cas de désaccord entre le Gouvernement et le président de l'assemblée concernée, c'est le Conseil constitutionnel qui statue.

Il faut être attentif aux effets de la règle du monopole sur le travail parlementaire. Lors d'une réforme des retraites, du logement, de la politique environnementale, de la recherche, il ne serait plus possible d'aborder la question des moyens ; les lois de finances et de financement de la sécurité sociale comprendraient donc toute une série de dispositions complétant les réformes adoptées en cours d'année. Faut-il supposer qu'un projet de loi de finances rectificative sera déposé à chaque réforme d'envergure ?

La question est d'autant plus sensible pour le Sénat que l'article 72-2 de la Constitution dispose que tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités doit s'accompagner d'un transfert de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice ; si le projet de révision était adopté, il ne serait plus possible de le faire dans le même texte. Comment débattre de manière coordonnée du projet de transfert et de son volet financier, alors que la Constitution prévoit que le Sénat est saisi en priorité des projets de lois ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales et l'Assemblée nationale des projets de lois financières ? Comment le Conseil constitutionnel apprécierait-il le respect de la règle de compensation ?

Le monopole s'appliquera indifféremment aux mesures réduisant les recettes et à celles qui les augmenteront ou maintiendront leur niveau global. Il ne sera plus possible de gager une perte de recettes par une augmentation d'impôt. Que se passera-t-il donc pour les mesures qui accroîtront les ressources publiques ?

Le monopole aura-t-il un réel impact ? Entre 2000 et 2009, les baisses d'impôts consenties ont représenté une perte de 68 milliards d'euros : 57 milliards en loi de finances ou de financement, 11 milliards en loi ordinaire.

M. Jean Arthuis, président et co-rapporteur pour avis de la commission des finances. - C'est 11 milliards de trop !

M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur de la commission des lois. - Peut-être 68 milliards de trop... Quoi qu'il en soit, ces chiffres montrent que, dans les faits, les dispositions ayant un impact sur les ressources publiques sont déjà concentrées dans les lois financières.

Quel sera le rôle des lois de règlement dans la mesure de l'écart entre l'exécution de la loi de finances et les normes fixées dans la loi-cadre ? Comment vérifiera-t-on que l'écart a bien été compensé ?

Le projet de loi prévoit que le Parlement votera sur le programme de stabilité sans avoir participé à son élaboration et sans que ce vote aboutisse à l'adoption du texte : c'est sans précédent, mais il n'est pas interdit d'innover... Ne faudrait-il pas prévoir que le Parlement pourra adopter une résolution, sur le modèle des résolutions prévues à l'article 88-4 ?

La définition des critères en fonction desquels il sera permis de déroger à une loi-cadre est renvoyée à la loi organique ; mais le rôle d'une loi organique est de définir les modalités d'application d'une disposition constitutionnelle, non les principes. La loi fondamentale allemande est d'ailleurs très circonstanciée à ce sujet : elle ne permet de déroger à la règle budgétaire qu'en cas de circonstances exceptionnelles ne dépendant pas de la volonté du Gouvernement.

M. Jean Arthuis, président et co-rapporteur pour avis de la commission des finances. - Messieurs les ministres, merci d'être venus nous faire partager votre conviction de la nécessité de tendre vers l'équilibre des finances publiques. Nous sommes tous attachés à l'indépendance nationale, dont le Président de la République est le garant ; or nous avons appris qu'une dette excessive peut gravement mettre en cause cette indépendance.

Ce projet de loi constitutionnelle reprend pour l'essentiel les conclusions du groupe de travail animé par M. Camdessus, auquel Philippe Marini et moi-même avons participé - c'est pourquoi nous sommes co-rapporteurs de ce texte. Faire des lois de finances et de financement de la sécurité sociale le cadre exclusif des dispositions fiscales et sociales ; créer des lois-cadres pluriannuelles fixant des plafonds de dépenses et des planchers de recettes pour assurer le retour à l'équilibre : voilà qui me paraît aller dans le bon sens.

Il semblait à la commission des finances que le texte adopté par l'Assemblée nationale pouvait être adopté en l'état ; c'était sans compter sur l'apport essentiel de la commission des lois du Sénat. Si donc il était décidé d'amender le texte, notre commission aurait quelques propositions à faire valoir. L'article 1 er prévoit de fixer un plafond de dépenses et un plancher de recettes, expression très parlante mais qui risque d'occasionner des problèmes de fonctionnement. Nous proposerions donc, conformément aux recommandations de la commission Camdessus, de parler d'un plancher de mesures nouvelles en recettes.

En outre, il n'est pas prévu que la loi organique encadre les hypothèses macro-économiques sur lesquelles le législateur se fondera. Or, si le Gouvernement et le Parlement retiennent des hypothèses trop optimistes, cela empêchera d'atteindre les objectifs fixés.

M. Philippe Marini, rapporteur général et co-rapporteur pour avis de la commission des finances. - Cette révision constitutionnelle est nécessaire : il faut édicter au sommet de notre ordre juridique des règles du jeu pour nous protéger contre nous-mêmes, oserai-je dire. L'effort de convergence budgétaire auquel nous nous sommes engagés vis-à-vis de nos partenaires doit être soutenu par le pays tout entier.

Ce projet de loi constitutionnelle est un texte de procédure, qui n'aborde pas les questions de fond. La commission des lois estime qu'il est imparfait ; mais en est-il à ses yeux qui soient parfaits ? Il est vrai qu'en matière de procédure, le diable est dans les détails. Ce projet de loi prévoit que les dispositions législatives qui ont un impact sur le solde des finances publiques doivent figurer dans des lois dont l'objet même est l'approbation de ce solde. C'est même le seul intérêt d'une loi de finances rectificative : elle crée des charges et des ressources nouvelles, mais surtout elle présente une version actualisée, rectifiée, du tableau d'équilibre.

Parmi les mesures fiscales extérieures aux lois de finances mentionnées par le président Hyest, qui ont coûté la bagatelle de 11 milliards d'euros, je note la réduction de la TVA dans la restauration.

Mme Nicole Bricq. - Eh oui !

M. Philippe Marini, rapporteur général et co-rapporteur pour avis de la commission des finances. - Quoi que l'on pense au fond de cette mesure, il est regrettable qu'elle n'ait pas été votée en même temps que le tableau d'équilibre.

Ce projet de loi prévoit en outre que les lois de finances, comme leurs soeurs jumelles, les lois de financement de la sécurité sociale, devront être conformes à des lois-cadres pluriannuelles. Pour apprécier cette conformité, il faut un arbitre : les députés ont décidé que ce serait le Conseil constitutionnel.

La commission des finances considère que l'Assemblée nationale est parvenue à un bon équilibre et qu'il n'est pas indispensable d'amender le texte. Si le Sénat choisissait cependant de le faire, notre commission apporterait sa pierre. On pourrait notamment préciser les délais d'examen et certains aspects du contrôle de conformité des lois financières aux lois-cadres : toutes les lois de finances et de financement de la sécurité sociale seront-elles systématiquement déférées au Conseil constitutionnel ou seulement les lois initiales ? Quelles seront les sanctions en cas de non-conformité ? La non-conformité sera-t-elle un motif d'inconstitutionnalité ? On pourrait aussi mieux déterminer les conditions de vote des projets de programme de stabilité et définir la notion de « règle de gestion des finances publiques ». Les travaux préparatoires pourraient suffire à répondre à ces questions mais il est loisible de graver les réponses dans le marbre constitutionnel. Encore une fois, il faut saluer le travail des députés, qui sont parvenus à un bon compromis.

M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur de la commission des lois. - Peut-être la commission des lois est-elle perfectionniste, mais il s'agit tout de même de la Constitution !

M. Alain Vasselle, rapporteur général et rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - Je regrette que la commission des affaires sociales du Sénat n'ait pas été associée au groupe de travail présidé par M. Camdessus : la loi de financement de la sécurité sociale ne peut servir de variable d'ajustement à la loi de finances.

Sur le diagnostic, nous sommes d'accord. C'est bien la crise financière venue des États-Unis qui a creusé le déficit de la sécurité sociale, passé de 10 à 20 milliards d'euros. Pour autant, nous ne sommes pas restés les bras croisés : une partie de la dette a été transférée à la CADES, et les retraites ont été réformées. Cette expérience doit aujourd'hui nous éclairer.

Ce n'est pas tant sur les principes que j'ai des objections, que sur les modalités. « On s'entendra toujours », dira-t-on. Mais il s'agit de la Constitution ! Il faut définir avec précision le mode de contrôle des déficits et du solde des lois de finances et de financement.

S'agissant des lois-cadres, il faudrait prévoir des modalités d'examen différentes de celles qui prévalent aujourd'hui pour les lois de programmation : actuellement, celles-ci sont renvoyées systématiquement à la commission des finances, la commission des affaires sociales n'étant saisie que pour avis. Or, comme Philippe Marini l'a justement indiqué, les lois de finances et les lois de financement sont des lois jumelles et il n'est dans l'esprit de personne de donner à l'une la suprématie. C'est la raison pour laquelle je souhaite que, pour l'examen des projets de loi-cadres, soit constituée, une commission spéciale réunissant des parlementaires spécialistes du budget de l'État et spécialistes du budget de la sécurité sociale.

Le monopole institué au profit des lois financières doit certes éviter la dispersion des mesures fiscales et des recettes - la commission en a conscience - mais il risque de compliquer l'examen de toute réforme : peut-on en voter une, tout en renvoyant ses conséquences à la loi de finances ou à la loi de financement ? J'avais déploré ce « saucissonnage » à propos des retraites. En 2008, notre assemblée avait adopté une proposition de loi organique subordonnant l'application de toute exonération de cotisations sociales à sa confirmation dans une loi de financement.

Enfin, je m'interroge sur l'irrecevabilité, dont l'invocation serait facultative pour le Gouvernement, tandis que le Conseil constitutionnel serait tenu de censurer les dispositions ne respectant pas le monopole des lois financières.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. - Cette réforme constitutionnelle tend à créer un outil intéressant pour maîtriser les finances publiques, mais elle ne doit pas devenir un nouvel instrument au service du parlementarisme rationalisé, s'ajoutant aux interdictions posées par l'article 40 et à celui des cavaliers budgétaires ou sociaux. Le nouveau monopole risque d'empêcher tout véritable débat sur une réforme. Mieux vaudrait en effet s'inspirer des suggestions formulées dans la proposition de loi organique adoptée par le Sénat en 2008 à l'initiative de Nicolas About et Alain Vasselle, afin que la maîtrise des finances publiques ne bride pas encore plus le Parlement.

La fixation de normes pluriannuelles suppose que travaillent ensemble les commissions chargées des lois de finances et des lois de financement. C'est pourquoi j'appuie la demande en faveur de la formation d'une commission spéciale par l'examen des lois-cadres.

Enfin, je m'interroge sur la procédure instituée par l'Assemblée nationale pour les programmes de stabilité : le renvoi « pour avis à l'une des commissions permanentes » exclut-il implicitement la saisine des autres commissions ?

M. François Baroin, ministre du budget. - Monsieur Hyest, vous avez mentionné l'article 41 de la Constitution et souligné sa faible application. Son irrecevabilité peut être invoquée par le président de l'assemblée intéressée ou par le Gouvernement et je vous rappelle que, lorsque les députés ont examiné la réforme des retraites proposée par le Gouvernement de M. Raffarin, le président de l'Assemblée nationale a invoqué l'article 41 pour mettre un terme à la flibusterie dont les séries d'amendements allaient bloquer la discussion du texte pendant des mois. L'article 41 existe donc et a son utilité. L'équilibre établi par la rédaction actuelle résulte d'une longue discussion au sein de l'Assemblée nationale. L'alternative consistant à créer des lois de prélèvements obligatoires n'a pas suscité de réserves de la part du Gouvernement, mais elle donnait de tels pouvoirs au rapporteur général de la commission des finances que la réaction des autres commissions et de leurs présidents a conduit à rejeter cette idée. Nous sommes alors passés à une conception élargie de l'article 41.

Le retour à l'équilibre des finances publiques est un objectif intangible. Rendez-vous a été pris pour la France en 2014 ; quant à l'Allemagne, elle s'est fixé une règle d'or ; pensez, à l'inverse, à ce qui se passe non seulement avec la Grèce, mais aussi avec le Royaume-Uni, l'Irlande, la Belgique, l'Italie, voire les États-Unis ! Nous avons besoin d'un outil qui concilie respect de l'initiative parlementaire et retour à l'équilibre budgétaire. Je souligne à ce propos que l'article 72-2 ne présente aucune incompatibilité avec l'article 41, car toutes les mesures qui portent sur les ressources des collectivités territoriales sont déjà examinées dans les lois de finances. À cet égard, la révision constitutionnelle ne change rien au rôle du Sénat, représentant des collectivités territoriales.

J'en viens au plancher de recettes et au plafond de dépenses. Il est exact que de nombreuses mesures fiscales ou sociales dérogatoires sont d'origine gouvernementale. C'est pourquoi le monopole pèsera surtout sur le Gouvernement. La représentation nationale ne sera concernée qu'à titre accessoire. Il y a désormais un collectif budgétaire chaque année à mi-parcours. Le collectif social existe aussi. Ce monopole offre donc un horizon acceptable et n'empêche pas les parlementaires d'aborder en temps utile les conséquences financières des réformes.

La présentation au Parlement du programme de stabilité est une vraie avancée. Faut-il développer les résolutions ? L'objectif est d'appuyer l'engagement du Gouvernement par un vote des assemblées, dans le respect des prérogatives qui sont les siennes en matière de négociations internationales.

Monsieur Hyest, il serait cohérent de traiter les circonstances exceptionnelles dans la loi organique. Je pense à la crise financière mondiale, à un événement dramatique tel celui qui a frappé Fukushima, voire à une sécheresse particulièrement sévère.

Monsieur Arthuis, merci d'avoir participé activement à la commission Camdessus. Je vous sais également gré pour le regard d'ensemble que vous portez sur ce texte.

Mais mentionner un minimum de mesures nouvelles en recettes n'ajouterait pas grand-chose à la réforme constitutionnelle.

En outre, on ne voit guère comment inscrire dans la loi fondamentale une référence aux hypothèses macro-économiques. Devraient-elles faire l'objet d'un consensus ? Celui-ci devrait-il être national ou européen ? Tout au plus la loi organique pourrait-elle déterminer des critères de consensus.

Je partage l'avis du rapporteur général, ainsi que son souhait d'un vote conforme : il renforcerait considérablement cette révision constitutionnelle fixant une règle d'or.

Monsieur Vasselle, je n'oublie pas la réforme des retraites, qui sera parachevée dans la loi de financement de la sécurité sociale. Au total, nous aboutissons à un double schéma : une loi à vocation large est complétée par la loi de financement de la sécurité sociale.

J'ai entendu votre regret de ne pas avoir participé à la commission Camdessus. Incontestablement, la commission des affaires sociales doit être associée à la réflexion.

Madame Dini, cette révision constitutionnelle complète celle de 2008. L'exigence du retour à l'équilibre des finances publiques - qu'il s'agisse de l'État ou de la sécurité sociale - doit faire partie des priorités politiques de tout engagement sincère au service de l'intérêt général. C'est vrai pour l'opposition d'aujourd'hui, de demain ou d'après-demain ! Ce n'est pas une affaire de relations entre le Gouvernement et le Parlement, ni d'opposition droite-gauche, mais de responsabilité collective s'imposant dès aujourd'hui à tous les gouvernements. Pensez aux décisions prises en Espagne par celui de M. Zapatero, sur les retraites ou le nombre de fonctionnaires !

M. Pierre-Yves Collombat . - Avec les résultats brillants que l'on sait!

M. François Baroin, ministre du budget . - L'Union européenne agit, notamment avec le fonds européen de stabilité financière.

M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur de la commission des lois . - Améliorer un texte de l'Assemblée nationale, fût-il parfait, est un droit du Sénat, quand bien même nous sommes d'accord avec la finalité de la réforme, et je tiens à dire que je le suis ! Sinon, autant arrêter.

Mme Nicole Bricq . - Monsieur le rapporteur général, cette réforme dite de procédure fait penser aux poupées russes : la loi constitutionnelle renvoie à la loi organique, qui renvoie à la loi-cadre... Quelle est la portée de cet exercice ? En quoi est-il opérationnel ? Nous sommes en 2011, un an avant une présidentielle ....

M. le ministre du budget est parti, mais il sait bien que la crise n'explique pas totalement la dérive des comptes ! Celle-ci dure depuis dix ans, et il aurait fallu agir contre le déficit dès 2007.

M. Philippe Marini, rapporteur général et co-rapporteur pour avis de la commission des finances . - Auparavant, tout était parfait !

M. Bernard Frimat . - M. le rapporteur général est enfin lucide !

M. Philippe Marini, rapporteur général et co-rapporteur pour avis de la commission des finances. - Nul ne vous croit !

Mme Nicole Bricq . - Avec le programme de stabilité, et nos engagements européens, nous subissons déjà une contrainte suffisamment lourde au point que M. Trichet a pu parler d'une « quasi fédération budgétaire ». Et vous voulez ajouter encore une procédure ? Vous doutez donc de vous-même pour l'avenir !

Les peuples doivent, pour se faire entendre, disposer au moins d'une toute petite voix, grâce aux parlements nationaux.

M. Jean-Pierre Fourcade . - En 1974, j'ai été le dernier ministre des finances à présenter un budget en équilibre.

Mme Nicole Bricq . - Bravo !

M. Jean-Pierre Fourcade . - Il a été déséquilibré dès l'année suivante. Mais certaines formulations du texte d'aujourd'hui m'inquiètent.

Ainsi, mentionner « l'équilibre des comptes des administrations publiques » me semble trop restrictif car cette expression n'inclut pas la charge de la dette de l'État et de la sécurité sociale, dont les intérêts dépasseront les 55 milliards d'euros dès cette année, et 60 milliards l'année prochaine.

De même, il est question de compenser les écarts constatés, mais avec un renvoi à la loi organique : des explications seraient les bienvenues ! La compensation interviendra-t-elle dès l'exercice en cours ou l'année suivante ? Nous l'ignorons.

Enfin, l'article 41 dispose que le Conseil constitutionnel statue dans les huit jours lorsqu'il est saisi d'un désaccord entre le Gouvernement et le président de l'assemblée intéressée sur l'irrecevabilité d'un amendement ou d'un texte de loi. Dans ces conditions, ni la loi de finances, ni la loi de financement de la sécurité sociale ne seront votées au 31 décembre. Nous renouerons donc avec la merveilleuse technique des douzièmes provisoires, à l'instar de ce que la Belgique pratique aujourd'hui.

Je ne peux cautionner un texte qui recèle de telles imperfections.

M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur de la commission des lois . - Par nature, cette disposition ne concerne pas les lois financières. Elle ne concernera que les autres lois qui ne respecteront pas la règle de la spécialité financière.

M. Yvon Collin . - Cette perte de la matière fiscale est contraire à la tradition juridique et politique qui devrait nous rassembler. Comme l'initiative des lois financières revient au Gouvernement, les parlementaires devront attendre son bon vouloir : c'est politiquement inacceptable et juridiquement choquant. Je crains que le Conseil constitutionnel n'applique une jurisprudence restrictive au droit d'amendement fiscal des parlementaires.

Cette révolution antiparlementaire qui institue une tutelle sur la représentation nationale est inacceptable !

M. Philippe Dallier . - J'approuve l'esprit de cette révision, de ce garde-fou qui doit contraindre les parlementaires à rechercher l'équilibre des finances publiques.

M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur de la commission des lois . - La contrainte s'appliquera surtout aux gouvernements.

M. Philippe Marini, rapporteur général et co-rapporteur pour avis de la commission des finances . - Tous ont besoin de vertu : c'est le principe des républiques.

M. Philippe Dallier . - Les mesures ayant une incidence pour les collectivités territoriales ne seraient acceptables qu'après l'institution d'une véritable péréquation, dont la Constitution ne dit actuellement pas grand-chose. Pourrions-nous, au bénéfice de ce texte, développer cette exigence afin que les collectivités, notamment les plus pauvres, puissent accompagner l'effort budgétaire de l'État de manière équitable ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - J'approuve les lois-cadres, qui apporteront un changement profond à nos finances publiques. Comme M. Baroin, je pense que tout gouvernement devra prendre ses responsabilités, que toute nouvelle majorité devra suivre une stratégie budgétaire crédible.

En revanche, j'éprouve un malaise à l'idée que les lois-cadres s'appliquent au moins à trois exercices : autant j'accepterai que la loi-cadre couvre la durée du quinquennat, autant je suis gênée par un dispositif qui permettrait à une majorité de déborder sur la mandature suivante. Cette disposition n'existait pas dans le texte initial.

M. Pierre-Yves Collombat . - J'ai conscience qu'un modeste membre de la commission des lois est indigne d'intervenir devant d'éminents spécialistes, mais je me demande si les médecins ayant conduit nos finances publiques où elles en sont peuvent aujourd'hui prétendre prescrire un remède. Je sais bien que tout vient des Américains et des Grecs, mais gouverner, c'est prévoir.

Cela dit, je souhaite obtenir quelques éclaircissements sur le dispositif envisagé.

Que se passera-t-il si une loi de finances ou une loi de financement ne respecte pas la loi-cadre en vigueur ? Pourrions-nous avoir dès aujourd'hui quelques précisions sur les « compensations » qu'une loi organique viendra définir ? Faudra-t-il augmenter les impôts au moment où une récession asséchera les rentrées fiscales ? Le dispositif adopté en Allemagne ne marche pas et n'a jamais marché ! Devons-nous emprunter la même voie ?

M. le rapporteur général a raison de dire que la vertu est une qualité républicaine, mais la première consiste, pour le Gouvernement, à s'en tenir au budget voté. L'inscrire dans la Constitution ne changera pas grand-chose.

M. Serge Dassault . - L'objectif d'équilibre budgétaire fait-il référence à 0 % de déficit ou à la norme de 3 %, qui représente tout de même 60 milliards d'euros ?

Si la France rembourse chaque année 15 milliards d'euros, il lui faudra un siècle pour se débarrasser de sa dette de 1 500 milliards ! J'aimerai savoir si nous envisageons véritablement de commencer à rembourser cette dette.

Chaque année, le Gouvernement augmente les plafonds de dépenses que le Parlement vient d'adopter. Je souhaite qu'à l'avenir, la discipline imposée aux parlementaires s'applique aussi à l'exécutif.

M. Yves Daudigny . - Je crains que cette réforme ne porte atteinte au rôle des partenaires sociaux dans la gestion de l'assurance-chômage et des régimes de retraite complémentaire obligatoire.

M. Michel Mercier, garde des Sceaux . - Je n'ai pas la dignité nécessaire pour répondre à toutes les questions posées car je n'ai pas votre science.

M. Baroin a rappelé la finalité de cette réforme. Il ne s'agit pas de parlementarisme rationalisé, madame Dini, mais de bien plus que ça.

M. Jean-Claude Frécon . - De parlementarisme lyophilisé !

M. Michel Mercier, garde des Sceaux . - En son temps, dans l'entre-deux-guerres, Carré de Malberg a prôné une rationalisation de la vie parlementaire pour faire face à la montée des périls ; ici, la discipline de la contrainte pèsera au premier chef sur le Gouvernement.

Nous doter d'outils permettant de gérer les finances publiques sur la durée est quelque chose d'important, même à la veille d'élections. C'est pourquoi j'ai été intéressé par les premières paroles de M. Collin, quand il a évoqué « ce qui nous rassemble aujourd'hui » : nous sommes rassemblés pour nous doter des instruments à même de juguler la dérive de nos finances publiques.

Madame Bricq, avec trois ans de croissance à 3 %, les années 1998 à 2000 étaient les plus opportunes pour adopter un tel texte. Hélas, rien n'a été fait.

Mme Nicole Bricq . - Les comptes sociaux étaient alors en équilibre !

M. Michel Mercier, garde des Sceaux . - La discipline instituée par cette révision constitutionnelle peut être discutée dans ses modalités, non dans son principe.

Monsieur Fourcade, l'équilibre des comptes des administrations publiques inclut la charge de la dette. La correction des écarts passe par la mise en place d'un compte de contrôle. Quand les mesures compensatrices seront-elles applicables ? Le législateur organique décidera.

Monsieur Collin, il n'y a aucune « révolution antiparlementaire ». Conservez plutôt l'idée de rassemblement !

Monsieur Dallier, on ne peut tout inscrire dans la Constitution, même la péréquation entre collectivités territoriales. Je sais bien qu'il en va différemment en Allemagne...

M. Pierre-Yves Collombat . - Où cela ne marche pas !

M. Michel Mercier, garde des Sceaux . - ... mais la France est une République une et indivisible, non un État fédéral. Les collectivités territoriales françaises doivent adopter des budgets équilibrés, sans que cela soit inscrit dans la Constitution. La péréquation actuelle perdurera.

Madame Des Esgaulx, l'horizon d'au moins trois années n'interdit pas d'adopter des lois-cadres quinquennales.

Monsieur Collombat, il est faux que les pompiers d'aujourd'hui soient les pyromanes d'hier. En réalité, rien n'a été fait en 1998 quand il y avait une forte croissance économique.

M. Pierre-Yves Collombat . - La politique n'a pas commencé en 1998 !

M. Michel Mercier, garde des Sceaux . - L'État est de plus en plus entravé par le poids de la dette. Nous pouvons tous vouloir sa libération. Bien sûr, les stabilisateurs automatiques pourront intervenir.

Monsieur Dassault, le déficit de 3 % n'est qu'un déséquilibre maîtrisé ; l'équilibre suppose un déficit de 0 %. En l'atteignant, nous nous donnerons les moyens de réduire la dette.

Monsieur Daudigny, le rôle des partenaires sociaux est préservé puisque le plafond de dépenses ne s'imposera ni à l'Unedic, ni aux régimes complémentaires de retraite.

M. Jean Arthuis, président et co-rapporteur pour avis de la commission des finances . - Sur la période d'application de la loi-cadre, j'aimerais obtenir une précision. Le programme de stabilité porte sur trois années, mais chaque année on ajoute une année supplémentaire : ce sont trois années qui glissent dans le temps. L'articulation avec le programme de stabilité impose que la loi-cadre porte sur trois années glissantes.

M. Michel Mercier, garde des Sceaux . - Tel n'est pas le sens du texte.

Mme Nicole Bricq . - Son dispositif ne rime à rien !

M. Jean Arthuis, président et co-rapporteur pour avis de la commission des finances . - Il faut bien assurer la coïncidence entre le programme de stabilité et les lois de finances !

M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur de la commission des lois . - Bref, le texte est parfait, mais il commence à présenter des imperfections ! Or la loi organique ne pourra faire plus que la Constitution.

M. Michel Mercier, garde des Sceaux . - Ce que M. Arthuis a évoqué n'est pas ce que l'Assemblée nationale a souhaité. Au demeurant, il y aura un débat devant le Sénat. Nous pourrons conserver la formule du texte, qui peut avoir deux sens, et en préciser le sens, ce qui permettrait d'obtenir un vote conforme. Nous garderions la formule et en changerions le sens.

M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur de la commission des lois . - Et cela permettra au Conseil constitutionnel de tirer parti de nos incohérences...

M. Michel Mercier, garde des Sceaux . - Le temps est fini où la Nation constituait la seule source de la loi. Nous venons d'en avoir un exemple, avec l'arrêt de la Cour de Luxembourg mettant fin à l'exclusivité nationale des notaires. L'évolution actuelle invitera tous les parlementaires à un exercice de modestie.

EXAMEN DU RAPPORT (8 JUIN 2011)

Réunie le mercredi 8 juin 2011, sous la présidence de M. Yann Gaillard, vice-président, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de MM. Jean Arthuis et Philippe Marini, rapporteurs pour avis, sur le projet de loi constitutionnelle n° 499 (2010-2011), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'équilibre des finances publiques.

EXAMEN DU RAPPORT POUR AVIS

M. Jean Arthuis , rapporteur pour avis . - Vous avez confié au rapporteur général et à moi-même la responsabilité d'élaborer le rapport pour avis sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques. Ce choix n'était pas injustifié, compte tenu de nos participations aux travaux de la commission Camdessus mise en place après les conférences sur le déficit du début 2010.

Le président de la République a fait part de son souhait de doter la France d'une règle constitutionnelle d'équilibre des finances publiques, ce qui était rendu nécessaire par la pression des marchés comme par la référence allemande. La loi pluriannuelle des finances publiques 2011-2014 a été l'occasion de mettre en pratique les préconisations du rapport Camdessus - on peut parler de répétition grandeur nature. De ce point de vue, les amendements du Sénat ont été déterminants, qui ont notamment permis que les objectifs soient exprimés en milliards d'euros courants pour chacune des années de la programmation, et non en pourcentages d'évolution sur l'ensemble de la période de programmation.

La réflexion a été nourrie, aussi bien au groupe Camdessus qu'au sein de la commission des finances du Sénat. Dès février 2010, le rapport de notre commission sur le projet de loi de finances rectificative envisageait une règle dont les grands principes sont ceux qui nous sont aujourd'hui proposés.

Pourquoi une révision constitutionnelle ? La France ne manque pas de règles, d'objectifs et d'outils de programmation : le programme de stabilité, désormais au sommet de la hiérarchie des normes financières ; la programmation pluriannuelle annexée aux lois de finances, les lois de programmation des finances publiques ; un objectif constitutionnel, l'équilibre des comptes publics ; une règle européenne, le respect de ratios de solde nominal (3 % du PIB) et de dette publique (60 % du PIB) ; des règles de gouvernance nationales, en dépenses et en recettes, la norme de dépense, la programmation triennale des plafonds de dépense de l'Etat, l'ONDAM, la règle de gage des niches et la règle de gage global des mesures nouvelles, d'ailleurs abandonnées dans la loi pluriannuelle 2011-2014.

Si les règles ne manquent pas, la volonté fait parfois défaut. Les trajectoires de solde n'ont pas été respectées, et les outils existants n'ont pas marché. Il faut par conséquent essayer autre chose. L'écart entre les projections et la réalité de l'exécution invite à fixer les premières avec une relative lucidité et une vraie conviction.

Il y a urgence à rompre avec certaines pratiques. Les plus récentes prévisions de solde public publiées par la Commission européenne font apparaître qu'en 2012, la France serait tout près de monter sur le podium du déficit : elle arriverait juste après la Grèce, l'Irlande et l'Espagne. Elle n'a plus le droit à l'erreur alors que l'Italie se retrouve à un niveau sensiblement inférieur. La récente mise sous perspective négative de la capacité des États-Unis à rembourser leur dette montre qu'aucun État n'est à l'abri d'une dégradation de sa notation financière, avec les conséquences que l'on imagine sur le coût de sa dette - sans parler, s'agissant des Etats européens, des conséquences sur l'euro et sur le mécanisme européen de stabilité dont le Conseil européen va approuver le régime lors de sa réunion du 24 juin prochain.

La France n'est pas la seule à engager une réforme institutionnelle destinée à endiguer la dette publique. Le débat sur le « frein à la dette » est présent dans toute l'Europe. La règle allemande est exprimée en termes de solde structurel, une notion incompréhensible par le commun des citoyens, et très subjective - la commission Camdessus a convenu de la difficulté à en faire un élément pédagogique. Mieux vaut donc retenir chez nous une règle plus rustique et, surtout, juridiquement contraignante. Le type de règles dont la France a choisi de se doter, issu des propositions du groupe Camdessus, consistant à créer un nouveau type de loi à valeur supérieure à la loi ordinaire, et à créer un monopole de certaines lois sur certaines matières, rend nécessaire une révision constitutionnelle.

Nos précédents travaux ont permis de définir les critères d'une bonne règle : qu'elle impose au Gouvernement des contraintes quantitatives claires, qu'elle soit suffisamment souple pour ne pas enfermer l'action politique dans un chemin unique, qu'elle ne suscite pas le risque de polémiques avec un comité d'experts indépendants comme un panel d'économistes ou la Cour des comptes, ce qui ruinerait sa légitimité, qu'elle ne soit pas manipulable par les gouvernements et, enfin, qu'elle soit compréhensible par l'opinion.

Les trois volets du projet de loi constitutionnelle reprennent les principaux éléments des préconisations que nous avions faites, le rapporteur général et moi, et que nous avions largement traduits dans la loi pluriannuelle des finances publiques 2011-2014. Le premier reconnaît la nécessité d'améliorer la légitimité démocratique du programme de stabilité adressé aux autorités de l'Union européenne, qui engage désormais les finances publiques de la France. A cette fin, le texte initial prévoit une transmission de ce programme aux Assemblées avant son envoi aux autorités communautaires. L'Assemblée nationale a rétabli les acquis de la loi pluriannuelle des finances publiques : la transmission au moins quinze jours avant l'envoi à Bruxelles ; un vote du Parlement, à la demande du Gouvernement ou d'un groupe parlementaire. Enfin, un ajout est indispensable : la possibilité pour une Assemblée d'adopter une résolution sur le projet de programme de stabilité, qui permettrait une expression plus nuancée que l'adoption ou le rejet d'une déclaration du Gouvernement.

La règle d'équilibre est nécessaire pour que les engagements pluriannuels ne restent pas lettre morte. Il faut prévoir un dispositif interne assurant la cohérence entre la trajectoire pluriannuelle et les lois financières annuelles. Aujourd'hui, la trajectoire pluriannuelle qui engage la France est celle qui figure dans le programme de stabilité. Cela étant, même en l'absence de programme de stabilité ou de pacte de stabilité européen, la situation de nos finances publiques commanderait que l'on se dote d'une règle favorisant la convergence budgétaire. Qu'on ne dise pas que l'Europe nous y oblige, c'est un impératif absolu !

Le principe est de subordonner les lois financières annuelles à une trajectoire pluriannuelle. Les programmes de stabilité portant sur une période de quatre ans (l'année en cours et les trois suivantes), la question du caractère glissant ou non de la loi-cadre relève de la loi organique. Il importe cependant de préciser dès aujourd'hui dans quel état d'esprit le constituant envisage ces textes. Sur ce point, deux options sont possibles. Ou bien il s'agit de voter la loi-cadre, une fois pour toutes, pour toute la durée de la programmation ; c'est le modèle des actuelles lois de programmation des finances publiques (LPFP), qui présente l'inconvénient de porter en germe une déconnexion entre la trajectoire de la loi-cadre et celle figurant dans le programme de stabilité qui, lui, est actualisé chaque année. Ou bien il s'agit d'actualiser chaque année la loi-cadre, pour tenir compte du contenu du dernier programme de stabilité transmis aux institutions de l'Union européenne. C'est évidemment ce deuxième schéma qui permet le mieux d'éradiquer le double langage et qui est politiquement le plus lisible. Il serait bon d'orienter la loi organique et de dire très clairement que le programme de stabilité et les lois cadres seront parfaitement concordants.

La LPFP 2011-2014 préfigure la règle constitutionnelle. Elle fixe pour chacune des années de la programmation le montant maximal des dépenses de l'État et, dans un article distinct, celui des dépenses de la sécurité sociale. Elle fixe de même le montant minimal des augmentations de prélèvements obligatoires à inscrire dans les lois financières (dans la LPFP 2011- 2014 : 11 milliards en 2011 et 3 milliards pour chacune des années suivantes). Les économistes qualifient d'effort structurel l'action discrétionnaire sur le déficit, c'est-à-dire celle qui résulte du niveau des dépenses et des mesures nouvelles sur les recettes.

La trajectoire de mesures nouvelles en recettes ne distingue pas entre l'État et la sécurité sociale : l'effort global en recettes devra être réparti chaque année entre les deux lois financières. La loi organique organisera la fongibilité entre mesures de recettes et mesures de dépenses, et entre mesures relevant de l'État et de la sécurité sociale : la LPFP 2011-2014 prévoit déjà, à l'initiative du Sénat, une telle fongibilité. Les mesures coûteuses devront être compensées par des mesures nouvelles ou des baisses de dépenses de même montant, de façon à ne pas s'écarter de la trajectoire : la règle a donc pour effet d'obliger le Gouvernement à gager toutes ses mesures coûteuses.

Le contrôle de conformité à la loi-cadre sera nécessairement automatique et conjoint. Le contrôle du Conseil constitutionnel consistera à comparer les montants figurant dans la loi-cadre à ceux figurant dans les lois annuelles. Le texte initial du projet de loi ne précise pas les modalités du contrôle de conformité. L'Assemblée nationale a prévu un contrôle automatique, de façon à assurer que le Conseil se prononcera sur l'impact, sur la trajectoire, de chaque disposition affectant l'équilibre budgétaire. La commission des lois du Sénat propose un contrôle conjoint, avant le 31 décembre, des deux lois financières initiales, de façon à permettre au Conseil constitutionnel d'apprécier effectivement le respect du plafond de dépenses et du plancher de mesures nouvelles en recettes, mis en oeuvre par des dispositions partagées entre les deux textes. Contrôle automatique et conjoint : les deux propositions de la commission des finances du Sénat sont à présent prises en compte.

Qu'advient-il en cas de censure ? Nous vous proposerons un amendement ayant pour objet de prévoir dans la Constitution un renvoi à la loi organique pour la définition des conséquences d'une non-conformité. Quel pourrait-être le contenu de la future disposition organique ? Pour lancer le débat, le rapport écrit évoque plusieurs pistes selon lesquelles, par exemple, en cas de non-conformité à la loi-cadre : le Gouvernement ouvre par décret les crédits se rapportant aux services votés conformément au quatrième alinéa de l'article 47 de la Constitution ; les mesures nouvelles réduisant les recettes sont annulées ; les mesures nouvelles tendant à les accroître sont maintenues ; le solde nécessaire pour compenser l'effort manquant est financé par une augmentation prédéterminée d'un certain prélèvement, par exemple du taux normal de la TVA, sauf si le Gouvernement prend les mesures nécessaires dans un certain délai.

Une condition du succès de la règle, c'est de calculer les objectifs en fonction d'hypothèses économiques prudentes. L'article 4 de la proposition de directive, que doit définitivement adopter le Conseil européen du 24 juin 2011, dispose notamment que la planification budgétaire repose sur le scénario macro-budgétaire le plus probable ou sur un scénario plus prudent qui met en évidence, de manière détaillée, les écarts par rapport au scénario le plus probable. Cet article 4 dispose aussi que les prévisions macroéconomiques et budgétaires établies aux fins de la planification budgétaire incluent des scénarios macroéconomiques alternatifs permettant d'étudier la trajectoire des variables budgétaires dans différentes conditions économiques. On se prend à rêver d'une autorité indépendante, comme le Bureau central de planification que nous avons approché aux Pays-Bas.

La règle n'impose pas aux gouvernements une trajectoire budgétaire plutôt qu'une autre, elle n'impose pas une politique budgétaire plutôt qu'une autre ; la seule chose qu'elle impose est la cohérence entre la trajectoire pluriannuelle annoncée à nos partenaires européens et sa déclinaison annuelle dans les lois financières. La sagesse des prévisions annuelles sera transcrite dans la trajectoire pluriannuelle. Au total, c'est une règle souple et indifférente aux majorités politiques.

M. Philippe Marini , rapporteur pour avis. - Pour assurer la cohérence, un monopole des lois financières est nécessaire en matière de prélèvements obligatoires, comme l'ont recommandé notre commission et le groupe Camdessus. C'est une discipline que le Gouvernement s'impose déjà à lui-même : la circulaire Fillon du 4 juin 2010 a pour but de mettre un terme à la dispersion des mesures relatives à ces prélèvements - une dispersion qui est source de contournement des procédures budgétaires, d'une insuffisante protection des recettes fiscales et sociales et génératrice d'instabilité et de complexité pour les acteurs économiques. C'est aussi une mesure annoncée par le président de la République au président du Conseil européen, dans le cadre de la mise en oeuvre du « Pacte euro + ». Il y va donc de notre crédibilité au plus haut niveau.

Cette disposition a provoqué de nombreux débats à l'Assemblée nationale, les députés craignant une atteinte à l'initiative parlementaire. La solution retenue par l'Assemblée nationale consiste, d'une part, en une nouvelle irrecevabilité permettant non seulement le dépôt de dispositions relatives aux prélèvements obligatoires à tout moment, mais également leur adoption définitive, sous réserve de l'invocation de l'irrecevabilité par le Gouvernement ou le président d'une Assemblée et, d'autre part, en l'obligation pour le Conseil constitutionnel de censurer toute mesure relative à ces prélèvements adoptée en dehors d'une loi financière. Cette compétence liée a choqué nos collègues de la commission des lois. Toutefois, la jurisprudence du Conseil constitutionnel étant assez libérale s'agissant du partage entre le domaine de la loi et celui du règlement, il a paru nécessaire, en quelque sorte, de lui tenir la main. On s'oriente néanmoins vers une suppression par le Sénat du dispositif issu de l'Assemblée nationale parce que les objections juridiques sont assez difficilement surmontables.

Que propose donc notre commission des lois ? Elle a considéré que le monopole aboutissait à une présentation parcellaire des principales réformes. Elle s'est également livrée à un historique sur lequel il est préférable de ne pas revenir - évitons les polémiques entre commissions. Elle a proposé un dispositif selon lequel les dispositions relatives aux prélèvements obligatoires adoptées en cours d'année devraient, pour entrer en vigueur, être approuvées par une loi financière. La technique de la « voiture balai » n'emporte pas notre adhésion pour deux raisons. D'abord, il y aurait déconnexion entre les décisions agréables et les décisions désagréables. Ensuite, il serait très difficile de revenir, plusieurs mois après, sur un avantage accordé : si le Parlement crée un droit, il lui est difficile de se dédire dans le cadre d'une loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Or, si les dépenses fiscales ou les diminutions de contributions sociales ne sont pas remises en cause par les lois financières, celles-ci devraient trouver des ressources nouvelles afin de respecter les trajectoires pluriannuelles.

Nous avons recherché un point d'équilibre, parce que les différentes solutions proposées pour assouplir ou, à vrai dire, contourner le monopole ne sont pas pleinement satisfaisantes. La méthode la plus cohérente serait, lorsque le volet relatif aux prélèvements obligatoires d'une réforme sectorielle est véritablement indissociable de l'objet de la réforme elle-même, que le Gouvernement dépose simultanément un projet de loi de finances (ou de financement de la sécurité sociale) rectificative, qui cheminerait parallèlement à l'autre texte, et où figurerait un tableau d'équilibre. Préservant l'initiative parlementaire, cette solution garantit aussi le travail en commun des commissions. En revanche, ni le Gouvernement, ni les parlementaires, ne pourraient plus créer, par voie d'amendement, de nouvelles niches dans des textes sectoriels, à l'exemple de cette loi sur le tourisme à l'occasion de laquelle a été voté le nouveau régime de TVA pour la restauration.

M. Serge Dassault . - C'est une loi nécessaire, mais je ne vois pas comment on pourra l'appliquer.

Mme Nicole Bricq . - C'est bien le problème...

M. Serge Dassault . - D'abord, qu'appelle-t-on équilibre budgétaire, et le situe-t-on à un déficit de zéro ou de 3 % ? Que fait-on de la dette ? Quant à la disparition de l'initiative parlementaire, c'est déjà une réalité avec l'article 40, article que le Gouvernement ne se soucie jamais de s'appliquer à lui-même, sauf pour l'ISF. Je ne vois pas comment on pourra stopper la dérive de la dette. Aujourd'hui égale à 85 % du PIB, elle augmentera encore cette année de 120 milliards, et sans doute d'autant en 2012. Or, nos recettes diminuent - avec la quasi-absence d'impôt sur le revenu, elles ne reposent plus que sur la TVA, l'impôt sur les sociétés, les taxes sur le pétrole ou le tabac, tandis que nos dépenses augmentent. On pourrait diminuer les budgets sociaux (ce serait difficilement acceptable) ou les dépenses administratives, les dépenses de personnel (on y touche peu). Comment bouclera-t-on le budget 2012 ? Non, je ne vois vraiment pas comment un gouvernement quel qu'il soit, et surtout s'il est socialiste, pourra appliquer cette loi excellente et nécessaire.

Mme Nicole Bricq . - Allons, allons, il ne faut pas partir battus.

Nous ne pouvons pas avoir cette réflexion ab abstracto . Nous devrions avoir en main le texte de la Commission européenne sur notre programme de stabilité. J'ai seulement lu dans la Correspondance économique que pour elle, « le programme français est basé sur un scénario macro-économique trop favorable ».

M. Jean Arthuis , rapporteur pour avis. - On l'a dit...

Mme Nicole Bricq . - L'Allemagne a choisi d'exprimer sa règle en termes de solde structurel. Pour M. Camdessus, « on ne sait pas ce qu'est un solde structurel » ; la France, elle, a choisi la notion d'« effort structurel », et le rapporteur général propose de prendre en compte une hypothèse de croissance potentielle. En outre, les Allemands ont mis en place un compte de contrôle. Pourquoi ne pas adopter le même mécanisme ? Nous sommes vraiment assez loin d'une règle d'or. Nous risquons surtout d'avoir une règle de plomb.

M. Joël Bourdin . - Je loue l'ingéniosité et la capacité d'innovation de nos co-rapporteurs, mais je voudrais bien mesurer la faisabilité de leur proposition, qui confère à la commission des finances une nouvelle charge de travail. A-t-on évalué le nombre de textes supplémentaires qu'aurait cette année imposé d'examiner le double dépôt de projets de loi ?

M. Denis Badré . - Monsieur Dassault, pour moi, l'équilibre, c'est l'équilibre, c'est « zéro » ! N'ouvrons pas ce débat.

Dans le texte de l'Assemblée nationale, il faudrait supprimer, à l'article 12, les mots « A la demande du Gouvernement ou d'un groupe parlementaire ».

Mme Nicole Bricq . - Absolument !

M. Denis Badré . - Cela donnerait plus de crédibilité à ce débat et à ce vote, et nous permettrait de nous concentrer davantage sur le contenu du projet.

M. Philippe Dallier . - Tout en saluant moi aussi l'effort d'imagination de nos rapporteurs, je m'interroge sur ce qui en résulterait pour l'organisation de nos travaux en séance. Cette loi de finances rectificative serait discutée tout de suite après le vote du texte sectoriel. C'est un peu compliqué. Comment cela se passera-t-il en séance ?

M. Jean-Pierre Fourcade . - Un gouvernement mis en place après une élection a envie de faire une loi de programmation, comme on l'a fait pour la défense, la sécurité ou la justice. Comment s'articulera-t-elle avec la loi-cadre d'équilibre des finances publiques ? D'autre part, il faudrait faire un sort particulier aux prélèvements obligatoires concernant les collectivités territoriales ; le texte présenté est trop général.

M. Jean Arthuis , rapporteur pour avis. - Il faut garder à l'esprit la situation de nos finances publiques et s'interroger sur les sanctions encourues par la France. Bien sûr, nous voulons tous exercer nos prérogatives parlementaires ; il faut pourtant se rappeler que nous avons voté un déficit de 92 milliards pour l'État, et de 30 milliards pour la sécurité sociale. La souveraineté d'un État endetté n'est plus grand-chose quand il ne peut plus faire appel au marché, et la notion de frein à la dette s'impose dans toute l'Europe. Au parlement allemand on ne dit plus déficit, mais augmentation de la dette publique, ce qui est plus parlant.

L'équilibre, monsieur Dassault, c'est celui des recettes et des dépenses. Pour la première fois - c'est historique ! - le Gouvernement veut s'imposer un « article 40 », avec un plafond de dépenses et un plancher de mesures nouvelles en recettes. Lorsqu'on fait coïncider loi de programmation pluriannuelle et programme de stabilité, on est sur le bon chemin. On peut diminuer la dette en se fixant une trajectoire. A faire une programmation pluriannuelle avec une prévision optimiste - même le parti socialiste reprend le chiffre de 2,5 % -, on s'interdit de freiner la dette...

Monsieur Bourdin, qu'aurait donné notre proposition en 2010 ? D'abord nous aurions peut-être pu faire moins de lois en 2010... Ensuite, le Gouvernement se serait interdit d'inscrire dans ces lois de nouvelles dépenses, sauf à prévoir de les compenser par ailleurs. C'est vraiment d'une rupture, d'une saine rupture dans les comportements qu'il s'agit. Reconnaissons que la plupart des propositions de lois déposées au Sénat sont irrecevables au regard de l'article 40. On ne peut pas continuer ainsi, avec une pratique qui confine à l'irresponsabilité.

Quant au solde structurel, ce n'est pas une notion plus simple ou plus claire que celles de dépenses et de recettes. Il faut tenir compte du produit intérieur brut potentiel, d'un potentiel proche de la réalité. Et, lorsqu'on retient une estimation très élevée de ce PIB potentiel, quelles conséquences en tire-t-on pour le solde structurel ? C'est pourquoi la commission Camdessus a préféré un indicateur un peu plus robuste.

Mme Nicole Bricq . - Croyez-vous vraiment que l'on va tirer les conséquences de ce projet de loi ?

M. Jean Arthuis , rapporteur pour avis. - Chacun prendra ses responsabilités. Il me paraît plus simple de décider comment on finance les dépenses supplémentaires et à quelles recettes renoncer pour revenir à l'équilibre des finances publiques.

M. Philippe Marini , rapporteur pour avis. - Il y a trois approches possibles : nominale, en termes de solde structurel, ou en termes d'effort structurel. La première peut séduire, elle est la plus simple, mais les chiffres mélangent données conjoncturelles et non conjoncturelles. Et il faut tenir compte de la phase du cycle : ce n'est pas parce que l'on traverse une période de forte croissance que l'on doit oublier la vertu. Cette première solution ne peut donc être retenue. La deuxième, à l'allemande, fonctionne ... en Allemagne, dans un pays où l'on respecte les économistes, où les hypothèses sur lesquelles les lois de finances initiales sont bâties résultent mécaniquement du consensus des économistes - il faut tenir compte des données culturelles !

Mme Nicole Bricq . - C'est vrai...

M. Philippe Marini , rapporteur pour avis. - Reste la troisième approche, celle qu'ont adoptée le Gouvernement et l'Assemblée nationale, et, avant eux, le groupe de travail Camdessus et nous-mêmes. Elle conserve la possibilité de mesures discrétionnaires, préserve la liberté de décider des recettes ou des dépenses nouvelles. La responsabilité politique demeure.

Ne nous cachons pas qu'une règle, quelle qu'elle soit, n'exonère pas de la prudence - en l'occurrence, elle ne sera utile que si l'on retient des hypothèses macro-économiques prudentes. Les extraits que Mme Bricq a lus coïncident avec nos appréciations.

Mme Nicole Bricq . - Je l'ai dit.

M. Philippe Marini , rapporteur pour avis. - Oui, nous convergeons sur certains sujets.

Nous avons eu un exemple de la méthode préconisée par la commission des lois dans le passé. La loi sur la réforme des retraites a été votée, puis les conséquences financières en ont été tirées en loi de financement et loi de finances. Mais, à nos yeux, il eût été préférable d'examiner l'ensemble dans une même séquence temporelle.

Quant à la procédure, la loi organique et les règlements des Assemblées en préciseront les modalités. Une discussion générale commune s'impose, je crois : du reste, la Conférence des présidents peut toujours la décider, cette organisation est facile à mettre en oeuvre, même si, ne l'oublions jamais, le diable se niche parfois dans les détails...

M. Badré s'interroge sur les conditions de mise en oeuvre de la résolution : si un débat est organisé à la demande d'un groupe ou du Gouvernement, il aura bien lieu, systématiquement ! Je précise à M. Fourcade que, bien sûr, les lois sectorielles devront elles aussi respecter la loi-cadre. Cela se pratique déjà, du reste : la Loppsi II a été rectifiée pour tenir compte de la loi de programmation des finances publiques. La Constitution prévoyant une primauté d'examen pour le Sénat sur les textes concernant l'organisation des collectivités locales, il faudra préciser que le nouveau dispositif respecte cette disposition de l'article 39 de la Constitution. Est-ce une redondance ? Elle me semble utile, elle est une garantie de paix et de sérénité pour les commissions du Sénat.

M. Jean Arthuis , rapporteur pour avis. - Auparavant, chaque ministre faisait sa loi de programmation, et l'on se gardait bien de consolider les textes, afin que le total, irréaliste, insoutenable, n'apparaisse pas. Nous marchons donc dans la bonne direction. Certes, le travail parlementaire deviendra moins ludique, plus contraignant pour les ministres, mais c'est que le pays est en quasi-redressement judiciaire ! N'oublions pas que passé un certain stade, les décisions sont prises par le FMI, l'Union européenne et les prêteurs, mais plus par les autorités politiques du pays...

M. Philippe Marini , rapporteur pour avis. - Sur le compte de contrôle, Mme Bricq trouvera dans le rapport écrit une analyse de ce qui devrait figurer dans la loi organique. Les dérapages, ou les écarts, devront être compensés dans la plus prochaine loi de finances ou de financement qui suit. La correction, a déclaré le ministre du budget, passera par le compte de contrôle, comme en Allemagne. La méthode sera aussi rigoureuse qu'outre-Rhin.

M. Jean Arthuis , rapporteur pour avis. - Ce compte retracera les écarts par rapport à la programmation.

M. Serge Dassault . - La règle européenne qui pose une limite (3 % du PIB pour le déficit et 60 % pour la dette) n'est pas respectée...

M. Jean Arthuis , rapporteur pour avis. - Nous affrontons un risque de dette perpétuelle. C'est bien pour cela qu'il nous faut nous imposer une règle. Le couteau, qui peut être l'instrument d'un crime, sert à préparer le repas familial...

M. Pierre Jarlier . - Le système proposé est intéressant. Mais qu'adviendra-t-il si les mesures de financement d'une loi sectorielle ne sont pas votées en loi de finances ou de financement de la sécurité sociale ?

M. Philippe Marini , rapporteur pour avis. - Alors celles-ci demeureront virtuelles !

M. Jean Arthuis , rapporteur pour avis. - Comme cela se produit déjà aujourd'hui.

Mme Nicole Bricq . - Dans le cas de la Cades, la loi organique n'a pas été respectée.

M. Albéric de Montgolfier . - Mais une loi qui ne reçoit pas le feu vert de la loi financière devient-elle sans objet, tombe-t-elle, est-elle promulguée ou non ?

M. Jean Arthuis , rapporteur pour avis. - Les mesures assorties de financements s'appliquent, les autres resteront en carafe !

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

M. Philippe Marini , rapporteur pour avis. - L'amendement n° 1 tend à lever toute ambiguïté sur la règle d'équilibre : le contrôle du Conseil constitutionnel portera uniquement sur le montant des dépenses et le montant des mesures nouvelles en recettes.

M. Jean-Pierre Fourcade . - La charge de la dette n'est pas comprise dans la notion d'administration publique : modifions l'intitulé.

M. Philippe Marini , rapporteur pour avis. - L'Etat est une administration publique. La charge de sa dette est bien prise en compte dans ses dépenses.

M. Jean-Pierre Fourcade . - Il faut le préciser dans le rapport.

Mme Nicole Bricq . - Ce débat a eu lieu à l'Assemblée nationale, nous y reviendrons en séance publique. La durée pose problème...

M. Philippe Marini , rapporteur pour avis. - C'est un amendement purement technique.

Mme Nicole Bricq . - Non, c'est un amendement purement politique. Une élection présidentielle interviendra l'an prochain, une nouvelle législature de cinq ans s'ouvrira, peut-être avec un contrat de législature.

M. Philippe Marini , rapporteur pour avis. - Il faudra en trouver les moyens...

M. Jean Arthuis , rapporteur pour avis . - Au sein du groupe de travail Camdessus, il y avait consensus sur cette orientation.

Mme Nicole Bricq . - Avant M. Camdessus, il y a eu M. Pébereau, relisez ce qu'il a écrit. Et que n'avez-vous édicté cette règle en 2007 !

M. Philippe Marini , rapporteur pour avis. - Ne vivez pas en regardant toujours dans le rétroviseur !

Mme Nicole Bricq . - Vous avez le problème inverse : votre mémoire flanche.

L'amendement n° 1 est adopté.

Article additionnel après l'article 2

M. Philippe Marini , rapporteur pour avis. - La concomitance entre un projet de loi qui nécessite pour son application des mesures relatives aux prélèvements obligatoires et un projet de loi de finances ou de financement me paraît souhaitable : tel est l'objet de l'amendement n° 2.

M. Jean Arthuis , rapporteur pour avis. - La concomitance permet une vision globale. Le Gouvernement devra consolider PLF et PLFSS.

Mme Nicole Bricq . - Combien de lois de finances rectificatives prévoyez-vous par an ?

M. Philippe Marini , rapporteur pour avis. - Plusieurs. Mais nous sommes déjà à trois ou quatre.

M. Jean Arthuis , rapporteur pour avis. - Faisons moins de lois.

L'amendement n° 2 est adopté.

Article 2 bis

M. Philippe Marini , rapporteur pour avis. - Convergeant avec la commission des lois, nous supprimons l'article par l'amendement n° 3.

L'amendement n° 3 est adopté.

Article 9

M. Philippe Marini , rapporteur pour avis. - Les conséquences d'une non-conformité prononcée par le Conseil constitutionnel doivent être définies quelque part, notre quatrième amendement tend à prévoir que la loi organique y pourvoit.

M. Jean-Pierre Fourcade . - Sinon, c'est Standard & Poor's qui s'en chargera.

L'amendement n° 4 est adopté.

Article 9 bis

L'amendement de coordination n° 5 est adopté.

Article 12

M. Philippe Marini , rapporteur pour avis. - Ce que le projet de loi prévoit pour le vote sur le programme de stabilité est insuffisant, car le Parlement ne pourra pas exprimer une position nuancée. Il doit pouvoir assortir son vote de considérants et de voeux : la résolution est mieux adaptée. C'est le sens de notre amendement n° 6. Comme pour les résolutions de l'article 88-4, les conditions d'élaboration relèvent du Règlement de chaque Assemblée.

Mme Nicole Bricq . - Je n'approuve pas cet amendement de commodité, certes utile pour un groupe politique...

M. Yann Gaillard , président. - Utile pour vous aussi !

M. Philippe Marini , rapporteur pour avis. - Fontaine...

Mme Nicole Bricq . - Si un programme de stabilité est sérieux, il engage la France sur une trajectoire des finances publiques, alors qu'une proposition de résolution n'est pas contraignante. Le vote du Parlement doit exprimer un choix clair : on est pour ou contre la programmation de nos finances publiques.

Pour M. Trichet, l'Union européenne gagnerait à se doter d'un ministre des finances. Un ministre sans budget ! Quoi qu'il en soit, l'envoi du programme et le retour du document dûment tamponné par la Commission appellent un débat au Parlement, sinon, c'est un abandon de souveraineté des parlements nationaux.

M. Jean Arthuis , rapporteur pour avis. - Mais non ! Faculté est donnée aux commissions permanentes de présenter une proposition de résolution !

M. Philippe Marini , rapporteur pour avis. - Mme Bricq exprime une position antiparlementaire !

Mme Nicole Bricq . - Il faut un vote en séance.

L'amendement n° 6 est adopté.

Article 13

L'amendement de coordination n° 7 est adopté.

M. Serge Dassault . - La loi constitutionnelle vise à la disparition du déficit budgétaire. Et la dette : fait-elle partie de l'objectif ?

M. Jean Arthuis , rapporteur pour avis. - Nous avons suffisamment d'indicateurs. Et nous nous fixons un cadre soutenable, un objectif que nous pouvons tenir !

M. Serge Dassault . - La règle communautaire ne s'applique pas à nous, sans doute ?

M. Jean Arthuis , rapporteur pour avis. - Si, les 3 % et les 60 % s'imposent à nous, mais ils sont dans le traité !

M. Jean-Pierre Fourcade . - Ils font bien sûr partie des objectifs que nous poursuivons !

M. Jean Arthuis , rapporteur pour avis. - La rédaction de la loi constitutionnelle est une invite à nous projeter dans l'avenir. C'est un instrument de lucidité.

La commission des finances a donné un avis favorable au projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques, sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle soumet au Sénat, les groupes socialistes et CRC-SPG votant contre.

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Amendement n° 1

ARTICLE 1ER

Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les lois-cadres d'équilibre des finances publiques déterminent, pour au moins trois années, les orientations pluriannuelles, les normes d'évolution et les règles de gestion des finances publiques, en vue d'assurer l'équilibre des comptes des administrations publiques. Elles fixent, pour chaque année, un plafond de dépenses et un minimum de mesures nouvelles afférentes aux recettes qui s'imposent aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Elles ne peuvent être modifiées en cours d'exécution que dans les conditions prévues par une loi organique. Une loi organique précise le contenu des lois-cadres d'équilibre des finances publiques et peut déterminer celles de leurs dispositions, autres que celles prévues à la deuxième phrase du présent alinéa, qui s'imposent aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Elle définit les conditions dans lesquelles sont compensés les écarts constatés lors de l'exécution des lois de finances et de l'application des lois de financement de la sécurité sociale. »

Amendement n° 2

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 2

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l'article 39 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'un projet de loi nécessite, pour sa mise en oeuvre, des dispositions relevant du vingtième alinéa de l'article 34, le Gouvernement dépose simultanément un projet de loi de finances ou un projet de loi de financement de la sécurité sociale. »

Amendement n° 3

ARTICLE 2 BIS

Supprimer cet article.

Amendement n° 4

ARTICLE 9

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Une loi organique détermine les conditions d'application du présent alinéa.

Amendement n° 5

ARTICLE 9 BIS

Supprimer cet article.

Amendement n° 6

ARTICLE 12

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

, qui peuvent proposer l'adoption d'une résolution sur le programme de stabilité mentionné à l'alinéa précédent, selon des modalités fixées par le règlement de chaque assemblée.

Amendement n° 7

ARTICLE 13

Alinéa 1

Remplacer les mots :

les articles 39 et 42

par les mots :

la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 39, l'article 42

ANNEXE - NOTE ADRESSÉE PAR LE PRÉSIDENT ET LE RAPPORTEUR GÉNÉRAL DE LA COMMISSION DES FINANCES À M. MICHEL CAMDESSUS (17 MAI 2010)

COMMISSION DES FINANCES

LE PRESIDENT

LE RAPPORTEUR GENERAL

Note à l'attention de M. Michel Camdessus, président du groupe de travail sur la mise en place d'une règle d'équilibre des finances publiques

La recherche d'une règle d'équilibre a pour objet de permettre de rompre avec la trajectoire des finances publiques depuis le milieu des années 70, en faisant l'hypothèse que l'ensemble des formations politiques susceptibles d'être en situation d'appliquer la règle souscrivent à cette rupture.

Si la recherche d'une règle contraignante ne doit pas être écartée, notamment en raison du signal positif que son adoption enverrait aux marchés sur lesquels la France se finance, le retour sur une trajectoire de convergence est également conditionné par la détermination de règles institutionnelles et de règles de procédure, dans un cadre européen rénové.

En tout état de cause, une règle ne pourra être retenue que si son effectivité est assurée et si elle est suffisamment lisible pour être comprise par l'opinion. Elle ne saurait se substituer ni aux principes fondamentaux (sincérité, transparence, lisibilité, équilibre), ni à la volonté de les respecter.

1. Le cadre institutionnel

1.1. Le programme de stabilité

La trajectoire pluriannuelle sur laquelle s'engage la France est celle qui résulte du programme de stabilité transmis au mois de janvier à la Commission européenne, et qui reprend généralement, en la développant, la programmation pluriannuelle des finances publique annexée au projet de loi de finances.

Le programme de stabilité doit être reconnu comme la « norme supérieure » en matière de finances publiques, de laquelle doit découler le contenu de toutes les autres normes : loi de finances, loi de financement de la sécurité sociale et, le cas échéant, loi de programmation des finances publiques. Dès lors : on peut considérer qu'une règle de solde existe déjà : la limitation du déficit à 3 % du PIB, prévue par les traités ; on doit désormais raisonner à l'échelle de l'ensemble des administrations publiques, en considérant notamment que la séparation entre lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale est simplement fonctionnelle, les grands équilibres devant être appréciés de manière consolidée. Au demeurant, nos partenaires européens, en règle générale, ne connaissent pas cette dualité de documents budgétaires.

Paradoxalement, le document qui détermine la trajectoire pluriannuelle sur laquelle s'engage la France n'est pas soumis au Parlement préalablement à sa transmission, ni pour qu'il y soit voté, ni même pour qu'il soit informé. Dès lors que la stratégie des finances publiques a pour objet de respecter la trajectoire définie par le programme de stabilité, l'assentiment du Parlement est indispensable . Il devrait se traduire par l'adoption de résolutions, selon la procédure issue de la révision constitutionnelle de 2008. Ce serait une expression politique suffisamment forte, même si elle ne revêt pas la forme juridique d'une loi. Elle replacerait les groupes politiques au coeur du processus et les conduirait à faire preuve de l'esprit de responsabilité qui leur manque.

1.2. La loi de programmation des finances publiques

La Constitution prévoit désormais que les lois de programmation des finances publiques, qui sont des lois ordinaires, concourent à l'objectif d'équilibre des finances publiques. Si leur calendrier était aligné sur celui des programmes de stabilité, il serait possible de les envisager comme le document qui décline les engagements européens de la France , en ventilant les efforts annoncés, en recettes comme en dépenses, entre ceux qui relèvent de la loi de finances et ceux qui entrent dans le champ de la loi de financement de la sécurité sociale. La ventilation serait présentée par mission du budget général et par branche du régime général de la sécurité sociale.

Cependant, dès lors que la loi de programmation n'a pas une valeur supérieure à celle des deux lois financières, on peut considérer qu'elle n'est qu'indicative et qu' une annexe détaillée au programme de stabilité produirait les mêmes effets en faisant l'économie d'un processus législatif lourd.

Il importe de veiller à ne pas brouiller les messages . Le vote d'objectifs de solde dans une loi de programmation pluriannuelle ne serait concevable que si ceux-ci sont identiques aux montants inscrits dans le programme de stabilité. Or l'existence de deux supports différents emporte des risques de divergence entre les montants (liés aussi bien à des modifications d'hypothèses économiques qu'à des différences de périmètre) et donc d'illisibilité de la trajectoire. A cet égard, l'expérience de la mise en oeuvre de la loi de programmation des finances publiques de février 2009 n'est guère encourageante. L'unification des temps et des concepts est désormais une nécessité.

1.3. Les lois financières de l'année

L'annualité budgétaire est un principe de rang constitutionnel, faisant obstacle à ce que les lois de programmation des finances publiques soient considérées comme des normes de rang supérieur.

L'annualité budgétaire est le principe qui procure au gouvernement la souplesse nécessaire à la conduite de sa politique, dans le respect des engagements internationaux de la Franc e. Dès lors, les lois financières de l'année doivent constituer l'instrument privilégié pour prendre les mesures permettant d'atteindre l'objectif de solde fixé par le programme de stabilité. Cette réalité est la seule qui puisse concilier la souveraineté budgétaire de l'État et la mise en oeuvre des traités .

1.4. Le « session budgétaire de printemps »

En vertu de la loi organique relative aux lois de finances, il existe bien une « session budgétaire de printemps », au cours de laquelle le Parlement examine la loi de règlement des comptes de l'exercice précédent puis, sur la base d'un rapport de la Cour des comptes et d'un rapport du Gouvernement, débat des orientations des finances publiques. S'agissant de l'État, les plafonds de dépense par mission lui soit soumis à cette date. Ce processus peut dessiner, pour l'exécutif comme pour les assemblées, un équivalent de la « spring law » à la suédoise.

Dans le schéma institutionnel ici proposé, il serait concevable que cette séquence soit utilisée pour constater les écarts éventuels par rapport à la trajectoire du programme de stabilité et annoncer les mesures complémentaires devant être prises pour respecter les objectifs fixés . De la même manière que pour la déclinaison annuelle du pacte de stabilité, le vote des résolutions parlementaires apporterait la conclusion appropriée aux débats d'orientation budgétaire, aujourd'hui simple succession de prises de parole sans vraie expression politique.

2. Les règles de procédure

La détermination de la trajectoire pluriannuelle, donc l'objectif de solde, doit rester une décision politique, prise en fonction des évolutions de la conjoncture et en tenant compte des engagements internationaux de la France.

En revanche, pour s'assurer que les différentes décisions de politiques sectorielles sont cohérentes avec la stratégie globale des finances publiques, des règles de procédure doivent être adoptées.

2.1. Le monopole des lois financières sur les dispositions ayant un impact sur le solde des administrations publiques (crédits budgétaires, dépenses fiscales et sociales)

Une révision en ce sens de la Constitution est une condition de la cohérence des orientations en matière de finances publiques, puisque chaque mesure coûteuse serait appréciée non seulement au regard de ses effets sectoriels mais également sur le solde des administrations publiques.

Elle serait également facteur de hiérarchisation des priorités de l'action publique puisque les mesures sectorielles se feraient concurrence entre elles, toutes ne pouvant être retenues.

La pratique conduit malheureusement à constater qu'il serait illusoire de parier sur un sursaut comportemental de la part des ministres et des parlementaires. Une règle est indispensable. Du choix de la créer ou non dépend clairement la crédibilité de nos intentions. C'est pour nous la clé de l'ensemble du processus. Sans cette règle, le double langage, en d'autres termes l'écart de la parole aux actes, continuera d'être une tentation à laquelle la « classe politique » ne pourra résister .

2.2. La fusion des parties « recettes » des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale

Dès lors que l'on se situe dans une perspective de déclinaison entre catégories d'administrations publiques des objectifs de solde prévus par le programme de stabilité, il est logique d'examiner de manière agrégée l'ensemble des ressources disponibles avant de les répartir entre les différentes catégories de dépenses . La culture différente des commissions des finances et des affaires sociales est une réalité, qui fait aujourd'hui obstacle à une appréciation économique correcte de la politique des prélèvements obligatoires.

Cette réforme, qui nécessiterait de modifier la Constitution, reviendrait à aller au bout de la logique qui a conduit, à l'initiative du Sénat, à l'inscription dans la loi organique relative aux lois de finances la remise par le Gouvernement, à l'automne, d'un rapport sur les prélèvements obligatoires pouvant donner lieu l'organisation d'un débat. Serait ainsi mis fin à une pratique qui conduit à débattre des prélèvements obligatoires dans deux cadres distincts, en deux temps séparés.

2.3. La saisine obligatoire du Conseil constitutionnel sur les lois financières

Dès lors que l'objectif d'équilibre des finances publiques figure dans la Constitution, ne serait-ce que pour définir l'objet des lois de programmation des finances publiques, une nouvelle révision devrait faire en sorte que le Conseil constitutionnel soit en mesure d'examiner la conformité à la Constitution de toutes les lois financières, surtout si elles devaient, à l'avenir, avoir le monopole des dispositions ayant une incidence sur le solde des administrations publiques. Il s'agit là encore d'un dispositif de cohérence qui conditionne les « enchaînements vertueux » que nous recherchons.

2.4. L'élévation au niveau organique de la règle de gage et de la durée limitée des dépenses fiscales

La loi de programmation des finances publiques de février 2009 a marqué un premier pas dans l'encadrement des « niches fiscales et sociales », en particulier du fait des dispositions de son article 11 selon lesquelles, d'une part, toute création ou extension de « niche » devait être gagée à due concurrence par la suppression ou la réduction d'une ou plusieurs autres niches et, d'autre part, la durée de vie d'une « niche » nouvelle est limitée à quatre années.

Bonnes dans leur principe, ces mesures ont connu une application caricaturale et par là-même très révélatrice. Le « compteur de gage » mis en place est fictif puisqu'il s'apprécie au regard du coût estimé des mesures « en régime de croisière » et non au regard de leur coût constaté l'année de mise en oeuvre. L'absence de primauté des dispositions de l'article 11 sur celles des lois promulguées postérieurement conduit à s'interroger sur la réalité de la durée de vie limitée des « niches nouvelles ». Ainsi, l'esprit de la loi de programmation voudrait que la baisse de taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux restaurateurs, intervenue en juillet 2009, s'applique seulement jusqu'en 2013.

Tant par souci de clarification juridique que pour faire prévaloir l'intention du législateur, il est indispensable d'ériger au niveau organique la règle de gage et de durée limitée des dépenses fiscales.

2.5. L'extension de la norme de dépense de l'Etat à la dépense fiscale

La présentation par mission du budget de l'Etat a pour finalité de faire apparaître le coût des principales politiques publiques. Les projets annuels de performances présentent désormais, outre les crédits budgétaires consacrés à une politique, le montant des dépenses fiscales y concourant. Au sein des dépenses fiscales, les crédits d'impôts s'apparentent à des « subventions fiscales » peu différentes des subventions budgétaires.

Les outils de pilotage de la dépense restent en retrait par rapport à cette présentation consolidée des dépenses consacrées aux différentes politiques et, dans certains domaines, les efforts consacrés à la maîtrise de la dépense budgétaire sont contredits par le dérapage de la dépense fiscale. Dans le projet de loi de finances pour 2010, le montant de l'évolution du coût des crédits d'impôts est comparable à celui résultant de l'indexation des dépenses de l'Etat sur l'inflation. Dans ces conditions, il n'est pas possible de considérer que l'objectif de stabilisation des dépenses en volume soit atteint. Il n'est dès lors pas crédible, et cette considération serait encore plus forte s'il s'agissait d'une stabilisation en valeur.

La solution passe par l'application de la norme d'évolution, qui doit rester de niveau législatif, à l'ensemble des dépenses, budgétaires ou fiscales, concourant à une politique donnée . Compte tenu de l'imprévisibilité de l'évolution des dépenses fiscales, il reviendrait aux gestionnaires de crédits d'arbitrer entre dépenses fiscales et budgétaires et d'apprécier au mieux la dynamique des dépenses fiscales pour éviter qu'un dérapage ne se traduise par un gage à due concurrence de leurs crédits budgétaires. Sans une telle compensation, les intentions exprimées relèveraient dans une large mesure du « trompe l'oeil ».

3. Les règles contraignantes

L'Allemagne s'est dotée d'une règle de solde, de niveau constitutionnel. Dans un monde où les apparences sont déterminantes, tout État qui n'en ferait pas autant est réputé moins vertueux.

Si l'on souhaite que la trajectoire soit connue et comprise, il importe de faire apparaître le montant total du déficit, sans distinguer sa composante structurelle de sa composante conjoncturelle . Il est également nécessaire de l'exprimer à la fois de manière concrète, en milliards d'euros, et en pourcentage du produit intérieur brut (PIB), seule façon pertinente de procéder à des comparaisons entre États. C'est à ce prix que l'opinion publique sera réellement associée au respect de la trajectoire de convergence.

Dès lors, les règles exprimées en termes d'effort ou de solde structurel doivent être écartées. Outre que ces notions ne sont pas facilement intelligibles par les non spécialistes, leur calcul repose sur des hypothèses pouvant être contestées et, surtout, manipulées. Elles renvoient à des dispositifs d'expertise qui suscitent toujours la méfiance dans une démocratie, ce qu'exprime la contribution du Président Cahuzac.

Si l'on considère que la règle doit imposer au gouvernement des contraintes quantitatives claires en matière d'action à mener pour réduire le déficit, qu'elle doit être suffisamment souple pour ne pas enfermer l'action politique dans un chemin unique (ce qui risquerait de conduire rapidement à sa remise en cause), qu'elle ne doit pas susciter le risque de polémiques entre un comité d'experts indépendants (comme un panel d'économistes ou la Cour des comptes) et le Gouvernement (ce qui ruinerait sa légitimité), qu'elle doit être non manipulable par les gouvernements et qu'elle doit être compréhensible par l'opinion, faute de quoi elle ne sera pas perçue comme légitime, deux pistes complémentaires doivent être examinées.

Dans les deux cas, les règles devraient être de niveau organique de façon à pouvoir être contrôlées par le Conseil constitutionnel.

3.1. Une règle de sincérité

La trajectoire de convergence inscrite dans le programme de stabilité ne doit pas constituer une déclaration d'intention mais un engagement de la France. Dans ces conditions, il convient qu'elle soit définie en fonction d'hypothèses économiques prudentes, car la France ne peut plus se permettre de ne pas respecter son programme de stabilité, tout programme construit sur des hypothèses optimistes ayant peu de chances d'être respecté .

Pour s'assurer que les mesures prises pour atteindre les objectifs de solde sont suffisantes, on pourrait prévoir, par convention, que les programmes de stabilité sont construits en fonction du taux de croissance moyen du PIB constaté au cours des dix dernières années ou de toute autre méthode prudente résultant, par exemple, d'une concertation au sein de l'Eurogroupe . Cette règle n'empêcherait évidemment pas le Gouvernement de publier ses prévisions de croissance du PIB.

3.2. Une règle de responsabilité

Il appartiendrait au Gouvernement, pour atteindre les objectifs de solde qu'il se fixe et en tenant compte des hypothèses prudentes, de prendre des mesures en recettes et en dépenses, qu'il exprimerait en milliards d'euros .

Le respect de ces engagements ferait l'objet d'un contrôle par le Conseil constitutionnel.

En cas de croissance du PIB supérieure à la prévision (telle que déterminée au 3.1. ci-dessus), les recettes supplémentaires viendraient mécaniquement réduire le déficit.

En cas de croissance inférieure à la prévision, les stabilisateurs automatiques joueraient leur rôle. Le Gouvernement ne serait responsable que des mesures discrétionnaires, celles résultant de ses propres décisions (évolution des dépenses, produit des mesures nouvelles en recettes), et non des variations du solde liées aux évolutions de la croissance.

Il est déterminant que le « pilotage » puisse intervenir quasiment en temps réel, de façon à ce que la règle reste contraignante. Plusieurs mécanismes sont envisageables, et en particulier la présentation par le Gouvernement au Parlement d'une situation des finances publiques à la fin de chaque trimestre.

Dans le même esprit, il a été proposé de confier à la Cour des comptes un rôle d'alerte en cas de risque de dérapage des recettes ou des dépenses, le Gouvernement devant alors réaliser les ajustements nécessaires par une loi de finances rectificative. On pourrait également envisager de confier ce rôle à un comité indépendant, sur le modèle du comité d'alerte des dépenses d'assurance maladie.

Dans tous les cas de figure, il est possible d'envisager ex ante , dans la loi de finances initiale et la loi de financement de la sécurité sociale, des mesures correctrices susceptibles d'être prises en cours d'année si la règle semblait devoir ne pas être respectée.

3.3. Quel contrôle de constitutionnalité ?

Le contrôle de constitutionnalité pourrait intervenir à un double niveau :

- l'ensemble « loi de finances initiale et loi de financement de la sécurité sociale » (fusionné pour les parties recettes) devrait être conforme à la programmation ;

- en cas de dérapage constaté postérieurement à l'exécution (norme de dépense non respectée, mesures nouvelles en recettes plus coûteuses que prévu), des mesures correctrices devraient être prises dans la première loi de finances postérieure à la notification du solde (qui a lieu avant le 1 er avril de l'année n+1).

Une saisine automatique sur l'ensemble « loi de finances initiale et loi de financement de la sécurité sociale » serait nécessaire car, outre que le Conseil constitutionnel n'a pas été saisi sur les LFI 2007, 2008 et 2009, la mise en oeuvre de la règle ne peut être appréciée séparément pour la loi de finances initiale et la loi de financement de la sécurité sociale .

Les conséquences d'une censure devraient en outre être précisées, pour que celle-ci ne conduise pas à une politique plus laxiste que celle prévue par les textes censurés.

Pour l'application de la norme, on pourrait distinguer deux cercles concentriques :

- le solde fixé par la programmation serait celui de l'ensemble des administrations publiques : c'est donc bien l'ensemble des administrations publiques qui serait pris en compte pour juger du respect de la trajectoire de convergence ;

- cependant, le contrôle de constitutionnalité ne s'appliquerait qu'à la loi de finances initiale et à la loi de financement de la sécurité sociale , c'est-à-dire à l'État et aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale (couverts par la LFI et la loi de financement de la sécurité sociale ). En effet, inclure dans la loi organique des dispositions relatives à l'Unedic ou aux collectivités territoriales, ce qui nuirait à leur autonomie, entraînerait nécessairement sa remise en cause à court terme. Le Gouvernement serait en revanche de fait incité à mettre en oeuvre de telles mesures au niveau de la loi de programmation ou de la loi annuelle, pour que l'effort ne repose pas exclusivement sur l'État et les régimes obligatoires de base. Cela étant, les règles qui encadrent le pilotage des collectivités territoriales limitent le risque d'une dégradation du solde.

4. Le cadre européen

La réforme des règles nationales doit s'accompagner d'une rénovation du cadre européen et en particulier de la création d'une Autorité européenne des comptes publics, compétente pour définir la méthodologie permettant d'aboutir à l'homogénéité des normes de présentation des budgets nationaux, de leur exécution et des situations patrimoniales des Etats.

Une publication coordonnée des prévisions et exécutions budgétaires doit être envisagée. Il convient d'encourager une coopération entre Etats visant à promouvoir un consensus macro-économique européen duquel émergeraient des prévisions harmonisées en termes d'évolution des prix, de la croissance du PIB, de la parité euro-dollar ou encore du prix des matières premières.

* *

*

Nous sommes bien sûr à votre disposition, si cela vous semble utile, pour développer ces propositions devant le groupe de travail.

Jean ARTHUIS Philippe MARINI

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