N° 78

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 novembre 2011

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , pour 2012 ,

Par M. Jean-Pierre CAFFET,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; M. François Marc, Mmes Michèle André, Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; M. Philippe Dallier, Mme Frédérique Espagnac, MM. Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Pierre Caffet, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Jean Germain, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Marc Massion, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

3790 , 3865 , 3869 et T.A. 752

Sénat :

73 et 74 (2011-2012)

Mesdames, Messieurs,

Après une année 2010 marquée par un déficit historique des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) de 29,6 milliards d'euros, l'exercice 2011 se caractérise, de nouveau, par un niveau élevé de déficit qui atteint 24 milliards d'euros .

Le déficit « tendanciel 2012 », c'est-à-dire avant les mesures adoptées dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2011 de septembre dernier et les dispositifs proposés dans le cadre du présent projet de loi, demeure préoccupant puisqu'il atteindrait 27,4 milliards d'euros, soit trois fois le déficit des régimes obligatoires de base et du FSV de 2007.

Comme le rappelle la Cour des comptes dans son rapport de septembre 2011 sur la sécurité sociale, « le niveau exceptionnellement élevé des déficits de la sécurité sociale ne s'explique que partiellement par la crise économique ». C'est, en effet, avec un handicap de près de 10 milliards d'euros que notre système de protection sociale a dû affronter la crise économique.

Pour 2012, un nouvel effort important en recettes - de plus de 6 milliards d'euros - est proposé, soit 60 % de l'effort de réduction du déficit public annoncé par le Gouvernement en août dernier .

Outre que certaines mesures proposées par celui-ci ne sont pas acceptables pour votre rapporteur pour avis - comme le doublement de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance à laquelle sont assujettis les contrats de santé « solidaires et responsables » -, il convient de noter que malgré ces efforts importants en recettes et en dépenses, le déficit de l'ensemble des régimes obligatoires de base et du FSV atteindra encore 19,4 milliards d'euros en 2012 , soit plus du double du déficit 2007.

Les projections pluriannuelles annexées au présent projet de loi ne laissent, quant à elles, qu'entrevoir une stabilisation du déficit de l'ensemble des régimes obligatoires de base et du FSV autour de 14 milliards d'euros à l'horizon 2015, contre 8,9 milliards d'euros en 2007.

Cette situation est d'autant plus préoccupante, que :

1) les hypothèses macro-économiques qui sous-tendent le cadrage du projet de loi de financement de la sécurité sociale sont très optimistes ;

2) des mesures importantes ont été prises en 2011 , transformant en profondeur le financement de notre régime de protection sociale (reprise de dette d'un niveau historique, schémas de financement devenus très difficiles à analyser) ;

3) des réformes engagées demeurent inabouties d'un point de vue financier (comme la réforme des retraites) ou ont été reportées (réforme du financement de l'assurance maladie et de la prise en charge de la dépendance).

Parmi d'autres initiatives, la commission des finances propose :

- d'une part, d'annuler le doublement de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance à laquelle sont assujettis les contrats de santé « solidaires et responsables » , décidé en septembre dernier, et de compenser cette mesure, pour moitié, par une hausse de trois points du forfait social et, pour l'autre, par une hausse de 0,5 point des prélèvements sociaux sur les revenus du capital ;

- d'autre part, de supprimer l'une des mesures les plus coûteuses et les moins efficaces, votées dans le cadre de la loi « Tepa » d'août 2007, les exonérations fiscales et sociales sur les heures supplémentaires , qui représentent aujourd'hui, pour les finances publiques, un coût total de 4,9 milliards d'euros, dont 3,4 millions d'euros pour les organismes de sécurité sociale.

CHAPITRE PREMIER : EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LES PRINCIPALES MODIFICATIONS RÉCENTES DE NOTRE SYSTÈME DE PROTECTION SOCIALE

A. DES DÉFICITS HISTORIQUES

1. Des déficits sans précédent, en dépit d'un début de reflux en 2011
a) 2010, une « année record »

L'année 2010 enregistre un déficit de l'ensemble des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) de 29,6 milliards d'euros , soit un montant jamais atteint, trois fois plus élevé qu'en 2008 et 2007 .

Le déficit du seul régime général s'élève à 23,9 milliards d'euros , dont 11,6 milliards d'euros pour la branche maladie et 8,9 milliards d'euros pour la branche vieillesse.

Evolution du solde des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse (2007-2010)

(en milliards d'euros)

2007

2008

2009

2010

Maladie

- 4,6

- 4,4

- 10,6

- 11,6

Vieillesse

- 4,6

- 5,6

- 7,2

- 8,9

Famille

+ 0,2

- 0,3

- 1,8

- 2,7

Accidents du travail

- 0,5

+ 0,2

- 0,7

- 0,7

Régime général

- 9,5

- 10,2

- 20,3

- 23,9

Ensemble des régimes obligatoires de base

- 9,1

- 9,7

- 21,7

- 25,5

FSV

+ 0,2

+ 0,8

- 3,2

- 4,1

Total tous régimes et FSV

- 8,9

- 8,9

- 24,9

- 29,6

Source : commission des comptes de la sécurité sociale et annexe B du présent projet de loi de financement

Selon les données de la commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport de juin dernier, cette très forte dégradation s'explique, pour l'essentiel, par l'impact de la récession sur les recettes de 2009 (-0,2 %), année marquée par une diminution sans précédent de la masse salariale (-1,3 %).

Les recettes de la sécurité sociale ont certes retrouvé une évolution positive en 2010 (+ 2 %), mais leur progression est demeurée inférieure à celle des dépenses , alors même que celles-ci, et notamment les dépenses d'assurance maladie, se sont infléchies par rapport aux années passées.

Taux de variation des produits et charges nets du régime général

2008

2009

2010

Produits

4,1 %

- 0,2 %

2,0 %

Charges

4,2 %

3,3 %

3,0 %

Ecart

- 0,1 %

- 3,5 %

- 1,0 %

Source : commission des comptes de la sécurité sociale, rapport de juin 2011

b) 2011, un déficit qui demeure très élevé en dépit d'une réduction de 5,6 milliards d'euros

En 2011, le déficit de l'ensemble des régimes obligatoires de base et du FSV devrait être réduit de 5,6 milliards d'euros par rapport à 2010 .

Cette réduction s'explique par plusieurs facteurs :

- la modération des dépenses , soit une croissance de 3,2 % dans le prolongement des deux années passées, contre une moyenne de l'ordre de 4,5 % par an sur la période 2004-2008 ;

- la bonne tenue de la masse salariale (estimée à 3,7 % pour 2011) ;

- et, surtout, l'apport d'importantes recettes supplémentaires par le biais notamment de la réforme des retraites et de la loi n° 2011-1117 du 19 septembre 2011 de finances rectificative pour 2011.

L'effet de ciseaux entre les recettes et les dépenses qui avait considérablement dégradé les déficits 2009 et 2010 s'inverse ainsi en 2011 : les produits du régime général devraient progresser de 5,3 %, alors que les dépenses enregistreraient une progression de 3,2 %.

Malgré cette réduction importante, le déficit de l'ensemble des régimes obligatoires de base et du FSV demeure à un niveau très élevé : 24 milliards d'euros, soit plus de 2,5 fois le déficit enregistré avant la crise .

Le déficit de la branche maladie du régime général reste le plus élevé , représentant 9,6 milliards d'euros en 2011, soit plus de la moitié du déficit du régime général.

Evolution du solde des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse (2007-2011)

(en milliards d'euros)

2007

2008

2009

2010

2011(p)

Maladie

- 4,6

- 4,4

- 10,6

- 11,6

- 9,6

Vieillesse

- 4,6

- 5,6

- 7,2

- 8,9

- 6,0

Famille

+ 0,2

- 0,3

- 1,8

- 2,7

- 2,6

Accidents du travail

- 0,5

+ 0,2

- 0,7

- 0,7

0,0

Régime général

- 9,5

- 10,2

- 20,3

- 23,9

- 18,2

Ensemble des régimes obligatoires de base

- 9,1

- 9,7

- 21,7

- 25,5

- 20,2

FSV

+ 0,2

+ 0,8

- 3,2

- 4,1

- 3,8

Total tous régimes et FSV

- 8,9

- 8,9

- 24,9

- 29,6

- 24,0

Source : annexe B du présent projet de loi de financement

c) Un déficit tendanciel 2012 préoccupant

Sans les mesures proposées par la loi de finances rectificative pour 2011 de septembre dernier et par le présent projet de loi de financement, le déficit de l'ensemble des régimes obligatoires de base et du FSV atteindrait, en 2012, 27,4 milliards d'euros , soit un creusement de plus de 3 milliards d'euros par rapport à 2011.

En particulier, le déficit de la branche maladie du régime général s'élèverait au niveau record de 12 milliards d'euros , soit la moitié du déficit du régime général.

Le déficit de la branche vieillesse se creuserait de 500 millions d'euros pour atteindre 6,6 milliards d'euros et celui de la branche famille se stabiliserait au niveau élevé de 2010, soit -2,7 milliards d'euros.

En revanche, la branche accidents du travail - maladies professionnelles reviendrait à l'équilibre.

Le tableau suivant présente les évolutions des soldes du régime général, de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) et de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) sur la période 1990 - 2012.

Soldes du régime général, de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) et de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV)

Source : commission des comptes de la sécurité sociale - rapport de septembre 2011

2. Une part importante de déficit structurel

Comme l'avait souligné la commission des finances dès l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 et comme le rappelle la Cour des comptes dans son rapport de septembre 2011 sur la sécurité sociale, « le niveau exceptionnellement élevé des déficits de la sécurité sociale ne s'explique que partiellement par la crise économique ». Selon la Cour, en 2010, moins de la moitié de celui du régime général provient de la faiblesse de la conjoncture.

Il est, en effet, à rappeler que c'est avec un handicap de près de 10 milliards d'euros que notre système de protection sociale a dû affronter la crise économique.

Selon la Cour des comptes, en moyenne annuelle depuis 2000, le déficit structurel du régime général s'élève à 0,6 point de PIB.

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