B. LA MAÎTRISE DES DÉPENSES DE SOINS DE VILLE

1. Le renforcement de l'analyse médico-économique dans les travaux de la Haute autorité de santé (article 33)
a) La HAS, un acteur du système d'admission au remboursement et de fixation du prix des médicaments

Le système d'admission au remboursement et la fixation du prix des médicaments constitue une chaîne faisant intervenir des acteurs séparés. Tout d'abord, l' agence française de sécurité sanitaire et des produits de santé (AFSSAPS) ou l' agence européenne du médicament (EMEA) évaluent les médicaments à l'aune de leur sécurité et de leur rapport bénéfice/risque pour leur accorder une autorisation de mise sur le marché (AMM).

Puis, la commission de transparence de la Haute autorité de santé (HAS) émet deux avis portant sur :

- l'évaluation du service médical rendu (SMR) ;

- l'évaluation de l'amélioration du service médical rendu (ASMR).

La fixation des prix des médicaments est ensuite assurée par le comité économique des produits de santé (CEPS), comité administratif placé sous l'autorité des ministres compétents, qui réunit des représentants des directions de la santé, de la sécurité sociale, de la concurrence et de l'industrie ainsi que des organismes payeurs. Ces prix sont négociés par voie conventionnelle entre le comité et les entreprises pharmaceutiques.

Enfin, l'admission au remboursement et le niveau de prise en charge des médicaments par l'assurance maladie sont respectivement fixés par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale et le directeur de l'union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM).

b) Un système d'admission au remboursement et de fixation du prix des médicaments critiqué

Le rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale de septembre 2011 qualifie le système de fixation du prix et d'admission au remboursement des médicaments d'« insuffisamment rigoureux » . À cet égard, la Cour a mis en évidence le fait que les évaluations préalables à la commercialisation d'un médicament s'appuient sur des études laissées à l'initiative de l'industrie pharmaceutique sans qu'un cadre rigoureux ait été posé relativement à ces études. Par ailleurs, elle souligne les possibles inconséquences qui peuvent résulter du fait que l'expertise médico-technique, d'une part, et la décision d'autorisation au remboursement et la fixation de son niveau de remboursement, d'autre part, relèvent d'autorités différentes . Ainsi, la Cour des comptes relève que « les produits ayant un niveau de SMR insuffisant ne devraient pas, en application de l'article R. 163-3 du code de la sécurité sociale, être remboursables par l'assurance maladie obligatoire. Mais la décision ministérielle d'admission des médicaments au remboursement n'est pas liée par l'avis de la commission de la transparence. La décision prise peut être ainsi en contradiction avec l'avis rendu. Par exemple, Fonlipol®, un hypocholestérolémiant pour lequel la commission de la transparence a considéré en octobre 2009 que le SMR était insuffisant pour une prise en charge par la solidarité nationale, reste remboursable en 2011. Il en a été de même pour Médiator® jusqu'en novembre 2009. »

Enfin, la Cour des comptes estime peu contraignant le système de fixation des prix des médicaments. Conformément à l'article L. 162-16-4 du code de la sécurité sociale (CSS), l'ASMR permise par le médicament et le prix des médicaments à même visée thérapeutique doivent constituer des paramètres intervenant dans la détermination du prix. En réalité, comme le montre la Cour, « le prix d'un médicament est avant tout le fruit d'une négociation entre l'industriel et le décideur public. Les décisions du CEPS ne se fondent cependant pas sur des critères suffisamment clairs et transparents . »

c) Le renforcement de l'analyse médico-économique
(1) La place de l'évaluation médico-économique dans l'expertise de la HAS

Dans son rapport d'avril 2011 relatif à l'expertise sanitaire, l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) 27 ( * ) recommande de « donner la priorité au développement de l'analyse médico-économique ». Selon ce même rapport, l'évaluation médico-économique a pour objectif d'« identifier les stratégies de soins, de prescription et de prise en charge les plus efficientes. Cette évaluation met en regard les résultats attendus d'une intervention de santé avec les ressources consommées pour la produire ».

L'analyse médico-économique semble constituer une voie intéressante permettant d'éclairer les choix réalisés en matière d'autorisation de remboursement et de fixation du taux de remboursement des médicaments.

L' article 33 du projet de loi de financement vise par conséquent à établir un cadre juridique favorable au développement de l'évaluation médico-économique. Ainsi, il modifie l'article L. 161-7 du CSS, fixant les prérogatives de la Haute autorité de santé (HAS), afin qu'il y soit explicitement fait référence à l'analyse médico-économique.

Par conséquent, il est prévu que lorsque la HAS procède à l'évaluation périodique du service attendu des produits, actes ou prestations de santé et du service qu'ils rendent, « elle émet également un avis sur les conditions de prescription, de réalisation ou d'emploi des actes, produits ou prescriptions de santé ainsi que sur leur efficience. Elle réalise ou valide notamment les études médico-économiques nécessaires à l'évaluation des produits et technologies de santé . »

Un amendement adopté par l'Assemblée nationale, à l'initiative de Marisol Touraine et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, a également prévu que la HAS coordonne l'élaboration et assure la diffusion d'une information sur la qualité de la prise en charge dans les établissements de santé .

Par ailleurs, le dispositif prévoit qu'une commission spécialisée de la HAS « est chargée d'établir et de diffuser des recommandations et avis médico-économiques sur les stratégies de soins, de prescription ou de prise en charge les plus efficientes ». Ainsi, la Commission Évaluation Économique et de Santé Publique (CEEPS) connaît une consécration législative. Cette commission, distincte du comité de transparence, a vocation à mener des évaluations médico-économiques.

(2) L'analyse médico-économique de la HAS dans la fixation du prix des médicaments

L'article 33 modifie l'article L. 162-16-4 du CSS encadrant les modalités selon lesquelles est fixé le prix de vente au public des médicaments. Il est précisé que la fixation de ce prix tient également compte « des résultats de l'évaluation médico-économique ».

(3) L'évaluation médico-économique des produits de santé

Un nouvel article L. 161-37-1 est créé dans le code de la sécurité sociale. Celui-ci prévoit que toute demande d'inscription et de renouvellement d'un produit de santé 28 ( * ) requiert une évaluation médico-économique.

Enfin, est prévue la création d'une taxe additionnelle pour toute demande d'inscription et de renouvellement d'inscription d'un produit de santé nécessitant une évaluation médico-économique. Le produit de cette taxe est versé à la HAS . Son barème est fixé par décret dans la limite de 5 580 euros ; ce plafond a été arrêté par un amendement adopté par l'Assemblée nationale, à l'initiative de notre collègue Jean-Pierre Door, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail de la commission des affaires sociales.

Au total, selon l'étude d'impact annexée au projet de loi de financement, le dispositif prévu à l'article 33 permettrait de dégager une économie de 20 millions d'euros en 2012 , notamment du fait d'une réévaluation du prix des médicaments et des produits de santé du fait de leur faible efficience.

(4) La sanction prévue en cas de non-réalisation des études post-autorisation de mise sur le marché

À l'initiative de notre collègue député Jean-Pierre Door, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail de la commission des affaires sociales, l'Assemblée nationale a adopté un amendement disposant que des sanctions financières ou des baisses de prix sont prévues en cas de non-réalisation des études post-autorisation de mise sur le marché par les entreprises pharmaceutiques . Les modalités d'application de ces sanctions sont déterminées par un décret en Conseil d'État.

Votre rapporteur pour avis accueille favorablement ces dispositions . Il lui semble en effet souhaitable qu'il soit procédé à un renforcement de l'expertise au sein du système d'admission au remboursement et de fixation du prix des médicaments.

2. La motivation obligatoire de la non-prise en compte de l'amélioration du service médical rendu (ASMR) dans la fixation du prix des médicaments (article 33 bis)

À l'initiative de notre collègue député Jean-Pierre Door, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail de la commission des affaires sociales, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement, le présent article 33 bis visant à imposer que le comité économique des produits de santé (CEPS) motive sa décision lorsqu'il fixe le prix d'un médicament sans tenir compte à titre principal, de l'amélioration du service rendu (ASMR) .

Le prix de vente au public des médicaments est fixé par une convention établie entre l'entreprise et le Comité économique des produits de santé (CEPS) ou, à défaut, par décision du Comité, sauf opposition conjointe des ministres compétents. À ce titre, l'article L. 162-17-4 du code de la sécurité sociale dispose que « la fixation de ce prix tient compte principalement de l'amélioration du service médical rendu apportée par le médicament , des prix des médicament à même visée thérapeutique, des volumes de vente prévus ou constatés ainsi que des conditions prévisibles et réelles d'utilisation du médicament ».

Toutefois, dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2011, la Cour des comptes a estimé que le système de fixation du prix des médicaments était « insuffisamment rigoureux ». Elle souligne à cet égard que les prix sont parfois fixés sans prise en compte réelle de l'ASMR.

L'article 33 bis prévoit donc d'imposer que lorsque la fixation du prix du médicament ne tient pas compte de l'amélioration du service médical rendu (ASMR), le CEPS doit motiver sa décision auprès du comité de transparence de la Haute autorité de santé (HAS) qui évalue l'ASMR des médicaments .

Votre rapporteur pour avis est favorable à cette initiative qui va dans le sens d'une plus grande transparence du système de fixation des prix des médicaments .

3. La prolongation de l'expérimentation des nouveaux modes de rémunération des professionnels de santé (article 34)

La rémunération des professionnels de santé repose aujourd'hui sur le paiement direct des honoraires par le malade. Le paiement à l'acte est considéré comme l'un des principes fondateurs de la médecine libérale au même titre que le libre choix du médecin par le malade, la liberté de prescription et la liberté d'installation.

Toutefois, des expérimentations ont été menées afin de compléter le paiement à l'acte par d'autres modes de rémunération complémentaires. Dès 2005, la convention médicale avait prévu que le médecin traitant touchait un forfait de 40 euros annuels pour chaque patient suivi souffrant d'une affection longue de longue durée (ALD).

L'article 44 de la loi de financement pour 2008 a souhaité permettre un réel développement de ces rémunérations alternatives. Ce dispositif a prévu une expérimentation de nouveaux modes de rémunération des professionnels et des centres de santé sur une période comprise entre le 1 er janvier 2008 et le 31 décembre 2012.

Les modes de rémunération expérimentés peuvent compléter ou se substituer au paiement à l'acte. Ils sont versés sur le fondement d'une analyse quantitative et qualitative de l'activité réalisée par les professionnels et les centres de santé concernés. Cette expérimentation permet de déroger aux règles conventionnelles régissant habituellement les relations entre l'assurance maladie et les professionnels de santé, et fixant notamment la rémunération des actes accomplis par ceux-ci, ainsi qu'au principe du paiement à l'acte. Elle a été pilotée par les Missions régionales de santé (MRS) dans six régions.

Le dispositif retenu à l'article 44 précité semble surtout avoir eu vocation à encourager l'exercice des professionnels de santé au sein des structures pluriprofessionnelles. En effet, il est souligné dans le rapport remis au Président de la République en novembre 2010 par la mission de concertation sur la médecine de proximité, présidée par Élisabeth Hubert, que les professionnels engagés dans les Maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) « ont tout à la fois témoigné de leur souhait d'aller plus loin dans la modification de leur exercice et déploré le fait que cette transformation ne soit que timidement accompagnée financièrement, le paiement à l'acte ne pouvant pas prendre en compte ce travail collectif et pluridisciplinaire » .

Selon le Gouvernement, les expérimentations, qui concernent 150 maisons, pôles et centres de santé en France, ont nécessité une élaboration technique qui n'a permis leur déploiement opérationnel qu'au 1 er janvier 2011. Deux années d'expérimentation paraissent insuffisantes pour permettre une solide évaluation des nouveaux modes de rémunération des professionnels de santé. L'article 34 du projet de loi de financement pour 2012 prévoit donc de prolonger le dispositif d'un an, soit jusqu'au 31 décembre 2013.

Enfin, ce dernier article prévoit également que « les conventions conclues entre l'assurance maladie et les professionnels de santé peuvent prévoir, dès 2014, la rémunération de l'exercice pluriprofessionnelles sur la base de l'évaluation des expérimentations ».

Divers amendements rédactionnels et de précision ont été adoptés par l'Assemblée nationale, à l'initiative de certains de nos collègues députés.

Votre rapporteur spécial ne peut que prendre acte de la prolongation de cette expérimentation visant à favoriser l'exercice des professionnels de santé au sein de structures pluriprofessionnelles.

4. L'inscription au répertoire des spécialités génériques des spécialités pharmaceutiques dont le principe actif est d'origine végétale ou minérale (article 34 quater)

À l'initiative de notre collègue député Yves Bur, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement et de la commission des affaires sociales, le présent article 34 quater visant à permettre l'inscription au répertoire des spécialités génériques des spécialités pharmaceutiques dont le principe actif est d'origine végétale ou minérale .

L'auteur de l'amendement à l'origine de l' article 34 quater considère que « les spécialités pharmaceutiques qui présentent un principe actif d'origine végétale ou minérale n'ont pas la possibilité d'obtenir le statut de médicaments génériques. Elles ne peuvent donc pas être inscrites au répertoire des spécialités génériques et bénéficier de la substitution alors qu'elles présentent une activité thérapeutique équivalente à celle d'une spécialité de référence, à condition que ces spécialités et la spécialité de référence ne présentent pas de propriétés sensiblement différentes ». C'est la raison pour laquelle l'article précité prévoit que les produits phytosanitaires sont inscrits, après avis du directeur général de+ la future Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), au registre des spécialités génériques si elles présentent une activité thérapeutique équivalente à celle de la spécialité de référence.

Votre rapporteur pour avis ne peut pas être favorable à cette initiative . En effet, une spécialité générique doit présenter des propriétés identiques à celles du « princeps » et ne peut, par conséquent, pas soutenir l'ouverture de la liste des spécialités génériques à des produits pour le seul motif qu'ils ne présentent pas de propriétés sensiblement différentes de la spécialité de référence.

5. L'évaluation de la rémunération à la performance des médecins (article 34 quinquies)

À l'initiative de nos collègues députés Jean-Pierre Door, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail de la commission des affaires sociales, et Dominique Tian, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement, le présent article 34 quinquies qui vise à l'institution d'une évaluation régulière de la rémunération à la performance des médecins exerçant à titre libéral .

Le 26 juillet 2011 a été signée la nouvelle convention entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) et trois syndicats représentant les médecins libéraux (CSMF, MG France, SML). Cette convention modifie en profondeur les modalités de rémunération des médecins exerçant à titre libéral ; elle prévoit en effet de compléter le paiement à l'acte par une rémunération prenant en compte les missions des médecins et leurs engagements de service, ainsi que les résultats obtenus au regard d'objectifs de santé publique et en matière d'efficience.

Afin que ce mode de rémunération fasse l'objet d'une évaluation régulière, l' article 34 quinquies modifie l'article L. 111-11 du code de la sécurité sociale de sorte que le bilan détaillé de mise en oeuvre de l'impact financier des mesures proposées par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) et reprises dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, remis chaque année au ministre en charge de la santé et au Parlement, comprenne « une évaluation spécifique de la rémunération sur objectifs de santé publique des professionnels de santé ».

Votre rapporteur pour avis prend acte de ces dispositions.

6. Prévoir un encadrement alternatif des dépassements d'honoraires en cas d'échec des démarches conventionnelles (article 34 nonies)

À l'initiative du Gouvernement, avec un avis favorable du rapporteur, l'Assemblée nationale a adopté le présent article 34 nonies visant à prévoir un encadrement alternatif des dépassements d'honoraires en cas d'échec des démarches conventionnelles portant sur la mise en place d'un nouveau secteur dit optionnel .

L'existence d'importants dépassements d'honoraires dans certaines spécialités médicales et dans certaines zones du territoire restreint l'accès aux soins, notamment pour les patients les plus modestes. L'augmentation du nombre de praticiens de secteur II dans certaines spécialités pose des difficultés en termes d'effectivité de l'accès aux soins, les patients étant confrontés à d'importants restes à charge .

Encadrer les dépassements d'honoraires est donc apparu comme une nécessité. La convention signée le 26 juillet 2011 entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) et trois syndicats de médecins a, à ce titre, rappelé que les partenaires conventionnels devaient s'accorder pour mettre en place d'un nouveau secteur conventionnel pour lequel les dépassements d'honoraires seraient encadrés afin d'améliorer l'accès à des soins de qualité par la diminution du reste à charge et la maîtrise des tarifs.

Toutefois, ces démarches conventionnelles concernant les dépassements d'honoraires ne semblent pas connaître d'aboutissement favorable à ce jour. Le ministre en charge de la santé a annoncé le refus de l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire (UNOCAM) de signer l'accord qui leur était proposé sur ce sujet.

L' article 34 nonies prévoit donc les dispositions qui trouveraient à s'appliquer à défaut de conclusion d'un accord relatif aux dépassements d'honoraires, dans un délai d'un mois après l'entrée en vigueur du présent projet de loi .

Dans une telle hypothèse, il est donc prévu que la convention qui définit les rapports entre l'UNCAM et les médecins peut être modifiée par arrêté afin de fixer à 50 % le taux d'encadrement des dépassements d'honoraires . Cette mesure ne concernerait toutefois que les médecins exerçant à titre libéral une spécialité chirurgicale, obstétricale ou d'anesthésie-réanimation du secteur II.

Par ailleurs, les assurances maladie complémentaires offrant des contrats responsables, qui représentent près de 90 % des contrats complémentaires, devraient prendre en charge les dépassements d'honoraires à hauteur de 150 % du tarif remboursable .

Ne considérant pas que la mise en place d'un nouveau secteur conventionnel soit de nature à permettre une meilleure régulation des dépassements d'honoraires, votre rapporteur pour avis est défavorable à cette initiative .

7. La réforme de l'économie officinale (article 39)
a) Une rémunération des pharmaciens exclusivement basée sur les ventes des médicaments

La rémunération des pharmaciens est fondée sur une marge proportionnelle au prix du médicament. Toutefois, une marge dégressive a été introduite en 1990 afin d'éviter la substitution de produits plus coûteux à ceux de prix moindre, à l'instar des génériques. Le dispositif actuel est résumé dans le tableau suivant :

Tranches de prix en euros

Taux limite de marge brute

0 - 22,90

26,10 %

22,90 - 150

10 %

Supérieur à 150

6 %

Forfait par boîte

0,53 centime

Source : IGAS, Pharmacies d'officine : rémunération, mission, réseau , juin 2011

Toute l'économie de la distribution de médicaments par les pharmacies d'officine s'est donc construite sur la logique de la marge commerciale. Les marges représentent aujourd'hui environ 75 % des ressources des officines pour la dispensation des médicaments remboursables contre 25 % pour le forfait par boîte.

Le rapport de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur les pharmacies d'officine de juin 2011 dresse un bilan très critique des modalités de rémunération et d'exercice de l'activité officinale. Celui-ci propose par suite de substituer progressivement au système de rémunération actuel un honoraire de dispensation. Celui-ci permettrait notamment de rendre compte de l'activité réelle des pharmaciens, qui ne se limite pas à la délivrance de médicaments mais comprend aussi des soins de premier recours. Une rénovation de la rémunération des pharmaciens semble aujourd'hui justifiée par l'accroissement du nombre d'officines mises en faillites. Par ailleurs, la logique de rémunération à la marge commerciale continue de constituer une incitation à la vente de médicaments aux prix élevés, contrariant la maîtrise des dépenses pharmaceutiques.

b) L'introduction d'une part de rémunération déconnectée du prix des produits délivrés

L' article 39 du projet de loi de financement prévoit de modifier l'article L. 162-16-1 CSS afin de compléter le champ des négociations conventionnelles passées entre les pharmaciens et l'assurance maladie par :

- la la fixation d'honoraires de dispensation, autres que les marges, dus aux pharmaciens par les assurés sociaux. Il s'agit de la rémunération par l'assuré d'un acte de dispensation ;

- la rémunération, autre que les marges, versées par les régimes d'assurance maladie, en contrepartie du respect d'engagements individualisés. Ces engagements peuvent porter sur la dispensation, la participation à des actions de dépistage ou de prévention, etc. La rétribution accordée par l'assurance maladie à ce titre s'apparente à une rémunération à la performance.

À l'initiative de notre collègue député Jean-Pierre Door, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail de la commission des affaires sociales, l'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à ce que la convention entre les pharmaciens et l'assurance maladie précise les mesures et procédures applicables aux pharmaciens dont les pratiques sont contraires aux engagements fixés par cette convention .

L'article 39 précité précise que l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) soumet pour avis à l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire (UNOCAM) toute mesure conventionnelle ayant pour effet une revalorisation des frais de dispensation ou des rémunérations dues par les assurés sociaux, au titre de la dispensation, ou par les régimes d'assurance maladie en contrepartie du respect des engagements individualisés.

Afin que ce dispositif ne nuise pas au respect de l'ONDAM, il est par ailleurs prévu que « lorsque le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses de l'assurance maladie émet un avis considérant qu'il existe un risque sérieux de dépassement de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie [...] et dès lors que ce risque de dépassement est en tout ou partie imputable à l'évolution des sous-objectifs [...] comprenant les dépenses de soins de ville, l'entrée en vigueur de toute mesure conventionnelle ayant pour effet la revalorisation au cours de l'année des tarifs, honoraires, rémunérations et frais [au profit des pharmaciens titulaires d'officine] est suspendue ».

c) Accompagner l'évolution du réseau des officines

L'article 39 prévoit également d'intégrer au champ des négociations conventionnelles passées entre les pharmaciens et l'assurance maladie la fixation d'objectifs quantifiés d'évolution du réseau des officines.

Le rapport de l'IGAS précité relève que la France se caractérise par un réseau d'officines plus dense que les principaux pays européens comparables. Ainsi, au 1 er janvier 2011, elle compte 22 186 officines en métropole. Pour une moyenne européenne d'environ 30 officines pour 100 000 habitants, la France en compte 35. Par ailleurs, le réseau se concentre dans les zones densément peuplées. La bonne couverture du territoire en pharmacies se fait au prix d'un nombre importants d'officines de petite taille, économiquement fragiles.

La disposition insérée par l'article 39 dans l'article L. 161-16-1 du code de la sécurité sociale doit donc favoriser une recomposition du réseau des officines sur le territoire français.

À l'initiative de Guy Malherbe et plusieurs de nos collègues députés, l'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à accompagner la restructuration du réseau officinal . Lorsqu'une opération de restructuration est opérée au sein d'une même commune ou de communes limitrophes, donnant lieu à la cessation d'activité d'une ou plusieurs officines, l'avis du directeur de l'agence régionale de santé est requis. Il s'agit d'éviter qu'une telle opération ait pour effet de compromettre l'approvisionnement en médicaments de ces collectivités.

Si votre rapporteur pour avis approuve le principe d'une évolution des modalités de rémunération des pharmaciens en officine, il s'interroge néanmoins sur les dispositions relatives aux « honoraires de dispensation » dus par les assurés sociaux. Il ne lui semble en effet pas souhaitable que le développement de nouveaux modes de rémunération des pharmaciens conduise à imposer des charges supplémentaires aux assurés sociaux qui viendraient s'ajouter à celles résultant de l'achat des produits de santé.


* 27 IGAS , Expertise sanitaire , avril 2011

* 28 Selon le code de la santé publique, les produits de santé répondent à une définition plus large que les seuls médicaments. Ils comprennent également les produits cosmétiques, les médicaments vétérinaires, les dispositifs médicaux de diagnostic, etc.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page