C. LES AUTRES MESURES RELATIVES À LA BRANCHE AT-MP

La section 3 du présent projet de loi de financement (« Dispositions relatives aux dépenses des accidents de travail et de maladies professionnelles») s'est enrichie de deux articles à l'occasion de l'examen en première lecture à l'Assemblée nationale : l'article 55 bis et l'article 55 ter .

1. L'harmonisation des conditions d'attribution, de calcul et de retrait des rentes servies aux conjoints survivants de personnes décédées à la suite d'accidents de travail ou de maladies professionnelles (article 55 bis)

Cet article additionnel a été introduit par un amendement du Gouvernement, adopté à l'unanimité lors de la première lecture du présent projet de loi à l'Assemblée nationale. Il a pour objectif une application uniforme de l' indemnisation attribuée aux ayants droits des victimes décédées d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.

a) Le dispositif actuel

Le dispositif actuel a été institué par l'article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, qui élargit le bénéfice des rentes d'ayant droit de victimes de travail ou de maladies professionnelles, auparavant destinées aux seuls conjoints mariés, aux concubins et partenaires d'un Pacte civil de solidarité (PACS) .

Nombre de rentes de conjoints survivants actives au début janvier 2011

et montants associés, par catégorie de conjoints

(en euros)

Rentes de conjoints survivants

Nombre

%
nombre

Montant représentatif annuel

% montant

Montant annuel moyen

dont conjoints légitimes

71 406

98,1 %

968 884 278

98,8 %

13 569

dont concubins

1 095

1,5 %

10 681 409

1,1 %

9 755

dont conjoints séparés

132

0,2 %

473 644

0,0 %

3 588

dont conjoints multiples

75

0,1 %

363 445

0,0 %

4 846

dont PACS

51

0,1 %

562 676

0,1 %

11 033

dont conjoints divorcés

35

0,0 %

86 176

0,0 %

2 462

Total

72 794

100 %

981 051 628

100 %

13 477

Source : CNAM - Direction des Risques professionnels

Il est source de déséquilibres puisque les conjoints survivants ne bénéficient pas du même régime de rente servie à la suite d'un décès, selon qu'ils ont été mariés, titulaires d'un PACS ou concubins. Deux exemples permettent d'illustrer la situation présente en droit :

- aujourd'hui, le conjoint survivant qui se remarie perd sa rente d'ayant droit alors que les concubins et partenaires survivants conservent leur rente en cas de mariage (déséquilibre en faveur des concubins et pacsés) ;

- lorsqu'un jugement en matière d'accident du travail reconnaît la faute inexcusable de l'employeur, seul le conjoint survivant marié a droit au complément ou à la majoration de rente et à la conversion de rente (déséquilibre en faveur des conjoints mariés).

Les rentes servies aux conjoints survivants

En cas de décès d'un salarié à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, ses ayants droit bénéficient, sous certaines conditions, d'une prise en charge partielle des frais funéraires, d'un capital-décès et de rentes .

Rente au conjoint

Le conjoint, concubin ou partenaire pacsé du salarié décédé a droit à une rente viagère égale à 40 % du salaire annuel de la victime, si l'union était établie depuis au moins 2 ans à la date du décès. Cette condition n'est pas exigée lorsque le couple a eu un ou plusieurs enfants.

Un complément de rente égal à 20 % du salaire annuel de la victime est attribué au conjoint survivant :

- s'il est âgé d'au moins 55 ans ;

- ou s'il est atteint d'une incapacité de travail d'au moins 50 % depuis au moins 3 mois.

Lorsque les conjoints étaient séparés de corps ou divorcés , le conjoint ou l'ex-conjoint survivant n'a droit à une rente viagère qu'à condition d'avoir obtenu une pension alimentaire. Dans ce cas, le montant de la rente est égal au montant de la pension alimentaire dans la limite de 20 % du salaire annuel de la victime.

Si le salarié décédé était remarié , son conjoint survivant a droit à une rente viagère au moins égale à 20 % du salaire annuel de la victime.

Remariage du conjoint survivant

Si le conjoint survivant se remarie, il n'a plus droit à la rente , sauf s'il a des enfants bénéficiaires d'une rente d'orphelin.

En cas de séparation de corps, de divorce ou de nouveau veuvage, le conjoint survivant qui en fait la demande peut percevoir à nouveau la rente si le rétablissement prend effet avant l'expiration d'une période de 3 ans.

S'il reçoit une rente, pension ou allocation du fait de son nouveau veuvage, ou une pension alimentaire du fait d'une séparation de corps ou d'un divorce, le montant de ce nouvel avantage est déduit du montant de la rente de conjoint survivant.

Rente d'orphelin

Les enfants du défunt ont droit à une rente jusqu'à l'âge de 20 ans .

Le montant de la rente dépend du nombre d'enfants :

- 25 % du salaire annuel de la victime, lorsqu'il y a 1 ou 2 enfants ;

- 20 % du salaire annuel de la victime, lorsqu'il y a plus de 2 enfants.

Lorsque les enfants sont orphelins de père et de mère au moment du décès, ou le deviennent plus tard, le montant de la rente est égal à 30 % du salaire annuel de la victime.

Lorsqu'il y a des enfants issus de plusieurs unions, les rentes sont calculées par fratrie.

Source : Code de la sécurité sociale : articles L. 434-7 à L. 434-14, articles R. 434-10 à R. 434-18.

b) Les aménagements proposés

L'article 55 bis vise à harmoniser les conditions d'attribution, de calcul et de retrait des rentes servies aux conjoints survivants, quelque soit la forme d'union qui les lie aux victimes décédées d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle :

- conditions d'attribution d'une rente viagère ou d'une rente de réversion et le droit à conversion de rente (modification de l'article L. 434-3 du code de la sécurité sociale) ;

- conditions de versement et de calcul de la rente viagère et son éventuel retrait en cas de séparation (modification de l'article L. 434-8 du code précité) ;

- conditions d'attribution et de calcul de la rente en cas de nouvelle union (modification de l'article L. 434-9 du code précité) ;

- conditions d'attribution de la rente pour les ascendants des victimes décédées (modification de l'article L. 434-13 du code précité) ;

- conditions d'attribution et de calcul de la majoration de rente (modification de l'article L. 452-2 du code précité).

Votre rapporteur pour avis salue l'introduction de cet article qui permet d'aligner les conditions d'attribution des rentes d'ayant droit pour tous les types d'union.

Il soutient d'autant plus cette initiative qu'elle répare des situations inéquitables et répond à une demande exprimée à de nombreuses reprises par le Parlement, notamment à l'occasion de l'examen des précédents projets de loi de financement de la sécurité sociale.

2. La coordination entre les différents régimes de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (article 55 ter)

L'article 55 ter , également adopté à l'unanimité en première lecture à l'Assemblée nationale, vise à assurer la coordination des différents dispositifs d'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante.

a) Le dispositif actuel

Le dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, créé par l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, prévoit que les salariés ayant travaillé au contact de l'amiante peuvent bénéficier d'un mécanisme spécifique de préretraite, qui consiste en l' attribution d'une allocation de cessation anticipée d'activité (ACAATA) servie aux intéressés, jusqu'à ce qu'ils remplissent les conditions pour percevoir une pension de retraite à taux plein 51 ( * ) et sous réserve de l'arrêt de toute activité professionnelle.

Les bénéficiaires doivent être âgés d'au moins 50 ans et remplir l'une des deux conditions suivantes :

- ils doivent travailler ou avoir travaillé dans l'un des établissements figurant sur les listes fixées par arrêtés interministériels pendant une période donnée, l'âge de départ en préretraite dépendant également de la durée d'exposition ;

- ils doivent avoir contracté une maladie professionnelle liée à l'amiante , à condition que celle-ci figure sur la liste établie par l'arrêté du 29 mars 1999, modifié par les arrêtés du 3 décembre 2001 et du 3 février 2005. Cette liste renvoie aux affections visées aux tableaux n° 30 et 30 bis des maladies professionnelles reconnues par le régime général de la sécurité sociale.

Par ailleurs, cette possibilité d'indemnisation a été étendue en 2005 à l'ensemble des salariés relevant du régime de sécurité sociale et reconnus atteints d'une maladie professionnelle provoquée par l'amiante, en application de la procédure prévue par l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale , même si la maladie en cause n'est pas explicitement mentionnée dans les tableaux précités .

Enfin, des mesures similaires au dispositif de l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 ont été intégrées dans plusieurs autres régimes de protection sociale :

- le décret n° 2001-1269 du 21 décembre 2001 a prévu un dispositif de cessation anticipée d'activité pour les ouvriers de l'État relevant du ministère de la défense , dès lors qu'ils sont ou ont été employés dans des établissements de construction et de réparation navales dépendant de la Direction des constructions navales (DCN) ;

- la loi de finances rectificative pour 2003 a étendu ce régime de préretraite aux fonctionnaires et aux agents non titulaires employés par le ministère de la défense dans ces mêmes établissement ;

- le décret n° 2002-1272 du 18 octobre 2002 a instauré l'ACAATA au bénéfice des marins dépendant du régime d'assurance géré par l'Établissement national des invalides de la marine (ENIM) ;

- la loi n° 2002-1487 du 20 décembre 2002 et le décret n° 2003-608 du 2 juillet 2003 ont étendu l'ACAATA aux salariés agricoles , l'allocation étant servie par les caisses de la Mutualité sociale agricole (MSA), et financée par une contribution de ce régime au fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante.

Chiffres clef en matière de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante

Nombre d'allocataires du FCAATA (2010)

Dotation versée par le FCAATA en euros (2010)

Répartition par liste des allocations versées (2010)

Montant de l'ACAATA en euros
(2010)

30 595 allocataires

626,7 millions d'euros

- Établissements (liste 1)  = 51 % des allocations

- Chantier naval / port (liste 2) = 34 %

- Maladie professionnelle = 16 %

- Montant brut minimum fixé par décret (au 1/1/2010) = 1084 euros

- Montant net moyen versé = 1 625 euros

Source : Rapport d'activité du FCAATA 2010

Source : Ministère du Travail (novembre 2010)

b) Les aménagements proposés

L'article 55 ter reprend l'une des nombreuses propositions formulées par nos collègues députés Guy Lefranc et Patrick Roy 52 ( * ) , et sénateurs Jean-Marie Vanlerenberghe et Gérard Dériot 53 ( * ) , ainsi que par notre collègue rapporteur Jean-Pierre Godefroy 54 ( * ) .

Il s'agit d'harmoniser les conditions de prise en charge de l'ACAATA au sein des différents régimes de sécurité sociale , exposés ci-dessus.

A cette fin, l'article 55 ter du présent projet de loi modifie l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, qui fixe les périodes travaillées dont il faut tenir compte pour le calcul de l'âge permettant l'accès des travailleurs victimes de l'amiante à l'ACAATA.

Il instaure ainsi une mesure de réciprocité entre le régime général et l'ensemble des régimes spéciaux d'assurance maladie afin que chacun d'eux puisse opérer le cumul de toutes les périodes d'activité susceptibles d'ouvrir droit à l'ACAATA. Les salariés relevant de plusieurs régimes de sécurité sociale auront désormais les mêmes droits que ceux relevant d'un seul.

Votre rapporteur pour avis salue cette mesure qui améliore la prise en charge des travailleurs victimes de l'amiante et assure une meilleure prise en considération de leurs parcours professionnels.

Il se montrera particulièrement vigilant lors du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale afin que la dotation versée par la branche AT-MP au FCAATA soit réévaluée pour tenir compte de cette nouvelle mesure. Si celle-ci n'affecte pas le nombre d'allocataires du FCAATA, elle aura pour effet un allongement de la durée de prise en charge des allocataires et, par suite, un impact financier qu'il conviendra d'évaluer.


* 51 L'âge légal de départ en retraite à taux plein a été maintenu à 60 ans pour les victimes de l'amiante, suite à l'adoption de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites (cf. supra).

* 52 Cf . notamment les travaux de la Mission d'information sur la prise en charge des victimes de l'amiante : Rapport d'information n° 2090 (AN - XIIIème législature), déposé le 18 novembre 2009, sur la prise en charge des victimes de l'amiante.

* 53 Cf. notamment les travaux de la Mission commune d'information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante : Rapport d'information du Sénat (n° 37, 2005-2006), déposé le 26 octobre 2005 : « Le drame de l'amiante en France : comprendre, mieux réparer, en tirer des leçons pour l'avenir »

* 54 Cf. notamment le débat sur la question orale de Jean-Pierre Godefroy relative à la nécessaire réforme des dispositifs « amiante »  lors de la séance du 2 novembre 2010 au Sénat.

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