N° 109

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2011

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2012 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME I

ANCIENS COMBATTANTS, MÉMOIRE ET LIENS AVEC LA NATION

Par Mme Gisèle PRINTZ,

Sénatrice.

(1) Cette commission est composée de : Mme Annie David , présidente ; M.Jacky Le Menn, Mme Catherine Génisson, MM.Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Alain Milon, Mme Isabelle Debré, MM. Jean-Louis Lorrain, Jean-Marie Vanlerenberghe, Gilbert Barbier , vice - présidents ; Mmes Claire-Lise Campion, Aline Archimbaud, Catherine Deroche, M. Marc Laménie , secrétaires ; M. Yves Daudigny, rapporteur général ; Mmes Jacqueline Alquier, Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, MM. Jean-Noël Cardoux, Luc Carvounas, Mme Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mme Muguette Dini, M. Jean-Léonce Dupont, Mmes Odette Duriez, Anne-Marie Escoffier, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, Mme Samia Ghali, M. Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mmes Chantal Jouanno, Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Claude Léonard, Jean-Claude Leroy, Hervé Marseille, Mmes Michelle Meunier, Isabelle Pasquet, M. Louis Pinton, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. René Teulade, Michel Vergoz, André Villiers, Dominique Watrin.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 3775, 3805 à 3812 et T.A. 754

Sénat : 106 et 107 (annexe n° 5 ) (2011-2012)

Les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » pour 2012

Programmes

Crédits de paiement ouverts en LFI pour 2011 (en euros)

Crédits de paiement demandés pour 2012 (en euros)

Variation 2012/2011 (en %)

Pour mémoire, variation 2011/2010 (en %)

167 - Liens entre la Nation et son armée

134 275 022

117 907 868

- 12,2

- 13,6

Journée défense et citoyenneté

122 558 655

106 156 430

- 13,4

- 12,0

Politique de mémoire

11 716 367

11 751 438

+ 0,3

+ 13,3 1

169 - Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

3 070 179 138

2 941 276 053

- 4,2

- 3,4

Administration de la dette viagère

2 502 250 000

2 410 470 000

- 3,7

- 3,3

Gestion des droits liés aux pensions militaires d'invalidité

198 672 848

175 228 236

- 11,8

- 7,1

Solidarité

346 251 379

345 577 817

- 0,2

+ 3,4

Soutien (ancien) 2

13 004 911

-

-

-

Réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires français

10 000 000

10 000 000

-

-

158 - Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale

114 966 063

116 323 794

+ 1,2

- 18,7

Indemnisation des orphelins de la déportation et des victimes de spoliation du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation

63 555 118

60 555 158

- 4,7

- 21,8

Indemnisation des victimes d'actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale

51 410 945

55 768 636

+ 8,5

- 15,1

Total mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation »

3 319 420 223

3 175 507 715

- 4,3

- 3,26

1 En raison du transfert et de la fusion de l'action 4 du programme 169 « Entretien des lieux de mémoire » avec l'action 2 du programme 167 « Politique de mémoire » en 2010.

2 Du fait de la disparition à la fin de l'année 2011 de la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'examen du budget de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » offre chaque année l'occasion de témoigner la reconnaissance de la France à l'égard de ceux qui l'ont servi au combat ou ont été victimes des différents conflits dans lesquels notre pays a été engagé au cours du XX e siècle et en ce début du XXI e siècle et de confirmer leur droit à réparation.

Cette année, il présente aussi l'intérêt de dresser le bilan du quinquennat et de l'action du Gouvernement en faveur des anciens combattants.

Force est de constater que celui-ci est mitigé.

La principale avancée en est la revalorisation, poursuivie en 2012, de la retraite du combattant qui sera portée à quarante-huit points d'indice, en progression de onze points depuis 2007. Cette mesure de justice était attendue par tous les anciens combattants.

Mais hormis celle-ci, les anciens combattants n'ont à l'évidence pas constitué une priorité gouvernementale, comme l'a prouvé l'absence même de titulaire d'un portefeuille ministériel dédié entre novembre 2010 et juin 2011. La nomination de Marc Laffineur au poste de secrétaire d'Etat auprès du ministre de la défense et des anciens combattants à cette date, si elle a été appréciée, ne fait pas oublier ce que certains ont pu considérer comme une marque de désinvolture, voire de mépris, à leur égard.

Il faut aussi rappeler que la décristallisation totale des pensions pour les anciens combattants issus de pays autrefois sous souveraineté française, effective pour la première fois en 2011, n'a été mise en oeuvre qu'à la suite d'une injonction dans ce sens du Conseil constitutionnel.

Avec un budget pour 2012 de 3,176 milliards d'euros, en baisse de 4,34 %, seuls les droits acquis sont préservés. Pourtant, de nombreux anciens combattants et victimes des conflits passés, pour des raisons diverses que le respect du principe d'équité devrait conduire à corriger, ne se voient pas reconnaître le statut et les prestations qui devraient être les leurs. Dans le contexte économique actuel, la réduction du déficit doit bien évidemment constituer une priorité et chaque budget doit refléter cette contrainte. Néanmoins, les anciens combattants, parce qu'ils ont déjà suffisamment donné à la France et qu'ils enregistrent chaque année un inévitable déclin démographique, auraient mérité un traitement privilégié.

L'accent doit être mis sur les populations les plus fragiles. Le succès de l'aide différentielle en faveur des conjoints survivants (ADCS), versée par l'office national des anciens combattants (Onac), montre la nécessité de la revaloriser jusqu'au seuil de pauvreté.et de poursuivre la réflexion en vue de l'instauration d'une aide du même type en faveur des anciens combattants les plus indigents. L'action sociale de l'Onac doit également être pérennisée.

Enfin, on peut unanimement se réjouir du renouveau de la politique de mémoire, qui fait preuve d'une véritable ambition et d'un pilotage rénové. Si elle ne mobilise qu'une part minime des crédits de la mission, les organismes qui en sont chargés doivent faire en sorte que le sacrifice des précédentes générations du feu ne soit pas oublié. La célébration du centième anniversaire de la Première Guerre mondiale, dont la préparation va débuter, permettra de mieux mettre en valeur un patrimoine mémoriel encore insuffisamment exploité.

Les différentes journées commémoratives qui symbolisent, chaque année, l'hommage de la Nation à ses morts sont l'expression de notre histoire, de notre identité, de notre culture. Si l'idée, singulière, d'y substituer un jour unique inspiré du memorial day américain devait se concrétiser, c'est avec force que votre rapporteure s'y opposerait.

I. LA MÉMOIRE ET L'INITIATION AUX VALEURS DE DÉFENSE, PILIERS SYMBOLIQUES DU LIEN ENTRE LES GÉNÉRATIONS

Le programme 167, intitulé « Liens entre la Nation et son armée », est consacré à la mise en oeuvre des politiques de sensibilisation des citoyens au rôle des forces armées et de préservation du souvenir du sacrifice de toutes les générations du feu. Ses crédits sont consacrés au financement de la journée défense et citoyenneté (JDC ; action n° 1), anciennement appelée journée d'appel de préparation à la défense et passage obligatoire de tout jeune citoyen pour faire son entrée dans la vie civique, ainsi qu'à la mise en oeuvre de la politique de mémoire du ministère de la défense et des anciens combattants (action n° 2).

Avec un budget prévisionnel de 117,9 millions d'euros pour 2012, en baisse de 12,2 % par rapport à 2011, ce programme est, parmi les trois qui composent la mission, celui qui, proportionnellement, régresse le plus. Les économies réalisées résultent de la réforme de la direction du service national (DSN), chargée principalement de l'organisation de la JDC, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP).

Evolution des crédits de paiement du programme 167

(en millions d'euros)

Action

LFI 2011

PLF 2012

Variation

Journée défense et citoyenneté

122,56

106,16

- 13,4 %

Politique de mémoire

11,72

11,75

+ 0,3 %

Total

134,28

117,91

- 12,2 %

Source : projet annuel de performance de la mission annexé au PLF

Ce tableau montre clairement la part prépondérante de la journée défense et citoyenneté au sein du programme, dont elle absorbe plus de 90 % du budget. Le déséquilibre s'opère au détriment de la politique de mémoire, dont les modestes 11,7 millions d'euros pèsent bien peu dans cette masse budgétaire. C'est d'autant plus regrettable que les responsables en charge de ce domaine au ministère de la défense, notamment le directeur de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA), ont présenté à votre rapporteure, lors de leur audition, des initiatives intéressantes et une ferme volonté de maintenir vivant le souvenir de ceux tombés pour la France au cours du XX e siècle. Il n'en reste pas moins qu'on peut déplorer, malgré les déclarations officielles, qu'il ne s'agisse pas d'une priorité budgétaire plus clairement marquée.

A. SENSIBILISER LA JEUNESSE : L'APPLICATION CONTESTABLE DE LA RÉVISION GÉNÉRALE DES POLITIQUES PUBLIQUES À LA JOURNÉE DÉFENSE ET CITOYENNETÉ

La profonde réforme du ministère de la défense menée depuis 2007 qui, en entraînant la fermeture de nombreuses bases militaires, a meurtri certaines de nos régions, en particulier dans l'Est du pays, a également porté sur la direction du service national (DSN) et la journée défense et citoyenneté (JDC).

Engagée en 2009, cette réorganisation administrative et géographique, qui visait à mutualiser les soutiens et à rapprocher les services des bassins de population, s'est poursuivie en 2011 et s'achèvera en 2012. La DSN s'articule désormais autour d'une administration centrale et de cinq établissements du service national comprenant chacun une structure chargée du pilotage et de la gestion (à Bordeaux, Lyon, Nancy, Rennes et Versailles) et supervisant des centres du service national (CSN), qui mettent en oeuvre la JDC.

En 2012, la mission « archives » de la DSN sera transférée au service historique de la défense (SHD) tandis que les services d'administration centrale déménageront de Compiègne à Orléans. Cela s'accompagnera des derniers transferts géographiques de CSN. Au total, 845 emplois en équivalent temps plein (ETP) devront avoir été supprimés à la DSN à l'horizon 2014, dont 223 dans les deux prochaines années. Avec les emplois transférés à d'autres services, la DSN perdra 526 postes entre 2011 et 2012, pour une économie de 15 millions d'euros. Son plafond d'emplois est désormais fixé à 1 555 ETP.

On ne peut nier la nécessité que l'administration se réforme lorsque c'est nécessaire et qu'elle s'attache à réaliser des économies. Pour autant, faut-il appliquer une logique purement comptable à une action qui vise à initier les jeunes Français à l'esprit de défense et à leur faire découvrir, en les faisant souvent pénétrer pour la première fois de leur vie dans une caserne, notre armée ?

Il n'est nullement question de remettre en cause la JDC. Elle constitue une étape importante de l'apprentissage citoyen. Votre rapporteure se demande plutôt si cette course à l'économie est véritablement compatible avec une politique qui vise à transmettre les valeurs de la République à tous ceux qui sont sur le point d'atteindre l'âge adulte. La suppression de la conscription a rendu indispensable ce lien entre la jeunesse et l'armée. Au vu des indicateurs de satisfaction utilisés pour évaluer la JDC et selon lesquels 84 % des jeunes se déclarent satisfaits de cette journée, cela semble être le cas. Il faut désormais s'assurer que la qualité de la prestation ne se dégrade pas et l'évaluer par des moyens plus objectifs que le simple ressenti des participants.

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