C. POUR UNE RÉELLE ÉGALITÉ ENTRE TOUS LES COMBATTANTS ET UNE MEILLEURE RECONNAISSANCE DES OPEX

1. Les Opex

L'évolution de la nature des engagements militaires de l'armée française depuis la fin de la guerre d'Algérie s'est traduite, avec l'évolution du contexte politique international, par la multiplication des Opex. La diversité de ces opérations, souvent conduites dans un cadre multinational (ONU, Otan, UE), et la nature des missions effectuées, qui vont des actions humanitaires au maintien de la paix, les distinguent des traditionnelles situations de guerre dans lesquelles la France était auparavant engagée.

Avec 125 opérations de ce type recensées et 616 soldats morts depuis 1963 9 ( * ) , les Opex concernent toutes les unités et toutes les spécialités de l'armée française. Le sacrifice de ceux qui y ont participé doit être reconnu dans sa spécificité de la même façon que l'a été celui des précédentes générations du feu. C'est pourquoi votre rapporteure insiste pour que ces soldats soient mis sur un pied d'égalité avec leurs prédécesseurs.

2. Une reconnaissance encore insuffisante

Depuis la loi du 4 janvier 1993, les soldats ayant servi lors des Opex peuvent bénéficier de la carte du combattant. Les critères d'attribution étaient toutefois restés ceux des conflits du milieu du XX siècle. Des progrès ont été réalisés ces derniers mois afin d'adapter les règles encadrant l'éligibilité à la reconnaissance de la Nation à la réalité des engagements en Opex. Un décret du 12 novembre 2010 définit les actions de feu et de combat comptabilisées pour la délivrance de la carte du combattant comme « les actions de combat et les actions qui se sont déroulées en situation de danger caractérisé au cours d'opérations militaires dont la liste est fixée par arrêté » . Un arrêté du 10 décembre 2010 en fait application et permet désormais la prise en compte d'actions, comme les évacuations sanitaires, le rétablissement de l'ordre ou le contrôle de foule, qui sont plus caractéristiques des missions de maintien de la paix.

Toutefois, les anciens combattants des Opex ont été touchés de plein fouet par les problèmes d'attribution de la carte du combattant liés à l'application Kapta : en 2010, pour 9 521 demandes reçues par l'Onac, 144 cartes seulement ont été attribuées. Selon les services du secrétariat d'Etat, ces nouveaux critères pourraient permettre d'augmenter le nombre de cartes du combattant attribuées au titre des Opex entre 25 % et 50 %. Néanmoins, ils sont complexes et nécessiteront un examen minutieux des journaux de marche que le SHD, avec ses moyens limités, aura des difficultés à réaliser dans des délais raisonnables. Votre rapporteure sera vigilante sur ce point et s'interroge sur la raison pour laquelle un traitement uniforme de toutes les générations du feu, sur la base de ce qui existe déjà pour les conflits d'Afrique du Nord, avec cent vingt jours de présence effective, n'a pas, au nom de l'égalité des droits, été privilégié.

La question de la campagne double se pose ici aussi. Un décret du 3 novembre 2011 modifie le code des pensions civiles et militaires de retraite et ouvre cette possibilité pour les soldats ayant servi en Opex, tout en renvoyant à un autre décret le soin d'en définir les modalités pour chaque théâtre d'opération.

Pris dans la foulée du précédent, le décret n° 2011-1459 du 8 novembre 2011 a attribué le bénéfice de la campagne double aux militaires en opération en Afghanistan. Son article 1 er le réserve aux militaires « qui ont été exposés à des situations de combat » , tandis que son article 2 prévoit qu'il est accordé « pour toute journée durant laquelle les militaires désignés à l'article 1 er ont connu ou ont pris part à une action de feu ou de combat ou ont appartenu à une unité combattante, c'est-à-dire une unité ayant connu au cours d'une période renouvelable de trente jours consécutifs au moins trois actions de feu ou de combat» . Cela aura-t-il pour conséquence d'en exclure les militaires affectés à la formation des forces afghanes, mission essentielle dans ce conflit, ou au soutien des forces de combat ? Votre rapporteure attend des éclaircissements sur ce point.

La réinsertion des soldats ayant servi en Opex est également un problème qu'il faut résoudre rapidement. En effet, un grand nombre d'entre eux se retrouvent totalement démunis lorsqu'ils retournent à la vie civile. Il est nécessaire de bien informer ces hommes et ces femmes, avant la fin de leur contrat, sur les possibilités qui s'offrent à eux notamment par des stages de reconversion dans les neuf écoles de rééducation professionnelle de l'Onac. Les militaires en phase de réinsertion professionnelle ne représentaient que 1,6 % des effectifs de ces écoles en 2010 10 ( * ) . Il serait judicieux de développer les partenariats, au niveau local, entre les unités militaires et ces institutions afin de faciliter la transition entre la carrière militaire et la vie civile.

Enfin, la question de la mémoire des soldats morts en Opex est sur le point d'être résolue. Dans son discours du 11 novembre 2011, le Président de la République a repris à son compte les conclusions du rapport Thorette, remis en septembre dernier au ministre de la défense et des anciens combattants, pour la construction à Paris d'un monument dédié à ces soldats. Ce texte était plus ambitieux et recommandait d'accompagner ce monument physique d'un monument « dématérialisé », d'un mémorial virtuel permettant de mieux faire connaître chacun des militaires décédés ainsi que le contexte des opérations concernées. Votre rapporteure y est bien évidemment favorable car, dans un pays qui semble se désintéresser progressivement du sacrifice de ceux qui défendent ses valeurs, leur mémoire doit être présente et accessible à tous afin que la reconnaissance de la Nation s'exprime et que leur souvenir ne s'éteigne pas.


* 9 Source : rapport du groupe de travail « Monument aux morts en opérations extérieures », sous la présidence du général (2S) Thorette, septembre 2011.

* 10 Source : Onac.

Page mise à jour le

Partager cette page