DEUXIÈME PARTIE
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L'ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL :
UNE DÉSTABILISATION CONFIRMÉE

BUDGET DE L'ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL 2011-2012

Crédits de paiement - PLF 2012

( en millions d'euros,
hors FDC et ADP
)

Total

Variation 2011-2012

(1) Programme 141 (public)

29 671,799

+ 257,132

(+ 0,87 %)

Action 3 : Enseignement professionnel sous statut scolaire

4 088,118

+ 34,017

(+ 0,84 %)

Action 4 : Apprentissage

7,793

+ 1,550

(+ 25,00 %)

Action 7 : Aide à l'insertion professionnelle

52,899

+ 0,480

(+ 0,74 %)

Action 8 : Information et orientation

296,432

+ 2,176

(+ 2,00 %)

Action 9 : Formation continue et VAE

116,050

+ 0,076

(+ 0,06 %)

Total public

4 561,292

+ 38,298

(+ 0.85 %)

(2) Programme 139 (privé)

7 105,605

+ 19,402

(+ 0,27 %)

Action 5 : Enseignement professionnel sous statut scolaire

760,025

- 0,303

(- 0,04 %)

TOTAL public - privé

5 321,317

+ 37,995

(+ 0,72 %)

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication à partir du projet annuel de performances de la mission

I. LA RÉFORME À L'ÉPREUVE DES FAITS, UNE LAME DE FOND

A. UNE STRUCTURATION DIFFICILE DE L'OFFRE DE FORMATION

1. Le premier bilan d'une réforme bouleversant tous les aspects de la voie professionnelle

La voie professionnelle a subi depuis 2008 une refonte extrêmement profonde qui n'a quasiment rien épargné de la carte des formations, de la construction des parcours et des modalités pédagogiques d'enseignement. Elle fut ainsi le premier laboratoire de la politique désormais générale du Gouvernement à l'égard du monde éducatif.

S'ouvre en premier lieu une phase présentée comme expérimentale qui n'est conclue par aucune véritable évaluation. Elle a surtout permis de contourner plus facilement les inquiétudes légitimes des personnels quant au bien-fondé des nouveaux dispositifs. Ensuite, le ministère procède à une généralisation brutale sans inflexion des mesures initiales et sans cadrage national fort. Les recteurs développent alors des politiques académiques très disparates, tandis que, seules la vigilance des personnels et la restriction des crédits, en elle-même préjudiciable, empêchent l'autonomie accrue des établissements de se transformer en une véritable concurrence néfaste pour les élèves. Il est fort à craindre que les inégalités territoriales et sociales s'en trouveront rapidement renforcées, alors même qu'elles constituent déjà le point noir du système scolaire, comme le révèlent toutes les études et notamment l'enquête PISA.

Le nouveau mode de gestion de l'éducation nationale, initié par la rénovation du lycée professionnel, se retrouve en particulier dans l'évolution de la politique d'éducation prioritaire où l'expérimentation CLAIR (Collèges et lycées pour l'innovation, l'ambition et la réussite), qui devait rester restreinte et soumise à une évaluation rigoureuse, est d'une année sur l'autre étendue aux écoles, puis généralisée à tous les établissements pour reconfigurer de facto les réseaux ambition réussite.

Il est même possible de faire une lecture globale des deux réformes de l'éducation prioritaire et de l'enseignement professionnel , comme deux moments d'une même volonté de mettre en tension les segments les plus fragiles du système scolaire, ceux où se concentrent beaucoup d'enfants de milieu défavorisé. Parallèlement, l'enseignement supérieur et le lycée général voient leurs moyens préservés, alors qu'ils s'adressent à des élèves qui connaissent moins de difficultés sociales.

La contrainte générale pesant sur les ressources de l'éducation aboutit ainsi à des arbitrages et à des transferts au détriment des plus faibles, qui sont en même temps stigmatisés au nom de la lutte contre la violence scolaire et le décrochage, ce qui permet symboliquement de « légitimer » tous les dispositifs qu'on leur impose.

Votre rapporteure en conclut que la signification et la portée de la réforme de la voie professionnelle dépassent largement leur seul objectif affiché et que les conclusions qui peuvent en être tirées valent pour l'ensemble de la politique du Gouvernement.

À titre personnel, votre rapporteure n'était pas opposée par principe à la réduction à trois ans de la durée du parcours menant au baccalauréat professionnel pour les meilleurs élèves. En revanche, elle a toujours plaidé pour le maintien en parallèle de l'ancienne voie via le BEP, parce qu'elle s'inquiétait du sort des élèves les plus fragiles et craignait l'accroissement des sorties sans qualification. Ses inquiétudes sur les effets de la réforme du lycée professionnel se sont malheureusement consolidées année après année au fur et à mesure de sa mise en oeuvre concrète.

À l'épreuve des faits, malgré la mobilisation intacte de l'ensemble des personnels, enseignants, administratifs et chefs d'établissement, force est de constater que la réforme ne parvient pas à répondre aux nombreuses inquiétudes qu'elle a suscitées concernant :

- la structuration de l'offre de formation, en particulier l'équilibre entre CAP et baccalauréat professionnel ;

- le statut, les modalités d'obtention et la place dans le cursus des BEP rénovés et rebaptisés « certifications intermédiaires » 21 ( * ) ;

- l'effectivité des passerelles tant entre les différences voies, qu'au sein de la filière professionnelle ;

- l'articulation entre la voie scolaire et la voie de l'alternance ;

- la mise en oeuvre de l'accompagnement personnalisé ;

- l'accroissement de l'hétérogénéité des classes, du fait de l'accueil d'élèves plus jeunes et plus à l'aise dans les matières générales mais aussi en raison de la multiplication des lycées des métiers intégrant l'apprentissage et la formation continue ;

- la fragilisation du recrutement des enseignants intervenant en lycée professionnel due à la mastérisation ;

- l'organisation difficile des périodes de formation en milieu professionnel (PFMP) ;

- le risque de « déprofessionalisation » de l'enseignement professionnel minant les possibilités d'insertion au niveau IV sur le marché du travail ;

- et les poursuites d'études incertaines dans l'enseignement supérieur, notamment en BTS.


* 21 Le décret n° 2009-145 du 10 février 2009 prévoit que « tout jeune inscrit dans le cycle conduisant au baccalauréat professionnel [...] se présente au cours de ce cycle à un brevet d'études professionnelles ou un certificat d'aptitude professionnelle dans les conditions fixées par un arrêté du ministre chargé de l'éducation. »

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