2. Une mise à l'écart des élus intenable et inefficace

Les pratiques décrites par les associations d'élus témoignent toutes d'un repli de l'éducation nationale sur elle-même, d'un refus du dialogue et de l'absence d'une réflexion sur les besoins et les spécificités des territoires , notamment du milieu rural, où l'enseignement ne peut se dérouler sur le même modèle que dans un grand centre urbain. Les difficultés, voire les impossibilités d'application du service minimum d'accueil, imposé aux élus, est une autre illustration de ce manque criant de concertation. De même, la suppression du samedi matin vient d'une décision discrétionnaire de l'administration centrale, sans considération pour les transformations des activités périscolaires qu'elle imposait aux collectivités.

Il faut changer de culture et de logique pour concilier l'équité sur l'ensemble des territoires et l'adaptation aux circonstances locales. Cela ne peut se faire sans l'appui des collectivités territoriales enfin reconnues comme des partenaires à part entière. M. Jardel, représentant l'AMF, a bien exprimé lors de son audition l'exaspération commune : « les élus ne sont pas aux ordres de l'administration ; ils travaillent avec elle pour tirer la charrette à deux ». Les commissions départementales de l'éducation nationale (CDEN) ne constituent pas des instances de concertation et de réflexion adaptées. Les réunions demeurent purement formelles et les avis rendus ne sont pas pris en compte par les autorités académiques qui passent systématiquement outre. Ceci explique l'appel de l'AMRF en date du 9 octobre 2011 qui recommande aux élus de suspendre leur participation aux CDEN.

Sans doute une rénovation des CDEN et de la procédure de construction de la carte scolaire est-elle désormais nécessaire pour que la parole des élus puisse être entendue à la hauteur de leur participation effective à la vie des écoles. Il est également paradoxal qu'au niveau national, les associations d'élus ne soient à aucun moment associées à la construction du budget de l'éducation, alors même que les collectivités territoriales financent un quart de la dépense intérieure et que leurs interventions sont tributaires des décisions budgétaires de l'État.

Il est plus que temps de reconnaître que les interventions accrues des collectivités (communes, EPCI, départements et régions) appellent désormais une reconnaissance de leur rôle de partenaires à part entière de l'éducation nationale . Une clarification des compétences de chacun, tant en matière de financement que de champ d'intervention est souhaitable. Si l'éducation nationale doit conserver le contrôle du pédagogique stricto sensu , il ne peut plus être ignoré que les actions des collectivités tant dans le périscolaire que dans la prise en charge matérielle des établissements ont également un contenu éducatif et qu'elles peuvent améliorer le climat de vie scolaire et les conditions d'apprentissage .

Votre rapporteure souhaite illustrer ce point par un exemple récent : le dispositif d'encadrement des élèves exclus mis en place par le conseil général de Seine-Saint-Denis . Ce département connaît 1 000 exclusions définitives par an et entre 500 et 600 exclusions temporaires par jour. En général, l'exclusion est propice au décrochage et à la rupture définitive avec le monde scolaire. L'initiative du conseil général vise à en faire un temps utile pour l'élève, de réflexion sur soi lui permettant de réintégrer le collège dans de bonnes conditions pour lui et pour ses camarades. La moitié des collèges des départements sont concernés.

Une convention entre la ville, le conseil général et l'éducation nationale, ainsi qu'avec d'éventuelles associations intervenantes est signée. La commune fournit les locaux d'accueil des élèves exclus, le conseil général finance les intervenants et les activités, l'éducation nationale accompagne et cautionne le dispositif. Le coût s'élève à environ 9 000 euros en moyenne par collège, l'essentiel à la charge du département. Les élèves exclus sont pris en charge par des éducateurs spécialisés qui les aident à comprendre le sens de la faute et de la sanction. Ce métier spécifique n'existe pas aujourd'hui dans l'éducation nationale, ce qui peut diminuer les effets du travail réalisé pendant l'exclusion, faute de continuité suffisante après le retour au collège. Les premiers retours sont positifs. Même si l'évaluation du dispositif n'est pas encore achevée, il apparaît d'ores-et-déjà que c'est là où la collaboration entre les collectivités, les associations et l'éducation nationale est la plus étroite que les résultats sont les meilleurs .

Cet exemple parmi d'autre montre qu'il doit être possible de nouer à plus grande échelle des partenariats modernes et transparents entre l'éducation nationale et les collectivités, ce que votre rapporteure souhaite. Outre un changement de culture vers plus d'ouverture au monde extérieur, l'éducation nationale devra sans doute également repenser l'organisation déconcentrée de ses services. À cet égard, la concentration des pouvoirs et des responsabilités au sein des académies dans les mains des recteurs au détriment des inspections académiques pourrait être préjudiciable.

Un décret est en cours d'examen devant le Conseil d'État pour faire du recteur la seule autorité académique pleine et entière. C'est là une étape de plus dans la rationalisation budgétaire des services académiques mais il est à craindre qu'elle n'éloigne un peu plus encore du terrain la prise de décision dans l'éducation nationale .

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Compte tenu de l'ensemble de ces observations, votre rapporteure émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

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