3. Concilier la possibilité de poursuite d'études et la capacité d'insertion professionnelle, un pari difficile

Votre rapporteure s'est très tôt inquiétée des ambiguïtés du discours porté par le ministère de l'éducation nationale qui pour rencontrer l'adhésion des parents et des élèves autour de la réforme a beaucoup insisté sur la perspective de poursuite d'études dans le supérieur après le bac professionnel.

La reconnaissance de l'égale dignité des filières de formation est un impératif et, de ce point de vue, tout ce qui contribue à revaloriser la voie professionnelle pour la mettre sur un pied d'égalité avec les études générales et technologiques est une bonne chose, à condition que sa spécificité soit préservée. C'est parce qu'elle propose à la fois un rapport original aux apprentissages et qu'elle ouvre des possibilités d'accès à l'emploi que la filière professionnelle peut répondre efficacement aux besoins et aux attentes de certains jeunes.

En conséquence, ce serait une erreur d'offrir la poursuite d'études dans l'enseignement supérieur comme seul modèle de réussite aux élèves de lycée professionnel, comme c'est le cas pour leurs camarades des voies générale et technologique. L'égale dignité des filières doit certes être assurée mais pas au prix de l'uniformisation des formations au service d'un unique modèle de réussite.

Il faut donc préserver la capacité d'insertion professionnelle des diplômes au niveau IV et au niveau V lorsque c'est pertinent dans le secteur d'activité concerné.

Concrètement, le renforcement des formations généralistes au lycée professionnel dans l'espoir de faire accéder les meilleurs au BTS ne doit pas remettre en cause la capacité des jeunes bacheliers d'accéder à l'emploi. Si nous ne parvenions pas à garantir à la fois la dignité et la particularité de l'enseignement professionnel , nous perpétuerions implicitement la dévalorisation des savoirs techniques et de l'exercice d'un métier, ce qui se traduirait par une baisse de la qualification professionnelle des jeunes et du coup de leur capacité à trouver un emploi.

Ce ne serait pas le moindre paradoxe de la réforme en cours qu'elle participe symboliquement et pratiquement à une dévalorisation du baccalauréat professionnel tout en visant à accroître le nombre de bacheliers et à rehausser le statut de la filière.

Le lien noué dans l'esprit des familles et des élèves entre le bac professionnel et la poursuite en BTS conduira certainement à une forte poussée de demandes d'admission en STS à partir de 2013, alors que les flux actuels de bacheliers professionnels sont encore faibles. Or, pour réussir dans l'enseignement supérieur, les bacheliers professionnels souffrent d'un net désavantage par rapport à leurs camarades d'autres filières car leurs acquis sont nettement plus fragiles dans les matières scolaires, en langues vivantes notamment mais aussi en mathématiques.

C'est pourquoi les taux de réussite des bacheliers professionnels en BTS sont aujourd'hui beaucoup plus faibles que ceux des bacheliers généraux ou technologiques. En 2010, 30 667 bacheliers professionnels se trouvaient en BTS, seuls 15 721 ont été admis, soit 51,3 % de réussite. En comparaison, le taux de réussite en BTS des bacheliers généraux est de 81,6 %, avec un pic à 82,8 % pour les titulaires d'un bac S, et celui des bacheliers technologiques est de 71,7 % avec un pic à 79,8 % pour la filière STI. 33 ( * )

Plus précisément, deux tiers des bacheliers professionnels engagés dans un BTS venaient du domaine des services mais leur taux de réussite n'était que de 44,8 %. La moyenne est rehaussée par les performances des bacheliers professionnels issus de filières de production qui sont 63,9 % à obtenir leur diplôme.

Votre rapporteure ne peut que regretter ces chiffres alors que dans certaines spécialités du tertiaire - notamment secrétariat et comptabilité - dont les effectifs en lycée professionnel sont très importants, l'insertion professionnelle sans diplôme du supérieur est extrêmement difficile.

Insister sur la poursuite d'études en BTS des bacheliers professionnels et inciter ces derniers à se lancer dans cette formation comme alternative à l'entrée sur le marché du travail ne pourront réussir qu'à condition de mener une politique volontariste d'accompagnement . Les difficultés de l'accompagnement personnalisé, dont l'utilisation se concentre surtout sur la classe de seconde professionnelle, rendent pessimiste sur la capacité de ce dispositif à préparer en amont les futurs bacheliers aux études supérieures.

La charnière entre le second degré professionnel et l'université est encore beaucoup trop faible au regard des espoirs que l'on a fait naître . L'absence d'une politique ambitieuse de promotion sociale par les études et par le travail risque de se faire cruellement sentir dans les prochaines années.


* 33 Ministère de l'enseignement supérieur, RERS 2011, p. 247.

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