2. Le service public territorialisé d'orientation, un premier pas vers la régionalisation de l'enseignement professionnel ?

La loi du 24 novembre 2009 sur l'orientation et la formation professionnelle devait tailler dans le maquis touffu des 8 000 sites physiques d'accueil et les dizaines de portails Internet dépendant de l'État, des collectivités territoriales et des branches professionnelles, particulièrement impliquées dans l'apprentissage.

Placé auprès du Premier ministre, le nouveau délégué à l'information et à l'orientation (DIO) devait notamment présenter avant le 1 er juillet 2010 un plan de coordination au niveau national et régional de l'action des opérateurs nationaux sous tutelle de l'État en matière d'information et d'orientation. Il s'agissait d'étudier le rapprochement, sous la tutelle du Premier ministre, de l'Onisep, du Centre pour le développement de l'information sur la formation permanente (Centre Inffo) et du Centre d'information et de documentation jeunesse (CIDJ). Force est de constater qu'un an et demi après l'expiration du délai fixé par le législateur, aucun plan concret n'a vu le jour. De ce point de vue, la loi de 2009 restée lettre morte est déjà un échec.

L' inertie du Gouvernement est patente et témoigne de son faible empressement à traiter la question de l'orientation. L 'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP), opérateur du programme « Soutien de la politique de l'éducation nationale », n'est d'ailleurs pas épargné par les contraintes financières . Il doit supporter en interne la norme générale du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux et le rabot de 10 % sur les dépenses de fonctionnement courant, tandis que l'État lui demande en plus de rationaliser sa gestion immobilière.

En outre, la loi du 24 novembre 2009 devait également jeter les bases d'un service public territorialisé de l'orientation dont les contours n'étaient cependant pas clairement définis. C'est ce flou global tant sur les objectifs que sur les modalités concrètes de mise en place qui explique certainement que le dossier a pris un retard considérable.

C'est seulement par un décret du 4 mai 2011 portant application de l'article L. 6111-5 du code du travail qu'ont été fixées les conditions de mise en oeuvre du service public de l'orientation tout au long de la vie et créé un label national des organismes qui doivent y concourir. Conformément aux dispositions législatives, peuvent être reconnus comme participant au service public de l'orientation, sur le fondement de normes de qualité élaborées par le DIO, après avis public du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie (CNFPTLV), les organismes qui proposent un ensemble de services permettant à chacun :

- de disposer d'une information exhaustive et objective sur les métiers, les compétences et les qualifications nécessaires pour les exercer, les dispositifs de formation et de certification, ainsi que les organismes de formation et les labels de qualité dont ceux-ci bénéficient ;

- de bénéficier de conseils personnalisés afin de pouvoir choisir en connaissance de cause un métier, une formation ou une certification adaptés à ses aspirations, à ses aptitudes et aux perspectives professionnelles liées aux besoins prévisibles de la société, de l'économie et de l'aménagement du territoire et, lorsque le métier, la formation ou la certification envisagé fait l'objet d'un service d'orientation ou d'accompagnement spécifique assuré par un autre organisme, d'être orienté de manière pertinente vers cet organisme.

Un arrêté du 4 mai 2011 a fixé parallèlement le cahier des charges relatif au label national « Orientation pour tous - pôle information et orientation sur les formations et les métiers » . La durée de validité du label attribué est de cinq ans reconductibles. Les CIO et les autres structures chargées de l'orientation et de l'insertion au sein de l'éducation nationale sont censés participer aux procédures de demande de labellisation. La responsabilité ultime de la labellisation incombe au préfet de région .

Si une meilleure coordination des différents réseaux d'information et d'orientation s'adressant aux jeunes est certainement souhaitable, l'intérêt du recours à une labellisation n'est jamais apparu évident à votre rapporteur. Ne pèse en effet aucune obligation sur les organismes d'orientation de solliciter et d'obtenir le label pour poursuivre leur activité. Rien ne garantit non plus le même niveau d'exigence de qualité partout sur le territoire pour la délivrance du label. On peut donc très légitimement s'interroger sur la capacité de la seule labellisation à rationaliser, simplifier et clarifier le système d'orientation professionnelle au bénéfice des usagers.

Votre rapporteure demeure réservée sur l'idée même d'un service public territorialisé de l'orientation pour les mêmes raisons de principe qui lui font repousser toute régionalisation de l'éducation nationale, dont on peut craindre que la territorialisation de la mission d'orientation ne soit que la première pierre.

Dans la mesure où la formation professionnelle continue appartient déjà au domaine de compétences des régions, de même que le fonctionnement matériel des lycées, le scénario d'un transfert aux conseils régionaux de l'intégralité de la voie professionnelle relevant de l'éducation nationale, y compris les personnels enseignants et ainsi la responsabilité pédagogique, est crédible à moyen terme.

Votre rapporteure y est très fermement et résolument hostile, cette poursuite de la décentralisation n'étant ni juste, ni efficace. Tant du point de vue des collectivités territoriales, dont les ressources financières sont minces et l'expertise pédagogique faible, que pour les élèves, très inégalement traités d'un endroit à l'autre et cantonnés certainement dans la spécialité correspondant au tissu économique local, la régionalisation de l'enseignement professionnel serait une lourde erreur.

Tout ce qui est de nature à renforcer les inégalités sociales et territoriales doit être combattu. Les conditions de mise en oeuvre du service public territorialisé de l'orientation doivent donc être très étroitement surveillées pour qu'il ne puisse servir d'appui à la régionalisation complète des lycées. D'autant que d'autres indices convergents laissent à penser que la régionalisation est insidieusement préparée.

La transformation brutale, brouillonne et incohérente d'une région à l'autre des GRETA en groupements d'intérêt public prévue par la loi Warsmann II de simplification du droit n'en est-elle pas le signe avant-coureur ? Ne serait-ce pas là dans l'esprit des promoteurs sotto voce de la décentralisation des lycées professionnels le meilleur moyen d'obtenir les synergies tant rêvées avec l'apprentissage et la formation continue ?

Par ailleurs, le modèle de lycées des métiers spécialisés sur une gamme étroite de métiers doit-il vraiment s'étendre, alors qu'aucune évaluation rigoureuse du dispositif ne met en évidence ses vertus pédagogiques pour les publics qu'ils accueillent ? Les retours de professeurs de lycées des métiers sont pourtant beaucoup plus mitigés : comment faire classe en même temps pour des élèves de 15 ans sortis du collège, un apprenti de 18 ans en contrat de travail et un salarié de 50 ans en reconversion professionnelle ? Les attentes, les connaissances théoriques, l'expérience pratique et la maturité des publics sont tellement différentes qu'enseigner face à des classes aussi hétérogènes relève du tour de force.

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