III. VERS UN PARC PÉNITENTIAIRE DE 80.000 PLACES ?

La France disposait au 1 er janvier 2011 de 189 établissements pénitentiaires 17 ( * ) , soit 56.358 places « opérationnelles » (nombre de places de détention disponibles dans les établissements pénitentiaires).

Le parc immobilier présente un contraste fort entre, d'une part, des établissements vétustes du fait de leur ancienneté (tel est le cas des maisons d'arrêt situées dans les centres-villes construites au XIXème siècle) ou du manque d'entretien, et d'autre part, des bâtiments beaucoup plus modernes issus des trois programmes immobiliers qui se sont succédé depuis les années 1980 18 ( * ) . Le dernier d'entre eux, décidé par la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, prévoit la création de 13.200 places réparties entre six établissements pénitentiaires pour mineurs désormais en service et une quinzaine d'établissements pour majeurs dont les premiers ont ouvert en 2008.

Les investissements immobiliers de l'administration pénitentiaire comportent actuellement trois volets :

- la poursuite du programme 13.200 places ;

- l'accroissement des capacités au sein d'établissements existants ;

- la rénovation des établissements pénitentiaires parmi lesquels les structures les plus importantes (Fleury-Mérogis, Fresnes, Les Baumettes, La Santé).

Au terme du programme « 13.200 » en 2013, la capacité opérationnelle des établissements pénitentiaires devrait atteindre 61.200 places .

Comme l'avait indiqué Mme Rachida Dati, alors garde des Sceaux lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2009, 30 % des cellules des maisons d'arrêt du programme « 13.200 » seront des cellules doubles. Cette proportion permet, selon votre rapporteur, de répondre au principe de l'encellulement individuel compte tenu des dérogations prévues par le législateur et dès lors que le nombre de détenus écroués demeure stable . Cette condition n'apparaît pas hors de portée avec le développement des mesures d'aménagement de peine.

Néanmoins, le ministère de la justice a souhaité en 2010 la mise en oeuvre d'un nouveau programme immobilier afin de porter à 70.400 (réparties dans 62.500 cellules) le nombre de places disponibles.

Conformément au voeu du Président de la République, cet objectif devrait même être relevé à 80.000 places par la future loi de programmation sur l'exécution des peines.

A. LE PROGRAMME  « 13.200 » EN VOIE D'ACHÈVEMENT

Ce programme est réalisé en quatre lots : un lot en maîtrise d'ouvrage publique, deux lots successifs en AOT-LOA (autorisation d'occupation temporaire-location avec option d'achat) 19 ( * ) , un lot en partenariat public privé 20 ( * ) .

Le financement disponible pour la réalisation du programme de 12.800 places pour majeurs et de 420 places pour mineurs est de 1.130 M€ obtenus au titre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice auquel il convient d'ajouter 160 M€ en complément du financement de 1.800 places annoncées antérieurement à la LOPJ.

Le calendrier de ces réalisations s'établit de la manière suivante en métropole 21 ( * ) (entre parenthèses, figure le nombre de places).

Année de mise en service

Site*

2007

EPM Quiévrechain (60)

EPM Meyzieu (60),

EPM Marseille (60),

EPM Lavaur (60)

2008

EPM Orvault (60),

EPM Porcheville (60),

CP Mont de Marsan (690),

CP La Réunion (576)

2009

CD Roanne (600),

MA Lyon-Corbas (690),

CP Nancy (690),

CP Poitiers (560),

CP Béziers (810)

2010

CP Le Mans (400),

CP Le Havre (690),

CP de Rennes (690),

CP Bourg-en-Bresse (690)

2011

CP Lille-Annoeullin (688),

CP Île de France-Réau (798)

2012

MA Nantes (510),

MC Condé sur Sarthe (249)

2013

MC Vendin-le-Vieil (238)

MA de Rodez (100 places)

Dans les collectivités d' outre-mer , la LOPJ a prévu la création de 1.600 places. Le nouveau centre pénitentiaire de Saint-Denis de la Réunion (574), réalisé en conception réalisation, a été mis en service en décembre 2008.

Les autres projets en cours sont :

- la réhabilitation et l'extension de l'établissement de Majicavo à Mayotte qui permettra ainsi de porter à terme la capacité d'hébergement à 264 places. Le lauréat du marché sera connu début 2011. Le démarrage des travaux est prévu en 2012 pour une livraison en 2014 ;

- en Guadeloupe , la réhabilitation et l'extension de la maison d'arrêt de Basse-Terre pour une capacité d'environ 180 places (études de programmation validées d'ici fin 2011) ainsi que l'extension du centre pénitentiaire de Baie-Mahault dont la capacité sera augmentée au moins de 150 places, voire de 250 places dans le cas de la non-construction d'un établissement sur l'île de Saint-Martin (livraison programmée au 1 er semestre 2015).

- la réhabilitation du centre pénitentiaire de Faa'a en Polynésie pour une capacité de 135 places ;

- l'extension du centre pénitentiaire de Remire-Montjoly en Guyane pour un gain de 220 places supplémentaires. La livraison de la première tranche (75 places) est prévue en 2012. La seconde tranche de 145 places fait actuellement l'objet d'études de programmation fonctionnelle et technique.

Sur les 10.900 places de détention pour majeurs prévues (9.700 en métropole et 1.200 en outre-mer), 8.687 ont d'ores et déjà été livrées depuis 2007.

La livraison des premiers établissements du programme « 13.200 » n'intervenant qu'à partir de 2008, la direction de l'administration pénitentiaire a mis en place un dispositif d'accroissement des capacités au sein des établissements pénitentiaires destinés à créer 2.732 places supplémentaires (dont 609 places en semi-liberté). Au 31 juillet 2010, 2.256 places avaient été réalisées dans des proportions très variables selon les établissements (de 10 places à la maison d'arrêt d'Angoulême à 200 places au centre de détention de Villenauxe La Grande). 139 places sont prévues pour 2011 dont 60 pour le centre de détention de Châteauroux et 40 pour le quartier de semi-liberté de Bourg-en-Bresse.

Il est sans doute prématuré de dresser un bilan du programme « 13.200 ». Incontestablement, les conditions matérielles de détention se sont améliorées -avec notamment l'installation de douches dans les cellules.

Néanmoins, les nouvelles structures sont apparues surdimensionnées ; l'organisation des déplacements des personnes détenues requiert des délais plus longs interdisant parfois en pratique aux détenus de participer à certaines activités ou de se rendre aux rendez-vous qui peuvent leur être fixés (soins, travailleur social, etc.). Cette situation suscite des frustrations. En outre, les modes de surveillance fondées pour l'essentiel sur les moyens électroniques ont éloigné le détenu du surveillant. Lors de ses échanges avec votre rapporteur, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean-Marie Delarue, a observé que les surveillants avaient tendance à délaisser les étages pour se tenir au rez-de-chaussée. Le sentiment de sécurité ne s'est pas renforcé. Au contraire. Des mouvements concertés de demande de mise en congé maladie traduisent, dans quelques établissements, un malaise indéniable 22 ( * ) .

Personnels comme personnes détenues expriment parfois un regret paradoxal pour les établissements souvent vétustes auxquels les nouvelles prisons ont succédé.


* 17 101 maisons d'arrêt, 82 établissements pour peine -dont 6 maisons centrales-, 11 centres de semi-liberté, 4 quartiers centres pour peines aménagées, 6 établissements pénitentiaires pour mineurs, un établissement public de santé national à Fresnes.

* 18 Le programme « Chalandon » (1987) de 13.000 places avec la construction de 25 établissements et le programme « Méhaignerie » (1994) de 4.000 places avec la construction de 6 établissements.

* 19 Alors que dans la conception réalisation l'Etat est propriétaire du bâtiment dès sa livraison, il doit dans le cadre de la procédure AOT-LOA s'acquitter des loyers pendant une période de 27 ans avant d'en devenir propriétaire.

* 20 Le partenariat public-privé comprend non seulement les prestations comprises dans le cadre du contrat AOT-LOA mais aussi les services correspondant aux marchés actuels de gestion déléguée (les services à la personne étant remis en concurrence tous les 8 ans).

* 21 EPM : établissement pénitentiaire pour mineur ; CP : centre pénitentiaire ; MA : maison d'arrêt .

* 22 Le taux de personnels en congés maladie dans l'administration pénitentiaire (4,20%) ne présente en soi rien d'exceptionnel.

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