2. L'assistance apportée au Premier ministre dans l'organisation du travail gouvernemental
a) L'organisation générale du travail gouvernemental

Dans le cadre de son pouvoir réglementaire propre d'organisation du travail gouvernemental, le Premier ministre doit définir les modalités de cette organisation.

Le Premier ministre fixa ainsi par une circulaire du 18 mai 2007, signée le lendemain de la nomination de notre ancien collègue François Fillon aux fonctions de Premier ministre, les règles de l'organisation du travail gouvernemental : modalités de préparation des décisions et rappel du principe de solidarité gouvernementale une fois la décision prise, en particulier à l'occasion de l'examen d'un projet de loi par le Parlement, conditions d'élaboration des textes législatifs et réglementaires, programmation du travail gouvernemental en lien avec le Secrétariat général du Gouvernement, préparation des textes d'application des lois, sans oublier la nécessité pour les ministres de participer aux travaux parlementaires, afin « de défendre la position du Gouvernement dans les discussions conduisant au vote des lois ou de répondre aux questions des députés et des sénateurs ».

Plusieurs autres circulaires du 18 mai 2007 ont donné des instructions aux membres du Gouvernement sur leur conduite personnelle dans l'exercice de leurs fonctions : incompatibilités avec certaines activités professionnelles, dépenses susceptibles d'être prises en charge par l'État, recours aux escortes motocyclistes, règles de transparence financière et déclaration de situation patrimoniale, cadeaux offerts aux ministres ou à leur conjoint, modalités de déplacement des ministres en province ou à l'étranger... Depuis mai 2007, d'autres circulaires du Premier ministre sont intervenues dans ces domaines, avec un rappel des circulaires relatives aux dépenses et déplacements par une circulaire du 2 juillet 2010 et avec une circulaire du 23 février 2011 encadrant strictement les séjours privés des ministres à l'étranger. Le plus souvent, le Premier ministre confie le contrôle ou la coordination de ces dispositions au Secrétariat général du Gouvernement.

b) La réglementation de la composition des cabinets ministériels

Au titre de l'autorité qu'il exerce sur l'ensemble des membres du Gouvernement, le Premier ministre a fixé des règles relatives à la composition des cabinets ministériels, à travers plusieurs circulaires. Ainsi, une première circulaire, datée elle aussi du 18 mai 2007, concerne les collaborateurs des cabinets des ministres, en particulier leur nombre, les règles déontologiques qui leur sont applicables et leur position administrative :

« Dans la définition du nombre de vos collaborateurs, vous devez être guidés par les principes suivants. Les membres du cabinet ont pour mission de vous assister dans la définition, la transmission et le contrôle de l'application des décisions et orientations que vous souhaitez voir mises en oeuvre par vos services. En aucun cas, vos collaborateurs ne doivent s'interposer entre vous-même et vos services ni se substituer à eux. Vous veillerez donc à avoir des relations de travail avec les directeurs d'administration centrale de vos services. Votre administration mettra d'autant plus efficacement en oeuvre les objectifs fixés par le Gouvernement que vous entretiendrez avec elle un dialogue et des relations directes. Je souhaite donc que vous vous entouriez de collaborateurs dont l'efficacité et la cohésion seront d'autant plus grandes qu'ils seront peu nombreux . »

Sur la base de ces principes de fonctionnement, la circulaire fixe à vingt l'effectif maximal du cabinet d'un ministre, ajoutant que tout membre du Gouvernement placé auprès d'un ministre doit pouvoir disposer du cabinet du ministre et ne s'entourer que de trois ou quatre conseillers politiques. Mission est donnée par la circulaire au Secrétariat général du Gouvernement de suivre son application, au nom du Premier ministre.

Une seconde circulaire, datée du 2 juillet 2010, rappelle et précise les règles énoncées en mai 2007 :

« Le devoir d'exemplarité qui incombe à l'État doit vous conduire à veiller spécialement à ce que l'organisation et le fonctionnement de votre cabinet traduisent un souci d'économie et de modestie. ».

La circulaire fixe ainsi les conditions dans lesquelles les cabinets dont les effectifs sont supérieurs au plafond de vingt pour un ministre et quatre pour un secrétaire d'État doivent respecter les règles fixées par le Premier ministre : non remplacement des départs de collaborateur et mise en place d'échéanciers de réduction des effectifs. Là encore, le Secrétariat général du Gouvernement est chargé de superviser cet effort. La circulaire prévoit aussi une baisse de 10 % des crédits de rémunération et de fonctionnement des cabinets en 2011.

Selon les informations transmises à votre rapporteur, une dernière circulaire est intervenue le 16 novembre 2010 pour assouplir le plafond du nombre de collaborateurs : outre le maintien à vingt pour un ministre de plein exercice, le plafond a été relevé à douze pour un ministre placé auprès d'un ministre et à six pour un secrétaire d'État. Cette réévaluation rend sans doute compte de la difficulté à faire appliquer le plafond plus strict de quatre collaborateurs fixé précédemment pour les membres du Gouvernement autres que les ministres de plein exercice.

Sur cette base, selon les chiffres fournis par le Gouvernement à votre rapporteur, les règles de composition des cabinets sont respectées , ainsi que l'illustre le tableau ci-après.

Effectifs des cabinets ministériels au 9 novembre 2011

Ministère

Effectif

Premier ministre

52

Ministre chargé des relations avec le Parlement

12

Ministre des affaires étrangères et européennes

16

Ministre chargé de la coopération

11

Ministre chargé des affaires européennes

12

Secrétaire d'État chargé des Français de l'étranger

6

Ministre de la défense et des anciens combattants

18

Secrétaire d'État chargé des anciens combattants

6

Ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

21

Ministre chargé des transports

12

Secrétaire d'État chargé du logement

6

Ministre de la justice et des libertés

18

Ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

20

Ministre chargé des collectivités territoriales

11

Ministre chargé de l'outre-mer

12

Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

20

Ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

12

Secrétaire d'État chargé du commerce extérieur

6

Secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

6

Ministre du travail, de l'emploi et de la santé

20

Ministre chargé de l'apprentissage et de la formation professionnelle

10

Secrétaire d'État chargé de la santé

6

Ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

20

Secrétaire d'État chargé de la jeunesse et de la vie associative

6

Ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, Porte-parole du Gouvernement

27 28 ( * )

Ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

20

Ministre de la culture et de la communication

18

Ministre des solidarités et de la cohésion sociale

20

Secrétaire d'État chargé des solidarités et de la cohésion sociale

6

Secrétaire d'État chargé de la famille

5

Ministre de la fonction publique

11

Ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

20

Ministre de la ville

20

Ministre des sports

18

Ainsi, à l'exception de la ministre de l'écologie, à propos de laquelle il a été indiqué à votre rapporteur qu'elle avait bénéficié d'une dérogation pour disposer d'un conseiller de plus que le plafond autorisé, tous les membres du Gouvernement respectent les plafonds. Votre rapporteur s'interroge sur la justification d'une telle dérogation, qui pourrait concerner tout autant d'autres ministres, et relève en outre la modération du ministre des affaires étrangères, qui dispose d'un nombre de collaborateurs nettement inférieur à ce qu'a permis le Premier ministre, alors qu'il exerce des responsabilités éminentes.

En raison de ces règles de plafonnement, votre rapporteur s'interroge sur l'existence d'éventuelles manoeuvres de contournement, des collaborateurs pouvant travailler au sein d'un cabinet sans y avoir été officiellement nommés par arrêté du ministre publié au Journal officiel par les soins du Secrétariat général du Gouvernement dûment saisi par le ministre. En outre, votre rapporteur observe la pratique autorisée selon laquelle des personnels peuvent être mis à disposition du cabinet sans être rémunérés à titre principal sur des crédits de cabinet 29 ( * ) , ce que pourrait pourtant imposer une juste exigence de clarté. La circulaire du 18 mai 2007 se borne à indiquer que « la situation administrative d'un membre de cabinet doit être réglée de manière telle que sa rémunération soit prise en charge par le budget de l'État ».

c) La rémunération des personnalités en mission

La circulaire du 2 juillet 2010 traite aussi de la question de la rémunération versée aux personnalités chargées d'une mission par un ministre, indiquant la préparation d'un décret fixant des règles communes en la matière et centralisant auprès du Secrétariat général du Gouvernement la liste détaillée de toutes les missions. Ainsi, le décret n° 2011-142 du 3 février 2011 a fixé un barème et des critères de rémunération, qui permettent néanmoins de verser des rémunérations élevées à des personnalités qui exercent par ailleurs une activité principale.

L'indemnité peut être soit forfaitaire soit mensuelle, dans la limite de douze mois. Sauf dérogation accordée par arrêté du Premier ministre, le montant forfaitaire s'élève à 1500 euros et le montant mensuel à 300 euros, permettant ainsi de prendre en compte des missions de plus longue durée. Toutefois, ces montants sont affectés d'un coefficient variant de 0,5 à 7. Ce coefficient est fixé par l'autorité qui confie la mission, en fonction « de la difficulté de la mission, de l'importance du travail qu'elle demande et de la notoriété ou du degré de qualification du missionnaire ». Ainsi, l'indemnité forfaitaire peut atteindre 10 500 euros et le total des indemnités mensuelles sur la période maximale de douze mois 25 200 euros.

Décret n° 2011-142 du 3 février 2011 fixant les conditions d'indemnisation des personnes chargées d'une mission par les membres du Gouvernement

Article 1 er

Le Premier ministre et les ministres peuvent faire appel, pour la réalisation de missions, études et expertises, à des personnes appartenant ou non à l'administration, qui leur apportent leur concours sans renoncer à leur occupation principale.

Article 2

La rémunération accordée à la personne chargée de la mission est égale au produit d'un montant de base, mensuel ou forfaitaire, et d'un coefficient de modulation.

Article 3

Le montant de base est égal à :

1 500 euros, si l'indemnité a un caractère forfaitaire ;

300 euros, si elle est versée par mensualité.

Article 4

Il ne peut être dérogé aux montants fixés par l'article 3 que par arrêté du Premier ministre.

Article 5

Le coefficient est compris entre 0,5 et 7. Il est fixé en tenant compte de la difficulté de la mission, de l'importance du travail qu'elle demande et de la notoriété ou du degré de qualification du missionnaire.

Article 6

La décision de confier une mission est prise par le ministre, par le secrétaire général du ministère ou par le directeur intéressé. Elle fait l'objet d'un acte écrit qui précise l'objet de la mission, fixe le coefficient de modulation et indique si l'indemnité sera versée mensuellement ou aura un caractère forfaitaire.

Dans le premier cas, il ne peut être payé plus de douze mensualités pour une même mission.

A l'issue de la mission, le secrétaire général du ministère atteste de l'exécution de la tâche confiée.

Article 7

Le secrétaire général du ministère adresse chaque année au Premier ministre (secrétariat général du Gouvernement) un relevé des missions confiées par le ministère faisant apparaître l'objet de la mission, le nom de la personne qui en a eu la charge et le montant de sa rémunération.

Votre rapporteur approuve cette moralisation de la pratique des missions rémunérées , qui fixe des critères objectifs de rémunération. A ce jour, le relevé général des missions rémunérées en 2011 n'a pas encore été établi, le secrétaire général du Gouvernement ayant demandé aux secrétaires généraux des ministères de lui transmettre leurs propres relevés avant le 10 janvier 2012. Aussi votre rapporteur veillera-t-il l'année prochaine à dresser un premier bilan de ces dispositions nouvelles encadrant strictement la pratique jusque là relativement opaque des missions rémunérées réalisées, notamment, à la demande d'un membre du Gouvernement.


* 28 Au plafond de vingt conseillers s'ajoutent sept conseillers supplémentaires correspondant à la fonction de porte-parole du Gouvernement.

* 29 Il existe au demeurant dans les cabinets un régime indemnitaire spécifique d'indemnités dites de sujétion particulière (ISP).

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