III. L'ÉVOLUTION DU RÉSEAU DIPLOMATIQUE : UNIVERSALITÉ NE VEUT PAS DIRE EXHAUSTIVITÉ

A. UNE ADAPTATION DU RÉSEAU COMMENCÉE DANS LE CADRE DE LA RGPP

1. Une adaptation indispensable

La France dispose du 3 ème réseau diplomatique mondial , après les États-Unis et la Chine, avec 163 ambassades, 16 représentations permanentes et 92 implantations consulaires.

La France possède l'une des diplomaties dont non seulement le réseau est le plus dense, mais encore qui exerce la plus large palette de métiers : politique, consulaire, culturel, éducatif, de coopération.

Le réseau doit savoir évoluer en fonction des évolutions géostratégiques et des priorités de l'action internationale. De ce point de vue, l'importance croissante de l'Asie et la nécessité d'une réactivité accrue aux situations de crise justifient non seulement la poursuite de la reconfiguration du réseau, mais encore le renforcement de sa capacité d'adaptation.

C'est, surtout, pour répondre à un impératif d'adéquation des moyens humains et budgétaires aux besoins stratégiques, dans un contexte de limitation de la dépense publique, que le réseau doit évoluer.

Le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France de 2008 avait préconisé de maintenir l'universalité du réseau , estimant qu'il constituait un avantage comparatif indéniable de notre diplomatie et, surtout, que la suppression des plus petites ambassades ne permettrait de réaliser que des économies marginales. Pour autant, la commission Juppé-Schweitzer préconisait un rétrécissement très substantiel du format des plus petits postes :

« La France doit-elle conserver une présence physique dans quasiment tous les pays du monde (158 ambassades bilatérales, 21 représentations multilatérales) ? Plusieurs observateurs, notamment étrangers, ont fait valoir à la commission que l'universalisme de notre réseau est un des « avantages comparatifs » de la diplomatie française. Cependant, le fait de disposer du deuxième réseau au monde (voire du premier, toutes implantations confondues, devant les États-Unis) n'est en soi ni une finalité, ni un critère d'efficience. Ceci peut même se révéler contre-productif si l'entretien d'un réseau surdimensionné nous prive de moyens d'intervention.

« Or l'universalité de notre présence représente, globalement, des enjeux budgétaires limités. A titre d'exemple, la décision de fermeture des 28 ambassades de la catégorie 7 de la directive nationale d'orientation (pays avec lesquels nos liens sont les moins denses) permettrait de réaliser une économie annuelle théorique de 40 millions d'euros (moyens de coopération compris), soit 2,4 % du budget de fonctionnement du réseau, crédits de personnel compris, 3,3 % en fonctionnement au sens strict et moins de 1 % du budget du MAEE.

« Au total, il est recommandé de maintenir l'universalité, tout en resserrant le format des plus petits postes : transformés en ambassades à missions simplifiées, ils disposeraient d'un effectif limité, dans certains cas, à un seul agent de catégorie A, avec une externalisation de tous les services logistiques (hors sécurité, qui mérite un examen poste par poste) et un recours à la location pour les implantations physiques (bureaux et résidence). Une trentaine de pays pourraient être concernés. Cette formule devrait permettre de nommer sur ces postes des agents jeunes, dont les aptitudes à l'action de terrain pourraient être ainsi évaluées précocement. »

2. Les trois formats-cibles de la RGPP

Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), un principe de modularité du réseau diplomatique avait été retenu, qui avait conduit à différencier le dispositif en fonction des missions confiées à chaque poste et à mettre en place des formules de représentation plus légères.

LA RGPP ET L'ÉVOLUTION DU RÉSEAU

Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) lancée en juillet 2007, les conseils de modernisation des politiques publiques (CMPP) des 4 avril et 11 juin 2008 ont défini les grandes orientations des réformes mises en oeuvre au Quai d'Orsay au cours de la période 2009-2011.

Dans la lignée du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France (juillet 2008), la révision générale des politiques publiques a décidé de préserver l'universalité du réseau . Toutefois, était décidée la différenciation de s missions confiées à nos différentes représentations diplomatiques et l'adaptation du format des ambassades en conséquence.

La RGPP a traduit cette modulation par les mesures suivantes :


• mesure 98 : transformation d'une trentaine d'ambassades en postes de présence diplomatique simple à format allégé et simplifié ;


• mesure 99 : lissage des « formats d'exception » dans les 8 ambassades où les moyens sont les plus importants ;


• mesure 316 : le réseau de l'État à l'étranger est recalibré selon une double logique de modularité et d'interministérialité.

Trois formats de postes diplomatiques ont ainsi été définis, qui se voient attribuer les moyens correspondant aux missions qui leur sont confiées :


• ambassades à missions élargies (une trentaine),


• ambassades à missions prioritaires (une centaine),


• postes de présence diplomatique (une trentaine).

Le réseau consulaire fait l'objet d'un recalibrage (mesure 101) qui doit conduire à la fermeture de postes consulaires ou à leur transformation en consulats à gestion simplifiée ou en sections consulaires d'ambassade .

Les autres mesures décidées dans le cadre de la RGPP sont :


• La constitution de pôles consulaires régionaux , en vue du regroupement du traitement des visas et des dossiers de nationalité.


• Le traitement des dossiers de naturalisation et de déclaration est centralisé dans un seul poste par pays. Ceci a été fait en Allemagne, et les instructions sont en cours pour sa généralisation dans l'Union Européenne. (mesure 117).


• Le regroupement à Nantes d'une grande partie de l'état civil de nos postes consulaires dans les pays du Maghreb. (mesure 121).

Pou accroitre la dimension interministérielle du réseau de l'État à l'étranger la mesure 318 de la RGPP « définit la stratégie de l'État à l'étranger sur un mode interministériel ». Elle s'est traduite par la création d'un Comité Interministériel des Réseaux Internationaux de l'État (CORINTE) qui vise à renforcer la coordination interministérielle.

Les pouvoirs de coordination et d'animation de l'ambassadeur ont été réaffirmés par la mesure 317 qui prévoit que les services extérieurs de l'État seront organisés dans les ambassades en pôles de compétence interministériels fonctionnant en réseau, sous l'autorité des ambassadeurs. Des pôles de compétence interministériels, sur des sujets transverses, ont ainsi été constitués dans 112 ambassades.

La mesure 114 vise à la « mise en place de pôles supports communs à l'ensemble des agents à l'étranger ». Le redimensionnement du réseau s'accompagne de la mutualisation des fonctions administratives et de gestion avec la mise en place de services communs de gestion (SCG). Ils permettront d'unifier, sous l'autorité de l'ambassadeur, la gestion de tous les services de l'Etat à l'étranger (et tout particulièrement de leurs dépenses de fonctionnement) quel que soit leur ministère de rattachement.

Le comité permanent du CORINTE a validé un transfert vers le ministère des affaires étrangères et européennes de 54 ETP provenant des quatre administrations les plus concernées (Economie, Défense, Intérieur, Budget) afin de permettre la généralisation, dans toutes les ambassades, de services de gestion communs à l'ensemble des services de l'Etat présents dans le pays dès le 1er janvier 2011.

Dans le réseau diplomatique, les gains en emplois se sont partagés entre les efforts demandés aux huit postes dits « à format d'exception » , invités à réduire -ou plus diplomatiquement à « lisser »- leurs effectifs de 10 % entre 2009 et 2011, et la redéfinition des missions des autres postes , classés en trois catégories :

- les « ambassades à missions élargies », au nombre de trente-huit, (dont les huit postes à format exceptionnel précités) ;

- les « ambassades à missions prioritaires », au nombre de quatre vingt-treize ;

- et les trente et une « ambassades à missions spécifiques ».

Ce dernier format devait permettre de maintenir une présence française dans des pays où seules les missions diplomatiques essentielles (veille et analyse politique, et protection des ressortissants français) peuvent être assurées. La définition initiale établie par le comité de suivi de la RGPP d'un « format-type » pour ces postes de présence diplomatique à 10 équivalents temps-pleins (ETP) a rapidement évolué vers une formule plus souple (12-13 ETP en moyenne pour l'ensemble des postes regroupés dans la catégorie des postes de présence diplomatique), pour tenir compte des spécificités et de l'hétérogénéité des situations (conditions de sécurité, enjeux différents selon les pays, intensité de la coopération, intensité de l'activité consulaire, importance de la communauté française résidente...). La liste actuelle des PPD comprend actuellement 31 postes (sur 163 ambassades).

Le ministère des Affaires étrangères indique, dans ses réponses écrites au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs, s'être attaché à « rechercher pour ces postes le format opérationnel le plus limité possible au regard de nos intérêts. Les postes de présence diplomatiques ont constitué à ce titre également des points d'expérimentation de nouvelles procédures administratives (gestion simplifiée en liaison avec un poste de rattachement) ou de fonctions adaptées (regroupement des fonctions consulaires, fusion des fonctions de numéro 2 d'ambassade et de conseiller de coopération et d'action culturelle, etc.). »

3. Un redimensionnement finalement assez limité

Force est de constater que le nombre d'ambassades a effectivement continué d'augmenter depuis 2005, même si les dernières ouvertures d'ambassades (Podgorica, Pristina, Bichkek, Djouba) résultent surtout de transformations de structures existantes (consulats généraux, bureaux ou antennes diplomatiques), dans un contexte d'évolution politique.

Les principales évolutions du réseau diplomatique et consulaire depuis 2005

Belgique : Fermeture des consulats généraux à Anvers et Liège (2011)

Luxembourg : Transformation du consulat en section consulaire d'ambassade (2011)

Monaco : Transformation du consulat général à Monaco en ambassade (2006)

Portugal : Transformation du consulat général à Lisbonne en section consulaire d'ambassade (2005)

Bosnie-Herzégovine : Fermeture du bureau de liaison franco-allemand de Banja Luka (2010)

Kazakhstan : Transfert de l'ambassade d'Almaty à Astana (2007). Un bureau d'ambassade est créé à Almaty. Transformation du bureau d'ambassade à Almaty en consulat général (2010)

Kirghizistan : Transformation de l'antenne diplomatique de Bichkek en ambassade (2010)

Kosovo : Transformation du bureau à Pristina en ambassade (2008)

Monténégro : Transformation du bureau à Podgorica en ambassade (2006)

Russie : Ouverture d'un consulat général à Ekaterinbourg (2007)

Algérie : Réouverture du consulat général à Oran (2007)

Irak : Ouverture d'un bureau d'ambassade à Erbil (2007), transformation en consulat général (2009)

Bénin : Transformation du consulat à Cotonou en section consulaire d'ambassade (2011)

Cameroun : Transformation du consulat général à Yaoundé en section consulaire d'ambassade. Fermeture du consulat à Garoua (2009)

Centrafrique : Transformation du consulat général à Bangui en section consulaire d'ambassade (2007)

Djibouti : Transformation du consulat général à Djibouti en section consulaire d'ambassade (2011)

Gabon : Transformation du consulat général à Port Gentil en chancellerie détachée (2008)

Liberia : Réouverture de l'ambassade à Monrovia (2007)

Rwanda : Fermeture de l'ambassade à Kigali (rupture des relations diplomatiques) en 2006. Réouverture de l'ambassade à Kigali (rétablissement des relations diplomatiques) en 2010

Sénégal : Fermeture du consulat général à Saint Louis du Sénégal (2010)

Soudan : Ouverture d'un bureau d'ambassade à Djouba (2008). Transformation en consulat général (2010)

Soudan du Sud : transformation du Consulat Général à Djouba en ambassade au Soudan du sud, suite à l'indépendance du pays (2011)

Chine : Ouverture d'un consulat général à Chengdu (2005). Ouverture d'un consulat général à Shenyang (2007)

Inde : Ouverture d'un consulat général à Bangalore et Calcutta (2008)

Canada : Ouverture d'un consulat à Calgary (2010)

Par ailleurs, le ministère des Affaires étrangères fait valoir que l'adaptation du réseau s'est traduit par un redéploiement des effectifs et des moyens des zones « d'héritage » vers les zones géographiques prioritaires, dont les pays émergents (ouverture de nouveaux postes consulaires en Russie, Chine et Inde en particulier).

Les effectifs ont diminué depuis 2008 dans les grands postes des zones « d'héritage » (Afrique subsaharienne -14%, Europe occidentale -10%). La Chine, l'Inde, la Russie et le Brésil figurent aujourd'hui parmi les dix postes les plus dotés en effectifs du réseau.

Toutefois, plusieurs indices laissent à penser que ce redéploiement, très progressif jusqu'à présent, n'est pas encore achevé. L'Asie ne représente toujours que 15 % des effectifs, et les deux Amérique, nord et sud, seulement 14 %.

A l'inverse, si l'on additionne les zones Afrique, Afrique du Nord et Europe, on totalise les 2/3 des effectifs. Un agent sur cinq est en poste au sein d'un état de l'Union européenne.

Source : ministère des affaires étrangères

Un tableau figurant en annexe n°1 du présent rapport donne la répartition des moyens dans le réseau. Il montre l'actualité d'un constat établi depuis plusieurs années déjà.

UN RESEAU EN PHASE AVEC NOS PRIORITÉS DIPLOMATIQUES ?

(Extrait du rapport spécial 2 ( * ) de la commission des finances de l'Assemblée nationale)

Dans les ambassades dites « au format d'exception » figurent toujours, à côté des États-Unis ou de l'Allemagne, des pays comme le Sénégal, le Maroc ou encore Madagascar.

Aucune trace, en revanche, de la Chine, de l'Inde, de la Russie, du Brésil, du Japon, de la Corée du Sud, dont le développement très dynamique tire pourtant la mondialisation et le commerce international. Nos ambassades dans ces pays sont classées dans la deuxième catégorie, celle des Postes à missions élargies.

Ainsi, nos services disposent en Chine de 303 fonctionnaires et contractuels soit 56 de moins qu'au Maroc, alors que notre pays importe 40 milliards d'euros de produits chinois par an, avec un déficit annuel de 30 milliards d'euros contre un commerce dix fois moindre avec le Maroc.

Et malgré nos 12 milliards d'euros d'importations russes - dont 6 milliards d'euros de déficit -, nous ne comptons que 222 agents dans ce pays contre 253 au Sénégal.

En Corée du Sud, notre représentation ne compte que 51 personnes - agents de droit local compris - pour un commerce en pleine expansion, évalué à 6,4 milliards d'euros par an... En revanche, nos services diplomatiques disposent de quatre fois plus d'agents à Madagascar pour des échanges commerciaux qui ne sont évidemment pas comparables.

Ces exemples montrent l'absolue nécessité de redéployer nos moyens humains et matériels vers les marchés émergents et dynamiques. C'est la condition du succès de la « diplomatie économique ».


* 2 Rapport spécial de M Jérôme Lambert, député, au nom de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, n0251, annexe 1, octobre 2012

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