III. L'ORGANISATION DE LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT N'A PAS ENCORE PRIS LA MESURE DE CE CHANGEMENT

A. SI LA THÉMATIQUE DES BIENS PUBLICS MONDIAUX A ÉTÉ BIEN IDENTIFIÉE COMME UN ENJEU MAJEUR

Comme la souligné le ministre du développement, cette convergence entre les questions de développement et celles liées au réchauffement climatique, à l'environnement et aux biens publics mondiaux est la raison d'être d'un ministère du développement.

C'est également la logique qui avait présidée à la création de la DGM avec en son sein une sous direction des biens publics mondiaux.

Les enjeux qui sont au coeur des débats relatifs à la définition du cadre post OMD font également partie intégrante des documents stratégiques adoptés ces dernières années.

La dernière manifestation en date est sans doute l'adoption par l'AFD d'un plan d'orientation stratégique qui indique vouloir « mettre le développement durable au coeur de l'action de l'AFD » et faire du développement durable la référence commune de l'ensemble des activités opérationnelles de l'AFD avec l'introduction d'un avis de second opinion relatif au développement durable.

De même, le projet annuel de performance de la mission budgétaire « Aide au développement » pour 2013 souligne « la préservation des biens publics mondiaux (le climat, la lutte contre les maladies transmissibles et émergentes et la biodiversité) est désormais clairement inscrite dans le mandat de la coopération française. » .

En conséquence, il a été introduit, depuis 2012, deux indicateurs qui visent à « mesurer la contribution de l'Agence française de développement à la lutte contre le changement climatique et à la préservation de trois biens publics mondiaux (biodiversité, lutte contre les maladies transmissibles et émergentes et climat) » .

Unité

2010
Réalisation

2011
Réalisation

2012
Prévision pap 2012

2012
Prévision actualisée

2012
Prévision

2013 et 2015
Cible

2. Part des engagements de l'AFD concourant directement à la préservation des biens publics mondiaux

%

55

39

> 40

> 40

> 40

> 40

Source : PLF : 2013

La préservation des biens publics concerne ainsi plus de 50 % des engagements financiers de l'AFD : une obligation que confirme le nouveau plan d'orientation stratégique de l'AFD qui prévoit comme objectif de : « Positionner l'AFD comme acteur pivot des engagements financiers bilatéraux en matière de changement climatique, ainsi que comme acteur à part entière de l'architecture financière internationale sur le climat. » 60 ( * )

Pour vos rapporteurs, il s'agit d'une évolution structurante dont on n'a pas encore mesuré l'impact politique, financier et institutionnel.

En termes d'impact financier, le budget de la coopération a intégré l'objectif de lutte contre le réchauffement climatique et de maintien de la biodiversité sans que ce changement de périmètre n'ait été pris en compte dans le budget d'une mission qui a diminué en 5 ans de 300 à 400 millions d'euros.

Autrement dit, le budget de la coopération a intégré les actions qui résultaient des accords de Copenhague, de Durban et bientôt des suites de Rio et de Doha avec une enveloppe en diminution.

B. L'ORGANISATION ADMINISTRATIVE DE CETTE POLITIQUE RESTE PARTAGÉE ENTRE UN NOMBRE IMPORTANT D'ACTEURS DONT LA COORDINATION EST INCERTAINE

Cette politique reste cependant très fragmentée entre le service de la DGM qui relève du ministre des affaires étrangères et de son ministre délégué au développement, des services de la direction du Trésor qui ont la responsabilité du programme 110. Ce programme comporte l'essentiel des crédits attribués :

- au Fonds pour l'environnement mondial (FEM), fonds multilatéral hébergé à la Banque mondiale, qui finance des projets bénéficiant à la préservation mondiale de l'environnement ;

- au Fonds français pour l'environnement mondial (FFEM) ;

- à l'AFD pour les bonifications de prêts ;

- au FASEP et à la RPE qui interviennent notamment dans les domaines de l'énergie et de l'urbanisme vert.

Intervient également le ministère de l'environnement qui dispose d'une compétence légitime dans ce domaine et représente la France dans certaines négociations internationales comme celles concernant la biodiversité à Nagoya en liaison avec le ministère des affaires étrangères qui s'est vu doter de la compétence pour les négociations climatiques.

L'AFD est quant à lui l'opérateur pivot de la coopération internationale dans ce domaine et dispose d'une compétence propre et reconnue dans ce domaine. L'AFD est sous la tutelle des deux premiers ministères, mais n'est pas liée au ministère de l'environnement qui n'est représenté ni dans son conseil d'administration, ni dans le conseil d'orientation stratégique.

Sans doute la complémentarité des approches peut être une source de richesse. Toutefois la démarche collective gagnerait sans doute à s'appuyer sur une stratégie nationale qui permette de fédérer les points de vue.

En termes politiques, la lutte contre le réchauffement climatique à l'international a longtemps fait l'objet d'une concurrence parfois stimulante souvent stérile entre plusieurs ministères.

Ce dossier relève en effet d'au moins trois ministères, le ministère de l'environnement, le ministère des affaires étrangères avec une Direction des biens publics mondiaux, le ministère des finances qui a la responsabilité des deux fonds publics dédiés à la coopération internationale dans ce domaine.

La nomination d'un ministre délégué au développement aurait pu clarifier la situation en lui attribuant les pleines compétences dans ce domaine. Son décret d'attribution montre que cela n'est pas le cas.

Ce décret prévoit en effet seulement qu' à « la demande du ministre des affaires étrangères, il conduit les négociations internationales relevant de son domaine de compétence ou y participe. Il représente le Gouvernement ou participe à sa représentation dans les instances internationales traitant de questions de coopération internationale et de développement. Il veille à favoriser la cohérence des actions d'aide au développement, notamment en matière de biens publics mondiaux. A cette fin, il est consulté sur les interventions publiques et sur toute décision pouvant avoir une incidence sur le développement des pays concernés. Il est associé aux négociations relatives aux questions de développement avec les institutions financières internationales et participe aux réunions entre bailleurs de fonds qu'elles organisent. » 61 ( * ) .

La lutte contre le réchauffement climatique relève toujours de plusieurs ministres. M. Pascal Canfin a cependant assuré, lors de la table ronde organisée par votre commission, que « dans le domaine du climat, une cellule a été mise en place entre les ministères de l'écologie et des affaires étrangères, composée de représentants des cabinets et des directions concernées pour élaborer un discours et une stratégie commune » 62 ( * ) .

L'annonce d'une stratégie gouvernementale dans ce domaine est une bonne nouvelle.

Cette stratégie devra être accompagnée d'une feuille de route budgétaire qui permette à la France de respecter les engagements internationaux auxquels elle s'engage.


* 60 POS III conseil d'administration de l'agence française de développement du 9 octobre 2012

* 61 Décret n° 2012-803 du 9 juin 2012 relatif aux attributions du ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement, http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000025990860

* 62 CR de la table ronde sur l'Avenir de la politique de coopération française au développement - http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20121001/etr.html#toc9

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