II. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2013 : UNE AUGMENTATION SUBSTANTIELLE DES DOTATIONS ALLOUÉES A L'ASILE

A. UN EFFORT DE SINCÉRITE ET DES AMBITIONS MAINTENUES

1. Présentation générale du budget pour 2013

Le programme 303 concentre la majorité des crédits dévolus à la mission Immigration, asile et intégration, soit 90 % des crédits totaux.

Les autorisations d'engagement (596 millions d'euros en 2013 contre 553 millions en 2012, soit + 7,9 %) ainsi que les crédits de paiement (604 millions d'euros en 2013 contre 560 millions en 2012, soit + 8 %), sont en progression.

Au sein du programme 303, c'est l'action 2 « garantie de l'exercice du droit d'asile » qui concentre l'essentiel des dotations, puisqu'elle représente 84 % des autorisations d'engagement demandées pour 2012.

Présentation des actions par crédits demandés

Programme 303

Action

LFI 2012

PLF 2013

Évolution 2013/2012 en %

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 01 - Circulation des étrangers et politique des visas

1 550 000

1 550 000

1 500 000

1 500 000

-3,2 %

-3,2 %

Action 02 - Garantie de l'exercice du droit d'asile

408 910 000

408 910 000

501 130 000

501 130 000

22,6 %

22,6 %

Action 03 - Lutte contre l'immigration irrégulière

80 708 700

85 408 700

69 560 000

76 054 000

-13,8 %

-11,0 %

Action 04 - Soutien

62 284 704

64 284 704

24 720 000

26 026 000

- 60,3 %

- 59,5 %

Total Programme 303

553 453 404

560 153 404

596 910 000

604 710 000

7,9 %

8,0 %

(Source : ministère de l'intérieur)

Votre commission ne se saisit pour avis que sur les dotations de l'action 2 du programme 303 « garantie de l'exercice du droit d'asile ». Cette action a pour objet d'assurer l'accueil et l'hébergement des demandeurs d'asile en cours de procédure qui le demandent. Cette prise en charge intervient sous la forme soit d'un hébergement accompagné en centre d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) pour les demandeurs d'asile remplissant les conditions d'accès à ce dispositif, soit du versement d'une prestation financière, l'allocation temporaire d'attente (ATA), qui peut être associée à un hébergement d'urgence.

Action 02 - Garantie de l'exercice du droit d'asile

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Dépenses de fonctionnement :

37 100 000

37 100 000

- Subventions pour charges de service public

37 100 000

37 100 000

Dépenses d'intervention :

464 030 000

464 030 000

- Transferts aux ménages

140 000 000

140 000 000

- Transferts aux entreprises

80 950 000

80 950 000

- Transferts aux autres collectivités

243 080 000

243 080 000

TOTAL

501 130 000

501 130 000

Les dépenses de fonctionnement regroupent les dotations versées à l'OFPRA. Elles sont cette année en augmentation de 2,75 millions d'euros par rapport à la LFI 2012 afin de permettre à l'OFPRA d'améliorer le délai de traitement des demandes enregistrées. Le plafond des emplois est également relevé de 10 ETP.

Les dépenses d'intervention sont relatives à la prise en charge sociale des demandeurs d'asile pendant toute la durée d'instruction de leur dossier. Elles regroupent :

- les dotations liées aux CADA. L'État finance un dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile, pérenne, et qui comporte 270 CADA, deux centres de transit et un centre d'accueil et d'orientation des mineurs isolés demandeurs d'asile. Le montant alloué au titre du PLF 2013 est de 198 800 000 € (AE=CP), les dépenses constituent un transfert aux entreprises pour 42 600 000 € et un transfert aux autres collectivités pour 156 200 000 € ;

- les dispositifs d'hébergement d'urgence, qui complètent le parc des places en CADA, insuffisant. La prévision de crédits au titre du PLF 2013 est de 125 000 000 € (AE=CP), ces dépenses constituent un transfert aux entreprises pour 35 900 000 € et un transfert aux autres collectivités pour 89 100 000 € ;

- l'allocation temporaire d'attente, ATA, qui est versée aux demandeurs d'asile pendant la durée d'instruction de leur dossier, y compris en cas de recours devant la CNDA, s'ils ne sont pas hébergés en CADA. La prévision de crédits pour 2013 s'élève à 140 000 000 € (AE=CP), et cette dépense constitue un transfert aux ménages à hauteur de 100 % ;

- l'accompagnement social spécifique des demandeurs d'asile, qui permet de financer la prise en charge sociale et médico-psychologique, et dont la prévision de crédits est de 230 000 € pour 2013.

Enfin, des fonds de concours européens sont attendus pour 2013 à hauteur de 6 866 442 €. Le fonds européen pour les réfugiés soutient et encourage les efforts consentis par les États pour accueillir les demandeurs d'asile.

2. Un accent mis sur l'hébergement des demandeurs d'asile en cours de procédure

C'est le domaine de l'accueil qui voit ses dotations augmenter. En effet, la très forte augmentation des crédits alloués au programme 303 porte essentiellement sur les dotations relatives aux dispositifs de prise en charge des demandeurs d'asile (+ 24 %).

Ainsi, le PLF 2013 prévoit la création de 1000 places supplémentaires en CADA, portant leur nombre à 22410 fin 2013. Indicateur de performance du programme 303, le taux d'hébergement en CADA des demandeurs d'asile en cours de procédure tend à s'améliorer.

Hébergement en CADA des demandeurs d'asile en cours de procédure remplissant les conditions d'accès à cet hébergement (en  %)

2010

réalisation

2011

réalisation

2012

prévision

2013

prévision

2015
cible

31

38

40

41

45

Il convient de pérenniser cet effort, car l'hébergement dans les CADA répond mieux que d'autres modes de prise en charge (accueil collectif, hôtels) aux normes minimales d'accueil prévues par la réglementation européenne. Aussi est-il nécessaire d'augmenter le taux d'hébergement dans ces centres en diminuant la durée moyenne de séjour, d'une part, par la réduction des délais d'instruction des demandes d'asile et, d'autre part, par des progrès en matière d'organisation de la sortie des centres des déboutés et des réfugiés (par le respect des délais réglementaires de sortie des centres).

Taux d'occupation des places en CADA par les demandeurs d'asile ou autres personnes autorisées

2010

réalisation

2011

réalisation

2012

prévision

2013
prévision

2015

cible

92,2

90,2

90

90

90

Outre les dispositions concernant les CADA, la dotation relative à l'hébergement d'urgence, déjà en augmentation de 51 millions d'euros en 2012 par rapport à 2011, sera de nouveau abondée de 34 millions en 2013. De même, les crédits relatifs au versement de l'ATA, relevés de 36 millions entre 2011 et 2012, seront de nouveau augmentés de 50 millions en 2013.

C'est donc un effort conséquent qui est engagé depuis 2 ans sur cette question de la prise en charge des demandeurs d'asile. C'est d'autant plus louable que le problème de l'insincérité budgétaire avait maintes fois été souligné lors des exercices précédents.

B. DES INTERROGATIONS QUI DEMEURENT NÉANMOINS

1. Le traitement des demandes : un stock de dossiers qui ne se résorbe pas malgré d'importants recrutements

A l'OFPRA, un important plan de recrutement, visant à résorber le stock de dossiers, a été mis en oeuvre depuis 2010. Le projet de loi de finances pour 2012 prévoyait la poursuite de cet effort. Outre le maintien des emplois accordés précédemment pour les opérations de déstockage et le renfort des services d'appui à l'aide de 10 recrutements contractuels supplémentaires (8 A, 2 C), le contingent des officiers de protection est augmenté de 5 postes de titulaires (ces derniers ayant été pourvus temporairement par des agents sous contrat jusqu'à l'organisation d'un concours pour le recrutement de nouveaux titulaires en fin d'année). Toutefois, la réorganisation de l'établissement visant à l'allègement de la structure dirigeante pour une gestion plus adaptée a, dans le même temps, conduit à la suppression des postes de directeur général adjoint et de secrétaire général adjoint. L'effectif sous plafond a ainsi été porté à 455 ETP.

Emplois fonctionnels

ETP

1. Catégorie A

2. Catégorie B

3. Catégorie C

TOTAL

ETP

Titulaires

ETP

Contractuels

ETP

Titulaires

ETP

Contractuels

ETP

Titulaires

ETP

Contractuels

ETP

2010

6

164,9

82,6

34

0

119,5

5

412

2011

4

163,7

113,5

34,2

0

119,6

4

440

2012

4

170,2

121

34,2

0

119,6

6

455

(Source : ministère de l'intérieur)

Ainsi, face à la croissance de la demande, l'Office a amélioré sa productivité générale au moyen d'une concentration de ses moyens sur l'instruction, le maintien d'un haut niveau de productivité individuelle (1,8 décision par jour et par agent instructeur) et enfin à partir de 2011 par des recrutements d'effectifs supplémentaires.

Toutefois ces moyens n'ont jusqu'à présent pas permis de réduction du stock de dossiers en attente, ni du délai de traitement, du fait de l'augmentation parallèle et continue de la demande d'asile depuis 2008. Entre 2008 et 2011, celle-ci a augmenté de 34 % alors que la productivité de l'OFPRA ne s'est accrue que de 29 %. Dès lors, le nombre d'entrées étant supérieur à celui des sorties, les stocks observent une progression continue à compter de l'année 2008.

Or, ce problème a des conséquences autant en termes humains que sur le plan financier. Sur le plan humain, il est impensable de laisser un demandeur d'asile dans l'incertitude pendant aussi longtemps, délai d'autant plus allongé si la réponse s'avère négative et est suivie par un recours auprès de la CNDA. Sur le plan financier, un tel délai a un coût et des conséquences non négligeables sur les finances publiques.

En 2012, la stabilisation de la demande d'asile au cours du premier semestre et la poursuite de l'amélioration de la productivité ont permis de stabiliser les stocks à 14 200 demandes. A demande constante, un début de résorption des stocks est envisageable avant la fin de l'année 2012, qui en cas de reprise de la demande d'asile, serait compromise.

2007

2008

2009

2010

2011

2012 (2)

Délai moyen

105

100

118

145

174

179

stock global

8 248

10 900

14 672

18 800

22 474

22 700

stock réel (1)

3 300

5 300

7 672

11 000

14 000

14 200

(1) au-delà du stock incompressible estimé à 2,5 mois de flux (2) 1er semestre

(Source : ministère de l'intérieur)

Afin de poursuivre les efforts entrepris, il est prévu le recrutement de 10 officiers de protection contractuels supplémentaires dès le 1 er janvier 2013, dans le respect du plafond d'emplois sollicité.

La problématique est la même à la CNDA. Lorsqu'un demandeur d'asile voit sa demande refusée par l'OFPRA, il peut déposer un recours devant la CNDA. Depuis 2009 le nombre de recours déposés est à la hausse, ainsi en 2011 ce sont 31 983 recours qui ont été enregistrés, soit + 16,5 % par rapport à 2010.

2009

2010

2011

Prév. fin 2012

Prév.

2013

Recours

25 044

27 445

31 983

35 900

38 900

Décisions

20 240

23 934

34 595

37 700

39 400

Stock

25 845

29 776

26 613

25 200

23 000

(source : ministère de l'intérieur)

La reprise du contentieux de l'asile au début de l'année 2009 a conduit le Conseil d'État à adopter au printemps 2010 un plan de recrutement très vigoureux afin de permettre à la Cour d'accroître significativement sa capacité de jugement. Ce plan d'action pour la CNDA, fortement accentué par les pouvoirs publics en 2011, s'est traduit par la création de 50 emplois en 2011, dont 40 de rapporteurs, qui sont venus renforcer la capacité d'instruction et de jugement de la juridiction. Ainsi, les effectifs de la Cour ont été portés à 299 ETP au 31 décembre 2011.

2 898 audiences ont été organisées en 2011, soit une moyenne, sur 11 mois, compte tenu des vacances judiciaires, de 264 audiences. Au cours du premier semestre 2012, la CNDA a tenu 1 819 audiences, en hausse de 21,3 % par rapport à la même période de l'année précédente. En moyenne, les présidents permanents et vacataires président chaque mois près de 2,5 audiences. Cette moyenne masque cependant des situations très hétérogènes. Ainsi, les présidents permanents président chacun en moyenne 8 audiences chaque mois.

Globalement, le plan d'action mis en oeuvre en 2010 a permis une progression très importante de la capacité de jugement de la Cour, dans un contexte d'augmentation importante du nombre des recours. En effet, le délai prévisionnel moyen de jugement, qui avoisinait 15 mois en 2010 a été réduit à 9 mois et 5 jours en 2011, soit six mois de moins en l'espace d'une année. Le délai prévisionnel moyen de jugement devrait être d'environ 8 mois fin 2012. Vos rapporteurs se réjouissent de ces résultats et de l'effort mis en place afin de se rapprocher du seuil sans affecter l'examen des dossiers.

2. L'épineuse question de l'hébergement des demandeurs d'asile

L'hébergement en centre d'accueil a été multiplié par 4 ces 10 dernières années, portant à 21 410 le nombre de places fin 2011. Or, ce nombre est toujours insuffisant. Dans son rapport d'évaluation relatif à la politique publique de l'hébergement des personnes sans domicile, remis en novembre 2011, la Cour des comptes souligne que seuls 31,4 % des demandeurs d'asile éligibles à une entrée en CADA y étaient effectivement hébergés au 31 décembre 2010. Le PLF pour 2013 prévoit la création de 1 000 places supplémentaires, portant la capacité totale à 22 410 places, néanmoins au 08/08/2012 on comptait encore 33 000 personnes en attente d'une admission en CADA.

Or, ce manque de place a des répercussions sur les finances publiques, puisque les demandeurs non bénéficiaires d'une place en CADA, perçoivent l'allocation temporaire d'attente (ATA), dont les crédits associés sont en progression, et qui coûte plus cher que l'hébergement en CADA, et un hébergement d'urgence.

Vos rapporteurs souhaitent en particulier souligner plusieurs limites :

- 90 % des places en CADA sont occupées par des demandeurs d'asile en cours de procédure, les 10 % restants sont des présences indues de réfugiés ou de déboutés.

Les bénéficiaires d'une protection internationale peuvent rester en CADA pour une durée de 3 mois, renouvelable une fois, après notification de la décision. Au-delà, leur présence est considérée comme indue. Quant aux déboutés, leur présence en CADA est considérée comme indue après un délai d'un mois suivant la notification de la décision.

Il convient d'essayer de travailler sur cet indicateur pour que le taux d'occupation légitime augmente encore et tende vers les 100 %. Il est nécessaire d'aiguiller les demandeurs en fin de procédure vers des dispositifs correspondant à leur situation et laisser les places en CADA, déjà trop peu nombreuses !, à leurs occupants légitimes : les demandeurs d'asile en cours de procédure.

- 45 % des demandeurs d'asile sont en Île-de-France mais seulement 16 % des places en CADA ! Plus généralement, 68 % des demandes déposées sont concentrées dans 5 régions, ce qui crée un déséquilibre géographique considérable.

Certes la répartition s'est un peu homogénéisée cette année, il convient néanmoins de veiller à une meilleure cohérence de la répartition des demandeurs par rapport au nombre de places en centres d'hébergement.

- une différence de 2 € par jour et par personne est constatée entre un demandeur d'asile hébergé en CADA et un demandeur d'asile bénéficiant d'un hébergement d'urgence couplé au versement de l'ATA.

En effet, le coût unitaire moyen d'une place en CADA sera de 24 € par jour en 2013. En comparaison, le coût moyen journalier d'une place d'hébergement d'urgence s'élèvera à 15 € en 2013, auxquels il faudra ajouter le versement de l'ATA aux adultes lorsqu'ils sont éligibles à une entrée en CADA ou lorsqu'ils sont en procédure prioritaire, et dont le montant est d'un peu plus de 11 € par jour, soit au total plus de 26 €.

Interrogé lors de son audition à l'Assemblée nationale sur le manque de places et le comparatif coût unitaire d'une place en CADA/coût de la combinaison hébergement d'urgence et versement de l'ATA, M. Manuel Valls a répondu être prêt à examiner en cours d'année, en fonction de la situation en CADA et de l'hébergement d'urgence, en coopération avec Mme Cécile Duflot, « une éventuelle substitution de crédits entre les deux dispositifs, à coût constant, au bénéfice de création de places supplémentaires en CADA. Cette évolution devra être validée au niveau interministériel, en association avec le Parlement. »

Vos rapporteurs se félicitent de l'effort entrepris sur la question de l'hébergement des demandeurs en cours de procédure mais s'inquiètent du manque de places en CADA. Ils considèrent que cet hébergement répond mieux qu'un autre à l'accueil des demandeurs et souhaitent que l'effort fait sur la capacité d'hébergement en CADA soit maintenu voire augmenté.

Page mise à jour le

Partager cette page