D. NE PAS FAIRE L'IMPASSE SUR LES DANGERS DES DROGUES LÉGALES ET DES NOUVELLES FORMES D'ADDICTION

La croissance des comportements à risque en matière de consommation d'alcool observés chez les jeunes ainsi que la reprise de l'augmentation, chez cette même population, du tabagisme quotidien, sont la preuve qu'un effort nouveau doit être fait en matière de prévention. Alors que des chiffres déjà anciens font état de 33 000 décès attribuables chaque année à l'alcool et 60 000 au tabac, des mesures doivent être prises dès à présent afin que ces usages réguliers qui s'inscrivent encore, dans la plupart des cas, dans un contexte festif, ne se transforment pas, avec le temps, en une consommation à risque sur la durée, qui se prolonge dans l'âge adulte. De plus, une politique d'information spécifique à destination des femmes enceintes doit être menée car la consommation d'alcool et de tabac par la mère sont des facteurs très importants de complication de la grossesse et de troubles physiques et psychologiques chez l'enfant à naître.

Le cas des drogues de synthèse qui se situent à la frontière de la légalité ne doit pas être ignoré. Selon l'OFDT, quarante-trois nouvelles substances de ce type ont été répertoriées en 2011. Elles imitent les effets des substances interdites sans toutefois figurer sur la liste des produits stupéfiants, puisque ce sont souvent des molécules créées de toute pièce en laboratoire. Vendues sur internet sous des noms qui changent sans cesse, il n'est pas possible d'en réprimer le trafic tant qu'elles ne sont pas inscrites au tableau des stupéfiants.

Les chimistes qui les mettent au point ont donc toujours une longueur d'avance sur les services de police, modifiant à la marge leur produit dès que celui-ci fait l'objet d'une interdiction pour la contourner et profiter d'une situation de vide juridique qui peut durer plusieurs mois. Le danger sanitaire de ces « designer drugs » est pourtant très élevé car leur nocivité et les effets secondaires qu'elles pourraient susciter ne font l'objet d'aucun test. Qui plus est, le manque d'information sur leur composition et la qualité des produits utilisés, qui peuvent varier selon les approvisionnements du chimiste pour une même drogue de synthèse, renforce le caractère imprévisible de leurs effets sur la santé. Il faut donc se montrer plus réactif dans leur interdiction et améliorer l'information des consommateurs potentiels afin qu'ils prennent conscience de leur dangerosité, à l'opposé du caractère récréatif qui leur est encore trop souvent associé.

Enfin, il ne faut pas faire l'impasse sur les dangers des nouvelles formes d'addiction, dites « sans substance » ou comportementales. Ce n'est que depuis la fin des années 2000 que les politiques publiques les prennent véritablement en compte. Jeu pathologique ou cyberdépendance vont souvent de pair avec des situations complexes de souffrances personnelles et familiales qui appellent une prise en charge spécifique.

Ce n'est pas un phénomène anecdotique : la France compterait 200 000 joueurs excessifs, qui pour plus de la moitié d'entre eux jouent plus de 1 500 euros par an. Les comorbidités qui y sont liées, notamment avec l'alcool et le tabac, sont établies et l'impact financier, social et familial de ces pratiques peut être très grave. Le développement d'une offre de soins adaptée sur tout le territoire doit être poursuivi et la formation des intervenants que sont les médecins généralistes ou les travailleurs sociaux au repérage de ces comportements doit être améliorée.

Le fait que la lettre de mission de Mme Jourdain-Menninger lui donne pour instruction d'adopter une approche « cohérente et coordonnée de la prévention des conduites addictives » prenant en compte explicitement les addictions sans substance constitue un signe positif quant à l'engagement de la Mildt sur cette question dans les années à venir. Votre rapporteure y sera attentive car ces phénomènes, dont l'existence et l'ampleur n'ont été que récemment reconnues et restent par certains remises en question, ne peuvent être exclus de la politique globale de prévention, de traitement et d'accompagnement des addictions que la France se doit de mettre en place dans les années à venir.

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La commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l'action « Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt) » du programme « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

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