Avis n° 153 (2012-2013) de M. Ronan DANTEC , fait au nom de la commission du développement durable, déposé le 22 novembre 2012

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N° 153

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 novembre 2012

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire (1) sur le projet de loi de finances pour 2013 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME VI rectifié

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET AMÉNAGEMENT DURABLES

TRANSPORTS ROUTIERS

Par M. Ronan DANTEC,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Raymond Vall , président ; MM. Gérard Cornu, Ronan Dantec, Mme Évelyne Didier, MM. Philippe Esnol, Alain Houpert, Hervé Maurey, Rémy Pointereau, Mmes Laurence Rossignol, Esther Sittler, M. Michel Teston , vice-présidents ; MM. Pierre Camani, Jacques Cornano, Louis Nègre, secrétaires ; MM. Joël Billard, Jean Bizet, Vincent Capo-Canellas, Yves Chastan, Philippe Darniche, Marcel Deneux, Michel Doublet, Jean-Luc Fichet, Jean-Jacques Filleul, Alain Fouché, Francis Grignon, Mme Odette Herviaux, MM. Benoît Huré, Daniel Laurent, Alain Le Vern, Jean-François Mayet, Stéphane Mazars, Robert Navarro, Charles Revet, Roland Ries, Yves Rome, Henri Tandonnet, André Vairetto, Paul Vergès, René Vestri.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 235 , 251 à 258 et T.A. 38

Sénat : 147 et 148 (annexe n° 10 ) (2012-2013)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

En proposant des objectifs chiffrés de réduction de gaz à effet de serre, une priorité au report modal ainsi qu'une nouvelle méthode de programmation des infrastructures, la loi « Grenelle I », en août 2009, a changé le cadre des politiques publiques des transports. Le Président de la République, à l'issue de la conférence environnementale, vient de fixer un nouveau cap, plus ambitieux encore : réduire de 40 % nos émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030. Or les transports représentent, parmi les « gros émetteurs de CO 2 », le seul domaine où l'empreinte carbone continue de se dégrader : alors que la tendance globale est à la baisse des émissions (- 5 % pour la France et - 10 % pour l'UE entre 1990 et 2008), les émissions du secteur des transports ont continué à croître de 10 % pour la France et de 25 % pour l'Union européenne entre 1990 et 2008. C'est au regard de cet objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre que votre rapporteur a analysé ce budget.

L'examen des crédits « routes » du projet de loi de finances pour 2013, s'inscrit aussi en amont de la redéfinition du schéma national des infrastructures de transport (SNIT). Dans les mois qui viennent, nous devons parler des infrastructures elles-mêmes, de leur articulation en réseau, mais aussi de leurs usages et des outils dont nous disposons pour influencer les comportements de nos compatriotes sur les infrastructures. Nous devons réunir un très grand nombre d'informations et coordonner des actions d'échelle temporelle très variable, depuis les infrastructures elles-mêmes, qui demandent une prospective à long terme, jusqu'aux actions normatives, qui changent immédiatement certaines conditions du transport, en passant par les enjeux de moyen terme que représente le plus ou moins bon entretien des routes, par exemple.

Dans ces conditions, d'une part, les crédits du programme 203 consacrés aux routes apparaissent raisonnables : ils mettent l'accent sur la préservation de l'existant et sur le report modal. D'autre part, votre rapporteur pour avis développera des interrogations particulières concernant le compte d'affectation spéciale Aides à l'acquisition de véhicules propres

La perspective « pré-SNIT » a incité votre rapporteur pour avis à regarder de plus près les outils dont nous disposons pour atteindre les objectifs généraux des lois « Grenelle ». Il y a les ressources financières, bien sûr, mais également les moyens réglementaires, les normes juridiques qui infléchissent l'usage que nous faisons de nos infrastructures. Comment se traduit l'impératif du report modal : les infrastructures sur lesquelles nous mettons des moyens sont-elles bien celles dont nous avons besoin ? Comment en décide-t-on ? Utilise-t-on suffisamment les outils dont nous disposons pour infléchir les comportements, en particulier le levier du bonus-malus et les normes dites « environnementales » ? Que fait-on de « l'argent de la route » et quelle part prend-t-il au report modal ? Dès lors, de quelles marges de manoeuvre dispose-t-on et comment débattrons-nous de leur mobilisation et de leur usage - en particulier autour du SNIT ?

Sans prétendre répondre à toutes ces questions dans le cadre étroit d'un avis budgétaire, votre rapporteur pour avis souhaiterait poser des jalons pour un travail dans la durée : l'objectif du Parlement étant bien, une fois la loi votée, d'en renforcer l'effectivité.

Sur la base de ces considérations et après en avoir débattu, la commission, sur proposition de son rapporteur, a émis un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux transports routiers de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » du projet de loi de finances pour 2013.

I. UN BUDGET QUI MAINTIENT LES CREDITS ET ENCOURAGE LE REPORT MODAL

A. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 203

1. Présentation des objectifs transversaux

Les quatre objectifs du programme 203 énoncent la stratégie du Gouvernement en matière d'infrastructures routières :

a/ « Réaliser au meilleur coût les projets de desserte planifiés et moderniser efficacement les réseaux de transports » : il s'agit d'évaluer l'intérêt socio-économique des opérations routières mises en service, d'en apprécier les coûts de construction, mais également de maîtriser l'écart entre le coût prévu et le coût réalisé. Dans l'évaluation ministérielle, l'intérêt socio-économique global des projets routiers est deux à trois fois supérieur à celui des opérations ferroviaires, fluviales et portuaires 1 ( * ) , ce qui pose la question des critères d'évaluation des projets qui sera évoquée ultérieurement dans ce rapport.

b/ « Améliorer l'entretien et la qualité des infrastructures de transports » : c'est, aux dires de l'administration, la priorité n° 1, l'état du réseau routier étant apparu comme fortement dégradé, source d'insécurité routière et de retards dans les transports. A ce titre, le ministère mesure l'état des structures de chaussées 2 ( * ) , avec l'objectif de préserver la valeur d'usage de la route, mais aussi l'état des ouvrages routiers sur le réseau concédé et non concédé. Les chiffres communiqués dans le « bleu » établissent que les objectifs en la matière sont bien une préservation, et non une amélioration : la cible, pour 2015, est que 84 % des chaussées non concédées obtiennent une note au moins « passable » (12/20), 96 % pour le réseau concédé, et respectivement 87 % et 94 % pour les ouvrages d'art, performances qui sont celles du réseau actuel. De même, l'objectif de satisfaction des usagers sur les réseaux routiers est de conserver le niveau actuel : une note de 7,5/10 pour le réseau autoroutier et 7,85/10 pour le réseau non concédé.

c/ « Améliorer le niveau de sécurité des transports routiers et assurer les conditions d'une concurrence loyale » : cet objectif consacré aux seuls transports routiers, établit un lien entre la sécurité routière et les conditions de travail des professionnels de la route. Ses indicateurs de performance mesurent, d'une part, le taux de transport routier de matières dangereuses, d'autre part, les infractions à la réglementation européenne relative au temps de conduite et au temps de repos 3 ( * ) . Ici encore, l'objectif pour 2015 est de stabiliser les niveaux atteints en 2011.

d/ « Développer la part des modes alternatifs à la route dans les déplacements des personnes et le transport des marchandises » : cet objectif issu du Grenelle de l'environnement est suivi par des indicateurs de part modale des transports non routiers et de transports combinés.

2. Présentation des crédits par action

L'action 01 « Développement des infrastructures routières » compte 731 millions d'euros pour 2013 , formés intégralement de fonds de concours de l'AFITF et des collectivités territoriales au titre des contrats de plan État-régions (CPER) et des programmes de modernisation des itinéraires routiers (PDMI). L'objectif explicite de l'État est de limiter strictement l'augmentation de capacité du réseau routier au traitement des points de congestion, des problèmes de sécurité ou de besoins d'intérêt local en limitant les impacts sur l'environnement. S'agissant des PDMI, cofinancés par l'État et les collectivités territoriales, le budget 2013 permettra d'atteindre les objectifs affichés.

L'action 12 « Entretien et exploitation du réseau routier national » dispose de 343,1 millions d'euros en crédits de paiement complétés par 318,5 millions d'euros de fonds de concours et d'attributions de produits. Ces crédits sont destinés à l'exploitation, à l'entretien courant et préventif des 12 443 kilomètres du réseau routier national non concédé, aux opérations de réhabilitation et de régénération, aux aménagements de sécurité (notamment relatifs aux tunnels routiers), à la gestion du trafic et à l'information des usagers.

CRÉDITS DU BUDGET GÉNÉRAL POUR L'ACTION 12
( en millions d'euros)

Action 12 : entretien et exploitation du réseau routier national

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2012

PLF 2013

Évolution 2012/2013

LFI 2012

PLF 2013

Évolution 2012/2013

Chaussées : entretien préventif et grosses réparations

103,8

114,9

+ 10,69 %

116,8

114,9

- 1,63 %

Entretien courant et exploitation

134,2

134,2

0

134,2

134,2

0

Réhabilitation des ouvrages d'art

42,4

42,4

0

42,4

42,4

0

Immobilier, radio et matériels techniques

23,2

29,2

+ 25,86 %

31,4

34,0

+ 8,28 %

Maintenance des équipements dynamiques

17,6

17,6

0

17,6

17,6

0

TOTAL

324,2

338,3

+ 4,35 %

342,3

343,1

+ 0,23 %

FONDS DE CONCOURS DE L'AFITF POUR L'ACTION 12
( en millions d'euros)

Fonds versés par l'AFITF pour l'entretien et l'exploitation du réseau

Budget 2012

Prévisions 2013

Évolution 2012/2013

Mise en sécurité des tunnels

169,6

134,0

- 21,0 %

Programme de sécurité

19,0

22,0

+ 15,8 %

Création de places de stationnement pour les poids lourds

6,0

6,0

0

Régénération du réseau

103,5

106,5

+ 2,9 %

Exploitation dynamique

33,5

45,0

+ 34,3 %

TOTAL

331,6

313,5

- 5,5 %

L'action 13 « Soutien, régulation, contrôle et sécurité des services de transports terrestres » est transversale aux différents modes de transports terrestres puisqu'elle vise à soutenir le report modal, à contrôler les conditions de la concurrence dans les transports, à soutenir les mesures de prévention des accidents et à accompagner les professions en difficulté. Ses crédits représentent 105 millions d'euros.

3. Les programmes de modernisation des itinéraires routiers

Les programmes de modernisation des itinéraires routiers (PDMI) ont succédé pour la période 2009-2014 au volet routier des contrats de plan Etat-régions. Ils ont prévu 6,1 milliards d'euros d'investissements - via l'AFITF - pour les cinq ans sur l'ensemble du réseau national non concédé, dont 3,6 milliards de l'Etat et 2,5 milliards (40%) des collectivités locales. Ces fonds ne doivent pas servir à des augmentations de capacité, mais bien à de l'amélioration de service. A côté des opérations classiques de modernisation du réseau - déviations d'agglomération, aménagements de carrefours... - les PDMI intègrent des aménagements d'ordre environnemental, comme des protections acoustiques, des ouvrages de protection de la ressource en eau ou de protection de la biodiversité.

Leur taux d'avancement varie fortement d'une région à l'autre - de 5 % en Alsace à 61 % en région Centre -, du fait de la diversité des opérations programmées ; il s'établit en moyenne à 37 % fin 2012. Surtout, le ministère reconnaît que l'objectif d'achèvement des PDMI pour fin 2014 sera très difficile à tenir et qu'il faudra probablement le décaler dans le temps .

B. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « AIDES À L'ACQUISITION DE VÉHICULES PROPRES »

Le mécanisme du bonus-malus écologique, issu du Grenelle de l'environnement, vise à inciter les acheteurs de véhicules neufs à choisir des véhicules moins polluants et les fabricants d'automobiles à en fabriquer davantage. L'incitation, qui devait cesser à la fin 2012, a été renforcée dans le cadre du plan de soutien à la filière automobile, présentée par le Gouvernement le 25 juillet dernier. A compter du 1 er août 2012, le plafond du bonus relatif aux véhicules électriques a été porté de 5 000 à 7 000 euros, celui des véhicules hybrides a doublé, à 4 000 euros, et il a été ouvert aux véhicules de société ainsi que des administrations de l'État.

Les dépenses prévisionnelles au titre du bonus ayant été évaluées à 452 millions d'euros, contre 226 millions en 2012, le PLF 2013 provisionne 402 millions d'euros au titre de la taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d'immatriculation des véhicules, et prévoit une subvention d'équilibre de 50 millions d'euros, provenant du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » de la mission « Écologie, développement et aménagement durables ».

Votre rapporteur pour avis note donc un meilleur équilibre entre recettes et dépenses du bonus-malus écologique et considère qu'il peut s'agir d'un bon outil pour modifier les comportements mais s'interroge sur l'évaluation du dispositif qui pourrait permettre d'en renforcer l'efficacité.

C. UN BUDGET QUI PRÉSERVE L'EXISTANT ET ENCOURAGE LE REPORT MODAL

Votre rapporteur pour avis trouve au moins trois motifs qui justifient un vote positif sur ce projet de budget :

- d'abord, la partie « entretien préventif et grosses réparations » du programme 203 progresse de près de 11 %, à 115 millions d'euros . Le « bleu » comporte une liste de mises en service et de travaux en cours, qui, pour autant que votre rapporteur puisse en juger, paraît répondre à l'annonce faite de limiter strictement l'augmentation de capacité du réseau routier à trois cas de figure : le traitement des points de congestion ; les problèmes de sécurité ; la réponse à des besoins d'intérêt local en limitant les impacts sur l'environnement : c'est conforme aux engagements du Grenelle de l'environnement ;

- ensuite, le bonus-malus écologique à l'achat de véhicules neufs est non seulement maintenu, alors qu'il devait prendre fin cette année, mais il est renforcé : l'enveloppe affectée au titre du bonus augmente de près de 80 %, à 452 millions d'euros , l'État annonce là clairement qu'il entend utiliser cet outil important. Qui plus est, le ministère vise un dispositif à l'équilibre, à tout le moins un déficit contenu à 50 millions d'euros : les ressources attendues du malus augmentent donc en conséquence par rapport à l'année passée. Votre rapporteur insiste sur le fait que l'objectif de l'équilibre est souhaitable dans la logique de tout bonus-malus ;

- enfin, les crédits de l'AFITF augmentent au moins sur le papier, c'est-à-dire à condition que l'écotaxe poids lourds rapporte les 400 millions d'euros escomptés par le projet de loi de finances. Si cette somme est au rendez-vous donc, le Gouvernement aura effectivement renforcé la participation de « l'argent de la route » au report modal, puisque l'AFITF tire de la route quasiment toutes ses ressources, et qu'elle les alloue principalement aux autres modes, nous y reviendrons (voir tableaux en annexe).

II. DES CHANGEMENTS DE MÉTHODE SONT NÉCESSAIRES POUR ACCÉLÉRER LE REPORT MODAL

Le « bleu » budgétaire n'hésite pas à mettre en avant l'« orientation résolument intermodale » des crédits aux infrastructures : est-ce véritablement le cas ? Comment s'en assurer, au-delà du satisfecit sur les grandes masses budgétaires ?

Une première réponse consiste d'abord à regarder les résultats obtenus ces dernières années en matière de report modal : sommes-nous sur la « bonne pente » pour atteindre les objectifs fixés en 2009, d'une part modale de 25 % du fret non routier et non aérien en 2022 ? La stratégie mise en oeuvre par le PLF 2013 est-elle en continuité et prolonge-t-elle la tendance, ou bien son « orientation résolument intermodale » affirmée dans le texte du projet de loi augure-t-elle d'une accélération du rythme du report modal ?

Dans le cadre étroit de cet avis budgétaire, votre rapporteur pour avis fait deux constats , qui motivent un appel à des changements de méthode pour accélérer le rythme du report modal :

- la pente, d'abord, est, non pas trop faible, mais contraire à celle que nous voulions : au rythme où nous allons ces dernières années, et qui paraît maintenu plutôt que véritablement accéléré par ce PLF 2013, nous ne faisons qu'endiguer imparfaitement l'évolution vers le « tout routier » et nous n'atteindrons évidemment pas les objectifs de report modal fixés en 2009 - ce qui fait douter, même, que nous atteignions les objectifs plus récents de la conférence environnementale. La part du fret non routier et non aérien était à 12,6 % en 2006, l'objectif était qu'elle passe à 15,75 % en 2012 pour atteindre les 25 % en 2022 ; or, elle a régressé depuis 2006, pour atteindre 11,7 % en 2011. En d'autres termes, six années de politique « résolument intermodale » - car la tonalité du discours est constante ces dernières années-, n'ont pas empêché que la part modale du fret alternatif à la route continue à reculer dans notre pays ;

- la stratégie du report modal, ensuite, n'est pas assez opératoire , faute d'être suffisamment explicitée, débattue, traduite en programmes conséquents et cohérents - et faute d'être servie par une évaluation précise des outils que nous utilisons pour atteindre nos objectifs. Comment les informations très nombreuses qui concernent le report modal sont-elles agrégées, comparées, débattues ? Les actions nombreuses et diverses qui ont un impact sur le report modal sont-elles évaluées, rapportées à une stratégie d'ensemble, pour nous aider à choisir les infrastructures, mais également les normes incitatives dont nous avons besoin ?

Dans ces conditions, le débat que nous devons avoir autour du SNIT est stratégique : il est l'occasion d'un changement de méthode devenu nécessaire pour le report modal et auquel les paragraphes suivants espèrent contribuer.

A. PRÉCISER LES CRITÈRES DE SÉLECTION DES INFRASTRUCTURES ET DE L'ALLOCATION DES RESSOURCES PUBLIQUES

Les infrastructures sur lesquelles nous mettons des moyens sont-elles bien celles dont nous avons besoin ? Comment sont-elles sélectionnées ?

La loi « Grenelle I », dans ses articles 16 et 17, définit un nouveau cadre de référence pour les projets d'infrastructures aussi bien que pour leur sélection.

OBJECTIFS ET CRITÈRES DE SÉLECTION DES INFRASTRUCTURES
DANS LA LOI « GRENELLE I »

Article 16

« Un schéma national des infrastructures de transport fixe les orientations de l'État en matière d'entretien, de modernisation et de développement des réseaux relevant de sa compétence, de réduction des impacts environnementaux et de la consommation des espaces agricoles et naturels, et en matière d'aides apportées aux collectivités territoriales pour le développement de leurs propres réseaux.

« Il vise à favoriser les conditions de report vers les modes de transport les plus respectueux de l'environnement en poursuivant, de manière simultanée, les trois objectifs suivants :

« a) A l'échelle européenne et nationale, poursuivre la construction d'un système de transport ferroviaire à haut niveau de service pour les voyageurs et pour le fret, et d'un réseau fluvial ;

« b) Au niveau régional, renforcer la multipolarité des régions ;

« c) Au niveau local, améliorer les déplacements dans les aires métropolitaines.

« Il veille à la cohérence globale des réseaux de transport et évalue leur impact sur l'environnement et l'économie.

« Il sert de référence à l'État et aux collectivités territoriales pour harmoniser la programmation de leurs investissements respectifs en infrastructures de transport.

« Il est actualisé et présenté au Parlement au moins une fois par législature.

« L'État et ses établissements publics gestionnaires d'infrastructures ferroviaires et fluviales passent des contrats pluriannuels définissant des priorités et prévoyant les moyens nécessaires à leurs actions. »

Article 17

« I. Le schéma national des infrastructures de transport, qui constitue une révision des décisions du comité interministériel de l'aménagement et du développement du territoire de décembre 2003, sera élaboré en 2009 en concertation avec les parties prenantes du Grenelle.

« L'État évalue l'opportunité des projets d'infrastructures à inscrire dans le schéma national des infrastructures de transport en se fondant sur des critères permettant d'apprécier la contribution des projets à l'atteinte des objectifs de développement durable fixés dans le cadre de la présente loi. Ces critères seront par priorité :

« - le solde net d'émissions de gaz à effet de serre induites ou évitées par le projet rapporté à son coût ;

« - l'avancement d'autres projets et les perspectives de saturation des réseaux concernés ;

« - la performance environnementale (lutte contre le bruit, effet de coupure, préservation de la biodiversité...) ;

« - l'accessibilité multimodale, le développement économique, le désenclavement et l'aménagement des territoires aux différentes échelles ;

« - l'amélioration de l'efficacité, de la sécurité et de la cohérence du système de transport existant ;

« - la réalisation des objectifs d'accessibilité des personnes à mobilité réduite prévus par la législation nationale ».

On sait que le SNIT n'a pas été rédigé dans l'année 2009, comme en disposait le législateur, et que le débat n'est pas clos, nous y reviendrons plus loin. Cependant, quelle est l'incidence de ces deux articles de principe sur la sélection des infrastructures, et plus largement l'allocation des ressources publiques ?

Depuis la loi d'orientation sur les transports intérieurs 4 ( * ) (LOTI) de 1982, les grands projets d'infrastructures de transports font l'objet d'une évaluation préalable, le législateur ayant précisé qu'ils devaient tenir compte « des besoins des usagers, des impératifs de sécurité, des objectifs du Plan de la nation et de la politique d'aménagement du territoire, des nécessités de la défense, de l'évolution prévisible des flux de transports nationaux et internationaux, du coût financier et, plus généralement, des coûts économiques réels et des coûts sociaux » 5 ( * ) . L'évaluation préalable est rendue publique avant l'adoption définitive du projet. Un bilan est ensuite réalisé dans un délai de cinq ans, également rendu public. Des décrets en Conseil d'État ont précisé les critères, eux-mêmes détaillés dans des circulaires. Le document de référence actuel est une instruction cadre du 25 mars 2004, publiée à la suite du rapport « Boiteux II » de 2001 6 ( * ) et mise à jour en mai 2005.

La méthode suivie consiste à attribuer une valeur monétaire à une série d'externalités, principalement les gains de temps pour les usagers, les vies humaines épargnées, les réductions de bruit, d'émission de gaz à effet de serre et de pollution de l'air. Le « bénéfice actualisé net » de l'investissement est calculé en comparant la « chronique des coûts » tout au long de la durée d'utilisation de l'infrastructure, y compris les frais financiers de l'investissement et les charges d'entretien et de renouvellement, avec les avantages économiques qui sont évalués en monnaie constante puis actualisés selon un taux fixé à 4 % en 2005 (au lieu de 8 % antérieurement). En deçà de ce taux de 4 %, l'investissement est considéré comme étant insuffisamment attractif.

En pratique, cette évaluation prévisionnelle , faite pour chaque projet en amont du dossier d'enquête d'utilité publique, est effectuée par le maître d'ouvrage . Qui plus est, les conventions de financement conclues par l'AFITF en matière routière n'en mentionnent pas les résultats , contrairement à ce qui se passe avec les transports collectifs urbains de personnes.

Ensuite, les bilans des projets une fois réalisés, effectués cette fois par le conseil général de l'Environnement et du Développement durable (CGEDD), montrent que ces évaluations sont sensibles surtout aux hypothèses de gains de temps et de trafic .

Pour autant que votre rapporteur pour avis a pu s'en rendre compte, cette grille d'analyse et les conditions de l'évaluation préalable ne sont plus en phase avec l'agenda politique depuis le Grenelle ni avec la demande sociale en général.

Lors des auditions, les services du ministère ont répondu qu'ils travaillaient à une « actualisation » de l'instruction cadre de 2005, sans plus de précision. Il avait fallu trois ans au ministère pour tenir compte du rapport de Marcel Boiteux, et il faudrait désormais plus de quatre années pour qu'il tienne compte de la loi Grenelle I, c'est un peu long !

De ce fait , la « grille d'analyse » ajustée au Grenelle de l'environnement risque de n'être pas disponible pour la commission « Mobilité 21 » , dont la commande est précisément de hiérarchiser les projets. Comment les projets seront-ils présélectionnés, au-delà de critères administratifs évoqués par Frédéric Cuvillier devant notre Commission - en particulier celui de savoir si les projets ont déjà fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique ou non ?

Même si toute grille d'analyse est nécessairement imparfaite et qu'il faut toujours tenir compte de critères locaux d'aménagement du territoire, il faut aller le plus loin possible dans l'analyse et partager l'information. C'est nécessaire, parce que l'équilibre général que nous cherchons à atteindre est particulièrement complexe à établir et parce que sans cette grille, nous travaillerons toujours « au doigt mouillé » et prisonniers des urgences.

Les débats en commission ont bien montré le souci commun de disposer d'analyses suffisamment détaillées et contradictoires pour pouvoir comparer des scénarios alternatifs d'infrastructures et de mesures réglementaires.

Le dossier des poids lourds de 44 tonnes en est particulièrement emblématique . Nous sommes sur le point d'autoriser la circulation des 44 tonnes sur 5 essieux jusqu'en 2019 (44 tonnes sur 6 essieux ensuite), n'est-ce pas une prime à la route bien plus forte que les incitations que nous mettons en place pour le report modal ? Que pèse une autoroute ferroviaire très intermittente entre nos frontières luxembourgeoise et espagnole, face à l'autorisation donnée aux 44 tonnes du nord de l'Europe de transiter vers la Méditerranée en traversant notre territoire tout entier ? L'état de nos routes ne s'en trouvera-t-il pas dégradé, et ce, sans recettes complémentaires en compensation de cette autorisation ?

B. MIEUX ÉVALUER L'EFFICACITÉ DU BONUS-MALUS ÉCOLOGIQUE, OUTIL PRINCIPAL DE L'INCITATION À LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

Le bonus-malus est un outil incitatif classique par lequel l'État cherche à influencer les comportements de production et de consommation en intervenant sur le prix. La question des moyens est centrale : ou bien le mécanisme est à l'équilibre - les ressources tirées du malus couvrant celles du bonus - et le dispositif est neutre pour les finances publiques ; ou bien l'un des deux côtés de la balance l'emporte, et le système est excédentaire ou déficitaire. Cet équilibre change le niveau de contrainte que l'État impose aux comportements ciblés, mais il dépend aussi de la pertinence du réglage donné au mécanisme : un dispositif qui « bonusserait » largement un comportement majoritaire serait mécaniquement déficitaire et peu contraignant puisqu'il conforterait le comportement de la majorité des agents ; à l'inverse, la volonté d'infléchir radicalement des comportements sans coût pour la collectivité, ferait « malusser » les comportements majoritaires et de manière sévère pour les moins désirés, pour compenser les bonus accordés aux comportements recherchés.

Le bonus-malus est donc tout indiqué pour accélérer la transition écologique de notre économie, de notre société dans son ensemble. Son utilisation dépend de la priorité donnée à la transition et de la contrainte que la société, à travers l'État, s'impose pour y parvenir. En pratique, son efficacité est fonction de son réglage, plus ou moins congruent avec les comportements ciblés et de la pertinence des objectifs qu'on lui assigne. Le pilotage du bonus-malus nécessite donc une bonne connaissance de ses effets en continu , pour le corriger le plus rapidement possible en cas de « dérive » dans un sens non souhaité.

Le Grenelle de l'environnement a fait une large place à ce mécanisme, qui peut s'appliquer à des domaines très variés de la production et de la consommation. Pour les transports, le bonus-malus écologique est complémentaire au soutien du report modal et aux mesures normatives (« labels », normes « Euro ») fiscales et tarifaires encourageant la moindre pollution.

Votre rapporteur pour avis a souhaité examiner plus précisément l'utilisation que nous faisons de cet outil majeur : comment utilisons-nous le bonus-malus écologique ? Comment mesure-t-on son efficacité et quelles sont nos marges de progression ?

Dans le cadre restreint d'un avis budgétaire, il s'agit d'abord de poser des jalons en commençant par recueillir les grandes données du sujet. L'analyse porte d'emblée sur le bonus-malus écologique automobile, mais il est possible d'évoquer d'autres aspects, qui sont directement dans le sujet.

Instauré en décembre 2007, le dispositif du bonus-malus écologique automobile comporte deux volets.

- D'une part, il incite les acheteurs de véhicules neufs à privilégier les moins émetteurs de CO 2 . Le barème du mécanisme est fonction du niveau d'émission de CO 2 par kilomètre du véhicule. L'État « bonusse » l'achat d'un véhicule faiblement émetteur de CO 2 , en remboursant jusqu'à 7 000 euros à son acheteur ; inversement, l'acheteur doit s'acquitter d'un « malus », jusqu'à 6 000 euros, quand le véhicule est fortement émetteur. Hormis les administrations de l'État, toutes les personnes physiques ou morales sont éligibles au bonus écologique. Chaque année, le dispositif a été plus exigeant en faisant commencer le bonus et le malus plus bas dans l'échelle d'émission de CO 2 ; la zone dite « neutre » des véhicules qui ne sont ni « bonussés » ni « malussés » rejoint graduellement les objectifs que notre pays s'est fixés, en particulier d'une émission moyenne des véhicules neufs de 90 grammes de CO 2 en 2020 7 ( * ) .

- D'autre part, un « super-bonus » est instauré pour favoriser le renouvellement des véhicules anciens par des véhicules neufs moins polluants. Il prévoit une aide supplémentaire de 300 euros pour l'achat d'un véhicule éligible au bonus écologique, s'il s'accompagne de la mise à la casse d'un véhicule âgé de plus de 15 ans (ramené à 200 euros dans le PLF 2013). En 2009 et 2010, dans le cadre du plan de relance, le super-bonus a été remplacé temporairement par la « prime à la casse », d'un montant de 1 000 euros et attribuée à tous les véhicules de plus de 10 ans, sans conditio d'achat d'un véhicule « bonussé ».

Quel est le coût et quels sont les effets de ce dispositif ?

Le coût est bien mesuré : en quatre ans , nous avons consacré 1,45 milliard d'euros publics au bonus/malus écologique automobile 8 ( * ) , auxquels il faut ajouter les quelque 800 millions de la prime à la casse et du « superbonus » . Ce coût important n'a pas été anticipé : le ministère reconnaît que les changements de comportement des consommateurs ont été plus forts que prévu et qu'ils ont été amplifiés en 2009 et 2010 par un effet d'entraînement de la prime à la casse. Depuis l'an passé, le compte de concours financier a été remplacé par un compte d'affectation spéciale, pour revenir à l'équilibre.

La mesure des effets est évidemment plus complexe et dépend directement de l'évaluation qui en est faite. Or, et c'est un étonnement pour votre rapporteur pour avis, l'évaluation du bonus-malus écologique est peu détaillée , surtout vu son coût.

Un premier constat d'ensemble consiste à souligner le caractère de moins en moins polluant des véhicules neufs vendus en France : nous sommes passés d'une moyenne de 149 grammes de CO 2 en 2007 à 127 grammes cette année. Nous avançons vers l'objectif d'une émission moyenne de 130 grammes pour les véhicules qui circuleront en 2020, au lieu des 176 grammes moyens constatés en 2007.

Cependant, la part que l'on peut imputer au bonus/malus est très difficile à établir. D'abord, le mouvement est général : dans tous les pays européens, les véhicules neufs deviennent moins polluants, y compris dans les pays qui n'ont pas de bonus/malus. La France est allée plus vite que ses voisins, mais c'est aussi qu'elle partait d'assez haut et que les cinq dernières années ont été aussi de « rattrapage ». Ensuite, il est très difficile de départager l'effet du bonus/malus, de l'effet de deux phénomènes majeurs : la hausse du prix du carburant et la crise économique , qui se conjuguent pour inciter nos compatriotes à acheter des voitures de moindres cylindrées, de moindre consommation - et les constructeurs automobiles, tous pays confondus, à leur proposer des voitures toujours plus sobres, y compris les grosses cylindrées.

Dès lors, il est surprenant que l'administration n'évalue pas précisément, par des enquêtes qualitatives auprès des acheteurs de véhicules neufs, l'effet propre du bonus-malus. Les rares enquêtes disponibles paraissent sous-dimensionnées par rapport aux enjeux.

En mai 2010 le Commissariat général au développement durable (CGDD) a publié une première enquête sur les années 2008 et 2009, faisant apparaître les points suivants 9 ( * ) :


• un renouvellement de la flotte automobile par des véhicules plus propres. Entre 2007 et 2010, la part des véhicules émettant moins de 130g/km est passée de 30 % des ventes à 60 %, tandis que celle des véhicules émettant plus de 160g/km passait de 24 % à 8 % :


• un recul des émissions de gaz à effet de serre, gain évalué à 1,9 million de tonnes en 2008 et 3 millions de tonnes en 2009 (et calculé sur la durée de vie complète des véhicules) ;


• un bénéfice économique d'ensemble, monétarisé à 158 millions d'euros en 2008 et à 276 millions d'euros en 2009.

Le CGDD a réitéré en octobre 2012 10 ( * ) , de façon un peu plus précise sur le ciblage des effets agrégés, mais là encore loin de ce qui serait nécessaire pour aller au-delà de l'effet « global » qu'on lui prête et le régler plus précisément.

A titre d'exemple, le tableau suivant, extrait de cette dernière étude, ne présente que le volet « bonus » du dispositif : il montre de façon intéressante que le bonus produit un effet de seuil et qu'il s'est réduit progressivement aussi bien en montant, qu'en nombre de véhicules concernés ; il rappelle également combien les ventes des véhicules les plus « propres » sont encore marginales : à peine 0,1 % pour les véhicules électriques et 2 % pour les véhicules émettant moins de 95 grammes de CO2 par kilomètre. Cependant, cette synthèse ne présente pas l'équivalent pour le malus, comme si le dispositif n'avait qu'un versant et que les deux n'étaient pas complémentaires.

STRUCTURE DES IMMATRICULATIONS AU REGARD DES MODALITÉS D'ATTRIBUTION DU BONUS ÉCOLOGIQUE

Votre rapporteur pour avis estime que nous pouvons et que nous devons aller plus loin dans la connaissance de l'outil. Il nous faut pour cela en démêler et en préciser les objectifs, pour choisir ceux que nous pouvons atteindre au lieu de ceux que nous atteindrons sans aide particulière, ou ceux qui resteront hors de portée.

Il y a l'objectif économique, celui du soutien à la filière automobile française. C'est tout un symbole, à ce titre, que le « durcissement » du bonus/malus ait été annoncé, le 25 juillet dernier, par le ministre du redressement productif, dans le cadre du plan de soutien à la filière automobile. Est-ce là le signe d'un changement de la priorité « matrice » ? Or, quel est le lien précis entre le bonus/malus et la filière automobile française ?

Cherche-t-on à soutenir nos deux constructeurs nationaux, ou bien l'achat de toute voiture construite sur notre sol, y compris par tel constructeur asiatique ? Comment s'assurer que le dispositif choisi coïncide avec les gammes de nos constructeurs, plutôt qu'avec celles de leurs concurrents ? Est-ce même possible, ou bien, faute de congruence avec la construction française, le bonus/malus ne sera-t-il principalement qu'une subvention à l'achat de véhicules fabriqués en Asie ? Le bonus-malus ne met-il pas finalement en évidence le retard des constructeurs français sur les « véhicules propres », tout en accélérant la régression de leurs parts de marché ? Les réponses à ces questions stratégiques ne peuvent être apportées faute d'évaluations approfondies !

Le réglage du bonus/malus n'est pas toujours facile à faire non plus pour son volet « environnemental ». En se plaçant du seul point de vue des émissions de CO 2 , le raisonnement est assez simple et mesurable. Mais il faut compter également la pollution atmosphérique : le diesel émet plus de particules que les véhicules essence, au moins jusqu'à la norme Euro VI qui met les diesel à égalité polluante des voitures à essence, au prix de dispositifs techniques coûteux qui renchérissent les véhicules diesel. Il faudrait encore inclure l'ensemble des externalités de la production des véhicules eux-mêmes, y compris ce que coûte notre approvisionnement en hydrocarbures. Une fois l'équation complétée, où placer le curseur du bonus et celui du malus ? Quelle doit être la place respective de l'aide aux véhicules thermiques et aux véhicules électriques ? Parmi les thermiques, entre les véhicules diesel et les véhicules à essence ? Est-il plus efficace, sur le plan environnemental, d'aider l'achat de véhicules « propres » ou la destruction des plus « sales » ? Dès lors, pourquoi limiter le bonus au seul achat de véhicules neufs et ne pas l'étendre à des véhicules d'occasion récents ? A partir de quelles normes environnementales et dans quelles proportions ?

Les volets économique, social et environnemental, sont évidemment liés entre eux. Économiquement, si les véhicules que l'on souhaite faire acheter ne sont pas prêts, il ne serait pas efficace d'en encourager massivement l'achat, même si une dose d'encouragement peut accélérer l'innovation et la mise sur le marché de ces véhicules. Le dispositif ne sera pas acceptable socialement s'il accélère la perte d'emplois industriels dans notre pays, s'il n'est pas cohérent avec nos capacités de production, ou bien s'il n'est pas accompagné de mesures favorisant la constitution de filières. Même chose, s'il revenait à surtaxer de manière intolérable les véhicules anciens qui, pour être les plus polluants, rendent des services indispensables aux populations qui n'ont pas les moyens d'acheter des véhicules neufs...Pour autant, il ne s'agit pas de s'y résigner, la réponse à ces grands enjeux environnementaux étant déterminante.

Le réglage du bonus-malus et son articulation avec une politique d'ensemble sont essentiels, ce sont eux qui font l'utilité de cet outil, ou qui le transforment en gâchis d'argent public. Or, pour autant que votre rapporteur pour avis ait pu s'en rendre compte, les données disponibles sont encore parcellaires - à tout le moins, il y a des progrès à faire dans l'évaluation.

La logique du bonus-malus est applicable à bien des domaines, en particulier les péages autoroutiers. La directive « Eurovignette » 11 ( * ) permet d'aller plus loin dans l'avantage donné aux véhicules les plus propres, ou les transports collectifs. Dans le même sens, l'article 60 de la loi « Grenelle II » 12 ( * ) autorise à moduler les péages applicables aux poids lourds afin « de lutter contre les dommages causés à l'environnement, de résorber la congestion du trafic, de réduire les dommages causés aux infrastructures, de favoriser leur utilisation optimale et d'améliorer la sécurité routière ». Ces modulations peuvent viser la classe d'émission EURO du véhicule ou encore le moment de la journée, la date et le jour de la semaine, mais elles sont elles-mêmes plafonnées 13 ( * ) : le tarif le plus élevé ne doit pas être plus de deux fois le tarif le plus faible. Comment utilise-t-on ces ciblages ? Avec quels effets ? Quel est l'impact comparé des mécanismes dont nous disposons ? Nous avons là des outils nouveaux et qui peuvent se révéler fort efficaces à condition d'une utilisation appropriée fondée sur des analyses fines qui font aujourd'hui défaut.

C. UTILISER PLUS VOLONTAIREMENT L'ARGENT DE LA ROUTE AU SERVICE DU REPORT MODAL

Votre rapporteur pour avis s'est interrogé sur « la dynamique » du financement des routes et des autoroutes de notre pays : comment évoluent les moyens alloués aux différents réseaux et quelles sont leurs marges de progression ? Dès lors, comment assurer, sinon une solidarité entre les territoires, du moins leur aménagement conforme aux grands choix nationaux de développement durable ?

Si l'avis budgétaire ne saurait à lui seul répondre à ces questions, il est l'occasion de poser des jalons, pour une investigation en continu au cours des années à venir. Il s'agit donc, ici, d'examiner les sources du financement des routes et des autoroutes, en rappelant deux faits majeurs :


La décentralisation routière , en 2004, a transféré aux départements 18 000 kilomètres de routes nationales d'intérêt local, en leur confiant simultanément la gestion des personnels et des moyens correspondants 14 ( * ) . A l'issue de ce transfert, la longueur du réseau dont l'État reste propriétaire est de 12 736 kilomètres qui, avec les 8 431 kilomètres d'autoroutes concédées, ne représente plus que 5 % du réseau routier hors réseau communal, mais qui reçoit 30 % du trafic interurbain du pays 15 ( * ) . C'est un sujet à part entière, qu'il s'agisse de la carte du réseau routier national ou du financement de l'entretien de ce réseau et de leurs ouvrages d'art par les départements. Le réseau à charge des départements reçoit 70 % du trafic interurbain du pays, certains départements ne comptent plus qu'une ou deux routes nationales, les départements manquent de moyens pour faire face : ces questions dépassent largement le présent avis budgétaire sur les crédits d'État, mais intéressent au plus au point la commission du développement durable, des infrastructures et de l'aménagement du territoire.


La privatisation du réseau concédé, en 2005, représente une rupture dans les politiques publiques routières aussi importante que la décentralisation elle-même. En effet, l'État s'est séparé - pour 15 milliards d'euros - d'un patrimoine très important, pour se désendetter beaucoup plus que pour investir dans les transports - l'AFITF a été dotée de 4 milliards d'euros, 26  % de la vente -, alors que la rente autoroutière était estimée au double du prix de vente à l'horizon de 2030. Ce faisant, le gouvernement de M. de Villepin a privé le report modal d'une source dynamique de financement : une fois les autoroutes privatisées, il devient beaucoup plus difficile de faire contribuer la route au financement des autres modes de transports, ce qui est particulièrement regrettable lorsque l'on sait que le transport routier est loin de payer la route à son juste prix.

L'analyse sommaire des montants financiers laisse penser que « l'argent de la route » est plutôt mal réparti, entre des ressources publiques qui se tarissent et des ressources privées qui sont garanties contractuellement (voir Annexe pour les tableaux de ressources). Sur cette toile de fond, qu'il conviendrait de préciser, se dessinent des marges de manoeuvre pour, de façon raisonnable et utile, conforter le report modal.

Les ressources publiques, d'abord, sont importantes mais se tarissent :

- Principale recette fiscale liée aux transports routiers, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), l'ex-TIPP, a rapporté 24,01 milliards d'euros en 2011 , soit 768 millions de moins qu'en 2007 (- 3 %) 16 ( * ) . La diminution de ce rendement tient à la « diésélisation » du parc et à la plus grande sobriété des véhicules 17 ( * ) . Son régime est encadré par la directive « Energie » 18 ( * ) , qui fixe les taux minimaux : depuis le 1 er janvier 2010, le taux minimal est de 33 euros par hectolitre pour le supercarburant et de 35,9 euros par hectolitre pour le gazole. En France, les taux moyens sont de 61,23 euros par hectolitre pour les supercarburants et 43,94 euros par hectolitre pour le diesel : notre pays est bien au-dessus du plancher européen et nous favorisons encore le diesel. Depuis 2007, les régions peuvent réduire ou augmenter les fractions de la TICPE qui leur sont allouées au titre des carburants routiers mis à la consommation sur leurs territoires de 1,15 euro par hectolitre sur le gazole et de 1,77 euro par hectolitre sur les supercarburants. Depuis 2011, les régions peuvent ajouter une « deuxième tranche » d'augmentation, sous réserve d'en affecter l'intégralité du produit à des infrastructures de transport durable, ferroviaire ou fluvial, mentionnées aux articles 11 et 12 de la loi « Grenelle I » ou à l'amélioration du réseau de transports urbains en Île-de-France 19 ( * ) .

- La TVA de 19,6 % sur l'essence et le gazole, mais de 7 % pour le transport de personnes, a rapporté 8,3 milliards d'euros en 2011 pour l'ensemble des produits pétroliers. Très sensible à la conjoncture, la TVA voit son rendement limité par la déductibilité pour tout véhicule utilitaire, quel que soit son tonnage, qu'il soit exploité pour le compte d'autrui (transports publics de fret routier) ou en compte propre.

- La taxe sur les certificats d'immatriculation des véhicules (« cartes grises ») a rapporté 2,07 milliards en 2011 aux régions, soit 140 millions de plus qu'en 2007 (+ 7 %). Proportionnelle au nombre de chevaux-vapeur, elle est réduite de moitié pour les poids lourds. Deux taxes additionnelles se sont greffées, l'une au profit de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) et applicable exclusivement aux voitures particulières, l'autre au profit de la formation professionnelle dans les transports routiers (60 millions d'euros).

- La taxe d'aménagement du territoire (TAT) est acquittée par les sociétés concessionnaires d'autoroutes et abonde le budget de l'AFITF. Son produit devrait s'élever à 555 millions d'euros cette année et à 564 millions d'euros en 2013 (+1,6%).

- Les amendes forfaitaires de la police de la circulation ont rapporté un produit global de 539 millions d'euros en 2011, soit 208 millions de moins en un an (- 28 %) 20 ( * ) .

- La redevance domaniale a rapporté 198 millions d'euros en 2011. Elle est versée par les sociétés concessionnaires d'autoroutes : c'est le loyer qu'elles paient à l'État pour leur activité et le produit en est reversé à l'AFITF.

- Enfin, la taxe spéciale sur certains véhicules routiers (TSVR), dite « taxe à l'essieu », a rapporté 170 millions d'euros à l'État, soit 52 millions de moins qu'en 2007 (- 23 %). Censée compenser les dépenses supplémentaires d'entretien et de renforcement de la voirie liées à la circulation des véhicules de plus de 12 tonnes et plus, elle touche les seuls véhicules immatriculés en France, soit environ 440 000 véhicules. Le produit de cette taxe diminue, parce que depuis 2009 les taux ont été alignés sur les minima de la directive « Eurovignette », mais aussi parce que les véhicules récents sont plus souvent équipés d'une suspension pneumatique de l'essieu moteur qui ouvre droit à un allègement de taxe 21 ( * ) .

De leur côté, les recettes des péages autoroutiers sont garanties contractuellement et elles progressent régulièrement, avec les résultats des sociétés concessionnaires :

- En 2011, les péages des 18 sociétés concessionnaires d'autoroutes ont dégagé une recette de 8,18 milliards d'euros , soit 1,02 milliard de plus qu'en 2007 (+ 12,55 %). Malgré la crise économique, qui affectait l'ensemble des transports routiers, les recettes des péages ont continué de progresser en raison d'une hausse du trafic et d'augmentations mécaniques des tarifs avec l'inflation, à quoi s'ajoute une constante contractuelle (selon le programme d'investissement et révisable tous les cinq ans).

- En 2011, les sociétés concessionnaires ont dégagé un résultat net de 1,94 milliard d'euros (voir tableau en Annexe). Elles consacrent aux investissements 1,75 milliard d'euros par an. Leur endettement total s'élevait à 31,1 milliards d'euros fin 2011.

La comparaison de ces données d'ensemble invite à la plus grande prudence face aux propositions des sociétés concessionnaires d'autoroutes, de prolonger la durée de leurs concessions en échange d'investissements pour améliorer le service, respecter davantage l'environnement ou encore construire des « petits bouts manquants » de voies, ce que le Conseil d'État a accepté dans le principe 22 ( * ) . Ces propositions sont habiles : l'État manque de moyens, les sociétés d'autoroutes en ont beaucoup, pourquoi ne pas prolonger un peu la bonne affaire quitte à y consacrer une partie des bénéfices : c'est de la gestion d'une affaire rentable en bon père de famille.

Est-il dans l'intérêt général d'accepter cette proposition ? Votre rapporteur pour avis estime qu'il faut y regarder à deux fois et préfèrerait voir l'unique « manne » de la route revenir dès que possible dans le giron public.

Votre rapporteur pour avis attire votre attention sur les annonces concernant la mise en concession de routes nationales à des sociétés d'autoroutes pour qu'elles y réalisent des travaux, avec pour contrepartie l'instauration de péages - en particulier pour l'A63 (ex RN 10)  au sud de Bordeaux, la RN 154 Orléans-Dreux, ou encore la route centre Europe Atlantique (RCEA) entre Moulins et Mâcon : l'intérêt pour la collectivité ne va pas de soi, ce qui motive un avis défavorable de votre rapporteur.

En tout état de cause, la discussion avec les sociétés d'autoroutes sur la prolongation de leur concession en échange de travaux, ne saurait être détachée du débat sur le SNIT. Il en va de la cohérence du réseau : les tronçons et aménagements doivent d'abord conforter le plan d'ensemble. Il en va aussi, et beaucoup, du report modal : la péréquation intermodale est nécessaire, le législateur en a fait une priorité et les chiffres présentés montrent qu'il y a des marges à explorer.

L'autre volet des marges d'action est, bien entendu, celui du financement des infrastructures non routières par l'argent de la route, avec la redistribution opérée par l'AFITF, en général, et des dispositifs particuliers, comme la participation - contractuelle - des sociétés d'autoroutes au financement des trains d'équilibre du territoire.

- L'AFITF est au service du report modal puisqu'elle tire de la route quasiment toutes ses ressources, et qu'elle les alloue principalement aux autres modes, et d'abord au ferroviaire (voir tableaux en annexe). Le maintien de cette Agence est en soi une bonne chose pour le report modal : lors de son audition par votre rapporteur pour avis, le président de l'Agence, M. Philippe Duron a mis en valeur l'apport stratégique de l'Agence, à travers laquelle l'Etat explicite ses projets, hiérarchise ses priorités, arbitre entre plusieurs scénarios d'infrastructures - sous le regard du Parlement. Cependant, ses crédits vont encore pour 40 % à la route : même si l'Etat affiche une priorité à l'entretien et affirme renoncer à tout accroissement capacitaire pour la route, est-ce bien le cas dans le détail des opérations elles-mêmes ? Où passe la limite entre l'amélioration du service, le décongestionnement obtenu par une rocade, et l'accroissement capacitaire ? Le financement de l'AFITF sera conditionné par les recettes de l'écotaxe poids lourds à compter de sa mise en application en juillet 2013. C'est pourquoi votre rapporteur pour avis suivra avec attention la mise en oeuvre de cette nouvelle taxe.

- Les sociétés d'autoroute contribuent depuis 2010 au financement des trains d'équilibre du territoire (TET) : la taxe d'aménagement du territoire (TAT) a été augmentée de 35 millions d'euros à cette fin, pour les quatre années couvertes par la convention de service public entre l'Etat et la SNCF (2010-2013) qui définit notamment les lignes (une quarantaine), les matériels (300 trains), la fréquence et la subvention pour compenser le déséquilibre prévisible d'exploitation. Or, ce déficit, dès 2011, a dépassé les 300 millions d'euros, au lieu des 200 millions prévus. Dans ces conditions, la participation forfaitaire des sociétés d'autoroutes est passée de 17% à 10% du déficit : peut-on encore, à ce niveau, parler de péréquation intermodale ? Votre rapporteur pour avis ne le pense pas : il faut plutôt, comme le souligne M. Roland Ries dans son rapport pour avis sur le même PLF 2013, faire participer davantage les sociétés d'autoroutes au financement des TET, en y incluant une partie du renouvellement du matériel roulant. C'est une condition du maintien de ces lignes auxquelles nous attribuons un rôle majeur pour l'aménagement du territoire - et c'est une question prioritaire pour l'année qui vient.

D. UTILISER PLEINEMENT L'INCITATION PAR LES NORMES

Des normes incitatives, voire contraignantes, constituent un levier très important du report modal, qui paraissent elles aussi insuffisamment évaluées.

Il y a les normes dites « environnementales », par exemple les classements des véhicules selon leur caractère plus ou moins polluant : elles sont souvent harmonisées à l'échelon européen. Mais il y a bien d'autres normes qui restent entre nos mains et qui ont une influence certaine sur les comportements.

Comment, par exemple, inciter le fret routier à utiliser des infrastructures ferroviaires ? Dès lors qu'une autoroute ferroviaire existe, par exemple celle entre le Luxembourg et l'Espagne, ne faut-il pas interdire ou rendre plus contraignante la traversée de notre territoire sur le même parcours ? La contrainte n'est-elle pas un moyen d'accélérer la mise en place des infrastructures que nous voulons ? Avec une telle contrainte, l'équilibre économique de l'infrastructure ferroviaire serait complètement bouleversé et bien des opérations impossibles aujourd'hui pourraient voir le jour.

Autre exemple, quelles mesures normatives peuvent le mieux renforcer l'efficacité de l'écotaxe poids lourds contre la pollution ? Ne faut-il pas conditionner les réductions tarifaires d'autoroutes à la norme environnementale du poids lourd ? Doit-on, comme l'ont fait les Allemands, prévoir qu'une partie de la taxe ira à la modernisation des flottes, pour aider les routiers à acquérir des camions moins polluants ? Dans quelle proportion ?

Votre rapporteur pour avis n'a pas de réponse définitive, mais regrette que l'analyse présentée par l'Etat ne soit pas plus globale, qu'elle ne permette pas de comparer ce qui se passe sur plusieurs plans, pour apprécier l'effet conjoint des investissements et des normes. Ces comparaisons paraissent en effet nécessaires pour définir la stratégie de la transition écologique en comparant des scénarios différents.

E. SOLLICITER DAVANTAGE LES FINANCEMENTS INNOVANTS EUROPÉENS

Pour accélérer le report modal, nous devons solliciter davantage, outre les prêts de la Banque européenne d'investissement (BEI) 23 ( * ) , les crédits du Mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE) que l'Union vient de mettre en place pour financer la partie centrale du Réseau transeuropéen de transports (RTE-T) 24 ( * ) . Avec ce « Mécanisme », la Commission européenne entend relancer la politique des réseaux transeuropéens, pour améliorer le fonctionnement du marché intérieur, facteur de compétitivité, tout en limitant l'impact énergétique de ses infrastructures. Dans la négociation en cours, elle propose que l'Union y consacre 31,7 milliards pour 2014-2020 25 ( * ) , à comparer aux 8 milliards engagés dans la période 2007-2013.

L'Union européenne soutient les réseaux transeuropéens de transports depuis bientôt vingt ans 26 ( * ) : avec le « Mécanisme », il s'agit d'accélérer le mouvement, en tenant mieux compte de l'existant et du cadre désormais intermodal des politiques de transports. A cette fin, le MIE définit une carte, avec un réseau « central » et un réseau « global », des « exigences » d'intégration modale et de service sur ces réseaux devenus économes en ressources, ainsi qu'un calendrier prévisionnel courant jusqu'en 2030 pour le réseau central et 2050 pour le réseau global. Le « Mécanisme » avance également un coût prévisionnel pharaonique - 500 milliards d'investissement d'ici 2020 et 1 500 milliards d'ici 2030 pour l'ensemble des réseaux de transports, d'énergie et de télécommunications - et propose de développer, aux côtés des subventions européennes et nationales, des « emprunts obligataires pour projets », les project bonds.

Le principe des project bonds est simple : des crédits sont confiés à la Banque européenne d'investissement (BEI) pour qu'elle « rehausse » la qualité des emprunts obligataires, c'est-à-dire qu'elle améliore leur rémunération et atténue leur risque sur les marchés financiers 27 ( * ) . La Commission en attend un effet multiplicateur de 15 à 20 . Une phase pilote a été lancée en 2012-2013, par redéploiement, avant une éventuelle généralisation à compter de 2014, après évaluation.

L'outil est utilisé ponctuellement depuis 2007, sur la base d'un règlement financier spécifique aux RTE 28 ( * ) qui avait permis à la Commission européenne de définir avec la Banque européenne d'investissement (BEI) un « instrument de garantie de prêt pour les projets du RTE-T » (GPTT) .

Entre 2007 et 2013, ces financements innovants auront mobilisé environ 8 milliards d'euros, dont 440 millions pour des projets situés exclusivement sur notre territoire national et 1,66 milliard pour des projets auxquels notre pays est partie prenante 29 ( * ) . Les 440 millions d'euros à destination de notre seul territoire sont allés à sept projets , dont la moitié pour la LGV Tours-Bordeaux 30 ( * ) . Si ces fonds n'ont parfois eu qu'une importance très relative dans le bouclage financier de ces sept projets 31 ( * ) , l'outil a mobilisé, selon l'évaluation interne de la BEI 32 ( * ) , quelque 4,9 milliards de « dette senior », de celle que préfèrent les investisseurs parce qu'elle est la moins risquée. Pour la LGV Tours-Bordeaux, le financement a, selon l'évaluation de la BEI, consolidé les perspectives pour les trois premières années d'exploitation - les plus critiques - et atténué le risque que la garantie de l'État soit demandée, ce qui est utile à... la notation de la dette souveraine de la France elle-même.

Pour les années 2011-2013, neuf autres opérations importantes peuvent bénéficier de cet outil, pour un montant de 925 millions - la France est particulièrement concernée, avec les infrastructures ferroviaires CDG Express, l'autoroute ferroviaire Atlantique, l'autoroute ferroviaire alpine (Mont-Cenis) et le projet routier Autoroute A 355 (Grand contournement de Strasbourg), ce dernier projet étant toutefois actuellement en sommeil.

Nous devons donc intégrer ces nouveaux outils dans notre programmation, en étant les plus « proactifs » possible. Le MIE marque une relance bienvenue des grands projets européens et la France est bien placée pour en tirer parti - de par sa position géographique et parce que nous disposons d'un ensemble de projets « mûrs ». Encore faut-il s'inscrire dans la procédure retenue par la Commission européenne, qui est assez exigeante.

F. ORGANISER UN DÉBAT DE QUALITÉ AUTOUR DU SNIT ET DES GRANDS CHOIX D'INFRASTRUCTURES

Comment va-t-on débattre du SNIT ? Comment y partagera-t-on l'information et, au-delà, la définition des projets eux-mêmes ? Et comment les options apparues dans le débat infléchiront-elles en retour les choix d'infrastructures et d'allocation des ressources ?

Frédéric Cuvillier a associé des parlementaires à la commission « Mobilité 21 », c'est une bonne chose. Cependant, un débat aussi stratégique nécessite de concerter largement et de croiser de nombreuses données, comme cela a déjà été souligné dans ce rapport.

Les études économiques et socio-environnementales préalables au choix des investissements, on l'a vu, sont confiées au maître d'ouvrage et elles ne sont pas partie intégrante du dossier de conventionnement avec l'AFITF. Ne peut-on faire mieux pour les projets du SNIT ?

Les procédures de concertation sont trop souvent considérées davantage comme des formalités administratives obligatoires que comme des opportunités de débat public par les opérateurs qui ont obtenu toutes les assurances que leur projet se ferait quoiqu'il en soit, et que la concertation, c'est de la communication, de la « pédagogie », plus quelques « charges connexes » au projet pour lever les derniers obstacles. Or, c'est un point décisif pour notre aménagement du territoire aussi bien que pour notre démocratie : la concertation, c'est la possibilité de comparer les projets d'infrastructures, leurs usages, en allant aussi loin que possible dans l'internalisation des coûts et dans le partage de l'information.

Dans ces conditions, votre rapporteur pour avis estime essentiel d'ouvrir suffisamment les négociations, de laisser assez de temps aux différents projets pour qu'ils mûrissent . La société démocratique fait confiance au débat, c'est l'une de ses vertus et une condition de sa cohésion, mais c'est aussi une exigence pour son administration : avant de choisir telle infrastructure, de définir telle règle, il faut disposer d'études indépendantes, de comparaisons, et accepter par méthode que le projet puisse changer en cours de débat, voire être abandonné. Il faut modifier l'action publique en profondeur pour répondre à la demande de nos concitoyens d'une société plus sobre et plus cohérente en matière de développement et d'environnement.

TRAVAUX EN COMMISSION

I. AUDITION DU MINISTRE

Au cours de sa séance du mercredi 14 novembre 2012, ma commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire a entendu M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Raymond Vall, président . - Nous sommes heureux de vous accueillir, Monsieur le ministre délégué chargé des transports, pour évoquer prioritairement les sujets qui font l'objet d'un rapport pour avis de notre commission : le ferroviaire et le fluvial, dont les crédits sont rapportés par notre collègue Roland Ries ; les transports maritimes avec Charles Revet ; le transport routier avec Ronan Dantec ; enfin, les transports aériens avec Vincent Capo-Canellas.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. - Synthétiser ce budget est un exercice délicat : il s'élève en effet à 8 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter plusieurs milliards d'euros d'investissement gérés par l'Agence de financement des infrastructures de transports en France (AFITF).

C'est d'abord un budget responsable et exigeant. Il organise la transition vers une politique des transports ambitieuse et réaliste. Nous avons d'ores et déjà engagé, depuis six mois, un certain nombre de réformes. Nous avons fait preuve de courage en nous attelant à la réforme du ferroviaire, puisqu'il a fallu battre en brèche l'idée que son organisation était intangible, que son efficacité ne pouvait être optimisée, que la charge de la dette continuerait à croître d'1,5 milliard d'euros par an de manière automatique... Au-delà de la maintenance de l'existant, le système ferroviaire doit être modernisé en profondeur. Le récent rapport de l'école fédérale polytechnique de Lausanne, après celui de 2005, constate que nous avons encore bien des progrès à faire puisque nos infrastructures ferroviaires continuent de se dégrader. Notre réforme doit rendre le système plus efficace, dans le respect des principes et du calendrier européen. Elle doit également préparer l'ouverture du secteur à la concurrence, parce que nous refusons de laisser les services voyageurs dans l'état d'impréparation où était le fret ferroviaire lors de son ouverture à la concurrence, avec tous les dégâts que cela a produit.

Ce n'est pas un budget de renoncement. Nous avons cherché des sources de financement innovantes, notamment pour l'AFITF. Nous avons en outre souhaité donner une suite crédible au schéma national des infrastructures de transports (SNIT), dont j'ai dit grand mal...

M. Raymond Vall, président. - ... Nous aussi !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué . - ... mais auquel je veux donner une suite réaliste. Il faut savoir quelles sommes les départements et les régions, dont les financements viennent souvent en soutien des investissements de l'Etat, peuvent mobiliser.

Aujourd'hui, le SNIT, hors Grand Paris, est évalué à 245 milliards d'euros. Nous allons hiérarchiser, rendre plus crédibles et plus lisibles les investissements publics, notamment au regard de critères environnementaux, d'aménagement du territoire et de compétitivité économique.

Nous soutenons les filières industrielles en matière de transport. L'écotaxe poids lourds - mode de financement innovant - sera mise en place en 2013. Son produit s'élèvera à près de 400 millions d'euros au bénéfice de l'AFITF, dont la subvention est diminuée en conséquence. La redevance domaniale appliquée aux concessionnaires d'autoroutes rapportera près de 200 millions d'euros, au bénéfice d'investissements d'avenir, du report modal ou de la cohérence entre les schémas routier, ferroviaire, et fluvial.

Nous poursuivons les chantiers engagés et nous en lançons de nouveaux : le contournement de Nîmes et de Montpellier, la rocade L2 à Marseille, exemple d'une infrastructure payée depuis des années mais qui n'est toujours pas mise en service...

Une nouvelle impulsion est donnée aux programmes de modernisation des itinéraires routiers (PDMI) : je souhaite qu'on remédie au faible taux d'exécution, 37 % environ, de la dernière génération de programmes. Le Gouvernement précédent aurait pris, devant l'Assemblée nationale, des engagements sur les PDMI de la prochaine génération, ceux de la période 2015-2020. Mais la procédure de ces programmes n'a même pas été initiée : comment l'Etat pourrait-il être lié par de telles promesses ? Les lettres d'engagement se sont multipliées avant les élections du printemps dernier : je le déplore.

Le budget annexe de l'aviation civile s'élève à 2 milliards d'euros. Notre priorité va à la mise en place du Ciel unique européen, c'est-à-dire aux programmes SESAR (Single European Sky Air traffic management Research) et FABEC (bloc d'espace aérien fonctionnel d'Europe Centrale), l'ensemble de règles et de dispositifs techniques nécessaires à la gestion intégrée du ciel européen. Nous recherchons de nouvelles recettes pour désendetter la direction générale de l'aviation civile (DGAC).

Pour le transport maritime et les infrastructures portuaires, nous avons, avec Delphine Batho, posé un nouveau cap, avec la politique maritime intégrée, respectueuse des principes économiques, sociaux et environnementaux d'un développement durable. Nous ne pouvons continuer à tourner le dos à la mer et aux enjeux relatifs aux infrastructures portuaires. Nous en reparlerons à l'occasion des discussions sur la décentralisation et la modernisation de l'Etat. Je recevrai prochainement l'ensemble des directeurs des grands ports maritimes, mais l'Etat ne saurait limiter sa vision à ceux-ci, il doit, plus largement, élaborer des stratégies de façades, vecteurs de compétitivité et d'emplois. La pêche fait naturellement partie de ces réflexions. Energies marines renouvelables, développement de l'aquaculture... : la croissance bleue, c'est demain ! A condition toutefois d'avoir des lieux de gouvernance adaptés, des façades correctement exploitées, des ports désenclavés, des liaisons ferroviaires et fluviales efficaces avec les hinterlands.

La solidité de notre filière industrielle du ferroviaire est une condition de ce développement. J'ai évoqué le sujet avec le PDG d'Alstom. Je rencontre régulièrement les chefs d'entreprise qui ont besoin du soutien de l'Etat dans leur conquête de marchés extérieurs. Je rencontrerai tout à l'heure le ministre des transports koweitien. Nous promouvons la filière française partout où nous le pouvons. Je travaille avec Delphine Batho sur la question des énergies maritimes renouvelables. En matière ferroviaire, c'est la commande publique qui remplit les carnets de commande de nos entreprises, dont on sait qu'ils commenceront à se vider à partir de 2015. C'est aujourd'hui qu'il faut anticiper.

Notre budget s'élève à 8,12 milliards d'euros, en augmentation de 4 %. Les transferts à l'AFITF sont en hausse. Le compte d'affectation spéciale relatif aux trains d'équilibre du territoire (TET) est doté de 325 millions d'euros, contre 280 millions l'année dernière. Le budget de l'aviation civile s'élève à 2,1 milliards d'euros. Dans une période budgétaire difficile, nous mettons ainsi en oeuvre une stratégie de soutien à nos territoires.

Les budgets des PDMI et des contrats de plan Etat-régions (CPER) sont en augmentation : 450 millions d'euros en 2013 contre 322 l'année précédente.

Nous avons aujourd'hui besoin de crédibilité dans la parole de l'Etat, de relations de confiance avec les collectivités territoriales sur les cofinancements, d'efficacité dans les investissements publics, de hiérarchisation - c'est cette dernière exigence qui m'a amené à créer la commission « Mobilité 21 ». Nous devons remédier à l'absence de continuité dans la stratégie depuis de nombreuses années, comme en témoignent le chantier de la L2 à Marseille ou les réalisations par tronçons, non reliés. Il est temps de restaurer la cohérence de l'action.

M. Michel Teston, en remplacement de M. Roland Ries , rapporteur pour avis des crédits des transports ferroviaires et fluviaux . - Roland Ries vous adresse deux questions. La première concerne le troisième appel à projets pour les transports en commun en site propre (TCSP). Les autorisations d'engagement y afférant ne sont pas fléchées dans le bleu budgétaire. Les financements seront vraisemblablement apportés par l'AFITF : pouvez-vous nous le confirmer ? Quand les projets retenus dans ce cadre pourront-ils être lancés ? Il ne faudrait pas attendre 2014...

Le déficit des TET s'accroît, ce qui oblige l'Etat à inscrire 325 millions d'euros au projet de budget, contre 280 millions l'an passé - il est vrai que la ligne Paris-Belfort est cette année comprise dans le total. Le financement de ces services est essentiellement assuré par l'augmentation de la taxe sur les entreprises ferroviaires, c'est-à-dire principalement la SNCF, tandis que les concessionnaires autoroutiers n'en acquittent qu'une faible part. Comment financer le report modal de façon plus équitable à l'avenir ?

J'ai moi aussi des questions à vous poser. Vous avez annoncé que le monopole de la SNCF sur le transport national de voyageurs serait préservé jusqu'en 2019. Pourquoi ne pas préparer d'ores et déjà le nouveau contrat Etat-SNCF pour les TET ? L'opérateur ferroviaire aurait ainsi la possibilité de programmer la modernisation des matériels et de lancer ses commandes dès aujourd'hui.

J'ai toujours été opposé à la séparation entre le gestionnaire d'infrastructures et l'exploitant. J'approuve donc les propositions que vous avez formulées à l'occasion du 75 e anniversaire de la SNCF en matière de gouvernance ferroviaire. Cela étant, avez-vous obtenu du commissaire européen Siim Kallas la garantie que le 4 ème paquet ferroviaire actuellement en préparation ne remettra pas en cause ces engagements ?

Enfin, observons que ce budget échappe totalement à la rigueur. L'écotaxe poids lourds apportera 100 millions d'euros supplémentaires au budget de l'AFITF : ses 400 millions d'euros de produit compenseront les 300 millions d'euros perdus dans le budget. L'effort de régénération du réseau demandé à RFF est confirmé, comme y appelle l'étude actualisée de l'école polytechnique de Lausanne. Le groupe socialiste approuve pleinement ce budget.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué . - Votre conclusion me rassure et m'encourage. Le financement du nouvel appel à projets sera trouvé dans le budget de l'AFITF. Nous respectons le calendrier, puisque l'appel devrait être lancé en 2013. Il portera globalement sur la mobilité urbaine, en lien avec le groupement des autorités responsables de transports (Gart). L'accent sera mis sur l'innovation technologique. J'ai été interpellé à l'Assemblée nationale  sur la place du vélo : nous serons également vigilants sur ce point. Enfin, nous serons attentifs à ce que les fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations soient garantis à hauteur de 8 milliards d'euros pour faciliter le financement des collectivités territoriales.

Le coût des TET est supérieur à ce qui était prévu : nous faisons face, en augmentant notamment de 45 millions d'euros les crédits correspondants.

D'aucuns se sont étonnés de la faible participation d'autres sources de financement au soutien du report modal. Le budget de l'AFITF est essentiellement financé par les autoroutes. Le produit de la taxe d'aménagement du territoire (TAT) s'élève à 565 millions d'euros ; l'écotaxe poids lourds représente environ 400 millions d'euros ; les amendes de radars avoisinent les 200 millions d'euros, à quoi il faut encore ajouter la redevance domaniale. La TAT se répercutant dans le prix des péages, nous ne l'avons pas augmentée, afin de protéger les usagers. Une telle décision n'aurait de toute façon pas eu d'effet sur des concessionnaires pour qui les années précédentes ont été relativement fastes. Certains sont certes très endettés, mais ils dégagent près d'1,2 milliard d'euros de profit par an. Rappelons que l'ensemble du réseau autoroutier a été privatisé pour la modique somme de 15 milliards d'euros, sur lesquels seuls 4 milliards d'euros ont été affectés à l'AFITF ! Cette privatisation est choquante, l'agence aurait pu bénéficier de 1,5 à 2 milliards d'euros supplémentaires chaque année si les autoroutes étaient demeurées dans le secteur public... La situation serait plus simple.

L'écotaxe poids lourds sera effective rapidement. Le système ne remet pas en cause la pérennité des 37 000 entreprises du domaine routier, qui connaissent déjà une situation très compliquée : leurs marges ne dépassent pas 2 %. Le dispositif initialement retenu - par décret en date du 6 mai 2012, qui résonne tel un voeu de changement du gouvernement précédent - aurait totalement bloqué le secteur. Je serai demain au congrès de la Fédération nationale des transports routiers (FNTR) : je leur dirai que nous avons repris les discussions pour élaborer un dispositif qui ne défavorise pas exagérément le routier par rapport aux autres modes, et qui touche autant le routier étranger que français.

Sur les TET, l'Etat verse pendant trois ans à la SNCF une compensation annuelle de 325 millions d'euros. Il faut y ajouter des obligations de service public. La convention prévoit 300 millions d'investissements sur trois ans de la part de la SNCF, pour la rénovation du matériel roulant. J'ai évoqué ces questions tout récemment avec Guillaume Pépy.

D'après le commissaire Kallas, « le 4 ème paquet ferroviaire n'est pas écrit » , du moins pas complètement. Je plaide pour le respect du principe de subsidiarité : dès lors que les principes de transparence et de libre accès sont respectés, que le cadre général de la libéralisation est fixé, l'organisation de la structure du système ferroviaire doit rester de la compétence des Etats : nous avons en effet des histoires, des industries, des collectivités et des autorités qui sont propres à chacun. Pourquoi vouloir un modèle unique ? J'ai préféré exposer au commissaire Kallas notre philosophie en amont de la réforme...

S'agissant du transport public quotidien, les événements qui se sont produits récemment sur la ligne B du RER montrent que la sécurité, la qualité et la régularité doivent être au coeur de nos préoccupations.

M. Francis Grignon . - Le budget ne me pose pas de problème : 4 % d'augmentation, par les temps qui courent, ce n'est pas négligeable. En revanche, la préparation de l'avenir m'inquiète.

J'ai travaillé longtemps avec MM. Bussereau et Mariani sur la concurrence dans les TER et les TET ; j'ai aussi participé aux Assises du ferroviaire. La concurrence est inéluctable. Nous devons l'anticiper pour ne pas répéter les erreurs commises dans le secteur du fret. Michel Teston envisageait un financement des TET jusqu'en 2019 : nous devrions plutôt y organiser la concurrence rapidement pour tester le marché. Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre ?

Je suis d'accord sur le gestionnaire d'infrastructures unique : il n'est plus possible de partager la direction de la circulation ferroviaire (DCF) entre Réseau ferré de France (RFF) et la SNCF. Mais nous devons garantir une séparation comptable rigoureuse, en évitant de bâtir une holding où remontent tous les bénéfices des filiales, comme l'a fait la Deutsche Bahn. Encore faut-il instaurer une vraie indépendance opérationnelle, afin que l'équité soit préservée dans la distribution des sillons. Le droit européen impose la séparation comptable, mais c'est tout ! Qu'allez-vous faire de la dette du groupement ? L'intégrer à celle de l'Etat pénaliserait la notation de la France.

L'économie ferroviaire a besoin d'une bonne complémentarité entre les TGV, les TET, les TER et les bus. Etre membre du conseil d'administration de la SNCF ne m'empêche pas de dire ceci : si l'on remplaçait les lignes parcourues quotidiennement par moins de cinq trains par jour par une navette de vingt bus, le trafic doublerait et les contributions publiques et les émissions de CO2 seraient réduites de 20 %. Ayons le courage d'affronter les élus locaux désireux de garder leurs lignes ferroviaires, cessons de faire rouler des TGV presque vides jusqu'aux fonds de vallée.

Vous travaillez beaucoup avec Alstom pour aider la filière industrielle ferroviaire, c'est une forme de patriotisme économique que je soutiens. Toutefois, est-on prêt à renforcer l'ensemble de la filière, à mieux la structurer, pour l'orienter à l'export ?

M. Louis Nègre . - Je remercie monsieur le ministre d'avoir pris le dossier des transports à bras le corps, alors qu'il n'était pas spécialiste de ce domaine très technique.

Nos chiffres ne concordent pas. Le programme 203 me semble diminuer de 135 millions d'euros d'une année sur l'autre, de 4,2 à 4,07 milliards d'euros. L'action 10, relative aux infrastructures de transports collectifs et ferroviaires, est en recul de 9,3 %, à 3,23 milliards d'euros.

Sur la gouvernance, vous savez quelle est ma position à l'égard d'un pôle public unifié entre la SNCF et RFF. La séparation est, à mes yeux, indispensable ; alourdir encore le diplodocus qui n'a pas fait montre d'agilité me paraît dangereux. Je suis par conséquent déçu par le choix politique qui a été fait, mais je reconnais qu'il y a une gouvernance démocratique et j'espère qu'il n'y aura pas de choc frontal avec l'Europe. Vous avez pris la précaution de rencontrer le commissaire Kallas en amont, nous aussi. Mais le problème de la gouvernance n'est pas prioritaire : peu importe que le chat soit noir ou blanc, pourvu qu'il attrape des souris. Le maître-mot, c'est la compétitivité du système et le service aux usagers. Je serai attentif à la gestion des ressources humaines dans cet ensemble unifié, et à l'étanchéité entre le gestionnaire unique d'infrastructures - cette idée me paraît en revanche excellente - et l'opérateur historique. Je suggère en outre de renforcer significativement le régulateur.

La seconde divergence philosophique que j'ai avec votre stratégie concerne l'ouverture à la concurrence. Je vois là le syndrome français de la ligne Maginot : nous nous terrons dans nos bunkers au lieu d'être à l'offensive ! Ayons foi dans les compétences de la SNCF, elle a toute les capacités pour conquérir des parts du marché anglo-saxon. Nous repoussons toujours à plus tard l'ouverture à la concurrence et pendant ce temps, les Allemands, plus malins que nous, l'ont réalisée et le prix du kilomètre parcouru est à présent inférieur de 20 % à 30 % à nos prix.

Toute augmentation de la TVA était exclue d'ici la fin du quinquennat. Mais voilà que la TVA sur les transports passera finalement de 7 % à 10 % et ce sont 168 millions d'euros qui seront ainsi transférés sur les collectivités. Or les transports publics sont un service de première nécessité qui devrait rester soumis au taux réduit.

Je vous fais confiance sur les appels à projets. La quarantaine de projets de la première tranche représente un montant de 450 millions d'euros qui pourra être pris dans le budget de l'AFITF. Mais le Gart estime que la « mobilité durable » - vélo par exemple - doit rester secondaire par rapport aux transports publics classiques dont tout le monde a besoin.

Que pouvez-vous nous dire des 30 milliards d'euros de dette, dont personne ne parle, dans le cadre de la nouvelle gouvernance ?

Etes-vous certain que l'écotaxe rapportera 400 millions d'euros?

Enfin, comment remplir les carnets de commande de l'industrie ferroviaire, qui n'a plus de visibilité après 2015 ?

M. Jean-Jacques Filleul . - On ne peut parler du passé comme vous le faites, monsieur Nègre. Le ferroviaire a une histoire. Nous avons été nombreux, mais pas suffisamment, à lutter sans succès contre la séparation en deux du système ferroviaire et à déplorer le niveau de la dette accumulée. Il n'y a eu depuis lors aucun règlement, alors mieux vaut rester modeste. Le ferroviaire dépasse les appartenances politiques : il est inclus dans les gènes du peuple français. J'ai apprécié la présentation du ministre ainsi que les questions, toujours intelligentes, de Michel Teston.

Je vous félicite, monsieur le ministre, des réformes entreprises et de votre engagement dans le rapport de force avec l'Union européenne...

M. Louis Nègre . - Gardons quand même les yeux ouverts.

M. Jean-Jacques Filleul . - La doctrine libérale de la Commission met en péril notre système ferroviaire. Je défends le principe de subsidiarité.

La ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique (LGV-SEA) en cours de construction est un chantier considérable de 8 milliards d'euros. Les petites communes concernées souhaitent surtout l'attribution d'une redevance annuelle pérenne fondée sur les kilomètres d'implantation, à l'instar du système Cofiroute. Une grande partie de leur territoire communal supporte des infrastructures ferroviaires : est-il normal qu'elles n'aient en retour ni péage, ni gare ? Certaines, dont le territoire accueille des ouvrages d'art qui accompagnent ces infrastructures, s'inquiètent vivement des frais d'entretien qu'elles auront à supporter dans quelques années. Nous devrions trouver une solution qui rendrait les concessionnaires propriétaires des ouvrages d'art.

M. Rémy Pointereau . - « Pas de renoncement » dit le ministre. Voilà qui me réjouit, mais je n'en attendais pas moins : le président de la République prône une relance par la croissance, or celle-ci passe par l'investissement dans les infrastructures d'avenir. Faisons la différence entre la mauvaise dette, née des dépenses de fonctionnement, et la bonne, qui finance les investissements.

Comment fonctionnera la commission Duron sur le SNIT ? Quelle est sa feuille de route ? Son cahier des charges ? Il semble que vous soyez en désaccord avec la ministre chargée de l'égalité des territoires. Vous placeriez la rentabilité avant tout, et elle, l'équité entre les territoires. Comment allez-vous vous accorder ?

Y aura-t-il désormais plus d'objectivité dans le choix et le traitement des dossiers ? Je pense notamment au barreau de Poitiers-Limoges, le TGV corrézien, qui va coûter très cher, pour une faible rentabilité.

Qu'entendez-vous par « financements innovants » ? Il faut faire partie du réseau dit central des réseaux transeuropéens de transport (RTE-T) pour accéder aux fonds européens : quelles sont les capacités d'investissement de l'Europe pour financer nos grandes infrastructures ?

M. Henri Tandonnet . - Une question de méthode se pose aux élus : lorsqu'on envisage la création d'une nouvelle ligne à grande vitesse (LGV), il faut engager une réflexion sur l'aménagement du territoire. C'est ce que nous faisons avec le Grand projet ferroviaire du Sud-ouest (GPSO) qui comprend la nouvelle ligne Bordeaux-Toulouse et une gare nouvelle dans l'Agenais, en moyenne Garonne. Vous avez heureusement autorisé RFF à poursuivre les études en cours, l'enquête publique se déroulera en juin prochain. Le chantier implique des aménagements sur la RN 21, une nouvelle sortie d'autoroute et divers aménagements urbains. Comment travailler rapidement avec les services de l'Etat pour garantir la mutualisation des moyens et donner au projet toute sa cohérence ? Si nous travaillons ensemble, nous pouvons réaliser des économies.

M. Raymond Vall, président . - Je m'associe à la question !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué . - MM. Grignon et Nègre s'interrogent sur l'ouverture à la concurrence, en ayant sans doute à l'esprit ce qui s'est passé avec le fret. Le plan Fret prévoyait de porter à 25 % la part du non-routier - nous avons vu l'inverse, puisque la part du ferroviaire a reculé de 15 % à 9 % ! Il faut préparer davantage les changements, conforter nos opérateurs plutôt que de les affaiblir, sans quoi ils subissent avec la libéralisation brutale une véritable cannibalisation et ce n'est pas la régulation qui l'empêchera efficacement. Le rapport du Conseil économique, social et environnemental est très réservé sur l'ouverture anticipée en 2014, même sous la forme expérimentale et volontaire.

Tant que les règles sociales ne seront pas uniformisées, la concurrence allégée de toute obligation et le service public lesté par ses missions d'intérêt général ne pourront être à égalité de prix ! La différence de 20 % s'explique ainsi. C'est pourquoi nous souhaitons que la réforme concerne l'ensemble des opérateurs ferroviaires, qui sont déjà dix-huit aujourd'hui. Un décret « socle » fixera le cadre de référence, les grandes lignes de l'organisation du travail, les relations salariales. Ce sera le cadre des accords de branche et d'entreprise. Tout ceci suppose de la négociation.

La réforme est aussi une réponse à la dette. Si nous ne revoyons pas l'organisation de la SNCF et de RFF, la perte d'efficacité continuera de coûter 800 millions d'euros par an, c'est la moitié de la dette « automatique » que nous promet l'organisation actuelle. Avec la réforme, nous voulons stabiliser le volume de la dette, avant de la résorber - je signale qu'elle était de 25 milliards en 2008 et atteint 31 milliards aujourd'hui... - tout en évitant sa requalification en dette de l'Etat. La réforme sera difficile, mais sans elle, le chemin de fer français est condamné. C'est aussi pourquoi nous avons besoin de règles claires et d'un cadre social solide, avant toute ouverture supplémentaire à la concurrence.

Nous envisageons d'expérimenter un nouveau cadre de relations entre l'Etat et les collectivités régionales sur les lignes malades, celles où l'on observe des doublons entre TET et TER. Mais je n'ai nulle intention de me délester d'un fardeau sur les régions en leur demandant de rationaliser l'offre de transports, le travail sera fait en amont de la décentralisation des transports. Nous verrons comment optimiser l'offre sur les territoires concernés.

Je n'ai aucun antagonisme avec Cécile Duflot. Les enjeux diffèrent selon la nature des chantiers : les lignes à grande vitesse visent l'efficacité économique, l'électrification concerne plutôt les transports quotidiens, et la rénovation des lignes dépend de leur usage,  mixte, voyageurs, ou fret. Tel barreau de 100 kilomètres pourrait relier deux morceaux de ligne grande vitesse : est-il prioritaire ? Comment le réaliser ? Quelle doit être sa vitesse maximale ? Pour quelle efficacité économique ? La commission Duron se penchera sur ces enjeux d'aménagement du territoire, d'efficacité environnementale et économique, dans les territoires riches en présidents de la République passés ou présent, aussi bien que dans les autres territoires...

Les petites communes peuvent signer des conventions avec RFF pour l'entretien des ouvrages d'art. Une enveloppe de l'ordre de 30 millions est prévue, par exemple, pour accompagner le chantier de la LGV Tours-Bordeaux, une autre de 14 millions pour la LGV Bretagne-Pays de la Loire.

Mme Évelyne Didier . - Le Sénat a voté une loi sur les ouvrages d'art, elle est sur le bureau de l'Assemblée nationale après avoir recueilli un large consensus. Ce texte ne fait pas de différence entre les petites et les grandes communes mais pose un principe général, car le problème de sécurité publique se pose de la même façon pour toutes et il emporte de lourdes responsabilités, financières, pénales. Si un pont s'effondrait en raison du défaut d'entretien par une commune, le problème juridique serait des plus sérieux ! Quand ce texte sera-t-il examiné par les députés ?

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué . - Je n'ai pas la maîtrise de l'ordre du jour des assemblées, mais à ma connaissance, la proposition n'est pas inscrite. J'ai le problème inverse avec une proposition de loi sur le transport aérien : votée à l'Assemblée nationale, elle n'est toujours pas inscrite à votre ordre du jour. Le texte voté par le Sénat n'est bien sûr pas opposable, mais vous n'avez pas tort : quelle que soit leur taille, les communes sont dans la même situation. Pour l'instant, je me contente d'indiquer qu'il existe des conventions avec RFF pour les communes rurales qui n'ont pas les moyens techniques d'entretenir les ouvrages d'art. Pour ce qui est de la concertation, si vous avez des difficultés, faites-le nous savoir. C'est notre rôle d'interpeller les différents acteurs.

Au-delà du coût élevé d'entretien des ouvrages d'art, les grands chantiers induisent d'autres travaux, comme le raccordement ou le détournement de voies, qui sont directement à la charge des collectivités et ne figurent pas toujours dans l'évaluation initiale. Toutes les collectivités réclament des lignes, elles doivent savoir que la dépense associée peut être très élevée.

La hausse de la TVA sera-t-elle répercutée sur les transports ? La question est posée. Un certain nombre d'opérateurs sont prêts à réfléchir avec nous et à ne pas répercuter toute la hausse dans leurs tarifs.

M. Raymond Vall , président. - Nous passons au volet routier.

M. Ronan Dantec , rapporteur pour avis des crédits du transport routier. - Votre budget est un budget d'avant la commission SNIT. Je me réjouis que la route finance le rééquilibrage des transports, en particulier le secteur ferroviaire, et je retiens deux signaux forts : la mise en place d'un ministère à l'égalité des territoires et l'annonce par François Hollande de l'objectif de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2030. Cette échéance concorde avec l'échelle de temps d'élaboration des grandes infrastructures de transport.

Le débat que nous avons aujourd'hui ouvre celui que nous aurons au cours de l'année 2013 sur le SNIT. Quelle place y prendront les parlementaires ?

Pour évaluer, pour choisir des solutions, on a besoin de critères, de préférence acceptés par tous. On ne peut procéder au doigt mouillé comme l'Etat le fait parfois, je songe au bonus malus automobile. Les critères sociaux-économiques datent du rapport Boiteux II... Nous manquons de vision globale. Quelle est l'économie globale de la route ? Nous manquons d'éléments pour établir précisément l'ensemble des recettes et des dépenses de la route. Vos services doivent définir des critères afin que nous puissions prendre des décisions. Nous sommes en retard.

Une des questions clés est l'évaluation de l'intermodalité et de l'impact global. Le barreau ferroviaire de l'Essonne est par exemple un enjeu majeur pour la façade ouest, de Bordeaux à Brest. Il permettrait un gain de temps pour les passagers qui veulent se rendre à Bruxelles ou à Francfort. Il libérerait des sillons RER. Il faciliterait la stratégie des compagnies aériennes qui cherchent à drainer le plus grand nombre de passagers vers les deux plateformes parisiennes.

Quant aux PDMI, nous devons prendre en compte les modifications de l'environnement intervenues depuis l'inscription : telle rocade prévue se retrouve en zone Natura 2000 qui n'existait pas initialement. Une remise à plat s'impose.

Les enjeux de biodiversité exigent de faire passer un message clair. Les grandes infrastructures ne peuvent plus les négliger, je pense en particulier aux effets de coupure des LGV ou encore aux zones humides.

M. Gérard Cornu . - Vous nous annoncez un budget de transition : autrement dit, il s'appuie sur le budget précédent. Cécile Duflot nous a dit la même chose hier. Nous verrons quelles orientations vous adopterez lorsque la transition sera passée. Pas de renoncement, dites-vous encore. S'il n'y a pas de renoncement sur les projets routiers, je m'en réjouirai. Si vous cherchez à vous en dédouaner, ce sera moins bien. Pouvez-vous me rassurer sur la poursuite de l'aménagement à deux fois deux voies  de la RN 154 ? Il ne manque que 80 kilomètres pour opérer la jonction par l'ouest, ce qui permettra d'éviter la région parisienne quand on vient du nord. Tous les parlementaires concernés demandent l'achèvement du projet, le dossier paraît en bonne voie : me le confirmez-vous ?

M. Louis Nègre . - La commission « Mobilité 21 », où je siège, se penche actuellement sur les critères d'évaluation des projets. Or, les Verts y sont représentés par Mme Eva Sas, vice-présidente de la commission des finances de l'Assemblée nationale : vous n'avez pas à vous inquiéter, monsieur Dantec !

M. Ronan Dantec, rapporteur pour avis . - Je m'inquiète pour les infrastructures, pas pour Europe-Ecologie-LesVerts !

M. Louis Nègre . - La France ne doit pas répéter les erreurs du passé : un défaut d'entretien ne se rattrape pas, comme nous en faisons aujourd'hui l'expérience dans le secteur ferroviaire. Ne faisons pas tomber nos routes dans ce piège : préservons notre patrimoine !

M. Philippe Esnol . - Je suis très attaché à l'intermodalité. La route est archi-saturée. On souhaite développer le transport fluvial, plus conforme aux exigences du développement durable. En même temps, il faut trouver la bonne articulation avec le réseau ferroviaire. L'enjeu est crucial pour la région parisienne qui arrive à une saturation extrême. Dans la partie ouest de l'Ile-de-France, on s'inquiète...

Les précédents gouvernements nous ont fait miroiter des milliards d'euros d'investissement depuis six, dix ou quinze ans. Nous avons espéré, réfléchi, travaillé. En réalité, l'Etat n'avait pas le premier euro pour financer ces projets, alors que la réalisation du SNIT dépasse 240 milliard d'euros. Quels critères prévaudront désormais ?

M. Jean-Jacques Filleul . - Les montants que vous avez cités pour la privatisation des autoroutes sont considérables et choquants. Notre commission ne devrait-elle pas enquêter sur le sujet ? Cet argent qui manque dans les caisses de l'Etat aurait pu contribuer à réduire la dette ferroviaire.

M. Louis Nègre . - Eh oui...

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué . - Je n'ai pas voulu que Mobilité 21 soit une réunion de techniciens, mais que les parlementaires y aient toute leur place, et que toutes les sensibilités soient représentées. La question centrale est celle de la méthodologie. La commission doit aussi travailler sur un schéma d'ensemble prenant en compte les différences régionales. Je lui laisse la plus grande marge de manoeuvre. Un seul conseil, distinguer entre les vrais projets et les faux, entre les projets opposables, étayés par une concertation, des études, des démarches administratives, et les simples traits de crayons tracés à la hâte sur une carte. On me reproche d'abandonner la LGV Picardie Tunnel sous la Manche. Mais le dossier n'existe même pas ! Le SNIT et les PDMI ne sont pas des jouets pour calmer les élus locaux, en leur donnant l'illusion que les choses avancent...

A l'Assemblée nationale, on m'a demandé si la RN 12 serait bien maintenue dans le SNIT. J'ai regardé le dossier : aucune étude n'était lancée, il ne contenait que des lettres d'intention. Et l'on aurait le toupet de me reprocher « l'abandon » d'un tel projet ? Qu'on ne me fasse pas porter des responsabilités qui ne sont pas les miennes ! Je ne me sens pas davantage tenu par des annonces qui concernent les PDMI à venir entre 2015 et 2020. Je serai donc prudent dans toutes mes réponses, comme sur la RN 154, mais qu'on n'en déduise pas que le projet est abandonné, car le débat public a eu lieu, les études se poursuivent...

Louis Nègre feint de croire que je ne connaitrais pas le secteur des transports ? J'ai été maire d'une ville qui est le premier centre de transformation de produits de la mer : sa logistique de transports est très développée, avec une industrie ferroviaire très poussée, tout cela à 30 kilomètres du tunnel sous la Manche. Je suis également fils de routier, mais j'arrête là les confidences !

S'il y a eu renoncement sur un projet, il est venu de tel partenaire privé d'un PPP, je songe au contournement de Strasbourg. Le gouvernement s'est contenté d'en tirer les conséquences légales. Sur l'ensemble du SNIT, Jérôme Cahuzac a tenu un discours de vérité : nombre de projets ne sont pas financés. Certains ont été pensés avant la crise. Le financement du contournement Nîmes-Montpellier, par exemple, nécessite la constitution d'un pool bancaire d'une cinquantaine de banques...

J'ai entendu aussi des inquiétudes sur l'extension d'Eole. Elle était censée, en 2010, coûter entre 2,2 à 2,8 milliards d'euros, elle dépasse aujourd'hui 3,7 milliards. L'enjeu est majeur, mais si des rumeurs courent sur l'abandon du projet, elles ne sont pas de mon fait. Mon intention est de jumeler Eole avec la ligne Ligne Nouvelle Paris Normandie (LNPN) pour désengorger le trafic à l'ouest et faciliter l'accès à Paris.

Quant aux sociétés d'autoroute, leur chiffre d'affaires a gagné 30 % depuis la privatisation, leur marge brute d'exploitation 36 % et leur marge nette 53 %, alors que la redevance domaniale n'a progressé que de 18 %. Nous procédons à un premier rattrapage, mais il est vrai que ces chiffres incitent à s'interroger.

- Présidence de M. Michel Teston, vice-président -

M. Michel Teston, vice-président . - Nous en venons au transport maritime.

M. Charles Revet , rapporteur pour avis des crédits du transport maritime. - La France a été une très grande puissance maritime : elle est passée du quatrième rang mondial dans les années 1970, au 28 ème rang aujourd'hui. Où en est l'application du plan de rénovation des grands ports maritimes ? Près de 220 millions d'euros ont été investis depuis 2008. Mais les autorisations d'engagement baissent de 40 %  dans ce budget : pensez-vous vraiment que les ports aient achevé de rattraper leur retard d'investissement ?

Le registre international français (RIF) a sauvé le pavillon français et préservé l'emploi de nos marins, puisque le tonnage global de la flotte française à l'international a augmenté. Pourtant la France a fait le choix courageux de s'imposer une proportion d'emplois communautaires - un tiers, ce que la plupart des autres pavillons internationaux, luxembourgeois, britannique, n'appliquent pas. Cependant, nous attendons de nouvelles mesures pour renforcer encore la compétitivité de notre pavillon, sur le plan social comme sur le plan fiscal. Qu'en pensez-vous ?

La réforme portuaire de 2008 a modifié la gouvernance des grands ports maritimes, mais sans leur donner les coudées assez franches pour qu'ils puissent eux-mêmes prendre les décisions de leur développement. Alors qu'en Allemagne, aux Pays-Bas et même en Espagne, les ports relèvent des autorités locales, même lorsque l'Etat en est resté propriétaire, nous avons maintenu nos grands ports maritimes dans le giron de l'Etat, sans rompre avec la prudence, sinon l'attentisme de l'administration. Ne pensez-vous pas qu'il est grand temps de confier la gestion des ports à des autorités locales, comme partout ailleurs en Europe ?  L'Etat veut à tout prix garder la main sur tout : il en résulte une paralysie certaine.

Mme Odette Herviaux . - Depuis des années, Charles Revet et moi partageons les mêmes analyses, les mêmes interrogations. Les grands ports maritimes et tous les ports français jouent un rôle crucial pour notre économie et le développement du territoire. Je me réjouis du lancement d'une politique maritime intégrée et d'une stratégie maritime de façade, que nous appelions de nos voeux depuis longtemps. Sur le plan strictement budgétaire, nous nous heurtons à une difficulté de lecture, en raison de l'intégration de la pêche dans la partie transport maritime. Les comparaisons sont compliquées, beaucoup de domaines sont rattachés au développement durable, notamment les grands fonds. Nous avons intérêt à travailler en partenariat avec nos collègues de la commission des affaires économiques.

Mme Laurence Rossignol . - Vous ne serez pas surpris que je vous interroge sur le canal Seine-Nord. Le projet a eu droit l'année dernière à une belle inauguration mais il semblerait que seuls les petits fours avaient été financés...Vous savez que les élus de la région sont très attachés au projet : ils s'interrogent sur son avenir.

M. Philippe Esnol . - Ma région est située à l'arrivée du canal Seine-Nord, à la confluence de la Seine et de l'Oise. L'enjeu est évidemment considérable pour l'Ile-de-France. Et pour le développement du transport fluvial.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué . - L'enjeu du canal Seine-Nord est majeur, il donne un sens au transport fluvial. Encore faut-il une bonne jonction avec les ports maritimes français.

M. Charles Revet, rapporteur pour avis . - Nous sommes inquiets.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué . - J'entends beaucoup de choses au sujet du canal Seine-Nord : il aurait été financé avant le 6 mai, mais pas ensuite. Financé par un coup de baguette magique, sans doute ? Ces rumeurs et suspicions motivées par des arrière-pensées politiciennes ne font pas de bien au projet. Les autorités européennes s'interrogent, d'autant que certains invoquent une forte participation des fonds européens. En réalité celle-ci serait de 6 %, par un choix de l'ancien ministre de l'écologie Jean-Louis Borloo qui avait sans doute d'autres priorités à financer. Bouygues, le partenaire, avait exprimé des doutes sur le bouclage financier bien avant les élections : en février dernier. Et c'est à nous que l'on reproche un abandon !

Comment donner une chance à ce projet ? D'abord en définissant l'enveloppe financière, notamment en mobilisant les fonds européens, ce qui n'a pas encore été fait. Puis en s'interrogeant sur la pertinence du PPP, d'autant que le partenaire privé a prévenu qu'il ne serait pas au rendez-vous. Il y a environ 1,5 milliard d'euros à trouver. Les collectivités sont très sollicitées et il faudra définir les modalités de la participation de l'Etat. J'ai demandé une analyse à l'inspection générale des finances et au conseil général du développement durable, elle ne sera ni à charge, ni à décharge, mais il faut songer aussi à protéger nos ports maritimes. Car si le canal doit devenir un axe de desserte du territoire français à partir des ports de l'Europe du Nord, il faut y réfléchir à deux fois et peut-être préférer des travaux pour renforcer la liaison Le Havre-Dunkerque ? Nous avons besoin de temps pour mettre de l'ordre dans le dossier, après un lancement en avril 2011 dans la précipitation et selon un calendrier insoutenable. Prenons également garde à ne pas susciter des attentes illusoires dans les territoires : j'ai lu que 15 000 emplois seraient créés avec la construction du canal. C'est une invention.

Lorsqu'un projet prend une telle mauvaise tournure, il faut construire une alternative, revoir peut-être le cahier des charges. Je ne m'appelle pas M. Borloo, je n'ai pas la science infuse ni les financements magiques, je ne m'adonne pas à des effets de tribune en assénant des contre-vérités à tout instant, parce que je respecte les gens concernés par ce projet.

La question maritime n'est ni de droite ni de gauche, elle mérite une union sacrée. Et lorsque Charles Revet parle, même le ministre se tait. Nous partageons le même constat. Notre stratégie doit consister à bâtir une politique maritime intégrée. Le gouvernement a recréé un ministère de la mer et de la pêche, au sein du ministère des transports, car nous ne tirons pas suffisamment bénéfice de nos façades maritimes, ni en métropole, ni outre-mer. Le Grenelle de la mer a été intéressant, dans sa démarche sinon dans les résultats. Nous lancerons une nouvelle concertation afin de faire éclore cette stratégie maritime, qui exige de mettre l'accent sur les infrastructures portuaires, sur la recherche, sur tout ce qui conforte l'activité maritime. Il nous faut en convaincre tous les acteurs, y compris les administrations d'Etat, inadaptées et fragilisées.

Vous avez failli me convaincre sur la décentralisation portuaire. Je veux que les collectivités soient mieux associées aux enjeux portuaires et d'aménagement territorial, sans cloisonnement entre les deux. Mais une décentralisation malhabile, on l'a vu, peut aussi ligoter les initiatives locales. Rien ne peut se faire contre la volonté des territoires. Nous avons besoin de mécanismes de codécision. Les lois de décentralisation n'ont pas donné aux régions compétence sur les ports...

M. Charles Revet, rapporteur pour avis . - Ce n'est pas ce que je propose !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué . - Il nous faut mobiliser tout le monde, armateurs, décideurs locaux,... Je vous invite à mobiliser vos assemblées, pour soutenir le développement d'une politique maritime intégrée.

M. Michel Teston, vice-président . - Nous en venons au transport aérien.

M. Vincent Capo-Canellas , rapporteur pour avis des crédits de l'aviation civile. - Comme les années précédentes, une partie du produit de la taxe de l'aviation civile sera reversée au budget général, alors que le budget de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) est structurellement déficitaire. Par conséquent, les redevances versées ne couvrent pas le coût du service rendu : l'écart est d'environ 15%, soit 110 à 115 millions d'euros tous les ans. La DGAC est fortement endettée, en raison des investissements qui lui sont nécessaires, mais aussi en raison d'un important déficit de fonctionnement. Sa dette a gonflé de 40% en quatre ans pour atteindre 1,2 milliard d'euros. Néanmoins, on la pénalise encore en laissant subsister un déficit d'exploitation illégitime. La direction ne devrait-elle pas recouvrer l'intégralité du produit de la taxe de l'aviation civile ?

S'agissant des crédits affectés à la recherche, la comparaison avec l'Allemagne est peu flatteuse. Le programme d'investissements d'avenir (PIA) depuis 2010 amorce une réduction de cet écart : 8 milliards d'euros financent la recherche, 7,5 milliards d'euros la filière industrielle aéronautique, l'un des rares domaines d'excellence français, le premier secteur exportateur. Toutefois, le PIA doit s'achever l'an prochain : comment maintenir un effort de recherche soutenu dans ce domaine très créateur d'emplois - 13 000 embauches en 2011 ? Une clause de revoyure sur le PIA permettrait-elle de le financer à nouveau ?

Le lien entre les aéroports et la capitale est une question ancienne. Le projet de Charles de Gaulle Express a fait l'objet d'un rapport de Pierre-Henri Gourgeon. Les opérateurs semblent prêts à s'engager. Le mode de financement est-il arrêté ? Les engagements des opérateurs sont-il suffisants? Le projet est impensable sans un effort de desserte des territoires traversés par ce train. Se pose en outre la question de la ligne B, parallèle à ce train direct, et celle de la desserte par le Grand Paris Express, notamment jusqu'à l'aéroport du Bourget. Sur le chemin de Roissy se trouve en effet le premier salon de l'aéronautique et de l'espace au monde, le premier aéroport d'affaires d'Europe, et le musée de l'air et de l'espace, vitrine touristique mondiale. Préservons au moins, dans les arbitrages sur le tracé du Grand Paris Express, la gare du Bourget, enjeu majeur pour l'industrie et le territoire, même si la liaison ne va pas jusqu'à Roissy.

M. Philippe Esnol . - Face aux nuisances croissantes du trafic aérien, je souhaite voir renforcée l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (Acnusa). Notre collègue député Jacques Alain Bénisti est beaucoup plus virulent que moi, mais nous demandons tous deux que l'on revienne sur l'arrêté pris par Nathalie Kosciusko-Morizet. Procédant à un relèvement des altitudes en Ile-de-France, il soulage - à peine - quelques populations pour en pénaliser beaucoup d'autres. J'habite juste sous le passage des avions qui atterrissent à Roissy toutes les cinq minutes à partir de cinq heures du matin. C'est insupportable. Conflans n'est pourtant pas tout près de l'aéroport !

Je vous saurais gré de solliciter la DGAC sur la mise en place de la descente continue. Les pilotes de ligne nous assurent de sa faisabilité technique, mais les contrôleurs aériens s'y opposent. Il en va de la tranquillité de millions de Franciliens !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué . - L'aéronautique est un tel enjeu économique pour la nation qu'elle fera l'objet de la mobilisation de toutes les administrations. L'aéronautique est aussi facteur de développement de la recherche ; 2 milliards d'euros du PIA ont permis d'accompagner le développement de l'A350 - à hauteur de 500 millions d'euros -, celui du successeur de l'A320, des hélicoptères Super Puma et Dauphin, ainsi que du projet de construction d'un avion régional de 90 places - un créneau manquant. Nous participons en outre au projet européen SESAR sur la gestion aéroportuaire.

Le déficit de la DGAC augmentera encore jusqu'en 2014, pour ne diminuer qu'à partir de 2015. Nous étudions la possibilité de lui affecter à nouveau l'intégralité du produit de la taxe de l'aviation civile. Nous cherchons aussi à diminuer un certain nombre de taxes qui pèsent aujourd'hui sur le secteur et les compagnies aériennes, notamment françaises. La moitié des taxes versées à Aéroports de Paris est en effet payée par Air France...

Je partage votre point de vue sur le CDG Express, j'y suis favorable. Une capitale comme Paris en a besoin, car les modes de transports actuels ne sont pas satisfaisants. Toutefois, on ne peut mener ce projet à bien sans améliorer également les transports en commun quotidiens des Franciliens. Un rapport sur ces questions a été demandé par Cécile Duflot à Pascal Auzannet. Le PPP ayant été abandonné pour le CDG Express, un financement public de la part de tous les acteurs  peut désormais être envisagé - ADP, RFF, SNCF, RATP -, en plus de la contribution des usagers. Nous nous battrons pour Roissy, et c'est dans ce cadre là qu'interviendra une réponse pour le Bourget.

Les nuisances liées aux approches aériennes font l'objet d'un contentieux. De 2007 à 2011, Nathalie Kosciusko-Morizet avait fait de la lutte contre les nuisances aéroportuaires un combat prioritaire. Ses objectifs n'ont pas été atteints, son dispositif ayant été censuré pour vice de procédure par le Conseil d'Etat. Nous avons purgé le dispositif de ses vices, mais la question demeure sur le fond et la haute juridiction en reste saisie. Je ne me prononcerai donc pas sur ce point. L'approche retenue par l'ancienne ministre a toutefois eu pour effet d'augmenter le nombre de personnes affectées, bien qu'avec moins d'intensité... Le dossier n'est pas abandonné : nous sommes aujourd'hui à près de 50% de descentes continues et travaillons à une amélioration. Des propositions pourront être faites dans quelques mois, je souhaite une concertation avec les collectivités territoriales sur ce dossier compliqué.

M. Charles Revet . - Lors des auditions, nous avons compris que les étudiants de l'Ecole nationale supérieure maritime (ENSM) avaient eu des difficultés à réaliser la partie pratique de leur scolarité, des obstacles réglementaires et d'organisation les ayant empêchés d'embarquer.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué . - La situation s'améliore.

M. Charles Revet . -  Elle est absurde.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué . - En outre, la pluralité des sites de l'ENSM pose problème. Je souhaite que nous ayons cette discussion ensemble. Nous devons moderniser le site du Havre, mais en l'absence de projet d'ensemble de maintien des sites, on ne fera que l'affaiblir.

M. André Vairetto . - Le président de la République a demandé un pacte de croissance au sommet européen des 28 et 29 juin derniers. Il me paraîtrait inopportun que les opérations pouvant bénéficier de cette dynamique se trouvent bloquées. Je pense notamment au Lyon-Turin. Le tunnel ferroviaire bénéficie d'un engagement de l'Union européenne à hauteur de 672 millions d'euros, 40% du coût de l'investissement. Les deux Etats sont d'accord sur leurs parts respectives.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué . - Je m'en tiendrai aux conclusions du sommet franco-italien, qui définira la politique commune aux deux parties et le bon rythme - supportable pour chacune.

M. Michel Teston, vice-président . - Je remercie le ministre pour sa disponibilité, le temps qu'il nous a consacré, et la qualité de ses réponses.

II. EXAMEN DU RAPPORT

Au cours de sa séance du mercredi 21 novembre 2012, la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire a examiné le rapport pour avis sur les crédits « transports routiers » de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » du projet de loi de finances pour 2013.

M. Ronan Dantec , rapporteur pour avis. - Il me revient de vous présenter les crédits « routes » du projet de loi de finances pour 2013. Certains pourraient penser qu'il est paradoxal de confier les routes aux écologistes. Je voulais donc dire ici l'intérêt que j'ai trouvé à l'exercice, à la fois parce que nous avons quand même évidemment besoin de routes, mais aussi parce que le budget routes, ce ne sont pas que des dépenses, mais aussi des recettes dont l'affectation vers le rééquilibrage modal est stratégique.

Quelques mots de contexte. Ce budget précède la redéfinition du SNIT. Nous en avons déjà largement évoqué les enjeux et les difficultés lors de l'audition de Frédéric Cuvillier et lors de notre débat sur les transports terrestres rapportés par Roland Ries. Nous devons parler des infrastructures elles-mêmes, de leur articulation en réseau, mais aussi de leurs usages et des outils dont nous disposons pour choisir les infrastructures et infléchir les usages qu'en font nos compatriotes. Nous devons réunir un très grand nombre d'informations et coordonner des actions d'échelle temporelle très variable, depuis les infrastructures elles-mêmes, qui demandent une prospective à long terme, jusqu'aux actions normatives, qui changent immédiatement certaines conditions du transport, en passant par les enjeux de moyen terme que représente le plus ou moins bon entretien des routes, par exemple.

Or, j'ai été surpris de ce que les services de l'Etat n'appréhendent pas mieux « l'économie générale » de la route. Nous manquons d'une vision stratégique de ce que coûtent et de ce que rapportent les routes dans leur ensemble, toutes collectivités publiques confondues.

Le Grenelle de l'environnement a fixé un cap, avec des objectifs quantitatifs de réduction des gaz à effet de serre et des objectifs qualitatifs sur le choix des infrastructures et la réorientation de la dépense publique. Je reconnais très volontiers, et vous constaterez que je ne fais pas de politique au sens étroit du terme, qu'il y a eu du bon avec le Grenelle de l'environnement : il y a même un « avant » et un « après » Grenelle, quoique l'impact en ait varié selon les domaines. Le président de la République vient de fixer un nouvel objectif très ambitieux : réduire de 40 % nos émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030. Cependant, le bilan carbone des transports s'alourdit, du fait de l'augmentation des déplacements : nous sommes encore loin du compte !

C'est dans ce contexte que j'ai souhaité aller au-delà d'une simple présentation des chiffres et apporter une contribution au débat que nous mènerons sur le SNIT.

D'abord sur « l'argent de la route », c'est-à-dire les crédits d'Etat que je vous présenterai, mais plus largement l'argent que nous prélevons sur la route, en particulier sur les concessionnaires autoroutiers et sur les transporteurs routiers. A quoi vont servir  les crédits « routes » de ce projet de loi de finances ? Peut-on prélever davantage sur l'usage de la route, pour accélérer le report modal ?

Ensuite, sur la sélection des projets d'infrastructures et l'utilisation des outils incitatifs : les infrastructures sur lesquelles nous mettons des moyens sont-elles bien celles dont nous avons besoin ? Comment en décide-t-on ? Comment en débattrons-nous dans le cadre du SNIT ?

Enfin, utilise-t-on suffisamment les outils dont nous disposons pour infléchir les comportements, en particulier le levier du bonus/malus et les normes dites « environnementales » ?

D'abord, l'argent de la route, en particulier les grands chiffres de ce budget. Au sein du programme 203 « Infrastructures et services de transports », 731 millions sont consacrés au développement des infrastructures routières et 661 millions à l'entretien et à l'exploitation des 11 500 kilomètres du réseau routier national non concédé, dont 9 000 kilomètres de routes nationales. Ces chiffres sont satisfaisants, parce que la partie « entretien préventif et grosses réparations » progresse de près de 11 %, à 115 millions d'euros, qui vont servir à l'entretien courant, à des travaux d'amélioration de la sécurité et aux services, notamment l'information des usagers de la route. L'Etat limitera strictement l'augmentation de capacité du réseau routier au traitement des points de congestion, des problèmes de sécurité ou à des besoins d'intérêt local en limitant les impacts sur l'environnement : c'est conforme aux engagements du Grenelle de l'environnement. Il s'agit principalement d'élargissements de routes existantes, de déviations ou d'achèvement de rocades.

Autre point de satisfaction, les crédits de l'AFITF augmentent, du moins sur le papier : nous en avons débattu sur les transports terrestres, il faut que les 400 millions de l'écotaxe poids lourds soient au rendez-vous pour que la hausse soit effective.

M. Gérard Cornu . - C'est bien le problème !

M. Ronan Dantec , rapporteur pour avis. - Nous y serons tout aussi vigilants que vous et je n'oublie pas que, comme vous l'avez dit, le produit de la taxe pourrait être minoré par les reports de trafic sur les autoroutes, ce qui était l'un des objectifs de l'écotaxe poids lourds évoqué lors du Grenelle. Ces reports vont accroître les revenus des sociétés d'autoroute, ce qui rend légitime d'en récupérer une partie. Frédéric Cuvillier a annoncé une augmentation de la redevance domaniale de 200 millions d'euros, cela ne représentera qu'une faible ponction sur les bénéfices des autoroutes. Ces moyens supplémentaires devront être alloués aux alternatives à la route, en particulier aux trains d'équilibre du territoire (TET).

Les sociétés concessionnaires, privatisées en 2005 pour 15 milliards d'euros, ont dégagé l'an passé un résultat net cumulé de 1,94 milliard d'euros. Un tel rendement dans les infrastructures de transports à si brève échéance, c'est plutôt rare ! Cette privatisation n'est-elle pas devenue si profitable qu'on puisse légitimement y voir une forme de captation de l'investissement public d'hier, voire d'aujourd'hui ?

Quoi qu'il en soit, nous devons être vigilants lorsque les sociétés concessionnaires proposent de prolonger la durée de leur concession en échange de travaux pour améliorer le service, pour respecter certaines normes environnementales, ou encore en échange de nouveaux segments et « petits bouts manquants » de voies, ce que le Conseil d'Etat a accepté dans le principe. Ces propositions sont habiles : l'Etat manque de moyens, les sociétés d'autoroutes en ont beaucoup, pourquoi ne pas prolonger un peu la bonne affaire, quitte à y consacrer une partie des bénéfices : c'est de la bonne gestion d'une affaire bien rentable... Est-ce dans l'intérêt général ? Je ne le pense pas, et je préfèrerais voir les autoroutes revenir dans le giron public, puisqu'elles sont une véritable « manne ». Comment en débattrons-nous ? Des questions se posent pour le transfert de nouveaux segments de routes à des sociétés concessionnaires, où l'intérêt pour la collectivité ne va pas de soi - je pense en particulier à l'A63 (ex RN 10)  au sud de Bordeaux, à la RN 154 Orléans-Dreux, ou encore à la route centre Europe Atlantique (RCEA) entre Moulins et Mâcon. Je serai très attentif sur ce point.

Deuxième sujet : la sélection des projets d'infrastructures, et plus largement les choix qui président à l'allocation des ressources.

Le Grenelle de l'environnement a largement débattu des critères devant présider au choix d'infrastructures et à l'allocation des ressources publiques. La loi « Grenelle I » a énoncé et hiérarchisé six critères tenant aux émissions de gaz à effet de serre, aux perspectives de saturation et à la sécurité, à la performance environnementale, à l'accessibilité multimodale, au développement économique, à l'aménagement des territoires et enfin à l'accessibilité des personnes à mobilité réduite. Cette nouvelle « ligne » préside-t-elle à la sélection des projets, à la répartition des ressources dont nous disposons ? A ma grande surprise, j'ai constaté que les nouveaux critères n'étaient pas véritablement intégrés. Pour instruire les dossiers, l'administration utilise toujours une instruction cadre de 2004, rédigée pour prendre en compte le rapport « Boiteux II » de 2001 ! Cette lenteur est décalée avec l'agenda politique du Grenelle et la demande sociale. L'administration m'a répondu que les services travaillaient à une « actualisation » de cette instruction, sans plus de précision. Le risque, c'est que cette grille de critères économiques, sociaux et environnementaux, ajustée au Grenelle de l'environnement, ne soit pas disponible pour la commission « Mobilité 21 », dont la commande politique est précisément de hiérarchiser les projets.

Je n'ai pas l'illusion qu'une grille parfaite existe, je sais bien qu'il faut toujours tenir compte de facteurs particuliers d'aménagement du territoire. Mais nous sommes en retard sur la stratégie d'ensemble et le défaut d'analyse ne peut que faire perdurer le choix « au doigt mouillé »... L'existence même de l'AFITF sanctuarise des crédits pour les infrastructures, c'est indispensable à la visibilité des investissements, mais nous devons y ajouter davantage d'analyse, pour préciser notre stratégie et mieux arbitrer entre les projets.

Voyez le 44 tonnes, exemple même où la stratégie d'ensemble n'est pas claire. On finance le report modal, mais on va autoriser les poids lourds de 44 tonnes sur 5 essieux à circuler sur nos routes jusqu'en 2019 : qu'est-ce qui aura le plus d'impact ? On aide les autoroutes ferroviaires mais des 44 tonnes vont traverser notre territoire du nord au sud : quel sera le bilan croisé de ces deux mesures, pour le report modal ? Et pour l'état de nos routes ? Ne risque-t-on pas que les 44 tonnes dégradent nos routes bien davantage qu'on ne pourra les réparer grâce aux moyens supplémentaires que nous consacrons aux « grosses réparations » ? Je ne fais que poser les questions, mais pour constater que ces calculs ne sont pas faits, faute d'une vision globale.

Le « bleu » budgétaire n'hésite pas à souligner l'« orientation résolument intermodale » de ce budget : est-ce véritablement le cas ? Pour le savoir, il faudrait comparer l'ensemble des mesures : les investissements, les actions spécifiques, bien sûr, mais aussi les actions incitatives et l'ensemble des normes qui ont une incidence sur l'usage des infrastructures. Je partage l'opinion exprimée par Rémy Pointereau sur les transports terrestres : les infrastructures de transports sont des équipements si utiles qu'on ne peut pas les regarder seulement en termes de dette, il faut considérer leur utilité très largement, bien au-delà de leur rentabilité à court terme.

Des changements d'ordre normatif peuvent modifier les conditions de rentabilité de grandes infrastructures. Je pense aux autoroutes ferroviaires, par exemple celle entre le Luxembourg et l'Espagne. Dès lors qu'une telle infrastructure existe, ne faut-il pas interdire ou rendre plus contraignante la traversée de notre territoire par la route sur le même parcours ? La contrainte n'est-elle pas un moyen d'accélérer la mise en place des infrastructures que nous voulons, en sécurisant les recettes à venir  ? Ici encore, je n'ai pas les réponses, mais je regrette que l'analyse présentée par l'Etat ne soit pas plus globale, qu'elle ne permette pas suffisamment de comparer ce qui se passe sur plusieurs plans, pour que nous puissions apprécier l'effet conjoint des investissements et des normes. C'est un débat important dans le cadre du SNIT, autant s'y préparer !

Autre sujet, qui mérite un chapitre à lui seul : le bonus-malus écologique automobile. L'Etat y a mis beaucoup de moyens : 1,45 milliard d'euros en quatre ans, à quoi s'ajoutent les 800 millions de la prime à la casse entre 2009 et 2010. Plus de deux milliards, pour quels résultats ? Le taux d'émission de CO2 des véhicules neufs vendus sur notre territoire a beaucoup baissé. Mais la baisse est générale en Europe, y compris dans les pays qui n'ont pas de bonus-malus écologique. La comparaison des courbes montre que nous sommes allés un peu plus vite que d'autres pays, mais est-ce que cela valait les deux milliards d'euros d'argent public que nous y avons mis ? Ici encore, j'ai été surpris d'une très grande faiblesse du « bleu » budgétaire, pour constater ensuite, lors des auditions, que l'Etat manque d'évaluation précise du dispositif : les effets sont mesurés dans leur grande masse, avec une marge d'incertitude sur les causes, mais pas du tout à l'échelle micro, celle de la décision d'achat et de l'influence effective sur le comportement de l'acheteur. A partir de quel niveau un bonus est-il efficace ? L'Etat ne peut pas le dire, parce qu'il manque de sondages qualitatifs précis sur la question.

Ensuite, le bonus-malus est-il utile à l'industrie automobile française ?

M. Gérard Cornu . - Non !

M. Ronan Dantec , rapporteur pour avis. - Effectivement, on peut en douter ! Le mécanisme devrait inciter les constructeurs à produire des véhicules peu polluants. Mais nos constructeurs automobiles sont en retard, ce qui fait préférer des véhicules plus « propres » mais importés. Le bonus-malus, dans son calibrage, est-il adapté aux gammes de véhicules de nos constructeurs ? Et surtout peut-il les inciter à faire évoluer leur gamme vers des véhicules plus propres ? Nous ne le savons pas bien, ici encore faute d'analyse précise.

Finalement, je dois constater que nous n'avons pas une vision assez fine de cet outil auquel nous consacrons beaucoup de moyens. Je le déplore, parce que c'est seulement avec une idée précise du bon réglage et des effets, qu'on pourrait envisager des alternatives. Pour atténuer la pollution, par exemple, ne faudrait-il pas, au-delà des véhicules neufs, ouvrir le bonus aux véhicules d'occasion récents les moins polluants ? Ne doit-on pas différencier le mécanisme pour les véhicules diesel, sachant qu'ils polluent davantage l'atmosphère, du moins jusqu'à la norme Euro VI ? Pour le savoir, il faudrait disposer d'analyses bien plus précises.

Ces remarques valent pour bien d'autres mécanismes incitatifs, en particulier pour les tarifs autoroutiers, où la directive Eurovignette 3 permet d'aller bien plus loin qu'aujourd'hui dans la modulation en fonction de critères environnementaux. Même chose pour l'écotaxe poids lourds : faut-il, comme l'ont fait les Allemands, aider les routiers à moderniser leur flotte en y consacrant une partie des fonds collectés par l'écotaxe ?

Vous avez compris mon message : ce budget va dans le bon sens, je vous invite à lui donner un avis favorable ; cependant, nous devons aller bien plus loin dans l'analyse de notre action, pour lui donner plus d'efficacité - et nous devons le faire sans tarder puisque nous allons redéfinir le SNIT !

M. Rémy Pointereau . - Je félicite le rapporteur et me réjouis de l'entendre défendre si bien les routes et les autoroutes, qu'il va jusqu'à qualifier de « manne » ! Ceci dit, notre débat d'aujourd'hui a tant de points communs avec celui sur les transports terrestres, qu'on aurait probablement mieux fait de les tenir le même jour.

Je crois que nous avons encore beaucoup à faire pour mieux relier les chefs-lieux de nos départements aux chefs-lieux de région.

Ensuite, sur le fret ferroviaire, il faut tenir compte de la distance et du produit transporté : ce n'est qu'à partir d'environ 700 kilomètres que le fret ferroviaire est efficace et c'est bien plus vrai pour des produits comme les céréales, faciles à transporter par rail, que pour d'autres marchandises. Or, quand vous regardez comment les choses se passent dans la réalité, vous constatez que beaucoup de fret se fait sur de petites distances, dans de petites zones de chalandise.

M. Gérard Cornu . - Effectivement, il est dommage d'avoir séparé les deux débats entre les transports routiers et terrestres, tant ils se recoupent.

Monsieur le rapporteur, tout le monde est d'accord pour renforcer le fret ferroviaire, nous le disons tous ! Cependant, je vous invite à regarder aussi du côté de la performance de nos entreprises de fret ; car si vous ne faites qu'aménager de nouvelles infrastructures sans que nos entreprises améliorent leur compétitivité, vous ne ferez qu'ouvrir un boulevard à la concurrence étrangère !

Nous avons créé le bonus-malus, j'étais circonspect dès le départ sur les arbitrages et je m'en étais ouvert au ministre de l'époque. L'idée est bonne, mais son efficacité dépend de nombreux facteurs. D'abord, le mécanisme devait être équilibré, entre le bonus et le malus. Or, les consommateurs sont allés du côté du bonus, c'est bien normal et c'est ce qu'il fallait mieux prévoir, comme j'en avais averti le ministre : les consommateurs adaptent leur comportement, c'est logique. Le mécanisme a donc été déséquilibré, depuis le début. Le Gouvernement actuel le renforce, mais je doute sérieusement que le bonus-malus s'équilibre enfin ! C'est la même chose pour l'écotaxe poids lourds : les routiers vont s'adapter et les recettes seront moindres que prévues.

Ensuite, je crois que le bonus-malus peut faire du mal à notre industrie automobile. A force de « malusser » les voitures puissantes, en particulier les voitures françaises, on décourage leur achat, avec tous les dégâts que cela entraîne pour nos constructeurs ! Pour avoir travaillé longtemps dans le secteur, je sais qu'il faut être très prudent avec les ventes d'automobiles, je sais aussi que des usines importantes sont en très grand danger. On peut se voiler la face, mais si des usines ferment parce que vous découragez l'achat des voitures qu'elles produisent, ne venez pas pleurer ensuite ! Je partage donc vos interrogations, Monsieur le rapporteur : il ne faut pas aller trop loin avec le bonus-malus, ou bien on peut faire le plus grand mal à nos constructeurs automobiles !

M. Ronan Dantec , rapporteur pour avis. - Je n'ai pas dit cela !

M. Francis Grignon . - Vous prônez une approche globale, qui pourrait être contre ? Mais c'est bien plus compliqué que vous ne le supposez. Pour le fret, nous en débattons régulièrement au sein du conseil d'administration de la SNCF : les facteurs à prendre en compte sont si nombreux, que l'équation en devient aléatoire. Il y a la conjoncture : avec la crise économique, le fret ferroviaire a baissé partout, c'est un fait. Il y a la géographie et en particulier la localisation des industries : en Allemagne, elle est bien mieux répartie sur le territoire que chez nous, cela simplifie les choses et c'est ce qui, pour partie, a rendu possible le magnifique hub ferroviaire de Duisbourg, que nous ne reproduirons jamais en France ! Il y a encore les infrastructures existantes, le matériel roulant, les sillons, et bien sûr les distances opérées par le fret dans la réalité : en France, 70% du fret se fait sur moins de 30 kilomètres, vous devez en tenir compte ! Alors dans ce contexte, c'est vrai que nous ne savons pas mesurer l'effet global d'une mesure telle que l'autorisation du 44 tonnes.

Merci donc pour votre appel à plus de globalité, mais c'est bien ce que nous nous efforçons tous de faire depuis le Grenelle de l'environnement...

M. Jean-Jacques Filleul . - Votre propos était très intéressant, monsieur le rapporteur, c'est vrai que nous manquons de vision globale, que c'est un mal bien français dont nous souffrons depuis fort longtemps. Nous en sommes conscients et nous en parlons pour le fret ferroviaire, mais parce que la situation y est devenue catastrophique. Trop longtemps, on a laissé la SNCF décider seule, comme si c'était elle le véritable ministère des transports. Même chose pour les routes : trop de décisions ont été prises en dehors de toute considération pour l'économie dans son ensemble.

Je veux signaler un problème qui s'aggrave d'année en année : les collectivités locales, singulièrement les petites, n'ont plus les moyens d'entretenir leurs routes. Dans mon département, des maires me disent qu'ils vont devoir abandonner certaines voies, faute de pouvoir les entretenir : quel recul ! Nous devons trouver des solutions avant qu'il ne soit trop tard. Cela suppose des innovations de la part des entreprises de travaux publics, qui doivent s'adapter au contexte. Mais il faut également mieux répartir les moyens : les petites routes subissent les poids lourds, pourquoi ne pas réserver à leur entretien une partie de l'écotaxe poids lourds ? Ne peut-on pas imaginer un fonds de péréquation dédié, pour aider à intervenir là où c'est nécessaire ? Le passage des 44 tonnes aura des effets sur l'ensemble du réseau, même si l'on ne sait pas dire exactement lesquels ni où - mais nous devons nous tenir prêts, en particulier pour aider les communes et les départements, qui n'ont déjà plus les moyens d'entretenir correctement leur réseau !

Je vous rejoins également pour dire que nous avons besoin d'autoroutes ferroviaires : sans elles, il est inutile d'espérer un véritable report modal. Cependant, sur certains parcours, les voies actuelles sont déjà saturées, les sillons disponibles y sont si rares qu'on en refuse déjà aux TER : il est illusoire de penser y faire passer une autoroute ferroviaire ! Ce qui manque donc pour le ferroutage et pour le fret ferroviaire en général, c'est une véritable ambition de l'Etat, pour prendre ce problème à bras-le-corps.

M. Michel Teston . - Ce budget préserve l'essentiel et il va dans le bon sens. Alors que Lionel Jospin et même Jean-Pierre Raffarin avaient refusé de vendre les autoroutes, Dominique de Villepin a commis ce que je n'hésite pas à qualifier de faute politique majeure : celle de privatiser les autoroutes, au vil prix de 15 milliards d'euros dont 4 seulement sont allés au financement des infrastructures via l'AFITF, alors que la rente autoroutière était estimée à 32 milliards à l'horizon 2030 ! C'est cet argent qui nous manque aujourd'hui pour régénérer et développer nos réseaux : nous en sommes à rechercher des moyens de tous les côtés, alors qu'il nous faut de grandes ambitions ! L'écotaxe poids lourds est une très bonne mesure, dont nous espérons bien qu'elle rapportera ce qu'on en attend. Nous serons très attentifs à son utilisation, car c'est bien aux infrastructures de transports qu'elle doit servir, c'est bien en priorité au report modal que l'AFITF devra l'employer.

M. Alain Le Vern . - Une taxe est utile si elle est vertueuse : avec le bonus-malus, ce que l'on voit d'abord, c'est que la consommation moyenne des voitures a diminué par deux en dix ans ! L'écotaxe poids lourds produit des effets avant même d'être entrée en vigueur : dans ma région, un motoriste lance un programme de recherche pour améliorer les performances de ses moteurs, en prévision de l'écotaxe.

Le véhicule électrique représente également un enjeu important dont il faut parler : comment équipe-t-on les routes pour que le « plein électrique » y devienne facile ?

M. Robert Navarro . - Nous nous répétons d'année en année en déplorant le recul du fret ferroviaire et les difficultés du report modal. Il n'y a en fait que deux moyens pour progresser : le cabotage maritime et le ferroviaire. Tant que les armateurs et les chargeurs ne trouveront pas d'intérêt à passer par nos ports, le trafic continuera à se faire par le Nord de l'Europe, y compris pour les marchandises à destination du sud de la France ! Nous avons besoin d'un effort continu pour améliorer l'attractivité de nos ports, ou bien nous perdons notre temps. Même chose pour le fret ferroviaire : la difficulté ne vient pas de ce que les deux-tiers du fret se font à courte distance, nous le savons bien, mais de ce que la SNCF a baissé les bras ! Il faut en faire beaucoup plus pour inciter les chargeurs à remettre les camions sur les trains, voilà la vérité ! C'est toute l'économie des transports qu'il nous faut changer...

M. Jean-François Mayet . - Effectivement, le fret dépend directement des ports maritimes, qui sont à la base de toute la chaîne logistique. Je connais une entreprise qui a dû fermer à Châteauroux parce que sa logistique n'avait pas d'autre solution que Rotterdam, voilà où l'on en est dans notre pays !

Le fret ferroviaire n'est pas attractif parce qu'il est trop cher, c'est aussi simple que cela. Mais ne pensez pas que vous changerez les choses en le rendant obligatoire : nous n'avons pas les infrastructures ! Des calculs ont été faits pour l'axe Lille-Marseille : si l'on devait mettre tous les camions sur des trains, le trafic serait quasiment ininterrompu, ce qui est parfaitement impossible en l'état actuel de nos infrastructures... Avant d'envisager la moindre obligation, il nous faut d'abord plus de sillons, voire des lignes dédiées : nous en sommes très loin. Cela dit, nous avons également bien des progrès à faire en matière de compétitivité, car si nous devions ouvrir demain matin les infrastructures dont nous rêvons, ce serait quasiment au seul bénéfice de la concurrence étrangère !

Mme Odette Herviaux . - Je remercie le rapporteur pour la qualité de son analyse. Nous savons bien que l'intermodalité dépend de facteurs nombreux et qu'elle est complexe à promouvoir. C'est ce que nous avions constaté par exemple à Hambourg, dans notre mission sur les ports maritimes : si les quatre cinquièmes du fret y transitent par le rail, c'est bien sûr parce que ce port hanséatique dispose d'une vaste plateforme multimodale, mais aussi parce que le fret ferroviaire bénéficie en Allemagne d'une organisation d'ensemble qui le rend plus régulier, plus sûr et moins cher que le transport routier !

Je m'interroge sur l'utilisation que vous suggérez de normes contraignantes en matière de ferroutage : d'autres pays européens ont-ils adopté de telles règles ?

M. Yves Chastan . - Il y a déjà bien longtemps que nous demandons plus d'analyse et de vision d'ensemble sur les transports, c'est bien sûr nécessaire à la cohérence des politiques publiques.

Je rejoins Rémy Pointereau : nous avons des progrès à faire sur les liaisons au chef lieu du département ! Dans certains cas, les problèmes sont insolubles : comment fait-on dans un département comme l'Ardèche, qui n'a plus qu'une route nationale au sud du département, qui n'a quasiment plus de train et où le chef-lieu n'est plus relié au réseau routier national ? Notre réseau routier a été déclassé, nous en avons la charge, alors qu'à l'évidence il sert de délestage au réseau national de la vallée du Rhône : est-il bien normal que l'Etat se soit désengagé à ce point ? L'Ardèche démontre également qu'il y a des départements où le désenclavement passe nécessairement et principalement par la route.

M. Henri Tandonnet . - Le bonus malus mobilise effectivement beaucoup de moyens alors qu'on s'en remet pour une grande partie aux aléas de la consommation : ne serait-il pas plus utile, avec le même argent public, de cibler plutôt les investissements ?

J'espère, ensuite, que l'aménagement du territoire figurera parmi les tout premiers critères du SNIT. Si le critère de la population l'emporte et si les métropoles captent tous les investissements, nos territoires ruraux continueront de s'appauvrir, sans perspective...

M. Raymond Vall , président . - Je m'associe à ces propos : effectivement, l'aménagement du territoire doit être prioritaire dans le SNIT, ou bien nous manquons à tous nos devoirs. L'Etat se désengage des routes : il n'a plus que 9 000 kilomètres de routes nationales à entretenir et laisse tout le reste du réseau non autoroutier aux collectivités locales ! Dans certains cas, la route principale du département n'est même plus dans le réseau national : le département est censé l'entretenir, mais il n'en a pas les moyens et la région a trop d'engagements ailleurs pour l'y aider. Dans ces conditions, quel scandale de voir l'Etat refuser de s'engager davantage dans le plan de modernisation des itinéraires routiers (PDMI) !

Devant notre commission, le président de la SNCF s'est engagé à ne plus démonter de lignes, c'est une bonne chose ! Mais il faut aller plus loin, car des lignes qui ne sont quasiment plus utilisées sont parfois les seuls axes possibles pour développer le fret : il ne faut pas les démonter, mais bien les conforter, ne serait-ce que pour préserver l'avenir. Nous avons un choix historique devant nous : ou bien on maintient a minima le réseau existant, ce qui suppose de l'entretenir, ou bien on laisse mourir une partie du territoire national, c'est bien de cela qu'il s'agit. Nous avons saisi l'Etat sur les PDMI, il ne faut rien lâcher, c'est bien notre rôle à la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire !

M. Ronan Dantec , rapporteur pour avis. - Je vous remercie les uns et les autres pour vos propos amènes, mais je tiens à vous rassurer : je reste pleinement écologiste et c'est en écologiste que je vous parle des routes ! C'est bien pourquoi j'ai insisté sur le report modal : ce budget en fait un maître-mot et mon objectif, c'est d'aller plus loin !

Je vous rejoins tout à fait, monsieur le Président, sur les enjeux d'aménagement du territoire : ils sont au coeur même du débat sur la mobilité. Nous avons effectivement un choix historique à faire et c'est bien toute la question du SNIT : comment passer d'un catalogue, à une stratégie ? Je ne vous ai pas dit autre chose : je constate que l'Etat manque de vision globale, alors que nous en avons le plus grand besoin pour définir la stratégie, alors que le débat sur le SNIT est en cours !

Madame Herviaux, les Suisses ont interdit aux poids lourds le transit dans les vallées alpines : les camions doivent monter sur les trains, c'est une obligation et c'est un exemple ; d'autres innovations réglementaires sont également possibles, il faut en débattre.

Je suis en désaccord avec M. Cornu sur le bonus-malus : la question n'est pas que le malus soit trop fort sur les voitures les plus polluantes que des constructeurs continuent de fabriquer, alors que c'est une impasse à moyen terme. Le problème, c'est que l'absence de vision stratégique nous empêche, avec cet outil, d'accompagner la nécessaire mutation environnementale de notre production automobile. Si nos constructeurs vendent moins de véhicules, c'est parce que leur gamme n'est peut-être pas assez compétitive sur les véhicules les moins polluants. Soit on nie cette réalité et les choses ne vont faire qu'empirer, soit on la reconnaît, et on aide alors nos constructeurs dans leur mutation environnementale, en réglant en particulier le problème du diesel. Cela dit, je suis d'accord pour dire que le bonus-malus devrait être à l'équilibre, il en serait plus efficace pour aider les changements. Vous l'avez donc compris : je ne renie rien de mon engagement écologiste !

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits « transports routiers » de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » du projet de loi de finances pour 2013.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mardi 13 novembre 2012

- Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer ( DGITM) : M. Daniel Bursaux , directeur général ; M. Christophe Saintillan , directeur des infrastructures de transport ; Mme Christine Bouchet , chef de service de l'administration générale et de la stratégie ; Mme Anne Debar , sous-directrice des transports routiers ; Mme Donatienne Brillant , directrice de cabinet du directeur général.

- Direction générale de l'énergie et du climat ( DGEC) : M. Pascal Dupuis , chef du service « Climat et efficacité énergétique » et M. Romain Cailleton, adjoint au chef de service.

Mercredi 14 novembre 2012

- Agence de financement des infrastructures de transports de France ( AFITF) : M. Philippe Duron , président ;

- France nature environnement : MM. Gérard Allard , membre du directoire « Transports et mobilités durables » et Jean-Baptiste Poncelet , chargé de mission.

ANNEXE : DONNÉES CHIFFRÉES

1. Recettes et dépenses de l'AFITF

RECETTES DE L'AFITF

Source : AFITF

DEPENSES DE L'AFITF

2. La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

RECETTES DE LA TICPE SUR LES DEUX PRINCIPAUX CARBURANTS

(Tous véhicules, voitures particulières comprises)

(en milliards d'euros)

2007

2008

2009

2010

2011

Supercarburants

8,248

7,888

7,476

7,285

6,904

Gazole

16,537

16,186

16,064

16,621

17,113

Total brut*

24,785

24,074

23,540

23,906

24,017

* Sans prise en compte des différents remboursements partiels de TICPE effectués.

Source : estimations à partir des données du SOeS relative au bilan de la circulation en 2011

3. Taxe sur les certificats d'immatriculation (« cartes grises »)

RECETTES DE LA TAXE SUR LES CERTIFICATS D'IMMATRICULATION

(en milliards d'euros, toutes régions et tous véhicules)

2007

2008

2009

2010

2011

1,939

1,968

1,917

1,919

2,076

Source :SOeS, les comptes des transports en 2011

4. Amendes forfaitaires de la police et de la circulation

AMENDES FORFAITAIRES DE LA POLICE DE LA CIRCULATION

en milliard d'euros

2007

2008

2009

2010

2011

État et collectivités locales

0,573

0,613

0,598

0,621

0,362

AFITF (depuis 2005)

0,100

0,123

0,115

0.126

0,177

Total

0,673

0,736

0,711

0.747

0,539

Source : SOes, les comptes des transports en 2011

5. Taxe à l'essieu

RECETTES DE LA TAXE À L'ESSIEU

(en milliards d'euros)

2007

2008

2009

2010

2011

0,222

0,226

0,172

0,168

0,170

Source : DGDDI

6. Recettes des péages

RECETTES DES PEAGES

(en milliards d'euros)

2007

2008

2009

2010

2011

Recettes totales d'exploitation

du réseau autoroutier

7,159

7,274

7,514

7,839

8,186

dont recettes liées à la circulation des véhicules lourds

2,379

2,482

2,336

2,492

2,601

Source : ASFA

7. Taux kilométrique moyen des péages

Taux kilométrique moyen (TKM) en cts € TTC de péage applicable aux véhicules de classe 1

TKM contractuel (en centimes TTC) depuis 2007, après la hausse annuelle - Véhicules de classe 1

2007

2008

2009

2010

2011

2012

ASF

7,24

7,43

7,65

7,72

7,90

8,08

ESCOTA

9,28

9,51

9,81

9,90

10,14

10,34

APRR

6,63

6,79

6,92

6,96

7,11

7,30

AREA

9,16

9,33

9,60

9,65

9,82

10,07

Sanef

6,81

7,03

7,18

7,18

7,35

7,52

SAPN

7,15

7,48

7,73

7,73

7,92

8,16

ATMB (hors tunnel du Mont-Blanc)

9,82

10,00

10,23

10,27

10,34

10,85

SFTRF (hors tunnel du Fréjus)

10,82

11,02

11,31

11,38

11,66

12,09

Cofiroute

7,92

8,07

8,28

8,31

8,50

8,72

Alis

9,07

9,57

10,17

10,49

10,98

11,53

TKM moyen contractuel du 1 er février de l'année « n » au 1 er février de l'année « n+1 » (en centimes TTC) depuis 2007

Véhicules de classe 1

2007

2008

2009

2010

2011

2012

7,47

7,65

7,88

7,93

8,08

8,29

8. Résultats des sociétés concessionnaires pour les exercices 2010 et 2011

Résultat net en millions d'euros

2010

2011

Groupe ASF (comptes consolidés)

735,1

790,2

ASF : Autoroutes du Sud de la France (comptes sociaux)

718,2

914,0

ESCOTA : Estérel, Côte d'Azur (comptes sociaux)

179,9

184,8

Groupe APRR (comptes consolidés)

418,9

395,4

APRR : Autoroutes Paris - Rhin - Rhône (comptes sociaux)

441,2

321,4

AREA : Autoroutes Rhône-Alpes (comptes sociaux)

129,1

126,6

Groupe Sanef (comptes consolidés)

283,1

281,9

Sanef (comptes sociaux)

280,0

197,8

SAPN : Société des Autoroutes Paris - Normandie (comptes sociaux)

37,6

29,7

ATMB : Autoroutes et Tunnel du Mont-Blanc (comptes sociaux)

38,8

44,8

SFTRF : Société Française du Tunnel Routier du Fréjus (comptes sociaux)

-58,2

232,1

Cofiroute : Compagnie Financière et Industrielle des Autoroutes (comptes sociaux)

315,5

290,4

ALIS : Autoroute de liaison Seine - Sarthe (comptes sociaux)

-20,9

-21,6

CEVM : Compagnie Eiffage du Viaduc de Millau (comptes sociaux)

11,1

10,8

ARCOUR : A 19 ARtenay - Courtenay (comptes sociaux)

-16,7

-15,5

ADELAC : A 41 Autoroute des lacs (comptes sociaux)

-28,8

-21,7

A'liénor : A 65 (comptes sociaux)

-0,6

-34,6

Alicorne : A88 (comptes sociaux)

-3,5

-13,4

TOTAL SECTORIEL

1673,8

1938,8

Source : comptes des sociétés


* 1 Voir le « bleu » budgétaire p.26.

* 2 L'enquête « image qualité des chaussées du réseau routier national » (IQRN), qui existe depuis dix ans, examine l'état de la route pour environ un tiers du réseau chaque année et classe les routes selon un « catalogue de désordres ». La démarche est la même pour les ouvrages d'art, avec l'enquête « image qualité des ouvrages d'art du réseau routier national » (IQOA).

* 3 La directive n° 2006-22 du 16 mars 2006 a prévu, notamment, qu'au moins 3 % des jours travaillés par chaque camionneur devraient être contrôlés ; cette obligation de contrôle a fait sensiblement augmenter les contrôles et, manifestement, baisser le nombre d'infractions.

* 4 Loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs.

* 5 Article 14 de la LOTI dans sa rédaction initiale.

* 6 « Transports : choix des investissements et coût des nuisances ». Marcel Boiteux. Commissariat général au plan, juin 2001. Ce rapport fait suite à celui de 1994 : « Transports : pour un meilleur choix des investissements ».

* 7 En 2010, cette tranche neutre était comprise entre 125 et 155 g CO 2 /km ; en 2011, entre 110 et 150 g CO 2 /km ; en 2012, entre 105 et 140 g CO 2 /km ; l'an prochain, ce PLF laisse inchangé le seuil du bonus (à 105 g CO 2 /km) et diminue légèrement celui du malus (à 135 g CO 2 /km).

* 8 Le déficit atteint 214 millions d'euros en 2008 (439,37 millions de dépenses pour 225 millions de recettes), 522,3 millions en 2009 (724,56 millions de dépenses pour 202,25 millions de recettes), 516,8 millions en 2010 (707,22 millions de dépenses pour 190,39 millions de recettes) et 198,5 millions en 2011 (396,32 millions de dépenses pour 197,85 millions de recettes).

* 9 « Une évaluation du bonus malus automobile écologique » CGDD, mai 2010.

* 10 Les immatriculations de véhicules équipés de motorisations alternatives : un développement soutenu par la prime à la casse et le bonus écologique, octobre 2012.

* 11 Directive 1999/62/CE du 17 juin 1999 relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures, modifiée par la directive 2006/38/CE du 17 mai 2006 (Eurovignette II) puis par la directive 2011/CE du 12 septembre 2011 (Eurovignette III).

* 12 Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement.

* 13 Le décret n° 2008-411 du 29 avril 2008 fixe ce plafond à 13 % alors qu'elles pouvaient atteindre jusqu'à 30 % dans le réseau français.

* 14 La décentralisation routière est ancienne : en 1977, 55 000 kilomètres de routes nationales secondaires avaient déjà été confiées aux départements.

* 15 Voir « Le bilan de la décentralisation routière ». Cour des comptes, 2012.

* 16 D'après la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), l'addition de la TICPE et de la TVA représentaient en 2010 plus de 60% du prix de l'essence (61,4% pour le sans plomb 95 et 60,3% pour le sans plomb 98) et 53,7% pour le gazole. En 2004, elle dépassait 70% pour l'essence et 60% pour le gazole. Sur les 24,01 milliards de TICPE, 14,2 milliards sont revenus à l'Etat, 6 milliards aux départements et près de 4 milliards aux régions.

* 17 Les moteurs fonctionnant au gazole ont une consommation inférieure à celle des moteurs à essence et, de plus, la fiscalité applicable au gazole est incitative. En 2011, la diésélisation du parc des véhicules utilitaires légers (VUL) se poursuit (+ 2,9 %) tandis que le parc des VUL essence connaît une baisse de 14,5 %. Aujourd'hui, le parc des VUL essence représente à peine 9 % du parc total des VUL. Cette situation se traduit par une diminution de la consommation de supercarburant en 2011 par rapport à 2010 (-16,6% d'après les données du SOeS) et, en contrepartie, par un accroissement de la consommation de gazole des véhicules légers (+ 2,2 %).

* 18 Directive 2003/96/CE du 27 octobre 2003.

* 19 Toutes les régions métropolitaines ont utilisé ces deux options, à l'exception de la Corse et de Poitou-Charentes (Rhône-Alpes, de son côté, n'a utilisé que la première modulation). L'écart entre régions atteint ainsi un maximum de 2,30 €/hl pour le gazole et de 3,54 €/hl pour le super.

* 20 La part affectée à l'AFITF augmente de 40,4 % pour se maintenir à 177 millions d'euros.

* 21 En outre, quelques milliers de véhicules spécialisés de travaux publics et industriels (essentiellement des grues automotrices) ont été exonérés de la taxe à l'essieu pour la période du 9 juillet 2006 au 31 décembre 2009. Par le décret n° 2010-554 du 26 mai 2010, cette exonération a été prorogée jusqu'au 31 décembre 2014, avec l'accord de la Commission européenne.

* 22 L'avis du Conseil d'État le 16 septembre 1999 a conclu que les règles applicables à l'attribution des concessions faisaient obstacle à ce que la réalisation d'une nouvelle section d'autoroute soit confiée à une société dont l'offre prévoit que l'équilibre financier de l'opération sera assuré par la prolongation de la durée d'une concession en cours concernant un autre ouvrage. Le Conseil d'État a cependant admis que, dans la mesure où le tronçon supplémentaire à réaliser est lié à une autoroute déjà concédée par sa situation géographique et ses conditions d'exploitation et où son intégration à la concession existante n'est pas de nature à en bouleverser l'économie, cette éventualité peut être envisagée sous le contrôle du juge.

* 23 La BEI participe activement au financement de projets d'infrastructures de transports dans l'Union. En France, elle a notamment accordé des prêts à la LGV Bretagne-Pays-de-la-Loire (300 millions d'euros), à des lignes de transports collectif du Grand Lyon (220 millions d'euro), ainsi qu'au tramway du Grand Besançon (70 millions d'euros).

* 24 La compétence européenne est issue de l'article 170 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui dispose que l'Union « contribue à l'établissement et au développement de réseaux transeuropéens dans les secteurs des infrastructures du transport, des télécommunications et de l'énergie ».

* 25 Le projet de règlement du MIE inscrit (article 5) une enveloppe de 50 milliards d'euros pour 2014-2020, dont 31,694 milliards pour les transports (10 milliards sont fléchés depuis le Fonds de cohésion), 9,121 milliards pour l'énergie et 9,185 milliards pour les télécommunications .

* 26 En 1994, le Conseil européen d'Essen identifie 14 grands projets prioritaires au regard des subventions communautaires et qui sont annexés à un premier règlement d'orientations ; Pour la France quatre lignes ferroviaires à grande vitesse : la ligne Paris-Bruxelles-Cologne-Amsterdam-Londres, très largement réalisée ; la ligne Sud Europe Madrid-Montpellier, partiellement réalisée ; la ligne Est Europe Paris-Karlsruhe, très largement achevée pour la partie française ; la ligne Lyon-Turin, en cours d'étude. En 2004, à la suite du Livre blanc sur les transports et dans la perspective de l'élargissement, le Parlement européen et le Conseil adoptent une nouvelle décision : 30 projets nouveaux y figurent, établis à l'échelle des Vingt-Sept et déclarés d'intérêt européen pour une réalisation en 2020.

* 27 L'objectif explicite est que ces emprunts obligataires passent d'une note B/B+ à une note A/A

* 28 Règlement (CE) n° 680/2007 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2007 déterminant les règles générales pour l'octroi d'un concours financier communautaire dans le domaine des réseaux transeuropéens.

* 29 Source : Ministère des transports. Ces chiffres, cependant, sont provisoires, les crédits pour 2007-2013 n'ayant pas été intégralement engagés - et il s'agit de décisions de financement, pas de crédits payés.

* 30 Signé le 16 juin 2011 par RFF et un consortium conduit par Vinci, le projet, de 7,8 milliards d'euros (le plus grand PPP jamais signé en France) couvre le financement, le design, la construction, la mise en route et la maintenance de la LGV Tours-Bordeaux. La BEI y participe pour 1,2 milliard d'euros, dont 200 millions au titre du LGTT, ce qui en fait la plus importante opération LGTT à ce jour.

* 31 2,55 %, s'agissant de la LGV Tours-Bordeaux, dont le coût total est évalué à 7,86 milliards d'euros.

* 32 Loan Guarantee Instrument for TEN-T projects - Mid-term Review, Banque européenne d'investissement, juillet 2011.

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