B. LES PROPOSITIONS DU DÉFENSEUR DES DROITS

Il convient de noter que la commission nationale de déontologie de la sécurité avait déjà rendu plusieurs avis sur la question des contrôles d'identité. Elle notait alors, après avoir rappelé qu'il convenait d'effectuer ces contrôles de la manière la plus courtoise possible, qu'il était impossible, faute de traces d'aucune sorte, de se pencher plus avant sur les modalités d'exercice de ces contrôles. Dans son rapport 2008 , la CNDS avait ainsi rappelé que « Il convient en particulier d'éviter les contrôles d'identité sans motif et au faciès, les interpellations dans des lieux inappropriés, les mesures de coercition inutiles et les violences illégitimes 4 ( * ) ».

En janvier 2012, le Défenseur des droits (institution qui a absorbé la commission nationale de déontologie de la sécurité) a lancé une étude sur la question des rapports entre les forces de l'ordre et les citoyens, dont les travaux se sont tenus de février à octobre 2012. Le défenseur des droits a présenté les résultats de cette démarche à votre commission des lois le 6 novembre 2012 5 ( * ) . Il a alors indiqué que l'étude avait donné lieu à des comparaisons avec des pays aux caractéristiques comparables à celles de la France et s'étant dotés de règles de procédure plus élaborées en matière de contrôles d'identité. Il ressort ainsi des expériences menées en Espagne à Fuenlabrada, au Royaume-Uni à Londres et aux Etats-Unis dans la ville de New York, que la délivrance d'un récépissé par la police à la suite de chaque contrôle d'identité a pour premier effet de diminuer leur nombre , ne serait-ce que parce que l'opération est rendue plus longue par cette formalité. En second lieu, ces expériences n'ont pas fait cesser les débats sur les contrôles au faciès. Enfin, l'efficacité des contrôles s'en est trouvée accrue , le taux de contrôles permettant de déclencher une procédure plus approfondie ayant augmenté.

Toutefois, le défenseur des droits souligne que, dans la pratique, ces dispositifs sont intransposables en France car ils vont tous de pair avec l'élaboration de statistiques par origine ethnique, inconstitutionnelles dans notre pays.

Dès lors, trois dispositifs restent envisageables pour délivrer une attestation de contrôle d'identité :

-la remise d'un ticket de contrôle anonyme à la personne contrôlée, portant le numéro de matricule de l'agent (cf. infra) et son unité. Cette solution, qui a l'avantage de la rapidité et de la simplicité, permet déjà de rétablir une sorte d'égalité entre le contrôleur et le contrôlé ;

-la délivrance d'une attestation nominative (nom de la personne contrôlée). Une telle attestation présenterait une valeur probante plus importante, l'attestation ne pouvant pas être donnée à une autre personne, et permettrait notamment à une personne confrontée à des contrôles à répétition de le prouver ;

-la délivrance d'une attestation nominative avec un double conservé par l'agent. Il existe alors une alternative : soit le double conservé par l'agent est anonymisé et ne comporte que le lieu, la date et le motif du contrôle, permettant ainsi la création d'un fichier non nominatif et l'élaboration de statistiques ; soit le double est nominatif. Dans ce dernier cas de figure cependant, la création d'un fichier nominatif comportant des centaines de milliers de personnes semble être un écueil dirimant.

Le défenseur des droits a, par ailleurs, présenté une série de recommandations visant toutes à améliorer les relations entre forces de l'ordre et population.

La première recommandation porte sur l'identification du contrôleur. Il se fonde en effet sur l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations 6 ( * ) , aux termes duquel « dans ses relations avec l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1 er , toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l'adresse administratives de l'agent chargé d'instruire sa demande ou de traiter l'affaire qui la concerne ; ces éléments figurent sur les correspondances qui lui sont adressées. Si des motifs intéressant la sécurité publique ou la sécurité des personnes le justifient, l'anonymat de l'agent est respecté 7 ( * ) » . En outre, selon le défenseur des droits, « La possibilité d'identification par un matricule visible est une garantie pour le citoyen s'il est victime du comportement d'un représentant des forces de l'ordre et, plus largement, d'une personne exerçant des fonctions dans le domaine de la sécurité, alors qu'aujourd'hui nombre de réclamations ou d'enquêtes ne peuvent aboutir, faute d'identification de l'auteur des faits reprochés. Cela permettrait aussi la mise hors de cause de policiers lorsque la réclamation ne ressortirait pas comme fondée ».

Le défenseur des droits préconise donc le retour du matricule, supprimé en 1984 des uniformes.

La deuxième préconisation du défenseur des droits est relative aux palpations de sécurité , qui sont à l'origine d'un aussi grand nombre de réclamations que les contrôles d'identité. Or, ces palpations, souvent très mal vécues par ceux qui en font l'objet, ne sont encadrées ni par le code de procédure pénale, ni par le code de déontologie de la police. La pratique des forces de l'ordre est très variable, certains agents les considérant comme un préalable quasiment obligé lors d'un contrôle d'identité, d'autres estimant qu'elles doivent rester l'exception 8 ( * ) . Le défenseur des droits propose ainsi d'introduire des règles précises dans le code de procédure pénale pour encadrer ces palpations.

Enfin, le défenseur des droits plaide pour la mise en place de lieux permanents de discussion entre forces de l'ordre et population, tant au niveau national qu'au niveau local.

Pour l'ensemble de ces préconisations, le défenseur des droits suggère qu'une expérimentation précède systématiquement la mise en oeuvre généralisée.

Entendu par votre rapporteur, le directeur général de la police nationale a d'ores et déjà confirmé que le matricule serait rétabli . Par ailleurs, un nouveau code de déontologie, commun à la police et à la gendarmerie nationales, fera l'objet d'un décret qui devrait être publié en mars 2013. Le DGPN a également décidé de systématiser les simulations de palpations de sécurité et de contrôles d'identité afin d'ancrer dans les comportements les pratiques les plus respectueuses des personnes. Enfin, il a fait part de son intention de lancer une expérimentation de port de mini-caméras fixées sur les uniformes et visant à filmer les interventions policières de manière à pouvoir, le cas échéant, écarter les soupçons de comportements répréhensibles des agents.

Votre rapporteur se félicite de l'ensemble de ces évolutions qui témoignent de l'arrivée à maturité d'une problématique quelque peu négligée au cours des dernières années . Il est désormais nécessaire de mettre en oeuvre les préconisations du Défenseur des droits mais aussi de lancer le plus rapidement possible une expérimentation sur la délivrance d'attestations de contrôles d'identité. Plusieurs villes, dont la capitale, se dont d'ailleurs portées candidates pour être le lieu d'une telle expérimentation.


* 4 http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/094000187/0000.pdf

* 5 http://intranet.senat.fr/compte-rendu-commissions/20121105/lois.html#toc3

* 6 Loi n° 2000-321 du 12avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

* 7 Cette réserve s'applique aux forces de l'ordre mais elle ne s'oppose pas au port d'un matricule.

* 8 Les policiers les pratiquent plus souvent que les gendarmes.

Page mise à jour le

Partager cette page