II. EXAMEN DU RAPPORT

Au cours de sa réunion du mercredi 5 décembre 2012, la commission a examiné le rapport pour avis sur le projet de loi n° 176 (2012-2013) relatif à la création de la banque publique d'investissement.

M. André Vairetto, rapporteur pour avis . - La création de la banque publique d'investissement, la BPI, était le premier des soixante engagements du Président de la République lors de la campagne pour l'élection présidentielle. L'objectif annoncé était de pallier les carences des banques privées dans le financement des projets portés par les petites et moyennes entreprises.

Aujourd'hui, la BPI est au coeur du dispositif de reconquête de la compétitivité française. Il s'agit d'apporter un soutien aux entreprises - TPE, très petites entreprises, comme PME et ETI, établissements de taille intermédiaire - et de créer un levier pour les financements privés.

Ce faisant, il s'agit d'abord de remédier aux faiblesses du financement de notre tissu productif. Celles-ci sont bien connues : difficultés d'accès des entreprises au crédit bancaire, à des fonds propres, au financement à l'export, recul du capital-investissement, empilement des outils de financement et des interlocuteurs, éparpillement des dispositifs existants.

Mais il s'agit aussi de créer un mécanisme destiné à s'intégrer dans une politique industrielle, définie par l'État et portée par les territoires, afin d'encourager les créations d'emplois, de favoriser la croissance et de lancer la transition écologique.

Ce dernier objectif a été clairement affirmé en septembre dernier, lors de la Conférence environnementale, par le Président de la République qui avait alors indiqué que la BPI allait, « concentrer une bonne part de ses interventions sur la conversion écologique de notre système productif, qu'il s'agisse de l'isolation thermique, des énergies renouvelables ou des écotechnologies ».

Cet engagement est essentiel, et je me réjouis qu'il trouve aujourd'hui sa traduction législative dans ce projet de loi, dont notre commission a décidé de se saisir pour avis.

Le programme d'investissement à réaliser pour financer la transition écologique est estimé par les spécialistes à un montant de l'ordre de 2 % à 3 % du PIB par an pendant au moins dix ans, soit pour la France un total de 600 milliards d'euros environ. Le Programme des Nations Unies pour l'Environnement recommande, de son côté, d'investir 2 % du PIB mondial dans les investissements de transition écologique.

Tous les spécialistes insistent sur le fait que ces investissements et cette transition écologique ne doivent pas être perçus comme un coût mais compris comme une chance pour l'emploi et la croissance. Certes, les sommes nécessaires apparaissent considérables, mais ce sont généralement des investissements territorialisés, donc peu délocalisables et riches en emplois de proximité.

En outre, l'économie verte est particulièrement dynamique : 263 milliards de dollars ont été investis dans les énergies renouvelables à l'échelle mondiale en 2011, somme en croissance de 6,5 %, soit 4 points de plus que la croissance mondiale. Toujours en 2011, les énergies vertes ont contribué à 2 % du PIB français. Le potentiel de création d'emplois est réel, ne serait-ce que dans le secteur de la rénovation thermique des bâtiments.

Le véritable enjeu est donc celui du financement de cette transition écologique. Une réflexion sur la fiscalité verte sera lancée à partir du printemps 2013. Comme cela a été dit dans le cadre de la table ronde « financement de la transition et fiscalité écologique » de la Conférence environnementale, l'objectif est de taxer les comportements polluants ou coûteux en termes de ressources, pour les orienter vers des comportements plus vertueux.

D'autres instruments de financement existent d'ores et déjà. Le premier acteur est OSEO, né en 2005 du rapprochement de trois organismes : l'agence nationale de la valorisation de la recherche chargée des aides à l'innovation (l'ANVAR), la banque de développement des PME (la BDPME) et la société française de garantie des financements des PME (la SOFARIS). OSEO est aujourd'hui un acteur unanimement reconnu, qui dispose d'un capital de 2,5 milliards d'euros pour intervenir dans trois domaines : l'innovation, la garantie et le cofinancement, tout au long du cycle de vie des entreprises. Le deuxième acteur important du secteur est le Fonds stratégique d'investissement (le FSI). Sa mission est d'apporter des fonds propres aux entreprises pour soutenir leur développement, accompagner leur transformation ou encore stabiliser leur actionnariat. Le FSI oriente son action vers une quinzaine de filières contribuant à la compétitivité, la croissance, et l'emploi national. Enfin, dans le cadre des missions d'intérêt général de la Caisse des Dépôts et Consignations, CDC Entreprises exerce un rôle de capital-investissement dans les PME.

Fédérer ces organismes et leurs actions, dans le contexte général actuel de crise économique et financière, apportera une vraie valeur ajoutée et est une priorité.

La BPI aura ainsi pour mission de répondre aux risques d'assèchement de crédit et aux insuffisances de fonds propres qui handicapent le développement des entreprises, à commencer par les PME et les ETI. Elle rassemblera dans une structure unique les activités d'OSEO, du FSI et de CDC Entreprises. Elle disposera d'une capacité d'intervention conséquente, environ 42 milliards d'euros, soit 20 milliards en prêts, 12 milliards en garanties et 10 milliards en capacités d'investissements en fonds propres. Ces 42 milliards devraient permettre de générer, par effet de levier, plus de 100 milliards de financements.

Le projet de loi déposé à l'Assemblée nationale était très succinct sur les objectifs assignés à la BPI ; il se contentait de modifier à la marge l'ordonnance portant création d'OSEO. Nos collègues députés ont jugé nécessaire de compléter ces objectifs, en particulier de rappeler, dès l'article premier, la vocation de la BPI à mettre en oeuvre la transition écologique. Cet ajout était nécessaire, je m'en félicite.

Cette ambition est ensuite déclinée dans les missions des différentes instances de gouvernance de la banque. Plusieurs amendements, portés notamment par la commission du développement durable de l'Assemblée nationale, ont permis d'inclure, dans les comités d'orientation national et régionaux de la banque, des personnalités qualifiées en matière de développement durable, c'est, là encore, une bonne chose. Cela devrait garantir que l'objectif de la transition écologique ne soit pas marginalisé dans les options de financement retenues par l'établissement.

Le second aspect du projet de loi est sa contribution au développement économique régional. Si les dispositifs publics actuels d'aide au financement des entreprises ont déjà une forte dimension régionale, celle-ci sera notoirement renforcée par l'organisation de la BPI.

Les établissements financiers qui doivent être regroupés au sein de la BPI interviennent déjà au plus près du terrain. OSEO est organisé en 22 directions régionales et 12 délégations territoriales. Les décisions de prêt y sont largement déconcentrées. Le FSI a un fonctionnement plus centralisé, mais son comité d'orientation comporte des élus. CDC Entreprises dispose de 14 implantations interrégionales, via sa filiale FSI Régions, et participe à 84 fonds régionaux.

De leur côté, les régions se sont pour la plupart engagées dans le soutien aux PME, en association ou en complément de l'action des opérateurs de l'Etat. Dans le cadre de leurs stratégies régionales de développement économique (les SRDE), elles se sont dotées de plusieurs instruments : prêts sur l'honneur, fonds de garantie et fonds d'innovation, qui peuvent être confiés en gestion à OSEO, fonds régionaux d'investissement, aides à l'exportation. Le Président de l'ARF Alain Rousset a indiqué lors de son audition devant le Sénat qu'il existait plus de 800 dispositifs régionaux. L'implication des régions dans le financement des entreprises est donc un phénomène général, même si les modalités et l'importance de l'effort consenti varient d'une région à l'autre. Le projet de loi en tire les conséquences, en réservant une place particulière aux régions dans la gouvernance de la BPI.

L'article premier dispose que la BPI agit « en appui des politiques publiques conduites par l'Etat et conduites par les régions ». En ce qui concerne son conseil d'orientation, l'article 3 prévoit que, sur quinze membres, deux seront des représentants des régions, nommés par décret sur proposition d'une association représentative de l'ensemble des régions.

La BPI est également dotée d'un comité national d'orientation chargé d'exprimer un avis sur ses orientations stratégiques, sa doctrine d'intervention et les modalités d'exercice de sa mission d'intérêt général. L'article 4 du projet de loi initial prévoyait que ce comité de vingt-trois membres comporterait deux représentants des régions, désignés par une association représentative de l'ensemble des régions. L'Assemblée nationale a porté ce chiffre à trois. Il est par ailleurs prévu que le président du comité national d'orientation sera choisi parmi ces trois représentants des régions. Leur présence au comité national d'orientation sera l'occasion pour les régions d'expliquer et de promouvoir leurs politiques économiques auprès des parlementaires, des partenaires sociaux et des personnalités qualifiées qui le composent par ailleurs.

L'article 4 prévoit également la mise en place, dans chaque région, d'un comité régional d'orientation « chargé de formuler un avis sur les modalités d'exercice par la BPI de ses missions au niveau régional et sur la cohérence de ses orientations stratégiques avec la stratégie régionale de développement économique ». Ce comité de vingt-cinq membres comporte deux représentants de la région. Le projet de loi initial prévoyait qu'il soit présidé par le président du conseil régional, mais cette disposition a été supprimée par la commission des finances de l'Assemblée nationale, il me semble par erreur. Je vous proposerai, si vous en êtes d'accord, de rétablir cette présidence qui me parait plus conforme aux souhaits exprimés par les régions et aux engagements pris par le Gouvernement à leur égard.

Au total, vous l'aurez compris, c'est un avis positif que je vous propose sur ce projet de loi qui poursuit trois objectifs : créer juridiquement la Banque publique d'investissement ; préciser ses missions ; organiser sa gouvernance, tant au niveau national que régional. L'Assemblée nationale l'a complété de façon utile, en rendant notamment prioritaire sa mission en faveur du financement de la transition écologique et en renforçant le contrôle du Parlement à son égard.

La BPI doit être la banque de la croissance française. Elle devra être gérée dans un souci d'exemplarité. Je souhaite qu'elle puisse être mise en place et en ordre de fonctionnement le plus rapidement possible, dès les premiers mois de 2013. Notre commission devra y veiller.

M. Gérard Cornu . - J'avoue ne pas avoir encore bien compris l'intérêt de créer cette BPI, en fusionnant trois établissements qui fonctionnent bien et dont l'action est lisible. Tous les chefs d'entreprises connaissent OSEO ou le FSI. Je trouve dommage que l'on change les choses, alors qu'il est important de conserver la lisibilité dans la durée. Je ne vois pas très bien la finalité de ce projet de loi.

M. Alain Houpert . - Nous avons tous eu connaissance du rapport Gallois sur la compétitivité, qui évoque le capital risque et le capital investissement. Or, la BPI n'interviendra que sur le capital investissement. On piochera dans les ressources du livret A, mais les PME ont besoin de risque, surtout si elles veulent accéder à la stature d'ETI. Nous allons passer de l'action bien connue d'OSEO à quelque chose de différent et de politique, parce que ce sont les régions qui vont décider. Je trouve dommage que l'on politise l'économie, et que l'on aille vers des conflits d'intérêts inévitables. Je demeure très réservé sur ce projet de BPI, qui ne tire pas les enseignements du rapport Gallois.

M. Francis Grignon . - En 1997, j'avais été mandaté pour faire un rapport sur le small business act américain, qui consistait justement dans un système de financement des PME par une seule entité. J'avais été émerveillé, et j'étais allé en parler à Mme Lebranchu, à l'époque secrétaire d'Etat chargé des PME. Mais celle-ci ne m'avait prêté qu'une oreille distraite, parce que je n'étais pas de son bord politique. Ceci étant dit, il y a eu depuis des progrès de réalisés en France, avec le regroupement de la BDPME et de la SOFARIS pour faire OSEO. Je suis responsable du comité de développement économique dans mon département, le Bas-Rhin : on y travaille formidablement bien avec OSEO, parce que ses équipes sont constituées d'experts impartiaux et que ce ne sont pas les politiques qui décident. Je suis très gêné par l'implication des régions dans le système. Pas seulement pour les décisions dans les comités régionaux, mais aussi pour les orientations de départ. Je regrette que ce projet de loi monte une usine à gaz, mais espère néanmoins qu'il servira à quelque chose.

M. Hervé Maurey . - Nous n'avons pas d'objection a priori à la création d'un instrument plus efficace pour le financement des investissements des PME. Mais nous ne sommes pas encore tout à fait convaincus. Alors que le travail d'OSEO est déjà jugé de manière très positive, nous pouvons admettre que le regroupement proposé introduise davantage de cohérence et d'efficacité. Dans le cadre de la mission que j'avais faite l'an dernier sur l'agence des participations de l'Etat (APE), j'avais découvert des recoupements pas toujours heureux entre le FSI, OSEO et l'APE. C'est d'ailleurs pourquoi j'ai demandé à Jean-Pierre Jouyet, lors de son audition, pourquoi le périmètre envisagé pour la BPI n'impactait pas l'APE. Admettons donc qu'il faille remettre plus de cohérence et d'efficacité dans tout ça. Nous sommes plus réservés quant à la place attribuée aux régions, et nous ne serons pas favorables à l'amendement présenté par le rapporteur. Il donne trop de place au politique, ce qui serait risqué. Nous ne souhaitons pas renforcer le rôle des régions par rapport au texte adopté par l'Assemblée nationale. Et le groupe UDI se déterminera sur l'ensemble du texte en fonction du sort qui sera réservé à cet amendement.

M. Michel Teston . - J'observe que notre commission n'est saisie que pour avis, et que vous posez à notre rapporteur certaines questions qui relèvent de la commission des finances. Pour ce qui nous concerne, nous devons mettre l'accent sur trois éléments qui sont au coeur des missions de notre commission : la BPI doit s'investir dans la conversion écologique ; sa gouvernance doit intégrer des personnalités qualifiées en matière d'économie sociale et solidaire, d'environnement et d'aménagement du territoire ; elle doit contribuer au développement économique régional, et c'est pourquoi il est essentiel que les présidents des conseils régionaux président ses comités régionaux d'orientation. Le groupe socialiste votera l'amendement proposé par notre rapporteur.

M. Jean-François Mayet . - J'espère que la BPI prendra des décisions vertueuses, et non pas politico-économiques. Quand on me dit que le président de la région décidera de l'orientation des fonds, j'ai quelques doutes. Je connais le monde des PME, et je n'ai jamais rencontré d'entreprise en bonne santé qui ait des problèmes de financement, même en période de crise. Quand un projet de création d'entreprise est de bonne qualité, il trouve toujours les financements nécessaires auprès du monde bancaire privé. L'argent qui sera prêté par la BPI aux entreprises entrera dans leur endettement, et viendra réduire d'autant leurs possibilités de recourir aux banquiers privés. Je ne suis donc pas si sûr que cela fera la différence. Par contre, je me méfierais toujours d'une banque entre les mains du monde politique. La politique et l'économie, ça ne marche pas ensemble.

Mme Odette Herviaux . - Nos collègues s'interrogent sur l'opportunité de donner du pouvoir aux régions. En tant que régionaliste convaincue, je ne partage pas leurs réserves. La BPI n'a pu être conçue qu'à travers les expérimentations engagées par les régions, qui ont toutes mis en place des guichets uniques de financement, à la demande des entreprises elles-mêmes. Celles-ci ont ainsi l'assurance que, quel que soit leur interlocuteur, leur dossier est examiné par l'ensemble des partenaires concernés. Il serait faux de croire que les PME connaissent toutes les arcanes des aides qui leur sont offertes. Je pense qu'il faut vraiment se convaincre que la BPI ne pourra bien fonctionner que si elle trouve des relais dans les régions. Ce qui doit passer par la reconnaissance du rôle du président de la région ou de son représentant. Je voudrais aussi insister sur la définition d'une stratégie nationale. Je ne vois pas en quoi celle-ci serait fixée comme une décision politique. Chaque région, quelle que soit la couleur politique de son exécutif, à le souci que son tissu économique se porte bien, que ses entreprises se développent. J'ai pu constater dans un domaine qui concerne la Bretagne, celui des énergies marines renouvelables, la nécessité de l'alliance d'une volonté locale avec celle de l'Etat.

M. Stéphane Mazars . - Le groupe RDSE soutiendra ce projet de loi. Nous savons qu'il y a un problème d'accès au crédit pour les PME. Aussi est-il nécessaire de le clarifier, et le concept de guichet unique est tout à fait adapté aux besoins des TPE, PME et ETI. Sur la gouvernance de la BPI, le gouvernement a affiché son volontarisme. Il faut regrouper pour donner une force de frappe aux financements des entreprises.

M. Pierre Camani . - Je m'étonne de la timidité de nos collègues de l'opposition ; Nous voyons bien l'intérêt de chaque organisme déjà existant. Nous voyons aussi la difficulté à mobiliser les crédits nécessaires aux PME lorsque leur taux de rentabilité est modeste. J'observe que le gouvernement précédent, pour cette raison, a dû mettre en place un médiateur du crédit au niveau national, avec des délégués locaux. J'ai dans mon département, le Lot-et-Garonne, des centaines de dossiers en cours d'instruction, qui nécessitent des interventions de la Banque de France pour débloquer les financements. Les craintes qui viennent d'être exprimées ne me paraissent pas fondées. Faisons confiance à l'intelligence des territoires. L'implication des régions, dont une compétence majeure est le développement économique, est un élément important de ce projet de loi, qui doit être mis sous le signe du dynamisme et de l'efficacité.

M. Vincent Capo-Canellas . - Je formule deux objections. Premièrement, le système proposé pour la BPI permettra-t-il de faire mieux qu'aujourd'hui ? Nous ne sommes pas convaincus que faire plus gros sera plus efficace. Deuxièmement, au-delà de la promesse de campagne, il y a un risque de laisser croire que l'on va régler ainsi tous les problèmes de financement que les banques privées ne savent pas résoudre. Les élus sont là pour créer les conditions d'un développement économique sur les territoires, pour faciliter les choses. Pas pour faire du financement, ce qui nous paraît être un autre métier. Il n'est donc pas illégitime de se poser des questions.

M. Raymond Vall . - Je vais maintenant m'exprimer non plus en tant que président de notre commission, mais en tant qu'élu dans la région Midi-Pyrénées. Je suis pour ma part tout à fait régionaliste. Les régions françaises souffrent de la comparaison avec leurs homologues allemandes, qui sont directement impliquées dans le financement de l'économie de leurs territoires. Si je prends l'exemple de l'aéronautique, il est évident que si les régions Midi-Pyrénées et Aquitaine n'avaient pas créé des fonds d'amorçage, les sous-traitants de ce secteur n'existeraient pas. Quelle entreprise aurait pu supporter de participer pendant deux ou trois ans à la mise au point du prototype de l'A380 sans soutien financier spécifique ? Les banques traditionnelles ont été complètement défaillantes, en se montrant au mieux indifférentes. Une entreprise a besoin qu'on lui donne du temps pour innover, elle a besoin de travailler sur le futur. Je n'en fais pas un débat politique, mais nous ne pouvons pas jeter le soupçon sur les élus régionaux, en laissant supposer qu'ils ne seraient pas compétents ou orienteraient leurs décisions. Il n'y a pas de démocratie plus vivante que le débat au sein des assemblées régionales, qui savent mettre à la portée du grand public leurs décisions. Toutes les régions ont créé des structures pour pallier l'absence de guichets uniques, et ont été obligées de bricoler un peu. Maintenant, on propose à juste titre de mettre de l'ordre dans tout ça. Je rappelle que les régions ont la compétence en matière de développement économique et d'aménagement du territoire. Elles ont donc le droit de demander aux financeurs publics d'être cohérents avec le partenariat qu'elles conduisent avec l'Etat. Car celui-ci ne découvre pas ce que font les régions, puisqu'il travaille depuis longtemps en partenariat avec elles, notamment pour orienter les fonds européens. Jusqu'à présent, que je sache, il n'y a pas eu de scandale sur l'accompagnement financier apporté par les régions. Dès lors, pourquoi les écarter ? Nous devons entendre la détresse de l'entreprise qui voudrait grandir pour passer du statut de PME à celui d'ETI. Qui va prendre le risque de l'accompagner ? Pas toujours le banquier traditionnel, malheureusement.

M. Michel Teston . - Même si je comprends que nos collègues de l'opposition n'ont pas voulu exprimer de défiance à l'égard des élus régionaux, je voudrais insister. Avec la nouvelle organisation qui est proposée, l'objectif est de faire correspondre la future réforme territoriale avec l'organisation territoriale de la future BPI. Si l'on donne enfin de plein droit à la région le rôle de chef de file en matière de développement économique, ce que s'était refusé à faire la « loi Raffarin » du 13 août 2004, il faut aussi donner, dans les organes de la BPI, une prééminence aux régions, non pas pour décider de tout, mais pour présider aux échanges qui y ont lieu. Il faut donc bien un référent régional. L'amendement proposé par notre rapporteur rejoint les préoccupations du gouvernement dans le texte initial du projet de loi. Je ne sais pas pourquoi les députés sont revenus sur ce point au cours de la discussion.

M. Jean-François Mayet . - Quand un banquier fait son métier correctement, il prête ses fonds en fonction de la qualité d'un projet ou d'une entreprise. Il ne faudrait pas que la BPI soutienne les entreprises d'un secteur donné, où se trouverait un élu régional particulièrement efficace et influent.

M. Henri Tandonnet . - Vous voulez savoir pourquoi l'Assemblée nationale a supprimé le principe de la présidence des comités régionaux d'orientation de la BPI par les présidents de conseils régionaux ? J'ai perçu lors des débats un problème de pouvoir entre les présidents de régions et les présidents de métropoles, peut-être l'une des causes de cette suppression.

M. Raymond Vall . - Je rappelle que la réforme Raffarin de 2004 a été ratée à cause du lobbying des présidents de conseils généraux. Le Sénat doit être le représentant de toutes les catégories de collectivités territoriales. Les conseils généraux ne peuvent pas accompagner le développement économique comme les régions. Les compétences et les ressources des départements ne sont pas adaptées. Les régions peuvent avoir un rôle de péréquation. C'est pour cela qu'il faut leur donner les moyens d'agir.

M. Hervé Maurey . - Personne ne met en doute ou en cause le rôle des régions dans l'accompagnement du développement économique. Nous sommes convaincus que c'est le bon niveau d'intervention et que des actions positives sont menées dans toutes les régions. Mais je m'interroge pour savoir s'il faut aller jusqu'à donner aux régions un rôle majeur dans le dispositif de la BPI. D'autant plus que l'Etat doit pouvoir remplir son rôle de stratège. Il faudrait renforcer l'Etat stratège et, plutôt que s'activer à sauver des entreprises condamnées, aider les secteurs qui ont du potentiel. C'est sur ces points que nous sommes dubitatifs et réservés, sans être pour autant antirégionalistes ou contre les élus.

M. Michel Teston . - Je veux faire une mise au point. Si la loi du 13 août 2004 n'a pas transféré aux régions des pouvoirs suffisamment importants en matière de développement économique, ce n'est pas en raison de la pression supposée des départements. J'étais à l'époque président du conseil général de l'Ardèche et membre du bureau de l'association des départements de France, et je ne nie pas que les départements ont alors défendu leurs positions. Mais je rappelle, surtout, que les élections régionales de mars 2004 ne s'étaient pas très bien passées pour la majorité d'alors. De là à penser que cette nouvelle conjoncture politique aurait été la véritable raison du choix fait par le gouvernement de ne pas transférer aux régions d'importants pouvoirs en matière économique, il n'y a qu'un pas que certains - pas moi - n'ont pas hésité à franchir.

M. Vincent Capo-Canellas . - L'argument relatif au fonds d'amorçage pour les sous-traitants dans l'aéronautique peut se renverser : si ce système existe déjà, qu'apportera de nouveau le dispositif de la BPI ?

M. Raymond Vall . - Ce fonds n'existait pas encore quand le problème s'est posé ! Et ce système d'avances remboursables a coûté des millions aux deux régions concernées, parce que certaines entreprises soutenues ont malgré tout déposé le bilan. Mais, sans lui, le tissu de la sous-traitance aéronautique était voué à disparaître au profit de la concurrence étrangère. Les banquiers traditionnels n'auraient rien fait d'eux-mêmes.

M. Vincent Capo-Canellas . - Certes, mais que va changer le projet de loi ?

M. Raymond Vall . - Le fait d'avoir un seul interlocuteur pour les entreprises va accélérer le processus de décision, là où existent actuellement trois circuits de décision distincts et centralisés à Paris. Les entreprises ne peuvent pas attendre si longtemps. On ne peut pas laisser les capitales régionales sans pouvoir de décision financier !

M. André Vairetto , rapporteur pour avis . - Sur les doutes exprimés quant à l'intérêt de regrouper les trois structures de financement existantes au sein de la BPI, les nombreuses auditions faites à l'Assemblée nationale ont fait apparaître une unanimité sur la qualité des prestations d'OSEO et du FSI, mais des avis plus mitigés en ce qui concerne CDC Entreprises. Les PME veulent de la lisibilité : de ce point de vue, un interlocuteur unique doit être considéré comme un progrès.

En ce qui concerne les inquiétudes relatives au rôle donné aux régions, je rappelle que le texte ne porte que sur les comités régionaux d'orientation, mais en aucun cas sur les comités d'engagement. La BPI aura une doctrine d'action clairement préétablie, mais restera une banque et se comportera comme telle. La clef du succès réside dans une bonne articulation entre l'action de l'Etat, à travers la BPI, et celle des régions. La représentation de celles-ci dans les organes dirigeants de la BPI restera très minoritaire : deux représentants des régions sur quinze membres du conseil d'administration, et trois représentants sur vingt-cinq membres du comité national d'orientation.

La commission a alors adopté l'amendement n° 1 présenté par le rapporteur, ainsi que son rapport pour avis.

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