B. LE FINANCEMENT DES OPÉRATEURS DE LA CULTURE : UN ENJEU DE LA FISCALITÉ NUMÉRIQUE

Les opérateurs de la culture en France, auxquels votre commission prête une attention particulière, ne peuvent rester étrangers au débat sur la fiscalité du numérique.

En effet, l'essentiel de leurs ressources consiste en des taxes affectées reposant d'ores et déjà sur les acteurs du secteur de l'industrie numérique . A titre d'exemple, les éditeurs et distributeurs de services de télévision sont redevables d'une taxe dont le produit est affecté au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Toute modification de l'architecture fiscale du secteur du numérique est donc de nature à impacter ces acteurs .

En outre, la nouvelle industrie numérique est une industrie de contenus qui bénéficie de la valeur ajoutée et des revenus liés à l'édition et à la distribution des oeuvres européennes qui ont, elles, un lourd besoin de financement.

Enfin, le changement des modes de consommation des contenus entraîne une stabilisation, voire un ralentissement, des marchés classiques et donc une érosion de l'assiette de la taxation qui met en péril le rendement des taxes affectées au financement de l'ensemble de la filière.

Il est dès lors nécessaire de dresser un aperçu du mode de financement actuel des différents opérateurs culturels et de trouver de nouvelles ressources pour maintenir la dynamique de financement de la culture sur le territoire.

1. Le Centre national du livre (CNL)

Le CNL est un établissement public sous tutelle du ministère de la culture et de la communication, qui a pour mission de favoriser la création, l'édition, la promotion et la diffusion d'oeuvres littéraires ou scientifiques de qualité.

Les compétences et l'organisation du CNL sont définies par la loi n° 46-2196 du 11 octobre 1946 créant une Caisse nationale des lettres et par le décret n° 93-397 du 19 mars 1993 relatif au CNL. Ce dernier a été modifié par le décret n° 2010-430 du 27 avril 2010 afin d'harmoniser le statut du CNL avec celui des autres établissements publics.

Le budget du CNL, qui représente moins de 1 % du chiffre d'affaires de l'édition, permet une intervention essentielle pour certains segments à faible rentabilité et à certains moments du cycle de production . Les missions du CNL couvrent donc l'ensemble de la filière, de la création à la diffusion des oeuvres, en passant par leur édition et promotion.

Les recettes du CNL proviennent pour l'essentiel du produit de deux taxes qui lui sont directement affectées :

- la taxe sur l'édition des ouvrages de librairie . Due par les éditeurs à raison des ventes d'ouvrages de librairie, elle est perçue au taux de 0,2 % sur la même assiette et dans les mêmes conditions que la TVA. Les éditeurs dont le chiffre d'affaires de l'année précédente n'excède pas 76 000 euros en sont exonérés ;

- la taxe relative aux appareils de reprographie de reproduction ou d'impression . Elle a pour objet d'apporter une réparation partielle au préjudice subi par les éditeurs et auteurs du fait du développement de l'usage de la reprographie. Il s'agit donc d'une taxe qui a vocation à restaurer les équilibres du secteur de l'édition. Elle est perçue au taux de 3,25 %.

Par ailleurs, depuis 2004, le CNL ne perçoit plus de subventions de fonctionnement. Une subvention avait été cependant mise en place au titre des transferts de compétence intervenus en 2009 entre l'administration centrale et le CNL, à hauteur de 2,8 millions d'euros en 2012, en particulier pour financer certains organismes interprofessionnels, telle l'ADELC (Association de développement de la librairie de création). Outre qu'elle n'a en définitive pas été versée en 2012, cette subvention ne sera pas reconduite en 2013.

En outre, l'article 46 de la loi de finances initiale pour 2012 a plafonné le produit de la taxe sur l'édition à hauteur de 5,3 millions d'euros et celui de la taxe sur le matériel de reproduction et d'impression à concurrence de 29,4 millions d'euros. D'après les informations fournies à votre rapporteur pour avis, ces recettes devraient être proches des plafonds en 2012.

Répartition de recettes du CNL au titre de l'année 2011
(en millions d'euros)

Source : Commission de la culture, de la communication et de l'éducation

Les actions de soutien du CNL répondent à un objectif à la fois culturel et économique. Elles s'adressent à l'ensemble des acteurs de la chaîne du livre, qu'ils soient auteurs, traducteurs, éditeurs, libraires, bibliothécaires ou organisateurs de manifestations littéraires. Décidées par le président du CNL, après avis d'une commission ou d'un comité d'experts, les aides distribuées se sont élevées à 30,8 millions d'euros en 2011.

Ces aides prennent la forme de bourses aux auteurs, de subventions à l'édition, d'aides à la diffusion, de subventions aux structures, ou encore de prêts et avances à la profession. Le CNL compte au total 31 dispositifs d'aides examinés au sein de vingt et une commissions ou comités d'experts.

2. Le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC)

Créé par la loi n° 46-2360 du 25 octobre 1946, le CNC possède un statut hybride . Il est à la fois un établissement public à caractère administratif et une direction d'administration centrale du ministère de la culture et de la communication, en charge de la réglementation et du contrôle du secteur du cinéma et de l'image animée.

Le CNC contribue au financement et au développement du cinéma et de l'audiovisuel . Il assure également une mission générale de veille et de diffusion d'information sur l'évolution des professions et activités de ces secteurs.

Le CNC assure plus précisément six missions différentes 9 ( * ) :

- une mission générale de veille de l'évolution des professions et activités du cinéma et des autres arts et industries de l'image animée, leur environnement technique, juridique, économique et social ainsi que les conditions de formation et d'accès aux métiers concernés ;

- une mission de soutien au financement et au développement du cinéma et des autres arts et industries de l'image animée ;

- une mission de contrôle des recettes d'exploitation des oeuvres et documents cinématographiques ou audiovisuels réalisée par les exploitants d'établissements de spectacles cinématographiques et par les éditeurs de vidéogrammes destinés à l'usage privé du public ;

- l'administration des registres du cinéma et de l'audiovisuel et, dans ce cadre, la centralisation et la communication aux titulaires de droits de tout renseignement relatif aux recettes d'exploitation des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles ;

- la collection, la conservation, la restauration et la valorisation du patrimoine cinématographique (à ce titre, le Centre exerce notamment les missions relatives au dépôt légal) ;

- la participation à la lutte contre la contrefaçon des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles et des oeuvres multimédia.

Le CNC est quasi exclusivement financé par le produit de trois taxes affectées dont le montant total s'est élevé à 750 millions d'euros en 2011 :

1) la taxe sur les entrées en salle de cinéma (TSA) 10 ( * ) . Elle est assise, au taux de 10,72 %, sur le prix d'un billet de cinéma ;

2) la taxe sur les services de télévision (TST) 11 ( * ) . Cette taxe est divisée en deux volets :

? le volet « éditeurs » acquitté par les chaînes de télévision. Son taux est fixé à 5,5 % de l'assiette imposable 12 ( * ) au-delà d'une franchise de 11 millions d'euros, et après abattement de 4 % ;

? le volet « distributeurs » , acquitté par les distributeurs de services de télévision. Son taux est progressif (de 0,5 % à 4,5 %) et s'applique à l'assiette imposable au-delà d'une franchise de 10 millions d'euros ;

La TST Distributeurs

La taxe sur les distributeurs de services de télévision a été créée en 2007 et touche aujourd'hui des opérateurs classiques tels que Canal Satellite, les opérateurs du câble, mais également les fournisseurs d'accès à Internet (FAI) qui diffusent désormais eux aussi des services de télévision.

Leur inclusion dans le champ d'application de la TST distributeurs a entraîné un très fort rendement de cette taxe en 2010 et 2011. En effet, ces opérateurs ayant inclus dans leur abonnement de téléphonie des services de télévision ( triple play ) pour bénéficier d'un taux de TVA réduit, l'assiette de la taxe a considérablement augmenté durant cette période.

La TVA réduite ayant été supprimée pour les offres du « triple play » en 2011, ces opérateurs ont procédé à un changement dans l'architecture des contrats. Désormais les services de télévision ne sont plus intégrés dans l'offre de base, mais constituent un service supplémentaire artificiellement sous valorisé par les opérateurs pour diminuer l'assiette imposable.

En réponse à cette optimisation fiscale, a été intégré dans le cadre du projet de loi de finance pour 2012 un article 5 bis qui a pour but de mettre fin à ces comportements et de sécuriser la TST.

Le champ de l'assiette est élargi et clarifié et comprend toute offre permettant d'accéder à des services de télévision : la taxe est assise tant sur les abonnements à des services de télévision proposés séparément qu'à des offres multiples dès lors que leur souscription permet de recevoir des services de télévision. Ce point fait consensus.

En contrepartie de l'élargissement de l'assiette, le barème de la taxe est allégé et simplifié : à un barème de neuf tranches comprises entre 0,5 et 4,5 % se substitue un barème de quatre tranches de 0,5 à 3,5 %. Le produit résultant de ce barème a été présenté comme devant être identique à celui perçu en 2010, soit 190 millions d'euros pour les seuls fournisseurs d'accès à Internet.

Pour autant, le financement du CNC relevant du régime des aides d'état, une notification à la Commission européenne s'est avérée nécessaire et sa décision concernant la compatibilité de la taxe avec le droit communautaire se fait toujours attendre.

Source : Commission de la culture, de la communication et de l'éducation

3) la taxe vidéo . Assise sur le chiffre d'affaires des secteurs de l'édition de vidéos physiques et de vidéos à la demande, le taux de cette taxe est fixé à 2 %. En 2011, son produit s'est élevé à 38,5 millions d'euros.

Répartition de recettes du CNC au titre de l'année 2011
(en millions d'euros)

Source : Commission de la culture, de la communication et de l'éducation

3. Le Centre national de la chanson des variétés et du jazz (CNV)

Le CNV est un établissement public industriel et commercial (EPIC), créé par l'article 30 de la l oi n° 2002-5 du 4 janvier 2002. La mission du CNV est de soutenir le spectacle vivant de musiques actuelles et de variétés, grâce aux fonds collectés par la taxe sur les spectacles et par la redistribution de ceux-ci sous la forme d'aides financières aux divers porteurs de projets.

La taxe sur les spectacles a été instituée par la loi de finances rectificative pour 2003. L'article 76 concerne les représentations de spectacles de variétés, dont la définition a été fixée par le décret n° 2004-117 du 4 février 2004 et qui concerne en réalité toutes les musiques, sauf la musique dite classique, ainsi que les spectacles d'humour. L'article 77 quant à lui s'applique aux spectacles d'art dramatique, lyrique ou chorégraphique.

Dans le premier cas, la taxe est perçue par le CNV, tandis que dans le second cas, le produit de la taxe est affecté à l'Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP), association loi 1901 également sous tutelle du ministère de la culture et de la communication. Dans les deux cas, le taux de la taxe est de 3,5 % des recettes de billetterie ou du montant des droits de cession hors taxe dans le cadre d'une représentation gratuite.

Répartition de recettes du CNV au titre de l'année 2011
(en millions d'euros)

Source : Commission de la culture, de la communication et de l'éducation

La majorité des aides du CNV sont réservées à des opérations (tournées, créations, festivals, programmations de salle, etc.) qui génèrent elles-mêmes de la taxe ; elles contribuent ainsi au réinvestissement des sommes collectées pour monter de nouveaux projets.

Il existe toutefois quelques exceptions à cette exigence car le CNV peut aider des tournées à l'étranger, lesquelles seront par définition, non soumises à la taxe. De même, il a la possibilité de soutenir des structures ou des opérations d'intérêt général, dont l'activité ne génère pas de taxe.


* 9 Article L. 111-2 du code du cinéma et de l'image animée (CCIA).

* 10 Taxe sur le prix des entrées aux séances organisées par les exploitants d'établissements de spectacles cinématographiques.

* 11 La taxe sur les services de télévision a été créée par l'article 36 de la loi de finances du 29 décembre 1998.

* 12 L'assiette du volet « éditeurs » de la TST est constituée :

- du chiffre d'affaires tiré du produit des recettes publicitaires et du parrainage, ces sommes faisant l'objet d'un abattement de 4 % ;

- du produit de la contribution à l'audiovisuel public (ex redevance audiovisuelle) et des autres ressources publiques (dotations budgétaires notamment) ;

- des recettes que les chaînes tirent des éléments suivants : appels téléphoniques à revenus partagés, connexions à des services télématiques, SMS surtaxés.

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