Section 5 - Adaptation de sanctions pénales

Article 64 (art. L. 115-20, L. 115-22, L. 115-24, L. 115-26, L.115-30, L. 121-4, L. 121-6, L. 122-7, L. 122-8, L. 122-9, L. 122-12 et L. 122-14 du code de la consommation) - Accroissement des peines en cas d'atteinte au libre choix du consommateur

Le présent article tend à accroitre de manière très importante et à harmoniser entre elles les peines d'amendes prévues pour certaines infractions définies par le code de la consommation.

Ces infractions consistent en premier lieu dans la délivrance ou l'utilisation frauduleuse des labels suivants : label rouge, appellation d'origine protégée, indication géographique protégée, spécialité traditionnellement garantie, agriculture biologique, ainsi que les certificats de conformité délivrés par des organismes de certification. Pour ces infractions, la peine prévue est actuellement de deux ans d'emprisonnement et de 37 500 euros d'amende .

En second lieu, les pratiques commerciales trompeuses sont actuellement punies de deux ans d'emprisonnement et 37 500 euros d'amende , la « vente à la boule de neige 112 ( * ) » d'un an de prison et 4 500 euros d'amende , l'usage de pratiques commerciales agressives de deux ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende , enfin l'abus de faiblesse et l'abus d'ignorance de 5 ans d'emprisonnement et 9 000 euros d'amende .

Le présent article propose :

- de faire passer l'ensemble de ces peines à deux ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amende , sauf pour l'abus de faiblesse ou d'ignorance du consommateur pour lequel la peine passerait à cinq ans d'emprisonnement et 375 000 euros d'amende ;

- il est également prévu que la personne physique déclarée coupable puisse également être condamnée, à titre de peine complémentaire , à ne plus pouvoir exercer certaines professions, dans la fonction publique ou dans le secteur privé, suivant les modalités prévues à l'article L. 131-27 du code pénal. L'interdiction peut être prononcée pour une durée maximale de cinq ans. Si la personne condamnée est une personne morale, elle peut être condamnée à verser une amende dans les conditions prévues à l'article L. 131-38 du code pénal, qui prévoit que le montant de l'amende encourue est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques pour la même infraction. Elle peut également être condamnée aux peines prévues par les 2° à 9° de l'article L. 131-39 du même code, prévoyant notamment le placement sous surveillance judiciaire ou l'interdiction d'exercer certaines activités.

Au total, le présent article tend ainsi à conserver les quantums de peines d'emprisonnement actuels , en général de deux ans, voire à les diminuer comme en matière d'abus de faiblesse ou la peine passerait de cinq à trois ans d'emprisonnement. En revanche, les amendes seraient très fortement augmentées et des peines complémentaires d'interdiction d'activité deviendraient applicables .

Selon l'étude d'impact accompagnant le projet de loi, cette sévérité accrue constitue une mesure de cohérence avec le renforcement des sanctions en matière de tromperie du consommateur , prévu par l'article 65 du présent projet de loi. Ce renforcement, à son tour, serait une réponse à « l'affaire de la viande de cheval et ses conséquences ».

Or, les informations que votre rapporteur a pu obtenir de la chancellerie s'agissant des peines actuellement prononcées sont les suivants :

- s'agissant des pratiques commerciales trompeuses (art. L. 121-6 du code de la consommation) : 313 infractions ont donné lieu à condamnation en 2010, le montant moyen des amendes prononcées étant de 1 846 euros ; 295 en 2011, pour une amende « moyenne » de 2 034 euros.

- s'agissant de la falsification (art. L. 213-3 du code de la consommation, cf. l'article 65): 42 infractions ont donné lieu à condamnation en 2010 pour un montant d'amende moyen de 1 677 euros et 30 en 2011 pour une amende « moyenne » de 1 550 euros ;

- s'agissant de la tromperie simple et aggravée « par le fait que la marchandise ait été rendue dangereuse pour la santé de l'homme ou de l'animal » (art. L. 213-1 et L. 213-2 du code de la consommation) : 505 infractions pour tromperie « simple » (le montant moyen des amendes prononcées étant de 1 851 euros pour les personnes physiques et de 8 285 euros pour les personnes morales) et 61 pour tromperie « aggravée » (le montant moyen des amendes prononcées étant de 7 430 euros pour les personnes physiques et de 5 000 euros pour les personnes morales) ont donné lieu à condamnation en 2010 et 351 infractions pour tromperie « simple » (le montant moyen des amendes prononcées étant de 1 369 euros pour les personnes physiques et de 10 900 euros pour les personnes morales) ont donné lieu à condamnation et 44 pour tromperie « aggravée » en 2011 (le montant moyen des amendes prononcées étant de 3 010 euros pour les personnes physiques, celui pour les personnes morales n'ayant pu être précisé).

Ainsi, le montant moyen des amendes prononcées se situe très en-deçà des maximum légaux existants.

Toutefois, selon le ministère de la justice, « les quantum fixés à ce jour de 37 500 et 75 000 euros (multipliés par 5 pour les personnes morales) sont très faibles au regard de l'argent généré dans des affaires certes encore exceptionnelles, mais qui se multiplient, de type affaire Spanghero ou affaire du Médiator. Ce constat a pu être fait à plusieurs reprises par les juridictions et notamment les pôles de santé publique lesquels ont à connaître des dossiers de fraude en matière de sécurité sanitaire ou alimentaire de grande ampleur ».

L'augmentation des amendes prononçables devrait ainsi permettre d'améliorer le caractère dissuasif des incriminations prévues pour des faits qui sont susceptibles de générer des profits très importants, bien supérieurs à ceux des amendes existant actuellement . Cette augmentation permettra également de ne pas avoir à glisser vers l'incrimination d'escroquerie (375 000 euros d'amende encourue) pour assurer une répression proportionnée, comme cela a été le cas pour l'affaire des prothèses mammaires PIP.

Ces rehaussements de peines visent également à se rapprocher des quantum d'amende existant en matière d'escroquerie, de contrefaçon (code de la propriété intellectuelle), de falsification (code de la santé publique), ou de contrebande (code des douanes).

Enfin, le présent article prévoit que, pour certaines infractions, le montant de l'amende pourra être porté à 10 % du chiffre d'affaires réalisé lors de l'exercice précédent, ce qui devrait être particulièrement dissuasif. Si la question de la compatibilité de telles dispositions avec le principe d'égalité peut se poser s'agissant d'infractions non crapuleuses, l'indexation du quantum de la peine encourue sur le chiffre d'affaires se justifie s'agissant d'infractions ayant pour but de procurer un bénéfice à l'entreprise, comme c'est en principe le cas en l'espèce.

En revanche, votre rapporteur s'est interrogée sur le mode de calcul et sur la date de prise en compte du chiffre d'affaires de l'entreprise . En effet, compte tenu de la longueur du traitement judiciaire, l'entreprise pourrait mettre à profit le temps de la procédure pour dissimuler ses actifs ou organiser son insolvabilité. En outre, du point de vue du principe de légalité des délits et des peines, il semble nécessaire que l'entreprise connaisse la peine encourue au moment où elle commet l'infraction. Une référence au chiffre d'affaires moyen connu à la date des faits serait ainsi plus pertinente. Enfin, il paraît plus équilibré de calculer le chiffre d'affaires par référence à une moyenne de trois années que pour un seul exercice. Votre commission a donc adopté un amendement de votre rapporteur en ce sens.

Votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 64 sous réserve de l'adoption de ses amendements .

Article 65 (art. L. 213-1, L. 213-2, L. 213-2-1, L. 213-3, L. 213-4, L. 216-8, L. 217-11, L. 217-12 [nouveau] et L. 217-10-1du code de la consommation) - Renforcement des peines applicables en cas de fraude ou de falsification au détriment du consommateur

Le présent article tend à renforcer de manière très importante la répression en matière de fraudes et de falsifications, infractions prévues par le chapitre III du titre I er du livre II du code de la consommation (articles L. 213-1 à L. 213-6).

Ainsi, l'article L. 213-1 du code de la consommation prévoit la répression de toute personne qui aura trompé ou tenté de tromper un cocontractant sur les caractéristiques de marchandises, sur leur quantité ou sur leur aptitude à l'emploi, les risques liés à leur usage, les contrôles effectués, les modes d'emploi ou les précautions à prendre. Ces faits sont ainsi punis de deux ans d'emprisonnement et 37 500 euros d'amende. En cas de circonstances aggravantes prévues à l'article L. 213-2, c'est-à-dire si les délits précités ont rendu l'utilisation de la marchandise dangereuse pour la santé de l'homme ou de l'animal, s'ils ont été commis à l'aide de poids et mesures faux ou inexacts ou à l'aide de manoeuvres tendant à fausser la transaction, la peine prévue est doublée, soit quatre ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende.

Le présent article fait passer la peine d'amende prévue pour ces infractions à 300 000 euros et à 600 000 euros en cas de délit aggravé.

Par ailleurs, l'article L. 213-2-1 punit d'une peine de quatre ans d'emprisonnement et d'une amende de 75 000 euros le fait d'exporter vers un pays tiers à l'Union européenne une denrée alimentaire préjudiciable à la santé. Le présent article porte ces peines à 5 ans et 600 000 euros d'amende.

L'article L. 213-3 punit des mêmes peines que celles prévues à l'article L. 213-1 le fait d'exposer, de commercialiser ou de vendre des denrées falsifiées. En cas de danger pour l'homme ou l'animal, les peines sont de quatre ans de prison et 75 000 euros d'amende, portées à cinq ans et 600 000 euros par le présent article.

L'article L. 213-4 punit d'une peine d'emprisonnement de trois mois et de 4 500 euros d'amende un large spectre d'actes de falsification ou de vente de produits falsifiés. Les peines seraient portées à un an de prison et 150 000 euros d'amende.

Enfin, l'article L. 217-11 prévoit de punir d'une peine de quatre ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait, pour un exploitant du secteur alimentaire, de le pas retirer ou rappeler ses produits dans les cas prévus par les articles 19 ou 20 du règlement (CE) n°178-2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002. Le présent article porterait ces peines à 5 ans de prison et 600 000 euros d'amende.

Par ailleurs, pour l'ensemble de ces infractions, il serait désormais possible de porter la peine d'amende à 10 % du chiffre d'affaires réalisé par le contrevenant au cours de l'exercice précédent (cf. le commentaire de l'article 64). Votre commission a adopté, à l'initiative de son rapporteur, un amendement similaire à celui proposé à l'article 64 et prévoyant que la base de calcul de l'amende est constituée par le chiffre d'affaires moyen annuel de la personne morale accusée, calculé sur les trois dernières chiffres d'affaires connus à la date des faits.

Enfin, le présent article prévoit la possibilité, pour l'ensemble des infractions du chapitre VII du titre Ier du livre II du code de la consommation, de prononcer, à l'instar de ce qui est prévu par l'article 64 pour les atteintes au libre choix du consommateur, de prononcer des peines complémentaires d'interdiction d'exercice de certaines fonctions ou activités.

Votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 65 sous réserve de l'adoption de ses amendements .

Articles 66 et 67 (art. L. 311-50, L. 312-33, L. 312-34, L. 312-35, L. 313-2, L. 313-5, L. 313-14-2, L. 314-16, L. 314-17, L. 322-1 et L. 322-3 du code de la consommation et art. L. 237-2, L. 237-3, L. 251-20, L. 253-15, L. 253-16, L. 253-17, L. 272-9 et L. 671-9 du code rural et de la pêche maritime) - Renforcement des peines applicables en matière de crédits à la consommation et d'infractions au code rural et de la pêche maritime

Comme les articles 64 et 65, le présent article tend à accroître la sévérité des peines encourues pour certaines infractions au code de la consommation, en l'occurrence les infractions en matière de crédit à la consommation, et au code rural et de la pêche maritime.

En matière de crédit , il s'agit, à titre d'exemple, de l'interdiction faite au prêteur de verser une quelconque somme à l'emprunteur jusqu'à acceptation de l'offre de sa part, de l'obligation de rembourser les sommes précédemment perçues en cas de non-conclusion d'un contrat, des obligations en matière de publicité relative à des crédits, etc. Comme les articles 64 et 65, le présent article prévoit une forte augmentation des amendes encourues, qui passent ainsi pour la plupart de 30 000 euros à 300 000 euros. Est également prévue la possibilité de prononcer des peines complémentaires d'interdiction d'exercer certaines professions.

En matière de règles fixées par le code rural et de la pêche maritime (par exemple la mise sur le marché de produits d'origine animale dangereux pour la santé de l'homme ou la détention ou vente illégale de produits phytopharmaceutiques), le présent article tend à augmenter considérablement le montant des amendes encourues pour les porter à 150 000, 300 000 ou 600 000 euros. Il prévoit également que la peine encourue est portée à 10 % du chiffre d'affaire dans certains cas.

À l'article 67, votre commission a adopté, à l'initiative de son rapporteur, un amendement similaire à ceux proposés aux articles 64 et 65 et prévoyant que la base de calcul de l'amende est constituée par le chiffre d'affaires moyen annuel de la personne morale accusée, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires connus à la date des faits.

Votre commission a donné un avis favorable à l'adoption des articles 66 et 67 sous réserve de l'adoption de ses amendements .


* 112 L'article L. 122-6 du code de la consommation prohibe « La vente pratiquée par le procédé dit "de la boule de neige" ou tous autres procédés analogues consistant en particulier à offrir des marchandises au public en lui faisant espérer l'obtention de ces marchandises à titre gratuit ou contre remise d'une somme inférieure à leur valeur réelle et en subordonnant les ventes au placement de bons ou de tickets à des tiers ou à la collecte d'adhésions ou inscriptions ».

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