N° 831

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 11 septembre 2013

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi pour l' égalité entre les femmes et les hommes ,

Par Mme Maryvonne BLONDIN,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : Mme Marie-Christine Blandin , présidente ; MM. Jean-Étienne Antoinette, David Assouline, Mme Françoise Cartron, M. Ambroise Dupont, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Jacques Legendre, Mmes Colette Mélot, Catherine Morin-Desailly, M. Jean-Pierre Plancade , vice-présidents ; Mme Maryvonne Blondin, M. Louis Duvernois, Mme Claudine Lepage, M. Pierre Martin, Mme Sophie Primas , secrétaires ; MM. Serge Andreoni, Maurice Antiste, Dominique Bailly, Pierre Bordier, Mme Corinne Bouchoux, MM. Jean Boyer, Jean-Claude Carle, Jean-Pierre Chauveau, Jacques Chiron, Mme Marie-Annick Duchêne, MM. Alain Dufaut, Jean-Léonce Dupont, Vincent Eblé, Mmes Jacqueline Farreyrol, Françoise Férat, MM. Gaston Flosse, Bernard Fournier, André Gattolin, Jean-Claude Gaudin, Mmes Samia Ghali, Dominique Gillot, Sylvie Goy-Chavent, MM. François Grosdidier, Jean-François Humbert, Mmes Bariza Khiari, Françoise Laborde, M. Pierre Laurent, Mme Françoise Laurent-Perrigot, MM. Jean-Pierre Leleux, Michel Le Scouarnec, Jean-Jacques Lozach, Philippe Madrelle, Jacques-Bernard Magner, Mme Danielle Michel, MM. Philippe Nachbar, Daniel Percheron, Marcel Rainaud, Michel Savin, Abdourahamane Soilihi, Alex Türk, Hilarion Vendegou, Maurice Vincent .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

717 , 788 , 794 , 807 et 808 (2012-2013)

• INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La commission de la culture du Sénat a toujours fait montre de vigilance sur la question de la place des femmes dans la culture. Comme le disait sa présidente, Marie-Christine Blandin, lors de la séance du 25 juin 2013 consacrée au bilan de l'application des lois : « Je tiens à mentionner notre souci constant de rester vigilants au sujet des discriminations de genre, que nous traquons dans chacun des textes que nous étudions, en collaboration avec la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. »

Cet effort continu et permanent sera inlassablement poursuivi par la commission dans les secteurs la concernant : l'éducation, la culture, la communication ou encore le sport. Néanmoins, il est particulièrement heureux que le Gouvernement ait pris l'initiative d'une réflexion globale et coordonnée sur l'égalité entre les femmes et les hommes , en s'attachant à traiter l'ensemble des champs de notre vie sociale, économique et politique.

La commission des Lois du Sénat a été saisie au fond de ce projet de loi ambitieux de 25 articles et a adopté un texte, déposé le 24 juillet dernier.

Considérant l'intérêt spécifique du sujet de la parité dans les secteurs culturels pris au sens large, votre commission a souhaité se saisir pour avis de trois articles, relatifs à la protection des femmes dans les médias audiovisuels (article 16), à l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sportives (article 19) et à l'habilitation donnée au Gouvernement de favoriser la parité dans les autorités administratives indépendantes, dont le Conseil supérieur de l'audiovisuel (article 23).

Sur ces sujets, elle vous propose plusieurs amendements susceptibles de permettre une meilleure application des dispositifs proposés.

En outre, dans la droite ligne des réflexions du groupe de travail sur l'intermittence dans le secteur culturel, votre rapporteure s'est penchée sur la question des femmes intermittentes, qui, si elle n'est pas traitée par le présent projet de loi, mérite un éclairage spécifique.

I. ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES DANS LE DOMAINE DE LA CULTURE : L'URGENCE DE NOUVELLES MESURES

Le secteur de la culture n'échappe malheureusement pas au phénomène des inégalités entre les femmes et les hommes. La place des femmes dans l'art et la culture a été analysée par la délégation aux droits des femmes précédemment citée. L'excellent rapport 1 ( * ) de notre collègue Brigitte Gonthier-Maurin indique que, 7 ans après le premier rapport de Reine Prat 2 ( * ) sur le sujet, les chiffres sont les mêmes.

Dans le domaine de la création, la place qui leur est faite est encore très loin de refléter la véritable place des femmes dans la société en tant que citoyennes mais aussi en tant que « consommatrices » d'art et de culture. 30 % de la création incombent aux femmes dans les FRAC (fonds régionaux d'art contemporain). 25 % des films produits en 2012 sont réalisés par des femmes. Par ailleurs, seulement 15 % des metteurs en scène dans les structures labellisées et théâtres nationaux sont des femmes.

Les postes de direction des institutions et industries culturelles sont toujours monopolisés par les hommes. Parmi les dirigeants de l'administration culturelle, seuls 18 % sont des femmes soit 7 femmes pour 31 hommes. De même, au sein des établissements membres de la réunion des opéras de France, seuls 4 % des directeurs sont des femmes. Le taux est de 15 % pour les 34 centres dramatiques nationaux et de 30 % pour les centres chorégraphiques nationaux.

Dans les médias, on note une absence des femmes des postes « stratégiques ». Une évaluation conduite par la délégation aux droits de femmes relève que ces dernières occupent très peu de postes de direction, le taux variant de 3,8 % pour les quotidiens nationaux à 14,8 % pour les magazines nationaux. Ces chiffres confirment le constat dressé par Michèle Reiser et Brigitte Grésy dans leur rapport du 25 septembre 2008 sur l'image des femmes dans les médias : « le plafond de verre est, dans le monde des médias, aussi incassable que partout ailleurs ».

Le ministère de la culture et de la communication a pris conscience de cette situation et a intégré l'action en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes comme l'une de ses missions essentielles. Le rapport de notre collègue Brigitte Gonthier-Maurin souligne à cet effet la nomination de Mme Nicole Pot, haut-commissaire à l'égalité, chargée de mettre en place un Observatoire de l'égalité dans le domaine de la culture et de la communication. Cette structure a pour mission de suivre l'évolution de la place des femmes dans le cadre des nominations aux postes de direction, de la programmation, de l'accès aux moyens de production et aux aides publiques, et des rémunérations.

La place des femmes dans l'art et la culture mérite également que l'on s'interroge sur les inégalités qui les frappent dans le cadre du régime des intermittents du spectacle. La commission de la culture a mis en place en février 2013, conjointement avec la commission des affaires sociales, un groupe de travail relatif à l'intermittence dans le secteur culturel. Les travaux des sénateurs, qui se poursuivront à l'automne 2013, ont d'ores et déjà mis en évidence une rupture d'égalité caractérisée entre les femmes et les hommes relevant de ce régime. Les intermittents du spectacle regroupent les personnes exerçant de façon discontinue des métiers techniques ou artistiques et indemnisées au titre des annexes VIII et X à la convention du 6 mai 2011 relative à l'assurance chômage. Parmi les 108 000 intermittents indemnisés par Pôle emploi, les deux tiers sont des hommes et l'âge moyen des intermittents est de 39 ans. De nombreuses femmes apparaissent pénalisées dès lors qu'elles ont un enfant : les conditions d'indemnisation du congé de maternité puis de retour au régime de l'intermittence sont telles que les intéressées se voient souvent privées de toute indemnisation pendant de longues périodes. Elles doivent alors faire face à une situation de précarisation extrême à un moment de leur vie où elles devraient être au contraire particulièrement protégées pour que l'enfant puisse naître et vivre ses premières semaines dans les meilleures conditions possibles.

Elles subissent une sorte de « triple peine » pour la prise en charge de leur congé de maternité, pour la prise en compte de leur congé de maternité par Pôle emploi lors du retour vers une activité, et pour sa prise en compte en vue de la retraite.

Regroupées au sein du collectif « Les Matermittentes », 33 femmes victimes de cette discrimination ont saisi la haute autorité de lutte contre les discriminations (HALDE) par courrier du 9 juin 2010. Dans une décision n° MLD 2012-39 du 8 mars 2012, en vertu de l'article 44 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits, le Défenseur des droits a formulé plusieurs recommandations afin que le ministre du travail, l'Unedic et la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) prennent mieux en compte la spécificité des activités des intermittentes du spectacle pour l'ouverture des droits à l'indemnisation du congé de maternité et lors du retour à l'emploi.

Il semble malheureusement que la situation des femmes intermittentes n'ait pas connu d'amélioration, même si la publication d'une circulaire le 16 avril 2013 constitue un progrès pour la bonne information de leurs droits. La question des « matermittentes » met en évidence la précarité dont souffrent les femmes dans le secteur culturel, et la rupture d'égalité qui persiste entre les femmes et les hommes. Forte de ce constat, la commission de la culture a souhaité aborder cette question dans le cadre de l'examen du présent projet de loi.


* 1 Rapport d'information de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, rapport n°704 (2012-2013) du 27 juin 2013 de Mme  Brigitte Gonthier-Maurin « La place des femmes dans l'art et la culture : le temps est venu de passer aux actes ».

* 2 Mission Egalités, Pour une plus grande et une meilleure visibilité des diverses composantes de la population française dans le secteur du spectacle vivant, Pour l'égal accès des femmes et des hommes aux postes de responsabilité, aux lieux de décision, à la maîtrise de la représentation , mai 2006.

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