II. ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES DANS LE SPORT ET LES MÉDIAS : LES PROGRÈS PORTÉS PAR LE PROJET DE LOI

Dans le domaine sportif, le constat de l'existence d'inégalités a été mis en avant en 2003 avec l'enquête réalisée par Caroline Chimot sur la présence des femmes dans les instances dirigeantes et le rapport « femmes et sport » en 2004 de Brigitte Deydier 3 ( * ) : seulement 3 % des présidents de comités régionaux, départementaux et de fédérations, 13,7 % des membres de bureaux et 3 % des directeurs techniques nationaux étaient alors des femmes. En outre, seules quatre fédérations sportives étaient présidées par des femmes. De façon symbolique, la fédération française d'éducation physique et de gymnastique volontaire a été longtemps présidée par un homme, alors que les femmes représentent plus de 78 % de ses licenciés.

Le rapport de notre collègue Michèle André, du 21 juin 2011, fait au nom de délégation aux droits des femmes 4 ( * ) soulignait l'amélioration de la situation, qui reste cependant inégalitaire : 21 % des élus aux bureaux, 15 % des cadres de fédérations, 15,5 % des conseillers techniques régionaux, 18,3 % des conseillers techniques nationaux, 11,1 % des entraîneurs nationaux et 5 % des directeurs techniques nationaux sont des femmes. Le nombre de femmes présidant des fédérations a également augmenté pour passer à 11.

Le présent projet de loi offre une réponse à ces difficultés en confiant des pouvoirs au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) pour améliorer la place et l'image des femmes dans les médias (article 16) et en fixant des règles contraignantes de mixité au sein des organes dirigeants des fédérations sportives (article 19). Enfin, l'article 23 prévoit que des mesures en faveur de la parité dans les autorités administratives soient prises par voie d'ordonnance.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

A. SUR LA QUESTION DE L'INDEMNISATION DES CONGÉS DE MATERNITÉ DES FEMMES INTERMITTENTES DU SPECTACLE

Considérant que la question des discriminations subies par les femmes intermittentes trouve pleinement sa place dans le débat relatif au présent projet de loi, votre rapporteure considère qu'un article additionnel est légitime pour que la question soit enfin traitée par le Gouvernement .

Comme le souligne le Défenseur des droits dans ses recommandations, les conditions d'ouverture des droits aux prestations versées par les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) sont inadaptées. Ces conditions sont définies par l'article R. 313-7 du code de la sécurité sociale.

Malgré l'assouplissement des conditions de droit commun prévues par ailleurs à l'article R. 313-3 du code de la sécurité sociale, ces règles ne tiennent pas suffisamment compte de la réalité de l'activité des femmes exerçant une profession à caractère discontinu, comme les intermittentes. En effet, ces dernières, pour être indemnisées lors de leur congé de maternité, doivent avoir :

-  cotisé à hauteur des cotisations assises sur 2030 fois le SMIC au cours des 12 mois civils précédant le début de la période de référence,

-  ou travaillé au moins 800 heures au cours des 12 mois civils précédant la période de référence.

Cette réglementation soulève plusieurs difficultés :

- elle manque de cohérence puisque les conditions sont plus exigeantes que celles requises pour bénéficier de l'indemnisation chômage prévues dans les annexes VIII et X à la convention d'assurance chômage. Ainsi une assurée intermittente doit, pour percevoir une allocation chômage, comptabiliser 507 heures sur une période de 10 mois (pour les techniciennes) ou 10,5 mois (pour les artistes). Dans le cas de l'indemnisation du chômage, il lui faut donc travailler environ 50 heures par mois, contre 67 heures environ pour l'indemnisation du congé de maternité ;

- le début de la période de référence est compris de façon stricte , puisqu'il est apprécié lors du dernier cachet ou des dernières heures travaillées. Ce système ne prend absolument pas en compte la situation des intermittentes qui, en raison de leur état de santé, ne peuvent plus continuer à travailler dès le début de la grossesse, mais tentent de trouver quelques cachets dans les mois qui suivent, dans des activités de remplacement. Une artiste du cirque, une technicienne devant manipuler une caméra ou tout matériel lourd devra vite s'arrêter de travailler et sera écartée par tout employeur potentiel, mais elle pourra, enceinte, trouver quelques heures de figuration par exemple. Ces dernières sont alors prises en compte pour identifier le début de la période de référence. Ce mode de calcul pénalise ainsi les intermittentes qui, ne soupçonnant pas la portée des règles d'indemnisation du congé de maternité, font des efforts pour travailler tant qu'elles le peuvent ;

-  comme le rappelle le Défenseur des droits, la CPAM refuse d'appliquer les articles L. 161-8 et L. 311-5 du code de la sécurité sociale , qui prévoient respectivement un maintien de droit aux prestations de l'assurance maladie et maternité et un revenu de remplacement ;

-  enfin, durant le congé de maternité, il est impossible, pour les intermittentes, de percevoir l'assurance chômage . Le code du travail définit bien ce congé comme une période au cours de laquelle il est interdit d'employer une salariée. Cette dernière ne peut donc formellement être demandeur d'emploi et ne peut donc percevoir l'aide au retour à l'emploi (ARE).

La discrimination à l'égard des femmes intermittentes se poursuit au-delà du congé de maternité car, lorsqu'elles n'ont pas perçu d'indemnités au titre de ce dernier, la période correspondante n'est pas prise en compte pour l'ouverture des droits de l'assurance chômage. Il s'agit donc d'une double peine subie à un moment de fragilité liée à l'arrivée d'un enfant. Cette situation est en infraction avec le droit communautaire car la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne a précisé que la protection de la femme enceinte offerte par les directives est d'application directe (Melgra, CJCE 4 octobre 2001, aff. C-438/99) et qu'elle impose des garanties minimales de droit au maintien des prestations en cas de grossesse et de congé de maternité.

Pour celles qui auraient eu la « chance » d'être indemnisées et de bénéficier ainsi d'une équivalence de 5 heures travaillées par jour en application de l'article 3 des annexes VIII et X précitées, la situation est toutefois très difficile car seuls les revenus de périodes travaillées sont pris en compte pour le calcul de l'indemnisation du chômage. Elles doivent en général assumer une chute de revenu de l'allocation versée, alors même que leurs dépenses augmentent avec l'arrivée d'un enfant. Commence alors un cercle vicieux pour trouver et assumer le coût des modes de garde adaptés qui permettront de reprendre une activité salariée dans le domaine du spectacle.

Dans un troisième temps, la discrimination se fait sentir lors du calcul de la pension de retraite, compte tenu des périodes de précarisation décrites ci-dessus.

Dans sa décision du 8 mars 2012, le Défenseur des droits a estimé que « la situation dans laquelle sont placées les intermittentes du spectacle durant et à l'issue de leur congé de maternité constitue une discrimination fondée sur l'état de grossesse tant au regard du droit communautaire que du droit interne ».

La publication de la circulaire n° DSS/2A/2013/163 du 16 avril 2013, relative au régime juridique applicable aux personnes exerçant une profession discontinue pour l'accès aux prestations en espèces servies au titre de la maladie et de la maternité, constitue un progrès important. En effet, on peut espérer que les CPAM auront une meilleure connaissance des dispositions pouvant s'appliquer au cas des intermittentes. En revanche votre rapporteure souhaite que soit rapidement publié le décret d'application de l'article 51 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale modifiant l'article L. 161-8 du code de la sécurité sociale précité. Ce décret, toujours à l'étude, devrait permettre d'assouplir les conditions requises pour un maintien de droit aux prestations de l'assurance maladie et maternité dans le cas des femmes enceintes qui ne pourraient effectuer que quelques contrats très courts pendant leur grossesse, insuffisants pour le maintien de leurs droits. Cette mesure ne suffira toutefois pas à résoudre toutes les difficultés rencontrées par les « matermittentes ».

Votre rapporteure estime que plusieurs mesures sont envisageables : soit un gel de la période de congé de maternité, soit une indemnisation plancher qui serait prise en compte pour le calcul de l'indemnisation chômage ultérieure, soit encore et en complément, une prise en compte des indemnités journalières lorsqu'elles sont versées.

L'appréciation des justes réformes dépend toutefois de l'analyse statistique et juridique que l'on peut faire de la situation. Comme l'a regretté le collectif des « matermittentes » lors de son audition, aucun bilan chiffré n'est aujourd'hui disponible, et les justifications écrites transmises aux intéressées par la sécurité sociale sont très insuffisantes . La première étape vers une prise en compte de la rupture d'égalité subie par les intermittentes passe donc par la réalisation d'une étude complète que le Gouvernement pourrait remettre au Parlement, dans les 6 mois suivant la promulgation de la présente loi .

Ce rapport relatif à l'indemnisation des périodes de congé de maternité des femmes exerçant une profession discontinue, et plus particulièrement des intermittentes, devrait :

- évaluer, pour les cinq dernières années, le nombre de femmes ayant demandé une indemnisation au titre de la maternité, le nombre de femmes non indemnisées et les justifications afférentes, les délais d'instruction des dossiers, les pertes de revenu liées à la maternité lors du retour à la vie active, pour la réouverture des droits à l'assurance chômage ou lors du départ en retraite ;

- analyser les améliorations possibles et les conditions d'instauration d'une indemnisation minimale prise en compte dans le calcul des droits à l'allocation chômage.

Tel est l'objet de l'amendement portant article additionnel présenté par votre rapporteure et adopté par votre commission.


* 3 Femmes et sports , Brigitte Deydier, rapport demandé par le ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative, avril 2004.

* 4 Rapport d'information n° 650 (2010-2011) de Mme Michèle ANDRÉ, fait au nom de la délégation aux droits des femmes, déposé le 21 juin 2011, Égalité des femmes et des hommes dans le sport : comme dans le marathon, ce sont les derniers mètres les plus difficiles .

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