N° 157

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2013

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi de finances pour 2014 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME III

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT
ET AMÉNAGEMENT DURABLES

PÊCHE ET AQUACULTURE

Par M. Gérard LE CAM,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Daniel Raoul , président ; MM. Martial Bourquin, Claude Bérit-Débat, Gérard César, Alain Chatillon, Daniel Dubois, Pierre Hérisson, Joël Labbé, Mme Élisabeth Lamure, M. Gérard Le Cam, Mme Renée Nicoux, M. Robert Tropeano , vice-présidents ; MM. Jean-Jacques Mirassou, Bruno Retailleau, Bruno Sido , secrétaires ; M. Gérard Bailly, Mme Delphine Bataille, MM. Michel Bécot, Alain Bertrand, Mme Bernadette Bourzai, MM. François Calvet, Roland Courteau, Marc Daunis, Claude Dilain, Alain Fauconnier, Didier Guillaume, Michel Houel, Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Jean-Claude Lenoir, Philippe Leroy, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Michel Magras, Jean-Claude Merceron, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Mme Mireille Schurch, M. Yannick Vaugrenard .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 1395, 1428 à 1435 et T.A. 239

Sénat : 155 et 156 (annexe n° 10a ) (2013-2014)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La pêche maritime joue un rôle important pour l'économie littorale mais s'est affaiblie au fil des ans, avec une réduction importante de la taille de la flotte de pêche, et une baisse du nombre d'emplois de marins-pêcheurs.

Avec 13 657 marins-pêcheurs embarqués sur des navires battant pavillon français en 2012 1 ( * ) , la pêche maritime génère entre 45 et 60 000 emplois à terre 2 ( * ) , essentiellement dans les ports et à proximité immédiate des côtes.

La dernière crise du secteur de la pêche maritime, déclenchée par la hausse des prix du gazole à partir de 2007, avait conduit les pouvoirs publics à mettre en oeuvre un plan exceptionnel en faveur de la pêche à travers le plan pour une pêche durable et responsable (PPDR) lancé en janvier 2008 . Les crédits de l'État comme ceux du fonds européen pour la pêche (FEP), instrument financier de l'Union européenne au service de la politique commune des pêches (PCP) ont alors été fortement mobilisés. Le point haut a été atteint dans la loi de finances pour 2009 qui prévoyait 134 millions d'euros pour la pêche en crédits de paiement (CP).

Depuis, les moyens mis par l'État à disposition de la politique de la pêche sont en net reflux , passant de 84,8 millions d'euros en 2010 à 51,9 millions d'euros en 2013.

Ces crédits sont inscrits au sein de l'action 06 « Gestion durable des pêches et de l'aquaculture » du programme 205 « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture » de la mission « écologie, développement et mobilité durables ». Ils passent pour la première fois sous la barre des 50 millions d'euros, et s'établissent en autorisations d'engagement (AE) comme en CP à 49,5 millions d'euros, soit une baisse de 4,7 % par rapport à l'année 2013.

L'essentiel de cette réduction des crédits nationaux est concentré sur les dispositifs d'intervention économique vers le secteur de la pêche : contrats bleus, plans de sortie de flotte et indemnisation des arrêts temporaires d'activité. Dans le même temps, le passage de relais entre le FEP et le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) va se faire avec retard. La négociation au niveau européen pour le FEAMP n'est pas terminée, alors même que le FEP doit s'éteindre fin 2013. La mise au point du programme opérationnel du FEAMP devrait prendre une bonne partie de l'année 2014. Les mesures de soutien économique devraient ainsi se situer au creux de la vague lors du prochain exercice budgétaire.

Mais la nouvelle PCP ne se résume pas à un changement d'instrument financier. Les pêcheurs devront aussi s'adapter aux nouvelles règles de gestion de la ressource , plus exigeantes sur un plan environnemental : les quotas seront fixés en ayant pour but l'atteinte la plus rapide possible du rendement maximal durable (RMD), et les rejets en mer seront progressivement interdits.

Enfin, si les produits de la pêche française restent prisés, et si la démarche « Pavillon France » constitue une initiative louable, la concurrence de produits importés reste forte. La pêche illicite non déclarée non réglementée (INN) est une menace tant pour l'équilibre environnemental des espaces maritimes que pour l'économie de la pêche, et justifie des contrôles renforcés, jusqu'à l'étal.

Au-delà de la pêche, la production de poissons et de crustacés est aussi le fait de l'aquaculture. Les crédits en faveur de l'aquaculture marine sont extrêmement modestes, et le développement de la pisciculture marine, qui était un des objectifs de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP) de 2010, est au point mort.

Lors de sa réunion du 27 novembre 2013, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la pêche et à l'aquaculture inscrits dans le projet de loi de finances pour 2014 au sein de la mission « écologie, développement et aménagement durables ».

I. LA GESTION DE LA RESSOURCE AU COEUR DE LA POLITIQUE DE LA PÊCHE.

A. LA POLITIQUE COMMUNE DE LA PÊCHE ENCADRE TRÈS STRICTEMENT LA PÊCHE EN EUROPE.

1. La réforme de la politique commune de la pêche : une nouvelle étape pour mieux protéger les ressources halieutiques.

Mieux gérer les ressources halieutiques en luttant contre la surpêche constitue un objectif central de la politique commune de la pêche (PCP) mise en place en Europe à partir du milieu des années 1980.

L'Union européenne dispose de toute une palette d'outils de régulation : la fixation de totaux admissibles de capture (TAC) par espèce et de quotas de pêche , la définition de mesures techniques portant sur la taille des mailles des filets ou les types d'engins de pêche autorisés, ou encore la limitation de l'effort de pêche exprimé en nombre de jours passés en mer, ou la limitation des périodes de pêche .

Le processus de réforme de la PCP lancé en juillet 2011 est pratiquement parvenu à son terme : Conseil et Parlement européen ont chacun arrêté leurs positions sur la proposition de règlement de la Commission européenne concernant les nouvelles règles de la PCP et sur la proposition de règlement modifiant l'organisation commune des marchés des produits de la mer. Depuis le printemps 2013, les réunions de trilogue ont eu lieu avec la Commission et ont permis d'aboutir fin mai à un accord politique qui devrait permettre d'adopter définitivement les textes régissant la nouvelle PCP d'ici la fin 2013.

Celle-ci conduit clairement à un renforcement des exigences environnementales vis-à-vis de la pêche :

- Le principe d'une exploitation des stocks au niveau du rendement maximal durable (RMD) a été définitivement entériné. Les totaux admissibles de capture devront être fixés en visant l'atteinte du RMD le plus tôt possible, et au plus tard en 2020.

- Les rejets de captures accessoires en mer seront interdits , dans la limite d'une tolérance de 5 %. La mise en oeuvre de l'interdiction des rejets est progressive : un taux de rejet de 7 % sera possible en 2015 et 2016, et baissera ensuite à 6 % puis 5 % à partir de 2019.

- A la demande du Parlement européen, seront de plus instaurées des zones de protection où la pêche sera limitée voire interdite.

La nouvelle PCP est donc encore plus exigeante en matière de préservation des ressources halieutiques. Pourtant, l'actuelle PCP ne constitue pas un si grand échec de ce point de vue : ainsi, alors que seulement 6 % des stocks de poisson d'Atlantique Nord-Est étaient exploités au niveau du RMD en 2005, ce chiffre s'est élevé à 27 % en 2010 et atteint en 61 % en 2013. La communication de la commission européenne du 30 mai 2013 sur les possibilités de pêche 3 ( * ) confirme cette tendance récente à l'amélioration de l'état des stocks halieutiques, qui sont par ailleurs mieux connus , le nombre de stocks pour lesquels il existe une évaluation quantitative ne cessant de progresser.

2. Les exigences environnementales pèsent fortement sur l'équilibre économique de la pêche.

L'encadrement des possibilités de pêche a contraint la flotte européenne à une sévère restructuration. En France hexagonale, le nombre des navires de pêche est passé de 6 593 en 1995 à 4 578 en 2012 4 ( * ) .

Les discussions lors de la réforme de la PCP ont permis d'échapper aux quotas de pêche transférables , qui aurait immanquablement mené à la concentration des droits à produire aux mains d'acteurs poursuivant une logique financière.

Pour autant, les variations de quotas d'une année sur l'autre imposent aux armements de s'adapter. La pêche française est assez polyvalente, ce qui constitue un atout. Pour autant, la disponibilité des quotas constitue une contrainte forte et qui va se renforcer avec l'interdiction des rejets.

Une inquiétude existe aujourd'hui sur les poissons bleus - sardine, anchois essentiellement : les petits poissons pélagiques pêchés sont de taille plus petite et moins concentrés dans les zones traditionnelles, ce qui dégrade la rentabilité de la pêche.

Au-delà, les pratiques de pêche font l'objet d'une contestation forte des organisations non gouvernementales (ONG) et associations de protection de l'environnement qui amènent les pouvoirs publics à renforcer sans cesse la réglementation.

En juillet 2012, la Commission européenne a présenté une proposition de règlement visant à interdire la pêche au chalut ou à l'aide de filets maillants pour les espèces de grand fond . La discussion de cette proposition est actuellement bloquée par les désaccords importants existant au sein du Conseil et du Parlement européen, mais votre rapporteur pour avis appelle à la plus grande vigilance sur les étapes futures de la discussion de ce texte, qui pourrait être le prélude à une remise en cause plus globale de la technique du chalut, qui est pourtant essentielle pour la pêche française.

Au final, le renforcement des exigences environnementales constitue une épée de Damoclès suspendue en permanence au-dessus du secteur de la pêche maritime.


* 1 Source : INSEE.

* 2 On estime qu'un emploi en mer génère entre trois et quatre emplois à terre.

* 3 Communication de la Commission au Conseil concernant une consultation sur les possibilités de pêche pour 2014, du 30 mai 2013 (COM(2013) 319 final).

* 4 Source : FranceAgrimer - Les filières pêche et aquaculture en France, édition mai 2013.

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