B. UN CADRE DE RÉGULATION DÉSORMAIS ARRÊTÉ

1. Un encadrement réglementaire envisageant une forte mutualisation

• Rappel des principales décisions et recommandations de l'ARCEP

En application des dispositions du code des postes et des communications électroniques (CPCE) résultant notamment de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME) et de la « loi Pintat », l'ARCEP a établi un cadre réglementaire pour le déploiement des réseaux en fibre optique jusqu'à l'abonné (FttH) par l'adoption de plusieurs décisions et recommandations.

Dans un premier temps, l'Autorité a adopté, fin 2009, la décision n° 2009-1106 précisant les modalités de l'accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique et les cas dans lesquels le point de mutualisation peut se situer dans les limites de la propriété privée 7 ( * ) .

Cette première décision, d'une part, définit un ensemble de règles applicables sur tout le territoire et, d'autre part, précise certaines règles applicables de manière spécifique aux seules zones très denses , constituées d'une liste de 148 communes .

Dans un second temps, l'ARCEP a adopté, fin 2010, la décision n°2010-1312 précisant les modalités de l'accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique dans les zones moins denses , c'est-à-dire sur l'ensemble du territoire à l'exception des zones très denses.

Enfin, l'Autorité a considéré qu'il était nécessaire de préciser, au travers d'une recommandation publiée du 14 juin 2011 , les conditions de mutualisation pour les réseaux en fibre optique déployés dans les petits immeubles (moins de 12 logements ou locaux à usages professionnel) et les pavillons situés en zones très denses . Cette recommandation a également abouti à la définition des poches de basse densité dans les zones très denses, où l'application de règles similaires à celles fixées pour les zones moins denses est recommandée.

• Les principales dispositions du cadre règlementaire

Dans les zones très denses, en dehors des poches de basse densité (un peu plus de 15 % des logements au niveau national, soit 4,7 millions de lignes), les différents opérateurs déploient en principe leurs propres réseaux en parallèle et de manière capillaire jusqu'aux pieds des immeubles où sont situés les points de mutualisation (PM).

Néanmoins, la réglementation n'interdit nullement aux opérateurs de mutualiser tout ou partie de leurs réseaux en amont de ces PM. Bouygues Telecom a d'ailleurs conclu des accords avec SFR et Orange pour l'achat de fibres déployées en surnombre ainsi que pour la pose mutualisée de fibres pour certains déploiements à venir.

Dans les poches de basse densité des zones très denses 8 ( * ) , une architecture similaire à celle des zones moins denses est recommandée pour permettre d'aboutir à un degré de mutualisation élevé.

Dans ces zones moins denses 9 ( * ) , le degré de mutualisation est très important, tout opérateur devant déployer des PM d'au moins 1 000 lignes 10 ( * ) . Au final, la mutualisation des réseaux FttH y sera au moins équivalente à celle qui prévaut pour le réseau en cuivre et environ 95% des coûts de déploiement des réseaux FttH seront mutualisés. Dans ces zones, une seule fibre est actuellement déployée par logement en aval du PM par la majorité des opérateurs, compte-tenu du surcoût jugé, même si certains RIP en comportent plusieurs.

Les objectifs d'aménagement numérique du territoire et d'efficacité économique ont également conduit l'Autorité à prévoir une coordination entre les opérateurs afin de permettre une couverture progressive, cohérente et potentiellement complète du territoire en fibre optique (obligations d'information des opérateurs tiers et des collectivités concernées sur la liste des immeubles qu'il équipe ; consultation préalable relative au maillage des zones géographiques où il a programmé des déploiements ; obligation de déployer, dans un délai raisonnable - deux à cinq ans, a priori - un réseau horizontal jusqu'à la zone arrière du PM ...).

2. Le cofinancement comme outil de mutualisation des réseaux

Le déploiement des réseaux FttH a été l'occasion d'introduire dans la régulation des mécanismes de cofinancement qui consistent à partager les coûts des déploiements entre opérateurs en échange de droits d'usage pérenne sur ces infrastructures.

Dans les zones très denses , le cofinancement est généralement mis en oeuvre par un partage égalitaire des coûts entre les opérateurs en échange de droits d'utilisation (non limités en nombre d'abonnés) de l'infrastructure.

Les quatre opérateurs nationaux (Bouygues Telecom, Free, Orange-Orange et SFR) ont signé des accords de cofinancement entre eux, pour l'accès réciproque aux réseaux de fibre optique installés dans les immeubles par chacun d'entre eux. D'autres acteurs (notamment des réseaux d'initiative publique, tels que Sequalum, titulaire d'une délégation de service public du conseil général des hauts de Seine) participent à l'équipement des immeubles et ont conclu des accords de cofinancement avec ces opérateurs nationaux.

Dans les zones moins denses , qui représentent 80 % des logements, le cofinancement est mis en oeuvre par tranches de 5 %. Cela permet aux plus petits opérateurs d'acheter des parts limitées, et donc de contribuer à la même hauteur aux coûts de déploiement, en échange de droits limités.

Plusieurs accords ont été signés en ce sens :

- en juillet 2011, Free a signé un accord avec Orange en vue de cofinancer les réseaux FttH qui seront déployés par ce dernier dans les zones moins denses. Cet accord porte sur une soixantaine d'agglomérations représentant environ 5 millions de foyers.

- en novembre 2011, Orange et SFR ont signé un accord portant sur le déploiement de la fibre optique en dehors des zones très denses. Sur les 11 millions de logements qui y seront couverts par Orange et SFR, 9,8 millions correspondent à des agglomérations pour lesquelles les projets de déploiement des deux opérateurs se recoupaient. Au terme de cet accord, sur ces 9,8 millions de logements, SFR a prévu d'en réaliser 2,3 millions et Orange 7,5 millions ;

- en janvier 2012, Orange et Bouygues Telecom ont conclu un partenariat portant sur le partage des réseaux FttH déployés par Orange sur l'ensemble du territoire national. En dehors des zones très denses du territoire, Bouygues Telecom a souscrit l'offre de mutualisation de la partie terminale des réseaux FttH de Orange. Cette offre permettra à Bouygues Telecom d'accéder à un potentiel de 8,9 millions de logements ;

- par ailleurs, l'année 2012 a vu apparaître les premiers accords de cofinancement sur les RIP en dehors des zones très denses. Orange a conclu des accords respectivement avec SPTHD, filiale d'Axione, exploitant d'un réseau FttH sur l'agglomération de Pau, et Manche Télécom, filiale de SFR, délégataire du syndicat mixte Manche Numérique, exploitant un réseau FttH à Saint-Lô et Cherbourg.

3. Un système de mutualisation bénéficiant aux opérateurs comme au consommateur

La mutualisation du déploiement des réseaux à un niveau adéquat permet tout à la fois de minimiser les coûts tout en préservant la capacité des opérateurs à innover pour se différencier techniquement par rapport à leurs concurrents. Elle est favorable aux consommateurs dans la mesure où cette diversité favorise l'innovation et la concurrence.

La mutualisation des réseaux FttH est en constante augmentation depuis plusieurs années et le taux de mutualisation dépasse , à la fin du deuxième trimestre 2013, les 55 % , ce qui traduit les efforts des opérateurs pour raccorder les logements équipés en fibre optique par un concurrent ou par un opérateur aménageur.

Ce mouvement devrait être source d'émulation entre les différentes offres de détail de plusieurs opérateurs et soutenir ainsi l'accroissement du nombre d'abonnés aux services très haut débit. À la fin du deuxième trimestre 2013, l'ARCEP recense 1,8 million d'abonnements au très haut débit, dont 415 000 sur les réseaux FttH, et 1 350 000 sur les réseaux câblés modernisés, en croissance de 22 % sur un an.


* 7 Le point de mutualisation est le point au-delà duquel un seul opérateur déploie le réseau desservant les logements ou locaux à usage professionnel et au niveau duquel il donne l'accès aux autres opérateurs en vue de fournir des services de communications électroniques aux utilisateurs finals.

* 8 Près de 5% des logements, soit environ 1,4 million de lignes.

* 9 80% des logements, soit environ 24 millions de lignes.

* 10 Ou, s'il adopte pour des raisons techniques une architecture comprenant des PM plus petits (mais d'au moins 300 lignes), proposer une offre de raccordement distant vers un point amont regroupant au moins 1 000 lignes.

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