L'ARTICLE 13 DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2014

II. L'ARTICLE 13 DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2014 : LA RÉFORME DE LA DÉFISCALISATION, UN OUTIL AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DES OUTRE-MER

A l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2013, votre rapporteur pour avis s'était réjoui du maintien , conformément aux engagements forts pris par le Président de la République au cours de sa campagne électorale 39 ( * ) , de la défiscalisation et plus précisément de plafonds spécifiques pour les dispositifs de défiscalisation outre-mer 40 ( * ) .

L'article 79 de la loi de finances pour 2013 prévoyait cependant que « le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1 er mai 2013, le rapport mentionné à l'article 110 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 étudiant l'opportunité et la possibilité de transformer en dotations budgétaires tout ou partie des dépenses fiscales rattachées à titre principal à la mission « Outre-mer ». »

Les dispositifs de défiscalisation ont fait l'objet d'une évaluation dans le cadre du Comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (CIMAP) , le Gouvernement organisant une large concertation avec les professionnels mais aussi avec les parlementaires.

Votre rapporteur pour avis rappelle que le Sénat s'est fortement mobilisé : la délégation sénatoriale à l'outre-mer et votre commission des affaires économiques ont en effet constitué un groupe de travail sur l'impact économique des dispositifs de défiscalisation spécifiques aux outre-mer.

A. LA DÉFISCALISATION, LEVIER INCONTOURNABLE DU DÉVELOPPEMENT DES OUTRE-MER : LES CONCLUSIONS DU GROUPE DE TRAVAIL SÉNATORIAL

Le groupe de travail commun à la délégation sénatoriale à l'outre-mer et à votre commission , dont notre collègue Éric Doligé et votre rapporteur pour avis étaient les rapporteurs et notre collègue Marie-Noëlle Lienemann la présidente, a mené ses travaux de manière intensive pendant deux mois, avec une vingtaine d'auditions réalisées au Sénat - dont une visio-conférence avec le Gouvernement et la chambre de commerce et d'industrie de la Nouvelle-Calédonie, ainsi qu'un déplacement de plusieurs jours à La Réunion .

Le groupe de travail a pu mesurer l'outil indispensable que constituent, pour les entreprises ultramarines, les dispositifs d'aide fiscale à l'investissement , dans un contexte économique et social difficile. Il a notamment relevé que ces dispositifs :

- ont un effet levier essentiel sur l'accès au crédit bancaire dont les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME) ultramarines , sous-capitalisées et qui constituent plus de 90 % du tissu entrepreunarial, sont largement privées ;

- compensent une partie des surcoûts résultant de l'éloignement et de la dépendance aux approvisionnements extérieurs, de l'étroitesse des marchés limitant les économies d'échelle ou encore des normes et de la rareté du foncier disponible.

L'aide fiscale à l'investissement outre-mer a également permis une relance massive de la construction de logements sociaux et très sociaux , comme l'avaient déjà relevé nos collègues Éric Doligé et Georges Patient dans leur rapport fait au nom de la commission des Finances 41 ( * ) .

La programmation des logements sociaux a ainsi doublé entre 2009 et 2011 , pour atteindre près de 7 500 logements financés dans les DOM.

LOGEMENTS LOCATIFS SOCIAUX : FINANCÉS - MIS EN CHANTIER - LIVRÉS
TOTAL DOM + MAYOTTE 2006-2012

Source : Ministère des Outre-mer.

Au-delà du seul secteur du logement social, le groupe de travail a constaté que la défiscalisation constitue « un instrument puissant de dynamisation du développement et de modernisation des économies ultramarines » 42 ( * ) , favorisant la naissance de filières et la valorisation des potentiels des territoires mais permettant également la réalisation de grands équipements structurants comme les câbles sous-marins.

La défiscalisation est enfin indispensable au tissu économique vivrier : 16 000 TPE et PME ont bénéficié en 2012 d'une aide pour les projets dont le montant moyen est de l'ordre de 30 000 €.

Le groupe de travail a conclu que la suppression de la défiscalisation , envisagée notamment par la Cour des comptes , aurait des conséquences catastrophiques sur des économies déjà en grande difficulté et souvent secouées par des mouvements sociaux de protestation contre le coût de la vie.

Soucieux de prendre en compte les impératifs de discipline budgétaire et d'amorcer de nouvelles avancées vers davantage de maîtrise et d'efficience, le groupe de travail a élaboré une dizaine de propositions ayant pour objectif d'optimiser l'impact de l'aide fiscale par l'amélioration des dispositifs existants mais aussi par le recours à de nouveaux dispositifs.

Ces propositions suivent une double orientation :

- pour le secteur du logement social, il s'agit de mettre à l'étude un dispositif alternatif à la défiscalisation et, dans l'immédiat, procéder à des ajustements au dispositif actuel afin d'en renforcer l'efficience ;

- pour l'ensemble des secteurs, c'est-à-dire tant pour le logement social que pour le secteur productif, il s'agit de prendre des mesures permettant d'assurer un meilleur encadrement et une plus grande efficience de l'aide fiscale .

RAPPEL DES DIX PROPOSITIONS DU GROUPE DE TRAVAIL

Proposition n° 1 :

Cinq mesures en faveur du maintien d'un soutien massif à la construction de logements sociaux :

a) L'étude, à bref délai, des modalités d'un prêt à taux zéro ou d'un prêt bonifié équivalent servi par la Caisse des dépôts et consignations pour le financement des différentes catégories de logement social et l'établissement d'une stratégie de substitution progressive aux aides fiscales actuelles ;

b) La pérennisation du mécanisme de financement mixte actuel combinant, dans des proportions variables, LBU et flux drainés par l'intermédiaire des dispositifs fiscaux de soutien à l'investissement outre-mer ;

c) Le maintien d'un plafonnement de 18 000 € de l'avantage fiscal à l'IR assorti de la prise en compte, pour le calcul de la base de réduction d'impôt, du taux de rétrocession réel et non plus du taux de rétrocession légal minimal, ce qui permet de restreindre le nombre d'investisseurs par projet et donc de faciliter la collecte tout en abaissant le montant des frais d'intermédiation ;

d) Un rehaussement de 10 points du taux légal de rétrocession qui passerait de 65 à 75 % ;

e) La réduction à 2 ans de la durée de portage afin de limiter les frais de gestion et les frais de débouclage du programme.

Proposition n° 2 :

Pour l'ensemble des secteurs, celui du logement social comme celui de l'investissement productif, déconnecter le plafond de 18 000 € d'avantage fiscal du plafond général de 10 000 € afin de restaurer les capacités de collecte de flux d'aide fiscale au soutien de l'investissement outre-mer.

Proposition n° 3 :

Évaluer la possibilité de rehausser les taux de rétrocession légaux en matière d'investissement productif.

Proposition n° 4 :

Lorsque l'entreprise qui investit produit un résultat, réserver le recours à l'aide fiscale au soutien de l'investissement productif outre-mer, l'année de réalisation de l'investissement, au financement de la portion du montant du projet excédant la capacité fiscale de l'entreprise à annuler son impôt sur les sociétés par réduction de l'assiette.

Proposition n° 5 :

Étudier, pour le secteur de l'investissement productif et les dossiers actuellement éligibles à la procédure d'agrément, la possibilité d'instituer un mécanisme de crédit d'impôt susceptible de constituer une alternative au dispositif d'aide fiscale au soutien de l'investissement productif outre-mer, le mécanisme devant offrir les mêmes garanties de réduction des coûts d'investissement pour l'exploitant ultramarin. Ce dispositif n'est susceptible de s'appliquer qu'aux grandes entreprises des DOM disposant d'un accès effectif au crédit.

Proposition n° 6 :

Élargir le champ de compétence des directions régionales des finances publiques à l'ensemble des projets d'investissement productif sous agrément d'un montant inférieur à 5 millions d'euros au lieu de 1,5 million d'euros actuellement, pour une meilleure prise en compte des priorités sectorielles territoriales et du contexte économique local, ainsi qu'une réduction des délais d'instruction.

Proposition n° 7 :

Instaurer, dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, une procédure déconcentrée d'instruction des agréments semblable à celle en vigueur dans les départements d'outre-mer.

Proposition n° 8 :

Mise en place d'un outil statistique de suivi de l'impact économique et budgétaire des dispositifs d'aide fiscale de soutien à l'investissement outre-mer et remise effective d'un rapport annuel au Parlement rendant compte de cet impact, de son évolution, et décrivant la déclinaison territoriale des fonds défiscalisés pour en vérifier la compatibilité avec les stratégies locales.

Proposition n° 9 :

Dans les départements d'outre-mer, les collectivités d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie, organiser un régime déclaratif d'encadrement de l'aide fiscale de plein droit de soutien à l'investissement outre-mer, assorti d'une obligation de dépôt de justificatifs permettant de faciliter les contrôles et faisant l'objet de sanctions dissuasives.

Proposition n° 10 :

Encadrer la profession d'intermédiaire financier en matière d'aides fiscale de soutien à l'investissement outre-mer, avec notamment la publication rapide du décret mentionné à l'article 242 septies du code général des impôts prévoyant déjà un ensemble d'obligations, dont la signature d'une charte de déontologie. Des obligations additionnelles pourraient être prescrites telles que la justification d'une garantie financière minimale délivrée par un établissement financier. Pourrait également être étudiée la création d'une profession réglementée.


* 39 Cf. engagement n° 4 pour les outre-mer : « Je maintiendrai le montant de la défiscalisation et des plafonds spécifiques pour l'outre-mer afin de préserver l'attractivité de ce dispositif essentiel pour le financement des économies ultramarines ».

* 40 Cf. avis n° 149 (2012-2013), Ibid., p. 28.

* 41 « Soutenir le logement social outre-mer : retour sur trois ans de défiscalisation », Rapport d'information n° 48 (2012-2013) fait au nom de la commission des finances sur la défiscalisation du logement social en outre-mer, MM. Georges Patient et Éric Doligé.

* 42 « L'aide fiscale à l'investissement outre-mer. Levier incontournable du développement. 10 propositions pour en optimiser l'impact », Ibid, p. 9.

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